Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le disait Condorcet, « il n’y a pas de démocratie du pouvoir sans démocratie du savoir ». La science appartient à tous. Faire connaître et partager les cultures scientifique, technique et industrielle – les CSTI – est le fondement d’une société démocratique. Le partage des savoirs répond ainsi à deux objectifs, la démocratisation de l’accès au savoir et l’impératif d’excellence des systèmes d’éducation et de recherche.
Les CSTI concernent plusieurs publics : les scolaires et les étudiants, les parents, les enseignants, les citoyens, les médias, les acteurs sociaux de quartier, et les décideurs politiques et économiques. Les musées, les associations comme les Petits Débrouillards, Planète Sciences, le Collectif interassociatif pour la réalisation d’activités scientifiques et techniques internationales – CIRASTI – ou le réseau national, l’AMCSTI, qui regroupe plus de 200 acteurs de la culture scientifique, se sont imposés comme des acteurs majeurs des CSTI. Ils contribuent à la cohésion sociale en intervenant dans les quartiers défavorisés, comme c’est le cas de Planète Sciences.
Aujourd’hui, la démocratisation de l’enseignement est un fait incontestable. Grâce à internet, le public n’a jamais disposé d’autant d’informations aussi rapidement. Quant aux MOOC – massive open online courses –, ils touchent plusieurs millions d’étudiants. Avec la révolution numérique, le public a la possibilité et le sentiment de participer à l’élaboration du savoir. Pour autant, les études les plus récentes dressent un constat sévère qui montre, à travers divers exemples, que la démocratisation de l’enseignement n’a que peu entraîné la démocratisation de l’accès au savoir.
La France est l’un des pays de l’OCDE où le milieu social exerce la plus grande influence sur le niveau scolaire des enfants. Certes, on note des orientations positives encourageantes, mais il n’en faut pas moins poursuivre des réformes indispensables à la réussite de la politique de réduction des inégalités. Comment faire en sorte que chacun, quelle que soit son origine sociale, ait la possibilité de choisir son parcours professionnel ? Comment faire en sorte que tous les citoyens, quels que soient leur territoire de vie, leur niveau d’études, puissent comprendre les enjeux scientifiques contemporains qui font débat et puissent eux-mêmes participer au débat ?
Et comment remédier à la sous-représentation des femmes dans les études et les carrières scientifiques ? Une éducation et une société qui assignent des rôles à chaque sexe destinent les filles et les garçons à des avenirs différents. L’égalité entre les filles et les garçons doit être vue comme un objectif prioritaire des CSTI, car c’est aussi une question de performance économique, avec un effet positif sur la santé des entreprises et la croissance.
Un objectif majeur que se fixent les CSTI est celui de l’efficacité du système éducatif et de recherche, en luttant contre l’échec scolaire et universitaire et en promouvant la formation tout au long de la vie. À travers l’introduction de l’expérimentation dans l’enseignement des sciences, dont La main à la pâte a été l’exemple emblématique, l’éducation nationale s’est ouverte davantage sur l’extérieur. Mais des mesures complémentaires s’imposent. Que ce soit dans la formation initiale et continue des enseignants ou à tous les niveaux d’enseignement, il faut inscrire une pédagogie des CSTI.
Par ailleurs, on déplore que soit appelée scientifique une filière de baccalauréat qui ne l’est pas vraiment. Elle n’est que celle de la sélection des meilleurs élèves, puisque seuls 44 % des bacheliers S poursuivent une formation scientifique. Une telle situation est contreproductive en termes de diffusion des CSTI.
Une autre voie visant à la démocratisation du savoir est l’instauration d’un dialogue durable et confiant entre la science et la société. Le programme-cadre européen, Horizon 2020, propose d’ailleurs un programme intitulé « Science avec et pour la société ». Les chercheurs y ont bien sûr un rôle majeur à jouer, en développant des actions de médiation qui doivent être valorisées dans leur carrière. Il faut donc non seulement informer nos concitoyens, mais les consulter, les impliquer. C’est la clé de la réussite du partage des savoirs.
Concernant les médias, on ne peut que regretter que la science et la technologie en soient les parents pauvres, en particulier à la télévision. « La culture scientifique est un antidote contre un empoisonnement lent et insidieux de notre société que sont les croyances », écrivait Jean-Claude Pecker. La propension des médias au sensationnalisme n’est pas de nature à inciter le public à une approche rationnelle. Parce que la science est considérée comme un sujet complexe comprise par les seuls scientifiques, ils pensent que seul l’événement spectaculaire est susceptible de retenir l’attention du public, ce qui amène parfois une communication trompeuse autour des résultats.
Il faut aussi mieux former les décideurs, qu’ils soient économiques, cadres de l’administration ou responsables politiques. Ainsi, par exemple, il faudrait sensibiliser davantage les parlementaires aux enjeux scientifiques, éthiques et juridiques de la recherche. L’OPECST s’y emploie.
En termes de gouvernance, ce sont désormais les régions qui coordonnent les initiatives territoriales. Mais les acteurs de terrain, tout en approuvant leur rôle croissant dans les centres de culture scientifique, technique et industrielle, les CCSTI, souhaiteraient qu’il y ait un État stratège. Par ailleurs, il est important d’impliquer les collectivités locales au travers des nouvelles activités périscolaires, les NAP, liées aux CSTI, ou dans l’administration des maisons des sciences.
Le Conseil national de la culture scientifique et technique, dont je suis membre, va remettre très prochainement aux ministres de la culture et de l’enseignement supérieur et de la recherche une proposition de stratégie nationale des CSTI, partie intégrante de la stratégie nationale de recherche.
« Le vrai pouvoir, c’est la connaissance », disait Francis Bacon. La connaissance est toujours en mouvement, toujours en recherche de progrès, et la science n’est rien sans le partage avec les autres. Faire connaître et faire partager les cultures scientifique, technique et industrielle constitue donc un objectif politique majeur de cohésion sociale.
Le 23/02/2017 à 09:26, Laïc1 a dit :
Je connais plein de gens qui ont beaucoup de connaissances, et qui n'ont pas un gramme de pouvoir. Car le système n'est pas démocratique, la parole citoyenne est tue, seule l'oligarchie a droit à la parole officielle, et la parole de l'oligarchie sert de vérité scientifique, à laquelle le citoyen ne saurait s'opposer.
Le 23/02/2017 à 09:21, Laïc1 a dit :
« Le vrai pouvoir, c’est la connaissance », disait Francis Bacon
C'est une opinion qui n'est pas étayée scientifiquement...
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