Intervention de Jean-Luc Laurent

Séance en hémicycle du 21 février 2017 à 21h30
Sciences et progrès dans la république française — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Laurent :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier les différents signataires de ces propositions de résolution d’avoir permis que se tienne un débat important sur la place de la science dans notre société.

La massification de l’éducation est une chance, mais elle est aussi un défi pour toutes les institutions et toutes les autorités. Associé à l’explosion des technologies de communication, le défi est redoublé. La science ne sera plus jamais une religion, ni les savants des prêtres, mais il faut reconstruire l’autorité de la science et une véritable culture scientifique pour les citoyens. Cela concerne l’éducation et l’enseignement supérieur, ainsi que, bien évidemment, la presse et les médias.

Dans son Éloge du carburateur, ouvrage de réhabilitation de la culture technique et du travail manuel, le philosophe Matthew Crawford raconte un épisode intéressant de sa vie professionnelle. Diplômé de philosophie, il cherche un emploi « intellectuel » à San Francisco, qui est selon lui l’un des coeurs de la nouvelle civilisation, et se trouve chargé de transformer des articles scientifiques en fiches pour les vendre à des bibliothèques. Son diplôme n’est qu’un prétexte, car il travaille au rythme de quinze articles par jour dans des domaines scientifiques que, d’après son propre récit, il ne maîtrise aucunement. L’auteur a cette phrase très juste : « La science ne peut pas résister à sa transformation en information » – une information qui vaut toutes les autres et qui n’aurait pas d’autre autorité que des clics ou des « like » : la science ne serait qu’un discours parmi d’autres discours concurrents.

Je voterai avec plaisir ces propositions de résolution, mais je voulais tout de même souligner cette difficulté. Il existe un obscurantisme technologique très contemporain : si l’on ne brise pas le paradigme de l’information qui domine aujourd’hui, il sera très difficile de bâtir une véritable culture scientifique et de lui donner l’autorité et l’aura dont elle a besoin.

L’enjeu fondamental se trouve à l’école, dans cette école qui abandonne toute forme de verticalité et de clôture. Il est temps, mes chers collègues, de réagir. L’alinéa 22 de la proposition de résolution le dit bien, mais en termes diplomatiques : l’Assemblée nationale « invite le Gouvernement à veiller à la qualité des enseignements scientifiques dispensés au collège et au lycée. De fait, les évolutions récentes apparaissent alarmantes. »

Il nous faut en effet réagir, et c’est là l’un des objets de ces propositions de résolution. Il existe certes, à côté de l’école, des associations et des initiatives qui interviennent pour contribuer à la culture scientifique. Je connais ainsi, dans ma circonscription, les efforts déployés par l’Exploradôme, soutenu par l’État, qui permet l’accès à la culture scientifique et accompagne l’éducation nationale.

Il est essentiel de construire cette culture scientifique pour permettre l’émancipation dans une civilisation de haute technologie. Avant de réfléchir à la capacité contributive des robots, il importe que les humains gardent une longueur d’avance face aux machines qui nous entourent.

Défendre la science ? – Vaste programme ! si je puis paraphraser le général de Gaulle. Mais en tant que parlementaires, commençons par balayer devant notre porte : nous disposons de trois académies, qui sont sous-utilisées et dont on craint trop souvent la liberté. Les deux assemblées doivent mieux utiliser les travaux de l’OPECST, qui mérite mieux que cette demi-confidentialité. Si nous voulons donner, dans l’avenir, plus de consistance aux semaines de contrôle, l’OPECST a les moyens de fournir de la matière à tous les députés. C’est un chemin que nous devons ouvrir pour la prochaine législature. Nous devons encourager cette prise de conscience qui me semble nécessaire et qui sera salvatrice pour mettre en oeuvre l’esprit qui nous rassemble autour de ces propositions de résolution.

1 commentaire :

Le 23/02/2017 à 14:09, Laïc1 a dit :

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" Diplômé de philosophie, il cherche un emploi « intellectuel » à San Francisco, qui est selon lui l’un des cœurs de la nouvelle civilisation, et se trouve chargé de transformer des articles scientifiques en fiches pour les vendre à des bibliothèques. Son diplôme n’est qu’un prétexte, car il travaille au rythme de quinze articles par jour dans des domaines scientifiques que, d’après son propre récit, il ne maîtrise aucunement"

Aucune compétence scientifique donc, mais peu importe, puisqu'il a un diplôme de philosophie... Il va donc pouvoir résumer et expliquer des articles scientifiques auxquels il ne comprend... C'est dire toute l'aura quasi magique que l'on attribue à ce diplôme de philosophie, qui prouve la capacité à comprendre instantanément les sciences, tellement la philosophie est censée être supérieure à tout. Voilà où on en est.

Et c'est cette philosophie que l'on veut enseigner dès l'élémentaire ! Non, citoyens, s'il faut résister à la barbarie, c'est bien sur ce point qu'il faut se manifester.

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