Mes chers collègues, c'est aujourd'hui notre avant-dernière réunion de la législature. La dernière se tiendra le 12 avril, lorsque le ministre de l'économie et des finances et le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics viendront nous présenter le programme de stabilité, à la suite de sa présentation en conseil des ministres. Nous recevrons aussi le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui doit donner son avis sur les prévisions macroéconomiques, cruciales dans le cadre d'un programme de stabilité.
L'ordre du jour de notre réunion de ce matin appelle l'examen de plusieurs rapports d'information.
La commission examine tout d'abord le rapport d'information sur l'application de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence (Mme Marie-Christine Dalloz et M. Alain Fauré, rapporteurs).
Avant de donner la parole à nos deux rapporteurs, je m'arrête un instant sur la procédure qui a conduit à ce rapport, parce qu'elle est exemplaire de la manière dont nous devrions travailler le plus possible.
Nous nous plaignons tous du fait que nous adoptons souvent des dispositions sans étude d'impact ou sans véritable réflexion, ce que nous regrettons ensuite. Le rapport public annuel de la Cour des comptes, présenté il y a quinze jours, rappelle ainsi l'exemple malheureux de l'écotaxe poids lourds.
En l'occurrence, il en va autrement. À la fin de l'année 2012, Christian Eckert, alors rapporteur général, avait évoqué le sujet des comptes bancaires inactifs et des contrats d'assurance vie en déshérence, dont un certain nombre d'entre nous avaient déjà parlé au cours des années précédentes. Surtout, il a proposé que l'on saisisse la Cour des comptes au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) afin d'y voir clair. Celle-ci a rendu son rapport dès le milieu de l'année 2013, et Christian Eckert a rédigé une proposition de loi, qui fut adoptée à l'unanimité en commission et en séance publique. Le Sénat a apporté quelques compléments tout à fait utiles, et la commission mixte paritaire, dont Alain Fauré était rapporteur pour notre assemblée, et que présidait Marie-Christine Dalloz, est parvenue à un accord.
Dans un laps de temps relativement court, nous avons mené un travail de préparation et une réflexion approfondis, avec le concours de la Cour de comptes, un texte a été élaboré et adopté à l'unanimité, et nous pouvons aujourd'hui faire un travail d'évaluation de l'application de cette loi, que l'on peut déjà qualifier de succès. Si nous pouvions procéder plus souvent ainsi, nous nous en porterions mieux.
Notre rapport vise donc à faire le point sur l'application de la loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence, dite « loi Eckert » – le président Carrez vient de dire pourquoi –, entrée en vigueur il y a un peu plus d'an, le 1er janvier 2016. Quoique relativement court, ce délai est suffisant pour que nous disposions du recul nécessaire pour examiner la réalité de son application.
Cette loi a été précédée de très nombreux travaux préparatoires, qui ont permis de mettre en lumière l'importance du problème juridique, voire éthique, des capitaux non réclamés dormant dans les livres des établissements financiers. L'ampleur du stock est avérée et démontre qu'il était bel et bien nécessaire de légiférer. En 2016, ce sont 3,7 milliards d'euros qui ont été transférés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), émanant de comptes inactifs et contrats non réclamés depuis dix ans ou plus.
Dans un premier temps, ce rapport dresse un bilan des textes réglementaires d'application d'ores et déjà en vigueur. Bien que promulguée en 2014, et bien que la grande majorité des dispositions réglementaires soient désormais applicables, notamment grâce au décret du 28 août 2015, la loi n'est entrée en vigueur que l'année dernière, ce qui explique quelques lacunes qui demeurent. Ainsi, les conditions de rémunération des sommes déposées à Caisse des dépôts et consignations doivent-elles encore être fixées par arrêté. La question a son importance car cette rémunération doit permettre de couvrir des frais de gestion substantiels de la Caisse : 9 millions d'euros en fonctionnement annuel.
De même, le flou règne en ce qui concerne l'importante question du régime spécifique des coffres-forts inactifs. Le dispositif n'est pas encore applicable à ce jour. L'arrêté devrait paraître en mars prochain. Il devrait fixer le seuil de valeur au-delà duquel trois dispositions pourront être mises en oeuvre. En l'absence de précisions nécessaires, le dispositif ne peut fonctionner correctement – pour tout le reste, il fonctionne bien.
Depuis 2015, plusieurs autres textes législatifs ont fait évoluer le dispositif initialement prévu par la loi Eckert : la seconde loi de finances rectificative pour 2014 a partiellement remodelé le régime fiscal des comptes inactifs et contrats non réclamés ; la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a allongé le délai au terme duquel un plan d'épargne logement (PEL) est considéré comme inactif ; enfin, la « loi Sapin 2 » du 9 décembre 2016 a renforcé les sanctions pouvant être prononcées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à l'encontre des établissements financiers en cas de manquement aux nouvelles obligations afférentes aux assurance vie en déshérence. C'est donc aujourd'hui un dispositif précis, complet et efficace qui est à l'oeuvre.
Il est encore un peu tôt pour présenter une estimation complète des volumes financiers concernés, hormis en ce qui concerne les sommes déposées à la CDC. Nous savons en effet avec certitude que 3,7 milliards d'euros y ont été déposés à la fin de l'année 2016, les comptes bancaires représentant 85 % des comptes transférés et 1,9 milliard d'euros, contre 9 % pour les produits d'assurance et, ce n'est pas totalement neutre, 6 % pour les comptes d'épargne salariale. Ce sont en tout 6,5 millions de produits qui ont été transférés, provenant de plus de 250 établissements différents. Le taux de réactivation des comptes inactifs serait, selon la Fédération bancaire française (FBF), de 60 %, mais ces données demeurent peu fiabilisées : le chiffrage des sommes réellement réinjectées dans l'économie ne devrait en effet pas être disponible avant le mois d'avril. De même, les sommes acquises par l'État dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi Eckert ne font pas encore l'objet d'une évaluation, bien que ce ne soit pas là l'objectif de la loi – le Gouvernement l'a rappelé, mais, soyons clairs, l'État ne sera pas mécontent que certaines sommes lui soient transférées. Il appartiendra au Parlement de prolonger ce travail de suivi, qui devrait être facilité par le renforcement des obligations régulières d'information qui incombent à la fois aux établissements bancaires et assurantiels et à la CDC. La publication, chaque année, des données facilitera un travail de contrôle. Nous proposons par ailleurs, dans l'introduction de notre rapport, une « synthèse des points de vigilance » qui demeurent à ce jour pour guider le suivi, tant en matière réglementaire que du point de vue de la mise en oeuvre pratique.
J'ajoute un mot à propos de l'épargne salariale : ce sont quand même 938 millions d'euros qui sont sur des comptes oubliés au gré des parcours de vie et des déménagements des salariés !
La seconde partie du rapport est consacrée au bilan de la mise en oeuvre pratique de la loi Eckert, à l'échelle des établissements.
Dès les travaux de la Cour des comptes et les travaux préparatoires de la loi du 13 juin 2014, les établissements financiers et, notamment, les assureurs se sont progressivement mobilisés pour améliorer leurs procédures.
Une première étape fut celle de l'identification, tout au long de l'année 2016, des comptes inactifs, en fonction des critères fixés par la loi.
Cette première étape a représenté un très gros travail de recherche et d'analyse de l'ensemble des comptes ouverts dans les livres des banques. Du point de vue volumétrique, cela a par exemple représenté, pour La Banque postale, distributeur historique du livret A, le « balayage » de 26 millions de clients et 37 millions de comptes. Le budget dédié par le groupe à la mise en oeuvre du dispositif « Eckert » est important, avec des investissements informatiques de plusieurs millions d'euros et des coûts récurrents évalués entre 0,5 et 1 million d'euros. En plus, La Poste est concernée par certaines situations particulières, notamment les parcours de service militaire des hommes à travers tout le territoire. Des comptes étaient ouverts, et parfois laissés ouverts avec un encours dérisoire – 1 franc, par exemple…
Contrairement aux établissements bancaires, les assureurs ne partaient pas de rien en matière de traitement des sommes en déshérence. Depuis une loi du 17 décembre 2007, ils avaient en effet l'obligation formelle d'identifier leurs assurés décédés et de rechercher les bénéficiaires des contrats d'assurance vie. Les assureurs ont ainsi lancé en 2015 221 millions d'interrogations sur le répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP) contre 115 millions en 2014. On voit quand même que la loi a secoué quelques habitudes… Cette consultation plus fréquente du RNIPP s'est accompagnée d'une nécessaire fiabilisation et actualisation des fichiers clients. Par ailleurs, les établissements se sont engagés à améliorer la précision de la rédaction de la clause bénéficiaire lorsque le bénéficiaire est nommément désigné, notamment en actualisant le guide déontologique de la Fédération française des assurances. En plus de l'investissement matériel et humain, nous avons été sensibilisés aux très nombreux partenariats qui ont été noués avec des entreprises privées – généalogistes ou enquêteurs civils, que nous avons auditionnés ou rencontrés– afin de rechercher des bénéficiaires. Cela témoigne de la volonté des établissements de remplir effectivement leurs obligations en la matière. Ainsi, plus de 150 000 dossiers ont été confiés à des prestataires externes en 2015, contre 8 000 en 2013.
Faut-il aller plus loin dans l'obligation de recherche des bénéficiaires en imposant dans tous les cas, aux assureurs mais surtout aux banques, de faire appel à un prestataire extérieur ? Il est en effet tentant de mettre en place une obligation de recherche active pour les banques – cela dit, ayons en tête que les sommes sur ces comptes sont la plupart du temps dérisoires, inférieures à 345 euros, et ne justifient pas forcément d'engager des frais importants. Il conviendrait de laisser au dispositif le temps de produire ses effets vertueux à plus long terme, c'est-à-dire sur le flux des nouveaux contrats et non plus seulement sur le stock des contrats inactifs, lequel est en voie de résorption. Lorsque l'ACPR aura pu mener à bien sa campagne de contrôle sur les établissements bancaires en 2017, et que les chiffres globaux auront été communiqués par tous les établissements, il sera alors temps d'envisager ou non un renforcement des obligations actuellement prévues par le code monétaire et financier.
