Notre rapport vise donc à faire le point sur l'application de la loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence, dite « loi Eckert » – le président Carrez vient de dire pourquoi –, entrée en vigueur il y a un peu plus d'an, le 1er janvier 2016. Quoique relativement court, ce délai est suffisant pour que nous disposions du recul nécessaire pour examiner la réalité de son application.
Cette loi a été précédée de très nombreux travaux préparatoires, qui ont permis de mettre en lumière l'importance du problème juridique, voire éthique, des capitaux non réclamés dormant dans les livres des établissements financiers. L'ampleur du stock est avérée et démontre qu'il était bel et bien nécessaire de légiférer. En 2016, ce sont 3,7 milliards d'euros qui ont été transférés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), émanant de comptes inactifs et contrats non réclamés depuis dix ans ou plus.
Dans un premier temps, ce rapport dresse un bilan des textes réglementaires d'application d'ores et déjà en vigueur. Bien que promulguée en 2014, et bien que la grande majorité des dispositions réglementaires soient désormais applicables, notamment grâce au décret du 28 août 2015, la loi n'est entrée en vigueur que l'année dernière, ce qui explique quelques lacunes qui demeurent. Ainsi, les conditions de rémunération des sommes déposées à Caisse des dépôts et consignations doivent-elles encore être fixées par arrêté. La question a son importance car cette rémunération doit permettre de couvrir des frais de gestion substantiels de la Caisse : 9 millions d'euros en fonctionnement annuel.
De même, le flou règne en ce qui concerne l'importante question du régime spécifique des coffres-forts inactifs. Le dispositif n'est pas encore applicable à ce jour. L'arrêté devrait paraître en mars prochain. Il devrait fixer le seuil de valeur au-delà duquel trois dispositions pourront être mises en oeuvre. En l'absence de précisions nécessaires, le dispositif ne peut fonctionner correctement – pour tout le reste, il fonctionne bien.
Depuis 2015, plusieurs autres textes législatifs ont fait évoluer le dispositif initialement prévu par la loi Eckert : la seconde loi de finances rectificative pour 2014 a partiellement remodelé le régime fiscal des comptes inactifs et contrats non réclamés ; la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a allongé le délai au terme duquel un plan d'épargne logement (PEL) est considéré comme inactif ; enfin, la « loi Sapin 2 » du 9 décembre 2016 a renforcé les sanctions pouvant être prononcées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à l'encontre des établissements financiers en cas de manquement aux nouvelles obligations afférentes aux assurance vie en déshérence. C'est donc aujourd'hui un dispositif précis, complet et efficace qui est à l'oeuvre.
Il est encore un peu tôt pour présenter une estimation complète des volumes financiers concernés, hormis en ce qui concerne les sommes déposées à la CDC. Nous savons en effet avec certitude que 3,7 milliards d'euros y ont été déposés à la fin de l'année 2016, les comptes bancaires représentant 85 % des comptes transférés et 1,9 milliard d'euros, contre 9 % pour les produits d'assurance et, ce n'est pas totalement neutre, 6 % pour les comptes d'épargne salariale. Ce sont en tout 6,5 millions de produits qui ont été transférés, provenant de plus de 250 établissements différents. Le taux de réactivation des comptes inactifs serait, selon la Fédération bancaire française (FBF), de 60 %, mais ces données demeurent peu fiabilisées : le chiffrage des sommes réellement réinjectées dans l'économie ne devrait en effet pas être disponible avant le mois d'avril. De même, les sommes acquises par l'État dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi Eckert ne font pas encore l'objet d'une évaluation, bien que ce ne soit pas là l'objectif de la loi – le Gouvernement l'a rappelé, mais, soyons clairs, l'État ne sera pas mécontent que certaines sommes lui soient transférées. Il appartiendra au Parlement de prolonger ce travail de suivi, qui devrait être facilité par le renforcement des obligations régulières d'information qui incombent à la fois aux établissements bancaires et assurantiels et à la CDC. La publication, chaque année, des données facilitera un travail de contrôle. Nous proposons par ailleurs, dans l'introduction de notre rapport, une « synthèse des points de vigilance » qui demeurent à ce jour pour guider le suivi, tant en matière réglementaire que du point de vue de la mise en oeuvre pratique.