Je souhaite revenir un instant sur la problématique du foncier, évoquée par Jean-Pierre Dufau. La colonisation agraire a posé deux problèmes distincts, les conflits pour l'accès à la propriété foncière et les risques écologiques suscités par la déforestation. Concernant le premier aspect, nous le disions, cette question n'est pas réglée aujourd'hui et demeure une source potentielle d'affrontements. Pour déterminer les droits de propriété, il faudrait déjà qu'un cadastre soit établi, et cette seule question pose problème. Par ailleurs, les migrants continuent de traverser comme ils le souhaitent des frontières qui demeurent théoriques du point de vue des populations. Ainsi, le phénomène se poursuit et se renforce. Il y a donc une certaine urgence à trouver une forme de résolution sur le partage des droits de propriété foncière. Cela dit, c'est plus facile à dire qu'à faire. Vu de France, nous ne nous rendons pas compte de la complexité de cette question, liée à la superposition de plusieurs droits coutumiers – individuels et collectifs – sur les terres. Quand une personne a exploité une terre pendant dix, vingt ans voire plus, Il est difficile de lui faire comprendre qu'elle doit à présent la restituer.
Par ailleurs, vous avez raison de dire que la colonisation agraire comporte des risques écologiques si elle n'est pas maîtrisée. C'est un problème pour la Côte d'Ivoire, qui a perdu 75% de sa surface forestière en cinquante ans. Les autorités cherchent désormais à protéger ce qui reste de forêt. Ce n'est pas toujours facile, car la pression foncière est intense et la Côte d'Ivoire a des possibilités agraires phénoménales. Cela dit, nous avons constaté que les surfaces étaient loin d'être utilisées au maximum de leur potentiel actuellement.