Au-delà du travail accompli au sein des établissements, nous souhaitons insister sur le rôle essentiel qu'ont joué, et que continueront de jouer, l'ACPR et la CDC et sur la part qu'elles ont prise à la réussite du dispositif.
Par le maintien d'une pression constante sur les établissements financiers, par la diffusion de notes, de questionnaires et de guides d'application aux acteurs de la place, l'ACPR s'est pleinement investie dans sa nouvelle mission, comme en témoignent les lourdes sanctions infligées à certains assureurs en 2014 et 2015. L'ACPR poursuivra ce travail de mise en conformité des pratiques en 2017, avec le contrôle des établissements bancaires.
Enfin, je tiens tout spécialement à saluer l'investissement de la Caisse des dépôts, qui est le véritable pivot du dispositif – Marc Goua, membre de la commission de surveillance de la Caisse, sera enchanté de constater que la Caisse travaille très bien. Depuis le début du mois de janvier, un site internet, ciclade.caissedesdepots.fr, est accessible au grand public. Incrémenté régulièrement en fonction des données transmises par les établissements, il permet à chacun, de savoir si oui ou non il est le potentiel bénéficiaire d'une somme qui aurait été déposée à la Caisse. Après un bref rodage, ce site pédagogique, didactique et convivial est désormais pleinement opérationnel.
Chacun peut y faire des recherches, à partir de quelques renseignements personnels – le nom, la date de naissance… Vous n'aurez pas de réponse très détaillée, mais vous pourrez savoir si un compte demeure ouvert au nom d'une personne décédée et, le cas échéant, entamer des démarches auprès d'un organisme bancaire, si vous savez à peu près auquel vous adressez, ou de la CDC. La procédure qui s'ouvre alors n'est pas très compliquée. Je vous invite, chers collègues, à communiquer sur ce sujet, qui n'est pas politique, et pas non plus polémique.
À l'agence bancaire dont je suis client, j'ai moi-même entendu une dame s'indigner, après avoir reçu une lettre faisant état d'un compte inactif, du risque que « ce gouvernement » lui prenne son argent. La personne qui l'accueillait, ne connaissant pas forcément le dispositif, lui a répondu qu'elle avait bien fait de venir, car « ils sont bien obligés de regarder tout ce qui peut être récupéré » ! J'ai vraiment senti qu'il était nécessaire de communiquer au plus vite… Communiquez, chers collègues, dites que l'État n'a aucune intention de s'approprier des sommes qui ne lui appartiennent pas, et qu'il avait en revanche le devoir de faire en sorte que ceux à qui elles reviennent puissent les récupérer – lui-même ne les récupérant que s'il n'y a personne pour les récupérer.
L'entrée en vigueur de la loi du 13 juin 2014 a donc entraîné une mobilisation massive tant des autorités publiques que des établissements financiers, en raison du stock très important de contrats non réglés ou inactifs qui n'avaient jusqu'alors fait l'objet que de peu d'attention. Le traitement de ce passif a nécessité l'élaboration de procédures, le développement de systèmes informatiques et la mobilisation de moyens humains conséquents, qui permettront désormais d'améliorer et de fluidifier le traitement des nouveaux dossiers. De ce point de vue, la loi Eckert a enclenché un mécanisme vertueux de prise en compte et de traitement rapide des situations de déshérences passées, présentes et à venir. Nous pouvons donc nous féliciter d'avoir adopté cette loi à l'unanimité.
Je voudrais ajouter une précision sur le site ciclade.caissedesdepots.fr. Vous n'obtiendrez pas de réponse immédiate à la suite d'une demande formulée sur le site internet présenté. En revanche, la CDC s'engage à vous en donner une dans un délai de quatre-vingt-dix jours.
Des éléments peuvent être donnés dans certains cas – mais pas le détail. En tout cas, il y a eu un excellent travail de fond.
Chers collègues rapporteurs, nous voyons, avec votre rapport, et après les déclarations de M. Eckert il y a quelques semaines, tout l'intérêt de cette législation. Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des personnes qui ont ainsi pu retrouver des comptes ou être recontactées par assurances, mutuelles ou banques. Nous avons fait oeuvre collective, et je vous remercie pour ce point d'étape. Vous avez bien fait aussi de rappeler qu'un suivi régulier s'imposait. C'est une nouvelle législation qui permettra effectivement d'aller plus loin.
Cela étant, vous êtes-vous penchés sur les problèmes de sécurité et le risque de fraude, par exemple dans le cadre du site internet présenté ? Cette question se pose avec une acuité particulière, ces temps-ci, dans le cadre d'une élection présidentielle… Peut-être courons-nous le risque de voir apparaître une nouvelle délinquance financière.
Je suis très reconnaissant aux rapporteurs, particulièrement à Alain Fauré, d'avoir remercié, à deux reprises, la CDC.
Marie-Christine Dalloz a bien posé le problème : comment couvrir les frais d'exploitation ? Nous sommes dans une période un peu particulière. Le gestionnaire Caisse des dépôts ne sait pas encore ce qu'il en sera de la suite de l'application du dispositif : les importants flux au début de sa mise en oeuvre se tariront-ils ? Et qu'en est-il de la rémunération ? Le taux du marché est un peu faible, quoiqu'il soit légèrement remonté.
Dans une vie précédente, j'ai appris que les comptes inactifs avaient très souvent été ouverts avec de faux documents, et qu'on n'arrivait pas à en retrouver les titulaires. Ainsi, ceux qui pourraient réclamer les fonds déposés n'ont sans doute pas intérêt à le faire – ces sommes sont parfois le produit de trafics illicites.
Quant aux assurances vie, effectivement, il faudrait sécuriser et renforcer la clause bénéficiaire. Les souscripteurs meurent parfois sans révéler à personne, pas même au bénéficiaire désigné, qu'ils ont souscrit un contrat d'assurance vie. Si nous ne faisons rien, les contrats en déshérence seront nombreux.
Ayant moi aussi vécu d'autres vies, je me rappelle qu'étaient particulièrement contrôlés les comptables publics qui ne prenaient jamais de vacances, car ils étaient soupçonnés d'activités illicites sur les comptes inactifs – et les soupçons se révélaient souvent fondés…
Cela dit, j'aimerais savoir si vous avez pu constater sur le terrain, chers collègues rapporteurs, dans quelle mesure les différents établissements teneurs de compte appliquaient ces nouvelles règles. Naguère, certain établissement public très connu, dont le logo était une petite aigrette sur fond jaune, avait quelques soucis de ce point de vue.
Par ailleurs, je m'interroge comme notre collègue Galut sur la sécurité du système mis en place, et le respect de la confidentialité de certaines informations. Sommes-nous prémunis contre le risque de fraudes ? Une île méditerranéenne s'était fait une spécialité de l'ouverture de comptes sous une fausse date de naissance. Il conviendrait d'éviter que de telles pratiques se renouvelassent avec le site de la Caisse des dépôts.
Je salue à mon tour le travail de nos rapporteurs, mais, ils l'ont dit eux-mêmes, ce premier rapport sur l'application du dispositif en appelle d'autres.
Une analyse du profil des personnes titulaires de comptes inactifs ou potentiellement bénéficiaires de contrats d'assurance vie en déshérence est-elle envisageable à terme ? Cela pourrait révéler des difficultés rencontrées plus particulièrement par certains publics – je songe notamment aux personnes en situation de handicap.
J'ai été témoin du même genre d'échange que celui rapporté par Alain Fauré. Il faut bien reconnaître que le dispositif n'est pas perçu d'une manière conforme à nos intentions. Si les réseaux sociaux ont bien pris leur part de la propagation de rumeurs selon lesquelles il s'agirait de procéder à des prélèvements abusifs, à une appropriation collective de biens privés, certains établissements bancaires ont aussi eu une communication particulièrement « dure ».
Ainsi, dans le Nord, les clients du réseau des Caisses d'épargne ont reçu une lettre d'une violence assez inouïe. Les titulaires de comptes inactifs depuis plus de dix ans étaient sommés de donner un signe de vie dans les deux semaines, faute de quoi la banque procéderait à un prélèvement d'office et récupérerait les fonds déposés. Convoqué, le directeur de l'agence qui se trouve dans la même rue que l'hôtel de ville de la commune dont je suis maire m'a dit qu'il ne faisait que suivre les directives. Je suis donc allé voir le président de la Caisse d'épargne Nord France Europe, qui m'a confirmé que la démarche était volontairement agressive. Pourtant, juridiquement, les prétentions affichées dans cette lettre sont infondées ! Les banques n'ont évidemment pas le droit de capter les sommes déposées au bout de deux semaines, et il est inadmissible qu'elles profitent de l'occasion pour demander un grand nombre de documents et d'informations – par exemple sur les revenus du foyer, sur les revenus déclarés, des informations familiales, personnelles, professionnelles, etc. Il n'est pas acceptable que les banques se servent du dispositif à des fins commerciales. Le réseau dont je parle est un peu revenu en arrière, mais il fallait que cela soit dit ; je le fais avec force et vigueur.
Je remercie à mon tour nos deux rapporteurs pour leur travail exhaustif. Je félicite également l'APCR, organisme utile, dont le travail ne se limite pas à la prise de sanctions. L'ACPR accompagne les organismes paritaires, mutualistes, assurantiels et bancaires, et cette autorité de régulation s'inscrit pleinement dans la démarche de transparence que nous avons nous-mêmes souhaitée.
Le rapport indique que, à la suite des contrôles entre 2011 et 2013, le collège de supervision de l'ACPR a ouvert des procédures au terme desquelles quatre sanctions ont été infligées, pour un montant global cumulé de 103 millions d'euros. Depuis lors, d'autres sanctions ont-elles été infligées ? Sachant que ce sont près de 2 milliards d'euros qui ont été réglés aux bénéficiaires de contrats de déshérence en 2015, je suis surpris que vous n'ayez pas d'autre information. Et à qui ces 103 millions d'euros sont-ils versés ?
