Intervention de Jean-Sébastien Vialatte

Séance en hémicycle du 21 février 2017 à 21h30
Sciences et progrès dans la république française — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Sébastien Vialatte :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les avancées scientifiques ou technologiques fascinent. Une véritable gourmandise scientifique et technologique s’est emparée de nos contemporains. En même temps, ces progrès rapides suscitent des craintes, des angoisses, voire des rejets.

S’il y eut dans le passé, notamment au début du XXe siècle, une grande confiance dans la science apprivoisant la nature et la transformant au bénéfice de l’humanité, l’accélération des avancées scientifiques et technologiques a engendré dans la société une forte ambivalence. Le savoir scientifique est admiré, mais les progrès qu’il permet courent le risque de provoquer la méfiance, parfois même de susciter les peurs en cristallisant des angoisses diverses, car la science et ses avancées font débat et sont contestées par de nouvelles formes d’obscurantisme fondées sur le rejet du progrès, mais aussi – et c’est plus récent – sur celui de toutes les valeurs du siècle des Lumières.

Nous vivons une période paradoxale et inquiétante, car jamais la diffusion de l’information, qu’elle soit vraie ou fausse, n’a été aussi rapide. Toute catastrophe naturelle, toute épidémie est connue dans l’instant de toute la planète, mais, dans le même temps, leurs causes ou leurs conséquences objectives peuvent être ignorées, voire niées de manière péremptoire, sans débats, par des idéologues peu soucieux de vérité scientifique.

Les scientifiques ne peuvent pas travailler dans leur laboratoire en oubliant ce qui se passe à l’extérieur. Ils sont dans le monde et dans l’époque. On leur demande d’expliquer leur démarche, d’exposer les résultats de leurs recherches, de combattre les préjugés, de tenir compte de l’éthique comme de la déontologie, d’éviter de susciter de vains espoirs. Le moindre faux pas, la moindre controverse suscitent une grande méfiance, voire une défiance largement amplifiée par internet.

Il est vrai que certains scandales sanitaires et environnementaux ont ravivé la défiance de nos contemporains, ce qui montre la nécessité d’un dialogue ouvert entre les institutions scientifiques et les citoyens. Il ne s’agit nullement de défendre, dans une démarche scientiste, les excès ou les graves erreurs et mensonges de chercheurs ou d’entreprises dévoyés.

L’utilisation des OGM, des nanotechnologies, le recours à la biologie de synthèse, le séquençage génétique à haut débit, le stockage des données, la convergence des technologies, le stockage des déchets nucléaires, l’implantation d’antennes relais, mais aussi les politiques vaccinales, les politiques de lutte contre les polluants, la réalité du changement climatique suscitent d’âpres discussions, révélatrices d’un débat plus général et plus ample sur les relations entre la science et les citoyens.

À l’heure où notre société est structurée, façonnée par les apports de la science, nous devons lutter contre une méfiance irraisonnée envers le progrès scientifique. Or l’accélération de la mondialisation entraîne deux phénomènes : une demande et une attente d’innovations. Les avancées scientifiques apparaissent de plus en plus vite, elles sont très vite médiatisées, ce qui raccourcit le temps consacré à la réflexion pour définir le sens du progrès réalisé et, surtout, ses conséquences. Tout va trop vite : la technique est mise en oeuvre avant même que l’on ait pu réfléchir à son impact, ce qui nourrit cette défiance qu’il convient de combattre en informant vite et mieux.

« Nous vivons dans un temps où les moyens sont d’une grande perfection, les buts d’une grande confusion », expliquait déjà Einstein. Ce constat prémonitoire reste d’une grande actualité. Savoir qui décide de quoi, comment se fait l’articulation entre les citoyens, les scientifiques et les politiques devient un enjeu primordial.

C’est pourquoi il est urgent de renforcer la cohérence des politiques scientifiques, de défendre la culture scientifique, de permettre à chacun d’être mieux formé et informé, d’animer des débats citoyens: il y va des fondements de notre démocratie, d’une lutte commune contre l’obscurantisme et le sectarisme. Mettre en place et surtout renforcer en amont les structures appropriées pour assurer la diffusion de la culture scientifique et des innovations, en permettre l’accès équitable, comme le proposent ces résolutions, est plus qu’une nécessité : c’est un devoir.

Ces résolutions déposées et présentées par presque tous les groupes politiques, dans une unanimité trop rare en ce moment pour qu’on ne la souligne pas, montre notre intérêt soutenu pour la diffusion de la défense de la démarche scientifique, et de son corollaire, l’accès à l’éducation. Dans une période minée par des régressions obscurantistes, il nous faut pérenniser et renforcer les structures existantes qui sont des lieux de débat et de réflexion pluridisciplinaires, car la science se nourrit d’échange.

Il est urgent de souligner l’importance du rôle des académies et des médias dans la diffusion du savoir comme dans les débats portant sur les innovations scientifiques et technologiques. Défendre la recherche fondamentale contre des préjugés sur son inutilité reste une façon d’affirmer notre confiance dans la qualité du progrès et dans les espoirs qu’il suscite. Ainsi, il est important de pérenniser et d’accroître les liens tissés au fil de plus de trente années d’existence entre l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et le monde scientifique, d’assurer la diffusion de ses rapports qui sont prospectifs et nous renseignent sur l’état des recherches et de leur application.

Les débats et le vote de cette résolution en fin de législature sont à l’honneur de notre assemblée : ils montrent que nous sommes unanimes à défendre les avancées de la science et les structures qui en débattent, les diffusent et en assurent la promotion dans le respect d’une éthique exigeante.

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