Intervention de Seybah Dagoma

Réunion du 15 février 2017 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSeybah Dagoma, rapporteure de la mission d'information :

Au sujet des religions, je voudrais préciser que la division nord-sud n'est pas une grille de lecture vraiment pertinente, car on retrouve en réalité de très nombreux musulmans dans le sud du pays. Comme le disait Philippe Cochet, la population est très mélangée et les mariages mixtes sont fréquents. La religion n'est donc pas réellement un facteur de divisions. Une réserve toutefois : dans le nord du pays, on observe de plus en plus d'organisations non gouvernementales (ONG) dont on ne connaît pas les donneurs d'ordres. Cela répond aussi en partie à la question de Thierry Mariani. Néanmoins, pour le moment, la menace terroriste reste essentiellement extérieure.

J'insiste sur le fait que les montants que nous évoquions pour le C2D sont reversés à la Côte d'Ivoire sous forme de dons. Par ailleurs, l'AFD déploie toute la palette de ses instruments en Côte d'Ivoire, par exemple les garanties bancaires ARIZ en faveur des petites et moyennes entreprises, les prêts non souverains et, depuis récemment, les prêts souverains.

M. Terrot, vous avez raison de dire qu'il y a un paradoxe ivoirien. Les taux de croissance élevés ne se traduisent pas par une amélioration de la situation pour tout le monde. Les inégalités sociales et territoriales sont considérables. La différence est saisissante entre Abidjan et Bouaké, la deuxième ville du pays. La pauvreté reste massive : Philippe Cochet l'a dit tout à l'heure, 46% des Ivoiriens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Pourtant, les autorités ne sont pas restées les bras croisés. Depuis 2012, plusieurs mesures résolument sociales ont été adoptées : création d'une couverture maladie universelle, hausse du salaire minimum garanti, déblocage des avancements indiciaires des fonctionnaires, école gratuite et obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans… Des choses ont été faites, mais cela ne suffit pas. Les autorités ivoiriennes doivent donc persévérer dans ce sens.

M. Dufau, vous nous interrogiez sur la perception des Ivoiriens quant à l'institution prochaine d'un Sénat. Il faut préciser qu'en Côte d'Ivoire, un peu comme en France, on constate une forme de défiance des citoyens à l'encontre de la vie politique. Elle explique en partie l'abstention très forte que l'on observe lors des élections, qui résulte aussi de la consigne de boycott donnée par une partie de l'opposition. Certaines personnes ont pu critiquer la création d'un Sénat en raison des coûts supplémentaires qu'elle engendrera. Mais globalement, nous ne pouvons pas dire que nous ayons observé une opposition forte sur ce sujet au sein de la population ivoirienne.

M. Destot, je pense comme vous que l'intégration régionale de l'Afrique de l'Ouest est un sujet essentiel. Et il faut dire que, dans ce domaine, le Président Ouattara a joué un rôle très actif depuis sa prise de fonctions. Il a assuré pendant deux années consécutives la présidence de la communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), puis celle de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Il s'est aussi rapproché de son voisin ghanéen. En effet, la coopération entre la Côte d'Ivoire et le Ghana recèle un potentiel considérable ; dans le rapport, nous appelons cela « Ghanivoire ». Pour le moment, ce potentiel est très peu exploité, mais si ces deux pays travaillaient un peu plus ensemble, cela pourrait avoir un effet d'entraînement important pour la région. Cependant, de nombreux obstacles perdurent. C'est le cas de la langue, mais aussi de la monnaie : si la Côte d'Ivoire, qui fait partie de l'UEMOA, utilise le franc CFA, ce n'est pas le cas du Ghana. Sa monnaie, le Cédi, est bien plus faible que le franc CFA.

Je partage l'appréciation de Jean-Pierre Dufau, la francophonie est incontestablement un levier important en Côte d'Ivoire. Le pays accueillera d'ailleurs dans quelques mois les Jeux de la Francophonie. Les Ivoiriens sont très mobilisés dans ce domaine, comme vous l'avez souligné.

Il est vrai que la réconciliation est un processus inachevé. D'entrée de jeu, elle a été compliquée par le fait qu'une partie importante de l'opposition a refusé de participer aux mécanismes institutionnels. Cette situation perdure aujourd'hui. Nous le voyons bien en France, où la diaspora ivoirienne est très véhémente contre le pouvoir en place. Concernant la situation de Laurent Gbagbo, ce que nous pouvons dire, c'est qu'il bénéficie encore aujourd'hui du soutien actif d'un certain nombre de personnes.

M. Loncle, vous évoquiez l'Union européenne, cela me fait penser que la Côte d'Ivoire est désormais éligible, depuis quelques jours, au fonds fiduciaire d'urgence de l'Union européenne qui a vocation à traiter les « causes profondes » des migrations. En effet, il faut savoir que les Ivoiriens sont la quatrième nationalité la plus représentée parmi les migrants qui arrivent illégalement en Italie. Par ailleurs, la Côte d'Ivoire bénéficie des crédits du Fonds européen de développement (FED).

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