J'ai participé à un petit-déjeuner avec des assureurs vie qui voulaient savoir où en étaient nos travaux sur les contrats en déshérence. Ils m'ont fait valoir que ces recherches coûtaient cher aux compagnies d'assurance vie et m'ont indiqué que leur principal problème est qu'ils n'étaient pas informés des changements d'adresse. Ils m'ont demandé – je n'ai pas répondu, mais je voudrais l'avis des rapporteurs – s'il ne leur serait pas possible de bénéficier, dans des conditions strictes, des informations du fichier fiscal. C'est effectivement le seul endroit où les adresses des personnes sont actualisées. Il s'agirait non pas, évidemment, de donner accès au fichier fiscal mais plutôt de mettre en place une procédure qui permette aux compagnies d'assurance de demander à l'administration fiscale l'adresse de personnes qu'elles recherchent.
Et qu'en est-il des comptes à l'étranger de personnes décédées ? Ne voyez nulle provocation dans ma question, mais sont-ils concernés par le texte que nous avons adopté ?
Je félicite également Alain Fauré et Marie-Christine Dalloz, qui ont fait un travail de qualité.
Qu'en est-il des bons de capitalisation souscrits « au porteur » ? Quel sort leur est réservé ? Aucun bénéficiaire n'est indiqué et, très souvent, au décès du souscripteur, ces bons tombent plus ou moins dans l'oubli. Une procédure a-t-elle été envisagée ?
À mon tour, je salue le travail des deux rapporteurs. Peut-être est-il un peu tôt pour avoir déjà une vision globale des comptes inactifs, même si nous savons quel montant a été transféré en 2016.
Ce que vous écrivez, chers collègues, sur La Banque postale nous apprend beaucoup de choses, mais elle appliquait déjà, en vertu d'une loi très ancienne, une procédure permettant de consigner des comptes inactifs. Les informations que vous avez recueillies à propos de La Banque postale se vérifient-elles ailleurs ? Je songe notamment au fait que ce sont surtout des livrets A qui sont concernés, et au fait que 20 % des comptes inactifs ont été réactivés.
Il est vrai, chers collègues, que nous avons bien progressé sur ce sujet, et les rapporteurs le montrent bien. Sans doute avons-nous quand même des marges de progression, notamment en ce qui concerne l'identification des ayants droit et des bénéficiaires de contrats d'assurance vie dont les clauses bénéficiaires ont été rédigées de manière inadéquate ou imprécise.
Et puis certains contrats ont été dénoués par le décès il y a longtemps. Alors allons-nous suffisamment loin ? Par exemple, mobilisons-nous suffisamment les généalogistes ? Ils arrivent à élucider 95 % des dossiers qui leur sont confiés… mais ceux-ci ne représentent que 1 % du nombre total des dossiers. Ne faudrait-il pas travailler sur les contraintes qui pèsent sur les compagnies d'assurance vie et les banques pour les pousser à résoudre un peu plus de dossiers ?
À mon tour de féliciter les deux rapporteurs. Il est bon que nous évaluions l'application de la loi, d'autant que notre commission a rarement l'occasion de se consacrer à des travaux d'évaluation.
Dans cette affaire, le temps joue contre les détenteurs de comptes ou leurs héritiers. Ne serait-il pas possible d'informer une fois par an les titulaires de compte qui seraient restés inactifs pendant toute l'année ? Cela pourrait être au moment où la banque informe ses clients des frais qui ont été facturés au cours de l'année écoulée. Un suivi « au fil de l'eau » permettrait d'éviter de devoir mener des recherches au bout de quinze ans.
Alain Fauré a souligné que 938 millions d'euros d'épargne salariale dormaient sur des comptes. Quelles sont, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure, vos préconisations ?
Je félicite également les rapporteurs pour leur travail intéressant. L'une de nos missions étant le contrôle de l'action du Gouvernement, il est bon que nous procédions à de telles évaluations.
Le rapport fait état d'efforts substantiels des établissements pour mener leurs recherches, en général en mobilisant des moyens internes, notamment des moyens humains. Dans certains cas, il sera assez facile de retrouver les bénéficiaires ; dans d'autres, ce sera plus difficile. Las, il n'est pas certain que les établissements disposent de toutes les compétences pour mener dans tous les cas les recherches de filiation nécessaires. Ne pourrait-on envisager de les inciter à recourir à des spécialistes, des généalogistes, des enquêteurs civils ?
Les organismes devront publier chaque année le nombre et le montant des contrats en déshérence, ainsi que les démarches effectuées. Cependant, on risque de se focaliser sur les démarches couronnées de succès. Il me paraît donc intéressant de prévoir des mécanismes incitant à recourir à des spécialistes.
Plusieurs d'entre vous, chers collègues, ont évoqué la question de la sécurisation de la recherche de contrats ou de comptes. Tout d'abord, cette recherche sera le fait de nos concitoyens, qui solliciteront le site ciclade.caissedesdepots.fr, et nous devons communiquer à ce propos. Ce n'est pas la Caisse des dépôts qui les sollicitera. À nos concitoyens, donc, de rechercher s'ils sont titulaires ou ayants droit de comptes ou bénéficiaires de contrats d'assurance vie. Tout est bien précisé et détaillé sur le site. Il est même rappelé que les personnes malintentionnées encourent des sanctions.
Dominique Baert a évoqué la manière dont le dispositif est perçu par nos concitoyens, qui ont craint que l'on puisse s'approprier des sommes qui leur reviennent. Certes, il y eut des interrogations, mais comme chaque fois qu'un nouveau dispositif se met en place. Très vite, les banques ont compris qu'elles avaient intérêt à utiliser ce texte de loi, qui offrait l'occasion d'un contact avec des clients perdus de vue. Des campagnes ont été organisées, à l'adresse de millions de Français. Cela a permis un regain non négligeable d'activité. Ainsi, 60 % des comptes ont été réactivés.
L'un ou l'une d'entre vous a évoqué les bénéficiaires d'assurance vie. La loi du 17 décembre 2007 dispose que le nom, le prénom et la date de naissance doivent être précisés dans la clause bénéficiaire. Nous avons un stock de dossiers anciens à traiter mais, ensuite, leur nombre sera plus faible, d'autant que nous sommes passés au numérique, qui offre un bien meilleur suivi que les pratiques antérieures.
Effectivement, cher Pierre-Alain Muet, La Poste est active depuis un certain nombre d'années, mais, en l'occurrence, nous parlons d'autre chose. C'est La Banque postale qui a connu le plus grand nombre de réactivations de comptes, et ce fut l'occasion d'une promotion non négligeable. Finalement, si la campagne a coûté cher, on nous a tus ce qu'elle a pu, par ses retombées positives, rapporter par ailleurs aux banques…
Les banques sont tenues chaque année de signaler à leurs clients les comptes inactifs. Cependant, si une personne détient plusieurs comptes dans une banque et qu'il y eut des mouvements sur l'un d'entre eux mais pas sur tous, elle ne sera pas relancée. Voilà qui répond à la question de Christine Pires Beaune.
J'en viens à l'épargne salariale. Natexis et d'autres banques spécialisées dans ce genre de placements ont relancé les titulaires de ces comptes. La récupération des sommes devrait être rapide car les dépôts sont en moyenne de 2 000 euros. Entreprendre une démarche est nettement plus rentable que pour un livret A où il ne reste plus que l'équivalent d'un franc dans un établissement au fin fond de la France. Soit ces sommes seront déposées sur un autre compte, soit elles seront réinjectées dans l'économie : 938 millions, cela n'a rien de négligeable.
Quant aux comptes à l'étranger, madame Berger, par définition nous n'en avons pas connaissance. Notre gouvernement s'est lancé dans une lutte active contre la fraude fiscale. L'accord d'échange automatique de données fiscales prend de l'ampleur et désormais cent dix pays, dont la Suisse, l'ont signé.
Enfin, s'agissant des informations contenues dans les fichiers fiscaux, elles pourront être communiquées aux établissements qui en font la demande par courrier. Ceux-ci ne pourront y accéder directement, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) s'y oppose.
Monsieur Goua, vous vous interrogez sur les frais de gestion de la CDC, qui s'élèveraient, d'après cette institution même, à 9 millions d'euros chaque année – le site ciclade.caissedesdepots.fr mobilise à lui seul une centaine de personnes. Nous attendons le décret qui fixera la rémunération. Il faut bien avoir à l'esprit que la Caisse a déjà traité le stock des comptes inactifs depuis plus dix ans et qu'elle n'aura plus qu'à prendre en compte le flux des comptes devenus inactifs année après année. En outre, nous pouvons imaginer qu'il y aura des sorties à la faveur des recherches menées sur le site.
Monsieur André, il me semble très compliqué d'établir les profils des titulaires de comptes bancaires inactifs ou des bénéficiaires de contrats d'assurance en déshérence. Vous évoquez les personnes en situation de handicap. Les organismes de tutelle font leur travail. La loi oblige les établissements bancaires à rédiger des rapports annuels, qui recenseront les masses traitées et le nombre de clients concernés, mais ils ne pourront entrer dans le détail car les fichiers clients comportent des données sensibles d'un point de vue commercial.
Monsieur Terrasse, la loi Sapin 2 a durci les sanctions infligées par l'ACPR, laquelle mène un travail de fond en analysant les procédures mises en oeuvre par chaque établissement bancaire. Des auditions que nous avons menées, il ressort qu'il existe de grandes disparités entre les établissements s'agissant des frais de recherche. Nul doute que cette autorité de contrôle se penchera sur cette question.
