La déstabilisation du Mali et de l'ensemble de la région a eu de nombreuses conséquences sur la Stratégie européenne au Sahel, à commencer par le lancement de deux missions PSDC – EUTM Mali et EUCAP Sahel Mali – sur lesquelles nous reviendrons évidemment longuement.
Ces deux missions symbolisent la réorientation de la Stratégie européenne vers le renforcement de la sécurité dans la région, considérée désormais comme une frontière avancée de l'Union, tout en faisant enfin le lien entre la sécurité et le développement. En effet, prenant en compte les nouveaux risques liés à la chute du régime libyen, aux rébellions dans le nord du Mali et à la montée en puissance de Daesh, le Plan d'action régional (PAR) en faveur du Sahel adopté par le Conseil le 20 avril 2015 a défini « une série d'actions prioritaires » qui visent, toutes, à renforcer la sécurité dans la région et, au-delà, celle de l'Union européenne :
– actions de prévention et de lutte contre la radicalisation ;
– série d'actions ayant largement le même objectif de prévention et de lutte contre la radicalisation mais centrées sur la jeunesse ;
– actions en lien avec le phénomène des migrations ;
– actions visant à une meilleure gestion des frontières et à la lutte contre les trafics et le crime organisé ;
On peut toutefois regretter que ce Plan, pas plus que la Stratégie elle-même, ne fasse mention de l'explosion démographique que connaissent ces pays ni des moyens à mettre en oeuvre pour la contrôler, alors même qu'elle est l'une des causes majeures des migrations, de la pauvreté et du terrorisme.
En outre, ce Plan d'action régional ne concerne plus seulement les trois pays clés identifié dans la Stratégie de 2011. En effet, cette dernière a été, dès mars 2014, à la demande du Conseil, élargie au Tchad et au Burkina-Faso.
L'Union européenne s'est également efforcée de donner plus de cohérence à la mise en oeuvre de cette Stratégie qui, on le rappelle, repose sur la mobilisation de l'ensemble des instruments à disposition de l'Union européenne, lesquels relèvent d'organes différents ayant chacun leurs propres procédures, culture et priorités. En outre, cette coordination est, en l'espèce, compliquée par le fait que les États-membres peuvent avoir leur propre stratégie pour le Sahel, sans parler des stratégies mises en oeuvre par les autres États et par les différentes organisations internationales, en particulier l'ONU. Au niveau international, 16 stratégies différentes pour la stabilisation du Sahel ont été recensées.
Il faut donc se féliciter de la nomination, dès mars 2013, d'un Représentant spécial de l'Union européenne pour le Sahel (RSUE), chargé de mettre en cohérence de l'action de l'Union grâce à la vision globale qu'il a de celle-ci. Le rôle du RSUE est aussi éminemment politique en ce qu'il donne un « visage » à la politique européenne au Sahel et constitue un signal du volontarisme de l'UE pour la sécurité et le développement de la région.
Enfin, si la coordination au sein de l'Union européenne est fondamentale, la Stratégie en faveur du développement et de la sécurité du Sahel ne pourra être efficacement mise en oeuvre et atteindre ses objectifs si elle n'implique pas les États du Sahel eux-mêmes. C'est nécessaire parce que les actions de l'Union s'inscrivent directement dans leur territoire, en particulier les opérations EUTM Mali, EUCAP Sahel Mali et EUCAP Sahel Niger, mais également parce que ces pays font face aux mêmes types de menaces qui sont largement transfrontalières.
Dans ces conditions, la lutte contre le terrorisme et les trafics, la sécurisation des frontières et la gestion des migrations ne pourront être efficaces si les États du Sahel ne coopèrent pas entre eux, avec cette difficulté supplémentaire que la notion de frontières est plus floue dans une région marquée par le nomadisme.
C'est pourquoi il faut se réjouir de la création en 2014 du G5 Sahel, qui regroupe les cinq États de la Bande saharo-sahélienne que sont la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Il constitue désormais le cadre de leur coopération dans le domaine de la sécurité et l'interlocuteur privilégié de l'Union européenne qui le soutient politiquement, matériellement et financièrement, notamment par l'intermédiaire des missions EUTM et EUCAP.