La convention avec la Suisse concernant la modernisation de la ligne ferroviaire d'Annemasse à Genève, avec le projet qu'elle porte, est très attendue sur notre territoire. Il s'agit en effet de préparer le raccordement d'Annemasse à la gare de Genève-Cornavin, principale gare de Genève, comme le prévoyait déjà une convention de 1881.
Le projet transfrontalier Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse, dit CEVA, est une véritable nécessité pour notre territoire aujourd'hui, vu la très forte dynamique économique du Grand-Genève. Au troisième trimestre 2016, le nombre de frontaliers étrangers actifs dans le canton de Genève a encore augmenté de 7,5 % par rapport au trimestre correspondant de 2015. Le département de Haute-Savoie compte 89 366 actifs travaillant dans le canton de Genève et domiciliés en Haute-Savoie, soit 6 249 de plus qu'en 2015. Le nombre de permis de travail transfrontaliers – plus de 100 000 actuellement – a doublé en dix ans, entraînant une augmentation très importante des déplacements domicile-travail et une saturation du réseau routier local aux heures de pointes.
En effet, le bassin franco-genevois souffre actuellement d'un fort déficit d'infrastructures et d'offres en matière de transport en commun transfrontalier : moins de 16 % des personnes qui effectuent les 550 000 déplacements quotidiens enregistrés à la frontière du canton de Genève utilisent les transports en commun. Dans le bassin franco-genevois, l'étoile ferroviaire d'Annemasse, avec ses trois branches, représente un point clé dans l'organisation des transports en Haute-Savoie tant pour les déplacements domicile-travail que les loisirs. Actuellement, cette étoile ferroviaire est très peu tournée vers la Suisse, car la gare d'Annemasse n'est pas connectée à la gare principale de Genève, est reliée par des dessertes peu nombreuses à la gare de Genève-Eaux-Vives, excentrée et n'offre pas de correspondances.
Le projet CEVA répond ainsi à des besoins urgents sur le territoire : assumer la forte croissance de Genève et anticiper son développement ; résoudre, par la connexion de la ligne aux autres moyens de transport publics, une partie des problèmes de trafic et de congestion ; assurer une meilleure attractivité au canton de Genève et au département de la Haute-Savoie.
Le projet CEVA consiste à assurer la liaison ferroviaire manquante entre la Praille et Genève-Eaux-Vives, ainsi que la liaison péri-urbaine avec Annemasse. Cette nouvelle liaison doit permettre la circulation en heure de pointe de six trains par sens entre Annemasse et Genève. Côté français, dans la continuité du CEVA, le RER franco-valdo-genevois viendra renforcer l'offre autour de l'étoile ferroviaire d'Annemasse.
Le CEVA va ainsi s'imposer comme la colonne vertébrale d'une ambition plus globale de transport collectif avec un report modal vers des bus à haut niveau de service, des tramways et des projets de co-voiturage. L'objectif est d'inscrire le territoire dans une vision de mobilité douce, avec un objectif de développement durable, pour désengorger le trafic. Le transport ferroviaire est en effet par nature peu polluant et constitue une alternative efficace aux transports individuels motorisés. S'y ajoute le passage en souterrain des anciennes voies sur le tronçon Eaux-Vives-Foron, qui supprime les nuisances sonores existantes pour les riverains. Le projet comprend également l'aménagement d'une voie verte, dédiée à tous les moyens de locomotion non motorisés et aux loisirs. Ces quatre kilomètres sont jalonnés d'espaces verts à fort potentiel écologique, créant ainsi un véritable couloir biologique au coeur de Genève.
Avec une interconnexion de 230 kilomètres de lignes et de plus de 40 gares dans un rayon de 60 kilomètres autour de Genève, le CEVA mettra en place un système de transport cadencé, rapide, fluidifié et concurrentiel à la voiture : le report de la route sur le train est évalué à environ 5 000 personnes par jour à la mise en service, dont 3 500 sur les relations avec Genève et 1 500 sur les relations franco-françaises ; les voyageurs suisses et français gagneront en temps de transport, avec un trajet de 20 minutes prévu entre Annemasse et Genève-Cornavin, et en fréquence de transport, avec un train toutes les 10 minutes. Ce projet devrait ainsi permettre d'accroître le trafic transfrontalier de plus de 170 % et de 87 % sur les relations franco-françaises : le trafic journalier sur l'ensemble des origines-destinations devrait passer de 5 400 à 13 000 voyageurs à l'achèvement du projet. Grâce aux systèmes de correspondances et à la coordination des horaires, le RER sera pleinement intégré dans les réseaux nationaux et internationaux franco-suisses.
Le CEVA est aussi porteur d'un symbole fort : c'est le trait d'union entre deux rives, deux cantons et deux pays. C'est un marqueur de la coopération transfrontalière entre la France et la Suisse. La ligne permettra de gommer l'effet frontière dans les déplacements entre Genève et la Haute-Savoie et ainsi de proposer une offre pour les voyageurs « type RER » pour le Grand-Genève et ses régions limitrophes, baptisée Léman Express. Elle représente 16 kilomètres de ligne entre Genève et Annemasse, dont 2 kilomètres de voie nouvelle côté français, et des opérations de modernisation sur toute la Haute-Savoie.
En conséquence, les temps de parcours franco-suisses seront optimisés et fiables, avec une fréquence de passages augmentée, et les voyageurs devront se munir d'un seul billet pour une tarification simplifiée. Les liaisons interrégionales seront également plus performantes vers Lausanne, Annecy ou Lyon. Enfin, la ligne contribuera plus largement à la dynamisation du Genevois, en facilitant l'accès aux entreprises, aux commerces et aux services situés sur son parcours et à proximité.
Le CEVA est le résultat d'un cofinancement franco-suisse des 234,2 millions d'euros d'investissements nécessaires à la réalisation de la ligne. Le projet, sous maîtrise d'ouvrage SNCF, est porté et financé par treize partenaires : le département de la Haute-Savoie, premier financeur français sur l'infrastructure, la région Rhône-Alpes, SNCF Réseau, l'État français, l'Office fédéral des transports, l'agglomération d'Annemasse, le Syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais (SIAC), l'Union européenne et les collectivités locales (les communautés de communes Cluses, Arve et Montagnes, Pays du Mont-Blanc, Faucigny Glières, Arve et Salève et Pays rochois).
L'ensemble des travaux du projet CEVA devraient être achevés fin 2018, côté français, et fin 2019, côté suisse, pour une mise en service en 2020, en espérant que quelques recours déposés côté suisse ne retardent pas ces échéances.
C'est un moment historique pour nos deux pays, et, avec les élus locaux des deux côtés de la frontière, nous ne cachons pas notre émotion de voir enfin mis en oeuvre un projet prévu depuis 1881 !