Jean-Claude Buisine a soulevé le grave problème des bons de capitalisation. Le montant de ceux qui ont été versés à la CDC s'élève à 376 millions d'euros. Outre la vérification de leur authenticité, se pose une difficulté que devra prendre en compte un prochain décret : la Caisse n'a pas le statut d'assureur alors que certains bons étaient détenus par des compagnies d'assurance.
Monsieur Alauzet, vous vous interrogez sur les démarches entreprises par les établissements pour rechercher les bénéficiaires. La loi du 17 décembre 2007 permettant la recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance vie non réclamés était déjà très claire. La loi Eckert n'a pas ajouté beaucoup de dispositions à celles qu'elle contenait déjà.
Il y a un aspect qu'il faut prendre en compte – et cela répond aussi à la question de Véronique Louwagie : le recours aux généalogistes dépend des sommes en jeu. Est-il justifié d'en engager un pour rechercher le bénéficiaire d'un dépôt de 150 euros ? Je ne le crois pas. Quand les sommes sont importantes, l'ACPR vérifie que les établissements bancaires et les compagnies d'assurance ont bien fait appel à une société de généalogistes. Une systématisation de leur intervention n'est pas souhaitable. Il convient de fixer le montant à partir duquel recourir à ces professionnels s'impose. C'est une simple question de bon sens comme souvent en matière de législation.
La loi aura eu le mérite de préciser que les frais de gestion des comptes inactifs ne peuvent être supérieurs à ceux appliqués aux comptes actifs, soit 30 euros, alors qu'aujourd'hui certains vont jusqu'à 400 euros.
Je poserai quatre petites questions toutes simples.
Nos collègues ont montré que le succès des recherches dépendait des personnes qui les menaient et que c'étaient les généalogistes qui parvenaient aux meilleurs résultats. Mais ils n'ont pas soulevé la question de la rémunération par les banques de ce type d'intermédiaires. Pour les successions, nous savons que leurs tarifs se situent entre 15 % et 20 % des montants sur lesquels porte la recherche.
Ma deuxième question a trait à la rémunération des contrats d'assurance vie inactifs. À ce propos, je vais vous raconter une petite histoire. L'association de gestion d'une maison de retraite que je préside a reçu un jour un courrier de CNP Assurances l'informant qu'elle était l'heureuse bénéficiaire de la moitié de l'assurance vie d'une ancienne pensionnaire, sept ans après son décès. Sept ans après, alors que nous sommes dans l'annuaire et surtout, tenez-vous bien, en nous proposant une rémunération correspondant à un taux d'intérêt inférieur à 1 % ! J'ai écrit au secrétaire d'État au budget et au président de cet organisme pour dénoncer ces pratiques, suite à quoi CNP Assurances a fait le « geste commercial » de nous verser 5 000 euros d'intérêts alors que nous aurions dû en percevoir le quadruple. M. Eckert m'a confirmé que sa loi ne prévoyait des conditions de rémunération rénovées que pour les futurs contrats d'assurance vie. Ceux conclus avant sa publication restent soumis à des clauses léonines grâce auxquelles les compagnies d'assurance s'enrichissent sur le dos de modestes épargnants. N'y aurait-il pas des modifications à apporter ?
S'agissant de l'ACPR, les rapporteurs n'ont pas expliqué le mode de calcul des sanctions infligées aux établissements qui n'appliquaient pas correctement les procédures. Tient-il compte des bénéfices indus accumulés par les entreprises qui ont profité des intérêts perçus sur les sommes déposées ?
Ma dernière question porte sur les coffres-forts, à propos desquels j'avais déposé un amendement lors de l'examen de la proposition de loi de M. Eckert. Alors rapporteur général, il avait beaucoup hésité et avait finalement décidé de ne pas les prendre en compte dans le texte car le dévoilement de leur contenu soulevait des problèmes de confidentialité, certains documents étant susceptibles, par exemple, de révéler des secrets de famille. Or le rapport évoque l'accès aux coffres-forts. Je ne comprends pas très bien pourquoi.
La loi ne prévoit pas que les établissements fassent systématiquement appel aux généalogistes, monsieur de Courson. Les banques et les compagnies d'assurance ne sont pas soumises au même type d'obligations. Les banques doivent prouver qu'elles ont envoyé un courrier simple, puis un courrier recommandé, et qu'elles ont ensuite interrogé le RNIPP. Dans les années à venir, il faudra certainement renforcer ces diverses obligations.
La loi Sapin 2 a augmenté le montant des pénalités que l'ACPR est susceptible d'infliger aux banques et aux compagnies d'assurance : celles-ci peuvent désormais aller jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires alors que le plafond se situait auparavant à 100 millions euros.
Le montant des pénalités est proportionnel au chiffre d'affaires : le législateur a considéré que les sanctions ne devaient pas remettre en cause l'existence d'un établissement en difficulté. Dans son article L. 612-39, le code monétaire et financier plafonne les sanctions pécuniaires à 100 millions d'euros. Le montant des sanctions sera fixé au cas par cas, en prenant en considération la situation de chaque établissement.
Ne peut-on envisager un système « à l'américaine », en fixant le montant des pénalités au triple du gain procuré par des pratiques non conformes au droit ?
Nous pourrons en effet réfléchir à cette solution quand nous élaborerons nos recommandations.
Le stock va s'amenuiser peu à peu. Les cas seront moins complexes puisqu'ils n'impliqueront plus de rechercher des bénéficiaires de contrats établis il y a plus de cent ans. En outre, les assureurs se sont engagés, sous peine de sanctions, à veiller à ce que toutes les informations nécessaires soient inscrites dans les nouveaux contrats.
L'évolution qui s'est produite grâce à la loi de 2007 et à la loi Eckert a contribué à améliorer les relations entre les établissements bancaires, les compagnies d'assurance et leurs clients, dans l'intérêt de tous. Les clients ont pu récupérer des sommes dont ils ne pouvaient pas bénéficier auparavant ; les organismes ne se verront plus accusés de profiter des sommes dormant sur les comptes inactifs. Nous ne pouvons que nous féliciter des bienfaits de cette législation.
En application de l'article 145-7 du Règlement, la commission autorise à l'unanimité la publication du rapport d'information sur l'application de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence.
Elle examine ensuite le rapport d'information du président Gilles Carrez sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires.
En préambule, je préciserai que le rapport prend en compte non seulement la recevabilité financière au titre de l'article 40 de la Constitution mais également la recevabilité au titre des règles fixées par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) – cavaliers budgétaires, place des amendements dans la loi de finances.
Ce rapport s'inscrit dans une longue tradition. Mes prédécesseurs, depuis Jean Charbonnel, en 1971, en passant par Robert-André Vivien, Jacques Barrot, Pierre Méhaignerie et Jérôme Cahuzac, ont tous voulu faire le point sur cette prérogative du président de la commission des finances.
L'article 40, rappelons-le, interdit toute création ou aggravation d'une charge publique même lorsqu'elle est compensée par une moindre charge ou un surcroît de recettes. Il n'autorise la diminution d'une ressource que dans la mesure où elle est compensée par l'augmentation d'une autre ressource, d'où le succès bien connu des droits sur le tabac – certains amendements auraient même conduit à rend exorbitant le prix d'un paquet de cigarettes, comme notre rapporteure générale a eu l'occasion de le souligner à plusieurs reprises.
Pendant ces cinq années, j'ai essayé d'appliquer avec discernement les règles de recevabilité financière et même si j'ai subi quelques critiques – rares, il faut bien le dire –, j'ai toujours eu à coeur de préserver autant que possible l'initiative parlementaire. Je n'ai pas interprété l'article 40 de manière dogmatique, comme en témoignent quelques exemples que je vais vous citer.
J'ai, par exemple, décidé qu'une fusion de structures existantes à des fins d'économies d'échelle était désormais recevable au titre de l'article 40, sous les seules limites de ne pas fusionner des structures rattachées à des collectivités de niveau différent et pourvu que l'objectif poursuivi soit clairement celui de l'économie de moyens. Lors de l'examen de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) ou de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), beaucoup d'amendements visant à regrouper, entre eux, des communes, des départements ou des régions ont été déclarés recevables. Sous l'ancienne législature, ils auraient été écartés.
J'ai également maintenu la jurisprudence qui vise à ne pas traiter les sanctions pécuniaires comme des ressources publiques, ce qui permet aux parlementaires d'en diminuer le montant sans gager leur amendement. Cette jurisprudence a même été étendue aux versements libératoires d'une obligation légale de faire – sanctions prévues par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) ou versements au titre de l'obligation d'employer 6 % de personnes handicapées, par exemple.
Enfin, j'ai confirmé ma jurisprudence favorable aux expérimentations, tout en en précisant les critères afin de nous assurer que cet assouplissement ne couvre pas ce que l'on pourrait appeler des « abus de droit ». Ainsi, pour être recevable, une expérimentation doit être strictement définie, limitée dans le temps voire dans l'espace, être réversible et surtout ne pas être impérative pour l'État, qui doit toujours avoir le choix de la mettre en oeuvre ou pas. Je tiens à signaler que sur ce point, nous sommes plus libéraux que le Sénat, qui adopte une solution inverse en considérant toute expérimentation coûteuse comme une aggravation d'une charge publique, irrecevable à ce titre.
Cet exemple me permet d'évoquer certaines difficultés rencontrées dans le cadre de la mission qui m'est confiée. Les divergences d'interprétation avec le Sénat sont, comme je viens de l'illustrer, toujours possibles même si elles tendent à se réduire de législature en législature. Le rapport que je présente illustre l'uniformisation croissante sur de nombreux points de la jurisprudence des deux assemblées. Il rapproche notamment le champ des personnes soumises à l'article 40, ce champ ayant tendance à croître proportionnellement à l'interventionnisme de la puissance publique. Sont ainsi désormais soumis aux règles de l'article 40 les fonds interprofessionnels, les fédérations sportives et les régimes de retraite complémentaires obligatoires – Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC), Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARCCO) et Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC).
