L’avènement du cerveau humain s’est traduit par une accélération du progrès, une intention et une réflexion fondée sur des raisonnements scientifiques.
Au cours des trois derniers siècles, les avancées ont été considérables dans des domaines multiples. Récemment, l’homme a décidé d’ajouter une dimension supplémentaire à la recherche scientifique : la préservation et l’amélioration de l’environnement et de l’écosystème présent sur la Terre. Je dis bien qu’il s’agit d’une recherche supplémentaire, qui ne se substitue pas à d’autres domaines de la science.
Nul ne peut douter que la capacité d’un pays à sortir d’une crise, à relever des défis nouveaux et à acquérir dans le futur une place prééminente dans le concert des nations dépend en partie de son engagement dans les sciences, dans la recherche et dans l’innovation. Louis Pasteur disait que « la science n’a pas de patrie », mais il est non moins vrai qu’une patrie ne peut prétendre à un avenir positif que si elle développe des activités scientifiques.
Or, en France comme dans plusieurs autres pays, cet objectif se heurte à une relative désaffection du progrès et des carrières scientifiques.
Les causes de ce désintérêt sont multiples. Premièrement, certains scientistes de la fin du XlXe siècle prétendaient que la science apporterait une solution à tous les problèmes et le bonheur de l’humanité, ce qui n’a pu que nourrir des déceptions et des réactions exagérément antagonistes.
Deuxièmement, la confusion très regrettable entre, d’une part, savoir ou connaissances et, d’autre part, croyances ou opinions n’a jamais été suffisamment dissipée.
Troisièmement, un amalgame coupable a été entretenu entre la science et ses applications : parce que l’introduction de certaines innovations s’est révélée néfaste, la connaissance d’amont elle-même a été remise en question. Rappelons, avec Henri Poincaré, qu’il ne peut pas y avoir de science immorale ; mais ajoutons aussitôt que certaines applications de cette science peuvent, elles, s’avérer immorales ou maléfiques.
Quatrièmement enfin, trop peu de responsables ont eu à coeur de maintenir un intérêt, une connaissance et un appétit pour les sciences, dans tous les secteurs de notre société et à tous les âges.
Sans réaction de notre part, la France stagnerait gravement et durablement, tandis que de nombreux pays nous doubleraient dans maints domaines. Il est temps de prendre des mesures efficaces et vigoureuses, du type de celles décrites dans ces excellentes propositions de résolution.
Les plus brillants de nos étudiants et étudiantes peuvent retrouver le chemin des formations scientifiques s’ils ont été motivés dès l’école. Le bonheur de la découverte et la noblesse d’une contribution au progrès de l’humanité sont des sentiments susceptibles d’être transmis à l’école, au collège, dans les familles, les associations. Le compagnonnage fait toucher du doigt ces épanouissements quand un lycéen effectue un stage dans un laboratoire de recherche. Qu’attendons-nous pour délivrer à nos jeunes des messages gratifiants sur la place et l’importance du chercheur dans notre société ? Quel meilleur sens donner à sa vie quand on a dix-sept ans que d’embrasser une profession consacrée à l’amélioration des connaissances et des modes de vie ?
Bien sûr, ce discours renouvelé n’atteindra ses objectifs que si nous parvenons à revaloriser les carrières des chercheurs, en conformité avec ce qui prévaut dans les pays comparables au nôtre. Une évaluation, année après année, de l’attractivité des carrières scientifiques et de l’amélioration de leur déroulement est naturellement indispensable. De plus, le rôle des médias et des réseaux sociaux dans cette opération de « reconquête » ne doit pas être négligé.
Enfin, rien ne se fera dans la durée si les plus hauts responsables de l’administration n’ont pas eux-mêmes eu, au moins très transitoirement, une formation par la recherche. Je suggère ainsi que l’ensemble des grandes écoles – dont l’ENA – et des grandes universités, intègrent dans leur programme, quel que soit le cursus, quelques éléments sur la démarche scientifique, le processus de l’innovation, la réflexion scientifique.
Cette formation ne peut qu’accroître la rigueur et la rationalité de la réflexion de chacun. Surtout, cela apportera à tous les futurs responsables un éclairage utile sur le fonctionnement des recherches fondamentales et appliquées, sur la part de liberté nécessaire, sur le dialogue présidant à certains choix d’orientation, sur l’éthique à respecter dans les moyens de la recherche et dans ses applications.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis très favorable aux propositions de résolution sur les sciences et le progrès dans la République, et j’espère que nos institutions auront de plus en plus souvent recours aux compétences de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques pour éclairer les décisions dans ce domaine.