Intervention de Yves Fromion

Réunion du 14 février 2017 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion, co-rapporteur :

Pour conclure, je voudrais présenter deux des enjeux actuels des missions EUTM et EUCAP, à savoir la décentralisation et la régionalisation, et faire un point sur la contribution européenne à l'opération Barkhane.

Pendant ses deux premiers mandats, EUTM Mali s'est concentrée sur la formation de GTIA dans son quartier général de Koulikoro, non loin de Bamako. Cependant, maintenant que l'objectif de la mission est le renforcement des capacités de commandement et la formation des formateurs, sans parler de – je cite – « la contribution au processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration » des rebelles Touaregs, faire venir ces derniers ainsi que les officiers et sous-officiers à Koulikoro, loin de leurs troupes et de leurs terres, n'a pas semblé pertinent ni efficace. Bien au contraire, il fallait qu'EUTM Mali sorte de son quartier général et vienne à eux. Le même constat a été fait par la mission EUCAP qui, elle aussi, a entrepris de décentraliser ses formations.

Cependant, si des actions décentralisées ont bien été menées en 2016, elles l'ont été très loin du Nord. En effet, les pays contributeurs, à commencer par l'Allemagne, ont fait de la sécurité de leurs nationaux une priorité. Ils n'ont ainsi accepté de contribuer à ces missions qu'à la condition que les formations soient organisées exclusivement dans des zones sûres, c'est-à-dire à Bamako et dans le Sud du Mali, à l'exclusion donc du Centre et du Nord exposés à la menace terroriste. L'objectif d'intégration des Touaregs, pour ne citer que celui-ci, apparaît dès lors largement hors d'atteinte.

L'autre enjeu est celui de la régionalisation. En effet, tant EUCAP qu'EUTM doivent désormais soutenir le G5 Sahel en contribuant à renforcer la coordination et l'interopérabilité de leurs forces. On l'a dit, ces pays font face aux mêmes menaces et ont tous besoin de l'expertise européenne en matière de sécurisation des frontières, laquelle permet à la fois de lutter contre les migrations et le terrorisme. La régionalisation des missions européennes répond donc à la fois aux besoins des pays de la région mais aussi à ceux de l'Union européenne.

En pratique, cette régionalisation a pris la forme de formations à destination d'une vingtaine d'officiers de liaison des armées malienne, nigérienne, tchadienne, burkinabaise et mauritanienne. Pour la petite histoire, l'Union européenne a refusé de financer les 50 000 euros que coûtaient ces formations, arguant de leur objet militaire. C'est l'Allemagne et la Belgique qui l'ont pris en charge.

Toutefois, les pays du G5 n'ont pas fait mystère qu'ils attendent plus de l'Union européenne. Plus précisément, ils souhaitent que des missions EUTM et EUCAP, après le Mali et le Niger, soient également lancées dans les autres pays de la région et, surtout, que l'Union européenne leur fournisse, au-delà de la formation, les équipements nécessaires à leur armée et à leurs forces de sécurité sur le terrain. Malheureusement, une telle extension des missions PSDC n'est pas à l'ordre du jour ; quant à l'adoption de la proposition de règlement précitée permettant le financement, dans une certaine mesure, de dépenses militaires, elle est encore loin d'être acquise.

Enfin, je voudrais dire un mot de la contribution européenne à l'opération Barkhane. Je suggère que la France prenne une nouvelle initiative. On ne peut en effet se satisfaire des contradictions dans lesquelles se complaît l'Union qui fait de grandes déclarations sur les conditions de sa sécurité mais se refuse à en assumer le coût financier.

À l'instar de l'initiative du Premier ministre britannique Margaret Thatcher, qui a exigé et obtenu une diminution de la contribution de son pays au budget européen, la France devrait demander une réduction de sa propre contribution en contrepartie des dépenses qu'elle consent pour la sécurité de l'Union européenne, contournant ainsi l'obstacle qu'est la non-prise en charge des dépenses militaires dans le budget européen.

Je conçois qu'une telle proposition n'est pas simple mais elle présente l'avantage de ne pas nécessiter de révision du Traité de Lisbonne.

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