Une autre source d'incompréhension peut naître de la simple faculté qu'ont les présidents de commission de me saisir pour avis des amendements déposés devant leur commission. Il peut arriver qu'un même amendement soit discuté en commission puis déclaré irrecevable avant le passage en séance publique. Je souligne cependant ici que les présidents des différentes commissions jouent véritablement le jeu du renvoi à la commission des finances et que le filtre qu'ils opèrent laisse désormais peu de place à la discussion d'un amendement qui serait en fait irrecevable. Lorsque je suis saisi d'une disposition litigieuse qui aurait été intégrée au texte – l'article 89, alinéa 4, de notre Règlement permet aux députés et au Gouvernement d'opposer à tout moment l'article 40 aux propositions de loi et aux amendements –, je suis dans l'obligation de la déclarer irrecevable, ce qui crée un véritable trou juridique dans le texte. Cela est problématique notamment lorsque cette disposition constituait le coeur du dispositif, ce qui est bien souvent le cas lorsque je suis saisi d'une proposition de loi. Cependant, à partir du moment où le dépôt d'une proposition de loi est accepté par le bureau de l'Assemblée, nous soulignons que telle ou telle de ses dispositions n'est pas conforme mais nous n'interdisons pas pour autant sa discussion.
Enfin, il peut arriver que les critères de renvoi appliqués par la Présidence de l'Assemblée nationale en séance publique varient dans le temps, ce qui crée des incompréhensions lorsqu'un amendement discuté par le passé à la suite d'une première appréciation se retrouve ensuite écarté au titre de l'article 40.
Il faut souligner ici que le nombre d'amendements examinés au titre de la recevabilité a considérablement augmenté au cours de cette législature : il a presque doublé, passant de 25 000 à 46 000. Il est, en effet, désormais beaucoup plus facile d'en déposer, notamment grâce à l'application informatique Eloi.
Enfin, je signale que ce rapport analyse également les dispositions applicables à la recevabilité organique des amendements déposés en projet de loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale. En effet, en tant que président de la commission des finances, je suis également en charge de censurer les cavaliers budgétaires et sociaux qui seraient étrangers aux domaines exclusifs ou partagés définis par la LOLF et la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS). J'insiste sur ce point. Le Conseil constitutionnel peut s'autosaisir a posteriori de ces questions et censure systématiquement les cavaliers, auxquels j'ai consacré une annexe de mon rapport.
Je rappelle toutefois que la principale cause d'irrecevabilité organique est liée au mauvais placement des amendements entre la première et la seconde partie du projet de loi de finances. Nous sommes, bien sûr, amenés à proposer à leurs auteurs de les modifier pour qu'ils soient recevables – ce qui est plus facile lorsque l'amendement a été déposé en première partie alors qu'il aurait dû l'être en seconde. Les règles ont été clarifiées autant que possible.
L'article 40 demeure l'un des rares articles de la Constitution dont pas une virgule n'a été modifiée depuis 1958. Pour vous dire mon sentiment personnel, je suis partagé.
Les administrateurs et moi-même consacrons tant de temps au travail ingrat qui consiste à examiner la recevabilité de tel ou tel amendement que l'on peut se demander s'il a une réelle valeur ajoutée. Pierre Méhaignerie et Didier Migaud avaient même conclu que nous pourrions peut-être nous en passer.
Toutefois, devant l'accroissement considérable du nombre d'amendements, j'ai tendance à penser qu'il est nécessaire de conserver ce filtre. Il arrive que nos textes de loi soient encombrés de milliers d'amendements. Je dois dire que je suis parfois même gêné devant les présentations d'amendements faites par certains collègues – d'autres commissions, bien entendu... – qui ne semblent pas les comprendre eux-mêmes. Il y a aujourd'hui des facilités qui n'existaient pas auparavant. À l'époque où je suis entré à l'Assemblée nationale, en 1993, rédiger un amendement n'avait rien d'évident. Les plus anciens se souviennent qu'il fallait s'y prendre à plusieurs fois pour en faire adopter un. Cela nécessitait une grande préparation. Aujourd'hui, quand on retrouve dans l'exposé des motifs de plusieurs amendements la même faute d'orthographe, on sait qui les a écrits !
Pour finir, je tiens à remercier les valeureux administrateurs qui préparent cet énorme travail d'examen de la recevabilité des amendements. Nos discussions ont été parfois intenses, et en cas de doute, j'ai arbitré en faveur de la recevabilité. Sur les 46 000 amendements examinés pendant cette législature, j'ai été conduit à en déclarer irrecevables 4,7 %, contre 5,2 % sous la précédente législature.
Je ne suis pas allé jusque-là... Il y a des amendements que nous laissons passer que je trouve, sur le fond, complètement ineptes. Il y a, à l'inverse, des amendements extraordinairement intéressants que nous devons déclarer irrecevables. Je pense en particulier à un amendement de la rapporteure générale que j'aurais volontiers cosigné : il visait à relever le seuil du revenu fiscal de référence (RFR) à partir duquel une personne retraitée peut bénéficier d'une réduction de contribution sociale généralisée (CSG).
Monsieur le président, vous avez indiqué dans votre exposé que vous vous étiez montrés plus « libéral » que le Sénat. Sorti de son contexte, cet adjectif peut être sujet à caution. Mieux vaudrait peut-être employer le mot « progressiste ».
Vous avez également souligné la forte augmentation du nombre des amendements que vous avez examinés au cours de cette législature. C'est mon premier mandat et je dois dire que ce phénomène m'a surpris, en particulier au sein de notre groupe. Nous avons des recordmen toutes catégories, plus préoccupés par le besoin d'être vus et reconnus que par le fond des amendements. Cela explique en partie cet afflux d'amendements pratiquement identiques à droite et à gauche, défendus par des députés qui n'en maîtrisent pas le contenu, soucieux avant tout de s'exprimer devant un micro. Il serait souhaitable que nous recherchions des moyens de réduire cette masse d'amendements. L'application Eloi rend maintenant très facile leur élaboration : un simple copier-coller et ils sont prêts à être envoyés. Cela donne une image déplorable de notre Assemblée et nous éloigne de l'essentiel.
Alors que notre commission se réunit pour l'avant-dernière fois avant la fin de nos travaux, je tiens à vous remercier, monsieur le président et madame la rapporteure générale, pour la qualité des débats que nous avons eus et des documents que vous nous avez fournis. En tant que nouvelle députée, j'ai trouvé cela très appréciable.
J'aimerais savoir si vous disposez de statistiques sur les présences en commission. Je vous pose la question car j'ai été très surprise pendant ces cinq années par le nombre d'absents.
Enfin, je forme le voeu que la composition de la prochaine commission des finances soit paritaire : la proportion actuelle – 13 % de femmes – est bien trop faible !
À mon tour de vous remercier, monsieur le président et madame la rapporteure générale, et de saluer le travail des équipes de la commission des finances.
J'aimerais faire une remarque finale. L'application de l'article 40 nous conduit à parler beaucoup de fiscalité et pratiquement jamais de dépenses. Elle implique un déséquilibre : il nous est impossible de faire une quelconque proposition s'agissant des dépenses alors que nous pouvons toujours en formuler en matière de fiscalité en ayant recours au fameux contournement de l'augmentation du prix du paquet de cigarettes.
Ne faudrait-il pas favoriser un minimum de souplesse, non pour ouvrir les vannes à toutes sortes de propositions d'augmentation de dépenses mais pour nous intéresser à la façon dont les budgets sont construits, ligne par ligne, ce que, à titre personnel – je plaide coupable –, je n'ai pas suffisamment fait au cours de cette législature ?
Je remercie le président pour sa pédagogie et sa connaissance du domaine budgétaire. Cela devrait donner à réfléchir à ceux qui disent qu'il faut renouveler à toute vitesse le personnel politique. Cela fait vingt-quatre ans que Gilles Carrez et moi nous sommes députés, et je dois dire que cette expérience nous est bien utile !
Je remercie également la rapporteure générale, car elle a essayé de rendre compréhensibles des choses que seuls des spécialistes pouvaient à peu près saisir. Elle a fait un grand effort pédagogique et je trouve que nous devrions poursuivre dans cette voie en utilisant des moyens plus modernes de présentation.
Enfin, je remercie les administrateurs pour leur patience.
J'aimerais maintenant revenir sur l'augmentation du nombre d'amendements au cours de la législature. Je suis en train d'élaborer le compte rendu de mes cinq ans de mandat et j'ai découvert que j'en ai moi-même déposé près de 2 000, contre 1 000 lors de la précédente législature, soit, à chaque fois, entre 4 % et 5 % du total.
Comme Alain Fauré, je m'interroge sur les causes de cette évolution. Tout d'abord, les groupes ne jouent pas leur rôle : nous faisons tous un peu ce que nous voulons. Peut-être que s'ils imposaient une discipline selon laquelle chaque membre devrait d'abord soumettre son amendement au responsable du groupe, nous n'en serions pas là. Ensuite, il faut peut-être incriminer la dégradation de la qualité des textes dont nous sommes saisis, constat qu'établit le Conseil d'État dans ses rapports.
Notre collègue Christine Pires Beaune s'étonne de l'absentéisme. Je trouve formidable que l'on puisse encore s'en étonner : j'y vois là un beau signe de jeunesse... La commission comprend soixante-treize membres et, dans la plupart des réunions, nous ne sommes qu'entre douze et quinze, toujours les mêmes. Et il y a des moments où ces douze, ces quinze en ont marre, surtout lorsqu'ils ne sont plus que six pour examiner à 2 heures du matin des textes aussi importants que le projet de loi de finances. Dans l'heureux temps où la réserve parlementaire était quasiment réservée à la commission des finances, les « bosseurs » étaient récompensés mais maintenant que l'égalitarisme l'a emporté, ce n'est plus le cas. Comment favoriser les présences quand tout pousse les membres des commissions à l'absentéisme ? Je dis « des commissions », au pluriel, car ce phénomène n'est pas spécifique à la nôtre.
