Intervention de Joaquim Pueyo

Réunion du 14 février 2017 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo, co-rapporteur :

M. Yves Fromion l'a évoqué, l'un des sujets majeurs pour l'armée malienne est celui de l'équipement et l'une des demandes récurrentes du Mali comme des autres États de la région est d'obtenir les équipements militaires nécessaires pour faire ce que l'Union européenne veut qu'ils fassent : faire la guerre aux groupes terroristes et contrôler leurs frontières.

Or, l'article 41§2 du Traité sur l'Union européenne stipule que « les dépenses opérationnelles entraînées par la mise en oeuvre [de la PESC] sont également à la charge du budget de l'Union, à l'exception des dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense ». Par conséquent, toute dépense, dès lors qu'elle a un objet militaire et même si elle s'intègre dans le cadre de la PSDC, ne peut être prise en charge par l'Union européenne. Cette interdiction a, de plus, été strictement interprétée par le Service juridique de la Commission.

Ce blocage juridique a des conséquences fâcheuses pour une mission comme EUTM Mali dont l'une des composantes essentielles est la formation de militaires maliens. Or, pour entraîner convenablement ces hommes au combat, encore faut-il qu'ils disposent d'uniformes et de gilets pare-balles, de véhicules et de moyens de transmission et, surtout, d'armes et de munitions. Or, ces dernières ne peuvent évidemment pas être prises en charge par EUTM Mali, qui ne les fournit donc pas à ses recrues.

L'armée malienne n'ayant pas les moyens de les acheter, ce sont les États-membres, notamment l'Allemagne et la Croatie, qui les fournissent. Or ces dons, s'ils doivent être salués, posent d'autres difficultés : non seulement les armes peuvent être disparates, mais ce ne sont pas forcément celles dont les recrues d'EUTM Mali useront une fois de retour dans l'armée malienne.

Consciente de l'absurdité d'un tel blocage juridique comme de l'impact désastreux de celui-ci à la fois sur l'efficacité de l'action de l'Union européenne et sur son image dans la région, la Commission européenne a évolué sur cette question de la prise en charge des dépenses militaires. En effet, le 5 juillet dernier, elle a présenté une proposition de règlement qui donne une nouvelle base légale au financement du renforcement des capacités militaires dans les pays tiers en le rattachant à la politique de développement. Elle tire ainsi les conséquences juridiques du lien maintenant établi entre sécurité et développement, lien qui fait de la sécurité une condition de l'efficacité de l'aide au développement

Les dépenses ayant un objet militaire pourront donc, sous certaines conditions, être prises en charge par le budget européen mais les dépenses les plus spécifiquement militaires et, plus notamment, les équipements létaux, seront exclus. Or, ce sont précisément les armes et les munitions qui font défaut à une mission comme EUTM Mali, comme à l'armée malienne elle-même. Cette limite est de nature à amoindrir la portée de la proposition mais sans doute n'était-il pas possible, juridiquement, d'aller au-delà de ce qu'a proposé la Commission européenne.

Maintenant, cette proposition de règlement doit être adoptée par le Conseil qui est pour le moins divisé sur la question de la prise en charge des dépenses militaires par l'Union européenne. Lors de notre déplacement à Bruxelles, nous avons pris la mesure des réticences idéologiques de certains États-membres, en particulier du Nord, vis-à-vis de la chose militaire. Elles augurent de discussions compliquées au Conseil sur cette proposition de règlement, alors même que la dégradation récente du contexte sécuritaire au Mali exige une décision rapide.

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