Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, jadis, quelques années d’études suffisaient pour comprendre un monde paraissant immuable. Il fallait des semaines pour qu’une nouvelle traverse un continent. Nous sommes la première génération à vivre un univers instantané. Peu importe le lieu et l’heure : tout est su ou vu dans l’instant, sur la terre entière, sans l’ombre d’un filtre. Le seul filtre dont nous disposons s’appelle l’éducation, l’apprentissage d’un savoir de base et, surtout, l’apprentissage de l’apprentissage permanent, pour que chacun puisse suivre la très rapide évolution du monde.
La science n’échappe pas à cette évolution : elle en est même le coeur. Cela rend plus indispensable que jamais une éducation à la science, aux sciences, qui nous permette d’en comprendre les fonctionnements, les évolutions, d’en peser les chances et les risques.
L’honnête homme d’hier pouvait savoir à peu près tout sur tout. Aujourd’hui, l’honnête homme sait qu’il ne sait plus grand-chose, mais qu’il doit avoir jusqu’à son dernier souffle l’esprit ouvert, la soif d’apprendre pour comprendre où l’on va.
Dans cette montagne d’informations qui nous arrive tous les jours, la science occupe sa part. Mais la formidable évolution scientifique que nous vivons est aussi au coeur des inquiétudes de la population, au coeur des manipulations potentielles où l’obscurantisme sait jouer avec des peurs ancestrales. Nous sommes désormais dans une société qui demande aux scientifiques non seulement de savoir, mais de faire savoir, voire de savoir combattre la contre-information ou l’opinion assénée avec certitude qui tend à se substituer à la démarche scientifique.
La compréhension de la science et du monde technique dans lequel nous vivons est indispensable à tous. Cette compréhension doit commencer très tôt. La place de la science doit être renforcée à l’école, dès le plus jeune âge, depuis l’école élémentaire jusqu’aux études supérieures. Transmettre une science ludique, « expérimentable », est primordial pour les enfants. En manipulant, en construisant, ils apprennent à démystifier un univers technique qui n’est pas magique, mais simplement scientifique, explicable, maîtrisable.
Cette pédagogie active fonctionne très bien dans les CCSTI, les centres de culture scientifique, technique et industrielle. Hélas, seules quelques dizaines de collectivités locales ont fait l’effort d’ouvrir de tels centres sur leur territoire. Il faut en effet des moyens financiers, mais aussi des partenariats avec le monde universitaire, avec l’éducation nationale ou des industriels pour donner à comprendre une part de notre technologie, une part de notre progrès technique.
Vulgariser, montrer, faire comprendre est indispensable à une saine appropriation de l’univers scientifique. Nous devons faire cet effort pour conserver un regard positif sur la science, alors même que l’avalanche d’informations qui s’abat à chaque instant sur les épaules de nos concitoyens fait qu’ils n’en voient bien souvent que les aspects les plus négatifs. Il est toujours plus simple d’effrayer que d’expliquer, de rejeter brutalement que de juger sereinement et objectivement, avec discernement.
Je remercie Jean-Yves Le Déaut et mes collègues de m’avoir laissée m’exprimer sur ce sujet pour témoigner de la difficulté des collectivités qui s’engagent. Ce choix, politique au bon sens du terme, n’est pas toujours partagé par toutes les collectivités qui devraient se sentir concernées. Pourtant, existe-t-il plus bel enjeu ?
Je me souviens de ce mois de mars 2011 où a eu lieu l’accident de Fukushima. Le hasard a voulu que se tienne alors à la galerie Eurêka de Chambéry une exposition sur le nucléaire : les visiteurs de tous âges ont pu trouver dans notre CCSTI les réponses aux graves questions qu’ils se posaient face aux nouvelles venues du Japon, face aux peurs légitimes que cet accident suscitait. Il est primordial que nous puissions disposer d’outils pédagogiques réellement scientifiques et de médiateurs formés.
Mais je me souviens aussi de la violence de certaines attaques contre un CCSTI d’une ville voisine, qui avait organisé une exposition sur les nanotechnologies.
Chacun reconnaît la valeur de la culture scientifique, mais il faudrait aussi que l’on reconnaisse qu’elle a un coût, et que, par exemple, l’État puisse s’investir davantage dans le financement des CCSTI au travers des contrats de plans État régions, mais aussi dans leur fonctionnement, les collectivités impliquées ne pouvant assumer seules cette mission si importante pour la cohésion sociale. Il faut que ces CCSTI soient décentralisés : c’est un enjeu d’égalité entre nos territoires et nos concitoyens.
Vulgariser, montrer, faire comprendre, c’est aussi donner envie de choisir un métier, une passion et, pourquoi pas, redonner goût à la science. N’hésitons pas à investir dans l’éducation, dès le plus jeune âge, pour que chacun comprenne bien le monde dans lequel il vit, mais aussi pour susciter des vocations. C’est notre responsabilité, c’est un investissement pour l’avenir, une chance pour notre pays et le monde.
Je me réjouis que ces propositions de résolution nous permettent de réaffirmer notre foi dans le progrès et la science, et notre volonté que la République se saisisse pleinement de cet enjeu.
Puissent les semaines à venir nous permettre de constater que nous avons été entendus et que le débat a permis de faire progresser la cause qui nous rassemble.