J'en viens à mon dernier point. Les finances publiques connaissent une crise structurelle que nous mettrons au moins dix ans à surmonter. En tant que membres de la commission des finances, de la majorité comme de l'opposition, il faut se demander en quoi nous pouvons aider les gouvernements. Cela renvoie à un problème culturel. La commission des finances a souvent été battue par les autres commissions. Voyez ce qui est arrivé lorsque nous avons essayé de mettre fin au scandale des majorations de retraite des anciens fonctionnaires retirés outre-mer – dont un certain nombre n'y avaient jamais mis les pieds avant !
Il nous faut réfléchir à toutes ces questions pour tenter d'améliorer le fonctionnement de la commission des finances.
Le rapport sur l'activité de la commission des finances au cours de la législature que je vais vous présenter établit le même constat que Karine Berger. Nous faisons diverses propositions pour rendre l'impôt plus intelligent, pour procéder à des redéploiements, mais nous nous accordons tous sur le fait qu'il est difficile d'augmenter le niveau des prélèvements obligatoires. Il faut que nous puissions nous concentrer sur les dépenses, qui constituent le défi des prochaines années. Karine Berger a raison de souligner que nous n'avons pas d'instruments à notre disposition pour nous saisir de ces enjeux. L'idée subsiste – y compris du côté du Gouvernement – que nous donner de tels instruments aurait pour conséquence d'augmenter encore les dépenses. Une meilleure articulation entre le travail de la Cour des comptes et celui, plus politique, des rapporteurs spéciaux, dont les textes fourmillent de propositions, devrait permettre de mieux gérer la dépense publique. C'est en ce domaine que nous devons le plus progresser.
Avec un peu de chance, c'est ma dernière prise de parole au sein de cette commission ; j'espère, en effet, ne pas avoir à me représenter, tout étant fait pour que mon suppléant, qui est aussi le président du conseil général de l'Ardèche, me succède. Après vingt années de bons et loyaux services dans notre commission, je quitte l'Assemblée nationale de bon coeur. Je tiens à vous remercier particulièrement, monsieur le président, cher Gilles, pour le travail que vous avez accompli. Nous avons parfois été en désaccord, sur la fiscalité locale par exemple, et souvent en accord. Mes remerciements sont aussi destinés à toutes les équipes qui vous ont épaulé. Quant à Valérie Rabault, qui a pris ses fonctions de rapporteure générale en cours de mandat après avoir été élue en 2012, elle a effectué un travail remarquable – j'ai pourtant connu de nombreux rapporteurs généraux. Elle a présenté ses rapports de manière simple, didactique, lisible et transparente ; ce fut très précieux. Vous avez été une excellente rapporteure générale, chère Valérie, comme d'autres le furent en leur temps – je pense à Christian Eckert, en particulier.
Au terme de mon activité parlementaire, j'ai un regret. Je fus l'un des premiers, avec Claude Évin, Alfred Recours et quelques autres, à mettre en oeuvre la réforme décidée par M. Juppé concernant le financement de la sécurité sociale, alors même qu'un certain nombre de mes collègues manifestaient contre la décision de confier au Parlement l'adoption des lois de financement de la sécurité sociale. Or, la « tuyauterie » du financement social est extrêmement complexe et implique la fiscalité de manière croissante : la CSG, qui est une imposition, est de plus en plus sollicitée par les collectivités territoriales et, demain, la TVA pourrait elle aussi – à en croire certaines propositions – financer une partie des dépenses de sécurité sociale. Dans ces conditions, il est anormal – je le dis depuis dix ans – que la commission des finances ne soit saisie que pour avis du volet relatif aux recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La jonction avec le projet de loi de finances est indispensable, tant les deux domaines sont imbriqués. Je pensais que nous y parviendrions durant cette législature ; ce ne fut pas le cas. Il ne serait pas sot que ce travail soit mené au cours de la prochaine législature, d'autant plus que le budget de la sécurité sociale dans son ensemble est plus élevé que celui de l'État.
Je partage les remerciements formulés par Pascal Terrasse, élu pour la première fois la même année que moi. Je tiens à appeler votre attention à tous, par-delà les sensibilités, sur le contexte politique d'une exceptionnelle gravité que nous connaissons. En matière financière, une profonde incompréhension prévaut parmi nos concitoyens ; notre méthode de travail et la manière dont les messages sont compris ou incompris n'est pas sans effet sur la perception qu'ils ont de la vie politique et sur leurs relations avec les institutions.
Tout d'abord, nos concitoyens ne comprennent pas le « jeu » que nous donnons l'impression de jouer en matière fiscale. Le calendrier nous est certes imposé, mais tout de même : des mesures fiscales sont annoncées – et les informations circulent plus vite encore à l'ère des réseaux sociaux – dès la présentation de la loi de finances, avant que le texte ne soit examiné et parfois modifié en commission, puis de nouveau dans l'hémicycle – avec les gros titres de la presse – et ainsi de suite tout au long du cheminement parlementaire. L'incompréhension générale qui en résulte s'est aggravée, comme je l'ai constaté en quinze années d'exercice dans cette commission, par le jeu de l'information permanente. Or, la sensibilité de nos concitoyens, des investisseurs et des décideurs – à titre personnel ou professionnel – est extrême en matière de fiscalité ; cela crée une situation qui n'est pas saine, et j'ignore comment résoudre cette difficulté.
Ensuite, je suis d'accord – il aura fallu attendre notre dernière séance pour que cela se produise... – avec Karine Berger, non pas sur le caractère structurel ou conjoncturel de telle ou telle situation, mais sur la frustration que les parlementaires éprouvent à l'égard de leur rôle en matière de dépense publique, en raison de l'article 40 entre autres. Pour en avoir présidé plusieurs, je tiens à dénoncer la comédie des commissions élargies. Rien n'y est fait : nous n'y participons que pour figurer au compte rendu et pour interpeller des ministres qui ne sont pas toujours capables de nous répondre, sur le fond ou faute de temps. La procédure budgétaire concernant la gestion et l'encadrement des dépenses est déraisonnable, tant pour ce qui concerne son calendrier que son contenu. In fine, ce théâtre est sans effet. Nos concitoyens ne comprennent pas – et nous non plus, d'ailleurs – pourquoi nous sommes si peu nombreux dans l'hémicycle pour voter de grands budgets dont l'élaboration a pourtant consommé près de deux mois de travail parlementaire ; ce n'est pas acceptable.
Certains d'entre nous, de leur plein gré ou non, ne seront bientôt plus députés. Les uns sont plus expérimentés que les autres. J'ignore qui exercera les fonctions de président de la commission et de rapporteur général dans quelques mois, mais sans doute serait-il utile de confier à des parlementaires qui, tout en étant rompus à la pratique budgétaire, sont sur le point de se retirer, la tâche d'examiner comment réformer les procédures de sorte qu'elles soient à la fois efficaces et comprises par la population. Comment expliquer que l'on entame l'examen de la première lecture à la fin septembre pour le terminer à la mi-novembre, et que s'y ajoute le jeu de la nouvelle lecture et de la lecture définitive ? Ce système est insatisfaisant et il faut savoir le dire.
Enfin, monsieur le président, voici ce que j'ai le plus mal vécu – comme vous sans doute – au cours de ce mandat : non pas l'examen des amendements au titre de l'article 40, qui est par définition critiquable et qui relève de l'appréciation du président, mais le fait que nous ayons parfois dû voter à l'insu de notre plein gré des dispositions juridiquement contestables. Je m'étonne du nombre de dispositions annulées par le Conseil constitutionnel, alors même que le risque d'inconstitutionnalité avait été signalé dans l'hémicycle ; ce n'est pas non plus compréhensible. L'institution et les travaux parlementaires s'en trouvent affaiblis. Là encore, j'ignore quel filtre appliquer dans le respect de la démocratie parlementaire, mais est-il acceptable que le Parlement vote des dispositions qui sont aussi souvent « retoquées » par le Conseil constitutionnel, sur le fond comme sur la forme ? Les vices de forme sont sans doute aisés à corriger ; peut-être les problèmes de fond le sont-ils moins. Quoi qu'il en soit, cette situation ne valorise guère le travail parlementaire et celui de notre commission : on s'entend souvent dire que la commission travaille n'importe comment au motif que le Conseil constitutionnel a encore « retoqué » des dizaines de dispositions qu'elle avait pourtant adoptées, en dépit du fait que bon nombre d'entre nous eussent préalablement signalé ce risque ! Voilà certainement ce que j'ai le plus mal supporté au cours de ce mandat, car nous avons atteint des records. L'Assemblée devrait pouvoir s'autocontrôler en appréciant la jurisprudence du Conseil : ce serait certes paradoxal, mais elle y gagnerait et son travail s'en trouverait amélioré.
Je m'associe naturellement aux remerciements qui viennent d'être formulés. Je reste perplexe, pour ma part, devant le choix qui a été fait de confier à l'opposition la présidence de la commission des finances – une fonction importante qui a trait à la maîtrise des dépenses. Ces quarante dernières années, notre pays a connu deux périodes de forte hausse des dépenses : en période de cohabitation d'une part, en particulier entre 1993 et 1995, lorsque le Président de la République et le Premier ministre annihilaient chacun l'action de l'autre, d'où des difficultés de gestion, et depuis 2007 d'autre part, c'est-à-dire depuis que le président de la commission des finances est un membre de l'opposition. Cela ne me semble pas judicieux, car la commission des finances doit, le cas échéant, accompagner la volonté d'un gouvernement de maîtriser les dépenses en conduisant avec le pouvoir exécutif des échanges indispensables. J'ai souvent été surpris par les deux visages de notre président : ici, vous avez toujours prôné la maîtrise des dépenses avec un certain courage, eu égard à votre appartenance à l'opposition ; dans l'hémicycle, en revanche, le responsable de l'opposition reprenait le pas sur le président de la commission. Il faut selon moi modifier ce système : l'opposition doit tenir son rôle, même avec virulence, pendant le débat, mais il faut éviter toute confusion avec l'exercice de la présidence – étant entendu que la personne de Gilles Carrez n'est évidemment pas en cause.
