La résolution que nous vous proposons d'examiner aujourd'hui s'inscrit dans notre action de longue date en faveur d'un cinéma européen vivant, divers et partagé.
Nous avons en effet décidé de reprendre le flambeau après notre première résolution européenne de 2013, à une époque où les enjeux étaient avant tout de faire respecter la vision française du financement culturel ainsi que la place de la culture dans les échanges commerciaux internationaux.
Le cinéma européen et la politique de financement de ce dernier constituent, pour vos rapporteurs, non seulement un « supplément d'âme » qui fait de l'Union européenne un ensemble politique susceptible de forger un sentiment d'appartenance commun mais aussi un secteur économique à part entière, qui plus est, à forte valeur ajoutée.
Ce cinéma, dont la France peut s'enorgueillir d'être l'un des chefs de file, présente de nombreux signes de vitalité. La fréquentation record des salles, la production de plus de 1500 films et la conservation d'une place à part dans le marché mondial du septième art sont autant de raisons de se réjouir.
Cette situation n'est pas le fruit du hasard, mais le résultat d'une politique nationale volontariste, ainsi que d'une politique européenne de soutien aux projets cinématographiques et audiovisuels incarnée dans le programme MEDIA.
Complémentaire des financements nationaux, ce dispositif, dont on a fêté récemment les 25 ans, présente l'avantage de viser des aspects de la chaîne de production méconnus, ainsi que des actions d'éducation à l'image ou de développement des audiences propices à satisfaire son objectif principal : faciliter la circulation transnationale des oeuvres en Europe.
Voilà en effet, et aujourd'hui peut-être plus encore que jamais, un beau projet afin de contribuer au dialogue des cultures nationales, sans pour autant les uniformiser. Les coproductions, notamment, domaine dans lequel la France demeure un leader, sont autant de moyens de mutualiser les moyens entre producteurs et de faire découvrir à chaque public des films non-nationaux.
Pourtant, si l'heure du bilan, pour un programme désormais intégré dans « Europe Créative » et dont la période d'exercice court jusqu'à 2020, n'est pas venue, des symptômes relatifs à son évolution, et par métonymie, à celle du cinéma européen, ont motivé le présent rapport.
Du côté des inquiétudes d'abord, vos rapporteurs estiment que les menaces qui pèsent sur le budget du programme, y compris lors des négociations annuelles, ne devraient pas avoir lieu d'être. La valeur ajoutée économique et culturelle de MEDIA n'est plus à prouver, comme en témoignent les nombreuses récompenses des films soutenus à divers festivals internationaux.
Par ailleurs, les modalités actuelles de rééquilibrage des conditions de concurrence entre les cinématographies nationales, au profit des nouveaux États membres, si elle n'est pas condamnable en soi, entraînent de trop grandes difficultés pour les projets isolés issus de pays à grande capacité de production. Nous estimons que la politique en faveur des cinématographies nationales fragiles ne doit pas se faire aux dépends des secteurs fragiles de cinématographies nationales au demeurant solides, et notamment les projets de développement isolé.
Enfin, la forte concurrence induite par l'augmentation du nombre de projets candidats à un soutien de MEDIA conduit à disqualifier des oeuvres solides, ce qui renforce l'incompréhension entre les bureaux chargés de la mise en oeuvre du programme et les acteurs des filières cinématographique et audiovisuelle.
Du côté des espoirs, par ailleurs, la validité du soutien des salles, et notamment du réseau « art et essai », conserve toute sa pertinence. Ces lieux de partage d'expériences esthétiques en commun façonnent une démocratie culturelle qui structure tous les territoires, et gagneraient à s'étendre aux États membres qui demeurent privés d'un réseau suffisamment étoffé. Il s'agit là également d'un moyen crucial de favoriser l'ouverture aux cinématographies européennes non nationales.
Par ailleurs, la mise en place d'une Garantie financière appuyée sur le Fonds Européen d'Investissement (FEI) pour les économies des secteurs culturels et créatifs répond de manière adéquate aux besoins d'accès au crédit d'entreprises souvent fragiles, dans un contexte économique particulier où les retours sur investissement demeurent rares et lents.
En troisième lieu, vos rapporteurs ont eu l'occasion de partager avec les personnes auditionnées l'intérêt qu'il y aurait à orienter les crédits du programme vers l'exportation des films européens au-delà des frontières continentales, pour répondre à la demande croissante de marchés émergents, avides d'un cinéma divers. Le rayonnement du modèle européen demeure relativement modeste par rapport à son potentiel. Alors que le sous-programme MEDIA Mundus, destiné à faciliter l'exportation des films européens, a disparu, des initiatives nationales, portées haut notamment par la France, demeurent pour exporter les oeuvres de chaque État membre, voire les réseaux art et essai. Elles ne demandent qu'à être confortées à l'échelon européen.
Du côté des perspectives, enfin, l'évolution du programme MEDIA ne se fait pas à cadre juridique constant. Les propositions législatives récentes de la Commission européenne, et notamment la proposition de réforme de la directive « Service de médias audiovisuels », ou SMA, ont amené vos rapporteurs à évaluer la pertinence de l'environnement actuel.
Ils ont ainsi pu réaffirmer leur attachement au principe de territorialité, clé de voûte du financement des créations culturelles. La remise en cause de celui-ci, y compris par les règles de la concurrence, aboutirait uniquement à l'uniformisation de la culture au nom de la satisfaction immédiate des consommateurs.
D'ailleurs cette mise en concurrence n'aurait pas au plan économique les vertus que certains y voient : les habitudes culturelles, la diversité linguistique, et la nature même de marchés plus segmentés, font que le soutien est une condition de la possible concurrence et non un facteur de restriction.
Vos rapporteurs ne souscrivent donc pas à un raisonnement à aussi courte vue.
Ils ont été également conduits à évaluer la validité de la chronologie des médias, au regard des nouvelles formes de distribution digitale qui se développent actuellement sur le continent. Si la prééminence de la salle doit être conservée, les expérimentations de sortie simultanée en salle et sur les plateformes de vidéo à la demande dans d'autres États membres peuvent et doivent nourrir les réflexions quant aux moyens de lutter contre la saturation des écrans européens. Ils ont estimé que la proposition de quotas d'oeuvres européennes au sein des catalogues de vidéo à la demande opérant sur le continent allait dans le bon sens, même si la proposition initiale de la Commission mérite d'être revue à la hausse.
Ces recommandations et ces réflexions ouvrent le champ des possibles pour la deuxième moitié de mandature de la Commission et du Parlement européen. Les tables rondes conclusives ont attesté de la vitalité des échanges possibles avec les acteurs du secteur, toujours partisans d'un cinéma européen divers, véhicule du dialogue des cultures nationales et contributeur de valeur économique et culturelle.