Tout en m'associant aux remerciements faits à Gilles Carrez, je m'inscris en faux contre les propos qui viennent d'être tenus : il est vrai que l'exercice qui est demandé à notre président est loin d'être évident compte tenu de sa sensibilité politique, mais la décision de confier la présidence de la commission des finances à un membre de l'opposition est selon moi un progrès, au point qu'elle est presque devenue la norme dans un certain nombre de collectivités territoriales.
Je remercie donc le président et l'équipe d'administrateurs qui travaillent à ses côtés, mais aussi la rapporteure générale, qui est parvenue à rendre nos travaux intelligibles pour le grand public. Ses efforts sont nécessaires tant nos travaux demeurent hermétiques, qu'il s'agisse de la présentation des grandes masses financières ou de nos réunions plus ciblées, comme celle que nous avons tenue sur les stratégies d'évitement de l'impôt par exemple.
Un mot sur la masse d'informations collectées par la commission, en particulier par ses rapporteurs spéciaux dans différents domaines. En tant que rapporteur spécial sur la fonction publique, j'ai mis en lumière le coût de formation des énarques ; mon rapport avait suscité des grincements de dents, mais il faut pourtant que les choses soient dites. Dans ce même rapport, je préconisais de mettre fin au classement de sortie des élèves de l'École nationale d'administration (ENA), sur la suggestion de la direction de l'établissement ; j'ai alors pu constater le poids des lobbies internes à la haute fonction publique.
S'agissant de la mission Économie, que j'ai également rapportée, je me félicite que le président et la rapporteure générale soient parvenus à faire reculer l'administration de Bercy, capable de défendre – pardonnez-moi l'expression – une masse de « conneries » tout à fait contraires à ce que l'on vit sur le terrain. Citons par exemple le crédit d'impôt dont bénéficient les retraités pour emploi à domicile, crédit qui représente 1 milliard d'euros pour 1,3 million de retraités. Pendant quatre ans, nous avons été battus sur ce sujet pour l'imposer. J'ai compris la stratégie à adopter : c'est celle du contournement et de la mobilisation des lobbies de retraités, notamment dans les organisations syndicales. Voilà comment certains, en haut lieu, ont fini par comprendre qu'il fallait céder. De même, nous avions débattu entre nous de la prolongation du mécanisme de suramortissement des investissements productifs, mais il a fallu que le Président de la République se rende au salon mondial des savoir-faire en sous-traitance industrielle, le MIDEST, pour se laisser convaincre par les chefs d'entreprise. Autre exemple : j'avais formulé des propositions sur le financement des chambres de commerce et sur les centres techniques industriels, un domaine dans lequel Bercy fait des économies certes légitimes du point de vue budgétaire mais dévastatrices sur le terrain ; avec le soutien de la rapporteure générale et le concours des uns et des autres, nous avons heureusement pu revenir sur ces décisions dans le budget pour 2017. En clair, il est tout de même regrettable qu'il faille lutter pied à pied contre une administration omniprésente : les premières auditions avec l'ensemble des directions de Bercy sont pour le moins « raides », en effet, et les parlementaires, aidés de leurs collaborateurs et d'un administrateur, aussi talentueux soient-ils, s'y sentent démunis et en position de faiblesse. Il faudra modifier ce rapport de force.
Enfin, la possibilité d'adopter, au titre de l'article 88 du Règlement, des amendements initialement écartés par la commission des finances perturbe la procédure. Sans doute faudrait-il réserver une procédure particulière à la loi de finances pour faire face aux projets de coupes et parce que la procédure actuelle est inutilement alourdie. La bienveillance ou, selon les cas, l'abstention de l'opposition ont bien fait les choses : il se trouve dans cette commission des membres assez responsables et conscients de la situation du pays pour ne pas mener la politique du pire.
J'ignore si je serai parmi vous pendant la prochaine législature, car je n'ai pas encore décidé de me représenter ; je réserve la primeur de cette information à mes électeurs.
Permettez-moi, avant de lui donner la parole, de vous dire un mot sur notre rapporteure générale. J'ai beaucoup apprécié de travailler avec elle, notamment parce qu'elle a fait preuve d'un remarquable courage dans la discussion avec le Gouvernement, et Bercy en particulier. Je me suis senti en profond accord avec presque tous les combats qu'elle a menés. Je sais d'expérience, pour en avoir mené un moi-même – afin de préserver le caractère territorial de la taxe professionnelle – que ces combats sont très difficiles. J'ai donc apprécié la capacité de Valérie Rabault à faire valoir son point de vue.
De surcroît, la présentation qu'elle nous a faite de ses rapports constitue un progrès considérable. Plus pédagogique, cette présentation en fiches permet d'apporter un éclairage particulier à tel ou tel sujet et de mieux nous faire comprendre les choses. Je souhaite que nous poursuivions cet effort de présentation et de pédagogie à l'égard de nos concitoyens. Je m'interroge même sur l'opportunité d'inventer de nouvelles formules plus susceptibles de capter leur attention ; l'organisation périodique de conférences de presse communes du président et du rapporteur général, par exemple, ne me choquerait pas : cela permettrait d'expliquer un certain nombre de données, dans la mesure où bon nombre d'entre elles sont objectives ou consensuelles, et de faire prendre conscience de la gravité de la situation, notre pays n'ayant pas été capable de voter un seul budget en équilibre depuis 1974.
Quant au fait de confier la présidence de la commission des finances à un membre de l'opposition, il me semble qu'il s'agit d'un progrès pour la mission d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. La singularité de notre commission tient au fait que de nombreux travaux d'évaluation et de contrôle sont partagés : on l'a vu à l'instant avec le rapport de Marie-Christine Dalloz et d'Alain Fauré, mais aussi dans la répartition des missions entre les rapporteurs spéciaux et dans tous nos autres travaux. Or, ce volet de notre action est destiné à gagner en importance.
Concernant les recettes fiscales, le rôle du président de la commission est délicat. Vous aurez constaté que j'ai considérablement raréfié mon expression publique, dans les médias et à la radio, par exemple. Je refuse un grand nombre de demandes d'entretien car j'estime que pour être crédible, cette fonction ne saurait être dévoyée par des interventions répétées de nature trop politique. Jean-Louis Gagnaire évoquait le mécanisme de suramortissement, qui prendra fin en avril : lors d'une réunion d'arbitrage qui s'est tenue hier avec François Fillon – permettez-moi cette confidence –, j'ai arraché la décision de le prolonger. C'est une mesure sur laquelle nous avons longuement réfléchi ici même, qui produit des résultats et qui a fait l'objet d'une évaluation ; elle est pertinente pour lutter contre le problème d'investissement industriel que Valérie Rabault a constamment souligné dès ses premiers rapports. Certes, des différences existent entre nous mais, sur bien des sujets de cette nature, nous pouvons nous rassembler. Nous progresserions beaucoup si nous parvenions à mettre ces convergences en évidence devant nos concitoyens, qui feraient sans doute une meilleure appréciation du travail qu'accomplissent les responsables politiques.
Quoi qu'il en soit, je remercie une nouvelle fois la rapporteure générale pour son excellent travail.
Je vous remercie, monsieur le président. L'exercice par un membre de l'opposition de la présidence de la commission des finances, qui aborde des sujets de toute nature, permet d'assurer un équilibre indispensable, notamment au cours de nos débats que, pour ma part, j'ai trouvés plus intéressants que dans l'hémicycle et de grande qualité, au point qu'ils ont parfois pu instiller le doute sur des sujets complexes et, ainsi, éviter une approche trop dogmatique pouvant conduire dans le mur. À cet équilibre institutionnel s'ajoute votre personnalité, monsieur le président : plutôt que de rechercher le consensus – qui, par définition, est mou – vous avez été capable d'arbitrer certains problèmes dans un sens qui n'était pas toujours celui que défendait votre famille politique. Je vous remercie sincèrement de la manière dont nos débats ont été tenus ces cinq dernières années car ils nous ont fait progresser sur plusieurs sujets, même si tous nos objectifs n'ont pas été atteints.
J'en viens à votre rapport sur l'article 40 en commençant par remercier les administrateurs de la commission. Ils ont, en effet, à examiner 10 000 amendements par an dans une petite salle – heureusement rafraîchie – où règne une ambiance toujours sympathique ; nous y avons même amené quelques journalistes pour leur montrer ce qui est le « coeur du réacteur » de notre commission. Les avis qui y sont rendus ne le sont jamais à la légère et donnent lieu à de véritables débats ; étant donné la masse d'amendements à traiter, je vous en félicite.
Il nous est interdit d'augmenter les charges publiques. Ne pourrait-on pas proposer en contrepartie une baisse sur d'autres lignes, ce qui permettrait d'entamer une réflexion sur la dépense ? Certes, la question de l'évaluation se pose pour vérifier que la baisse proposée équivaut exactement à l'augmentation correspondante. L'article 40 n'a pas été retouché depuis 1958 comme vous l'avez rappelé, monsieur le président : ne faut-il pas laisser à la commission de la prochaine législature une proposition pouvant s'inscrire dans une éventuelle révision constitutionnelle afin de faire évoluer le dispositif et, ainsi, ouvrir un véritable débat sur les dépenses ? À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas débattre de la dépense puisque nous ne pouvons rien proposer. Aucun député n'ose, en effet, se tirer une balle dans le pied en proposant une hausse de la dépense sans contrepartie.
D'autre part, il me semble judicieux que nous ayons une vision globale du volet des projets de loi de financement de la sécurité sociale qui porte sur les recettes, dont une partie dépend du RFR, lequel relève de la commission des finances. Sans jeter la pierre à qui que ce soit, ce volet n'est pas appréhendé en commission des affaires sociales – et ne l'est donc à aucun stade, ce qui est très dommageable. Une évolution de cet état de fait relèverait sans doute davantage du Règlement de l'Assemblée que de la Constitution, mais elle devra faire l'objet d'un arbitrage politique difficile ; nous colmaterions ainsi les trous qui existent dans la raquette.
Troisièmement, nous avons balayé l'an dernier l'ensemble des aspects fiscaux contenus dans les lois autres que les lois de finances : ils sont innombrables et leurs incidences budgétaires sont non négligeables. Une réforme interdisant d'inclure des dispositions de nature fiscale dans ces autres textes me semble souhaitable. L'Assemblée examine au moins deux projets de loi de finances par an : chacun peut donc s'exprimer et, le cas échéant, attendre six mois pour déposer un amendement de nature fiscale qui aurait trait à des dispositions adoptées dans une autre loi. En l'état, certaines de ces mesures fiscales sont « retoquées » par le Conseil constitutionnel qui, au fond, fait notre travail, comme ce fut par exemple le cas pour la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté.
Comme Dominique Baert, je pense qu'il faut mettre fin aux commissions élargies. Elles ne servent que de tribunes et nous n'y apprenons ni n'y décidons rien ; c'est une perte de temps. Rien ne sert de débattre de mesures particulières sans avoir le tableau d'ensemble à l'esprit.
Enfin, je suis également d'avis qu'il nous faut rendre le débat plus intelligible. « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement » : ce vers de Boileau devrait devenir l'emblème de notre commission et gagnerait à être rappelé à certains ministères qui nous transmettent des textes pour le moins ardus. Nous devons poursuivre les contrôles sur pièces et sur place, auquel Bercy est désormais habitué – ce qui n'est pas le cas de tous les ministères : nous avons tenté l'expérience hier dans un autre ministère où nous avons dû nous y reprendre à deux fois pour être admis dans les locaux. Quoi qu'il en soit, nous devons disposer de l'information et la rendre intelligible pour assurer le bon fonctionnement de la démocratie.
Permettez-moi d'aborder trois points.
L'inflation du nombre d'amendements, tout d'abord : je suis atterrée par cette progression colossale, à laquelle j'ai d'ailleurs apporté ma part. Je rappelle néanmoins que la majorité actuelle a été traversée par de profondes divisions au cours de la législature, et les responsables du groupe majoritaire ont eu la chance de pouvoir compter sur une opposition réfléchie qui a contribué à éviter certaines dérives et à maintenir le cap en votant à leurs côtés – ce qui ne s'est pas souvent vu dans le passé. Notre président est pour beaucoup dans cette vision responsable. Ajoutons que le Gouvernement a pris une part importante – qu'il serait intéressant d'établir – à la hausse du nombre d'amendements : concernant les projets de loi de finances, en particulier, Bercy n'a pas été très performant en la matière.
Précisons que les deux tiers des cavaliers qui figuraient dans la loi de finances pour 2017 et dans la loi de finances rectificative pour 2016, et qui ont été censurés par le Conseil constitutionnel, provenaient du Gouvernement.
Précisément.
J'en viens à l'article 40. Il est aberrant de gager telle ou telle dépense sur l'article 575 A du code général des impôts. À l'évidence, il faut trouver un nouveau système pour ne plus jouer que sur ce seul article. L'idée est de compenser toute charge supplémentaire par une réelle piste d'économies, plutôt que de financer une nouvelle dépense par une hausse de la fiscalité sur le tabac.
Quant aux commissions élargies, cette espèce de supplice, elles sont illisibles et inutiles ; certains s'en servent de tribune mais le débat n'y gagne rien, même avec trois voire quatre présidents de commission siégeant côte à côte.
Enfin, j'ai été très étonnée d'entendre dire que la présidence de la commission des finances n'est pas opérationnelle parce qu'elle est confiée à un membre de l'opposition. J'ai connu, sous la précédente législature, la commission des finances présidée par Didier Migaud puis Jérôme Cahuzac, et je suis convaincue que ce mode de fonctionnement est très pertinent. Le rapporteur général est sinon l'écho de la voix gouvernementale – vous avez été bien davantage, madame la rapporteure générale –, du moins le garant de l'application du projet du Gouvernement. Il revient au président de la commission de trouver un équilibre. Or, nous avons eu l'immense chance de travailler avec Valérie Rabault et Gilles Carrez, non seulement en raison de leurs personnalités, que j'ai beaucoup appréciées, mais aussi de leur connaissance, de leur expertise et de leur volonté de pédagogie. Ce fut une chance, en particulier pour nos jeunes collègues, de pouvoir compter sur ces deux personnes décidées à communiquer.
Dominique Baert évoque la réactivité des réseaux sociaux : on ne peut empêcher qu'il s'y dise tout et n'importe quoi, et cela vaut dans tous les domaines. La pédagogie a du sens, néanmoins, et la commission des finances en a fait la preuve grâce à la rapporteure générale et au président, que je remercie.
Je vous remercie, monsieur le président, pour le travail accompli au fil de ces années. J'ai un seul regret : en tant que doyen d'âge, je n'ai eu que trop rarement l'occasion de vous remplacer... Je remercie également l'ensemble de nos collègues de m'avoir confié un siège à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations – commission dont j'exerce en pratique la présidence en raison de l'absence d'Henri Emmanuelli, souffrant, à qui vont mes pensées. J'ai donc eu la chance de faire deux carrières dans la banque : l'une dans la « petite banque », l'autre dans la haute banque.
Je salue particulièrement la rapporteure générale pour son courage, car elle n'a pas toujours été dans le sens du Gouvernement, notamment de Bercy. S'agissant de la compensation de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), par exemple, elle a eu le courage de faire aboutir une demande que nous formulions depuis trois ans. Je tire également un coup de chapeau aux administrateurs pour leur travail, en particulier sur la question d'Areva, qui a défrayé la chronique : sans eux, je n'aurais pu mener à bien mes travaux, tant les délais qui nous sont imposés sont brefs et tant il est parfois malaisé de se procurer les informations nécessaires.
Après le doyen, le benjamin : je suis arrivé à l'Assemblée et dans cette commission en cours de législature, en juillet 2014. Je rejoins les propos tenus sur notre absence totale de marge de manoeuvre en matière de dépenses et sur l'obsolescence des commissions élargies. Il faudra ouvrir ce chantier dès qu'une révision de la Constitution ou de la LOLF sera envisagée, car la procédure actuelle est inutile, illisible pour nos concitoyens et frustrante pour les parlementaires.
Au cours de mes trois années de mandat, j'ai constaté un déséquilibre entre la loi de finances initiale et la loi de finances rectificative de fin d'année. En réalité, nous adoptons chaque année – particulièrement cette année – deux lois de finances distinctes qui comportent chacune des mesures pérennes. Or, le décalage entre ces deux textes et les délais d'examen beaucoup plus courts pour le second que pour le premier ne nous permettent pas d'avoir une vision globale de la politique budgétaire et fiscale de la nation. Je regrette que les lois de finances rectificatives de fin d'année soient surchargées de dispositions pérennes, ce qui ôte son intérêt au débat sur la loi de finances initiale en nous interdisant d'envisager à cette occasion la politique budgétaire et fiscale dans son ensemble.
D'autre part, il me semble qu'il faudra ouvrir nos travaux à la politique budgétaire et fiscale comparée. Certains d'entre nous participent à différentes réunions interparlementaires : nous gagnerions à ouvrir le programme de travail ordinaire de notre commission aux études internationales, car les enjeux dont nous sommes saisis dépassent largement le seul cadre national. Un nombre croissant d'éléments de la politique fiscale sont définis à l'échelle internationale, en matière de lutte contre l'érosion des bases fiscales par exemple. Nous devons donc nous intéresser davantage à la politique fiscale et budgétaire comparée pour éviter de perdre certaines de nos prérogatives.
Comme notre président, je suis persuadé que nous devons mieux défendre les résultats que nous obtenons à titre collectif, au-delà des clivages partisans. À chaque fois que j'invite un groupe à visiter l'Assemblée, je l'amène dans cette salle pour lui expliquer que c'est là que se fait l'essentiel de mon travail, bien plus que dans l'hémicycle où se jouent des jeux de rôles – j'ai souvent dit qu'il y avait un « Doctor Gilles » et un « Mister Carrez »... mais je sais gré au président de modérer notre tendance à tous nous dédoubler ainsi, même si le militant politique peut parfois l'emporter sur le gestionnaire. Quoi qu'il en soit, nous devons défendre notre travail collectif, qu'il s'agisse des rapports d'information ou des missions de contrôle. Il est très utile que le président et le rapporteur général ne soient pas issus des mêmes groupes, et l'organisation de conférences de presse communes mettant l'accent sur les grands points d'accord valoriserait le travail du Parlement et montrerait à nos concitoyens – qui, bien trop souvent, estiment que nous nous contentons d'un jeu de rôle et d'une confrontation partisane stérile – que nous sommes capables de travailler ensemble.
Enfin, je remercie la rapporteure générale – tout a été dit sur son rôle et sa pédagogie – et mais aussi les administrateurs de l'Assemblée. Ayant rapporté la « loi Sapin 2 », j'ai constaté la différence entre un rapporteur et un simple député : le premier est un véritable législateur, en quelque sorte. Je regrette que les députés, lorsqu'ils ne sont pas rapporteurs, aient insuffisamment accès aux administrateurs, car leur travail quotidien pourrait y gagner. Si le nombre de parlementaires diminue, il faudra améliorer cette situation.
Pour conclure, je remercie le président dont j'ai apprécié dès mon arrivée ici la disponibilité et la bonne gouvernance. Tout en rappelant mon attachement à l'attribution de la présidence de la commission à l'opposition, je souhaite longue vie à la présidence Carrez !
Qui vivra verra ! Nous sommes tous en pleine incertitude – ce qui fait le charme de la vie politique... Je constate donc que la commission approuve la publication de ce rapport.
En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise à l'unanimité la publication du rapport d'information sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires.
Puis elle examine, sur le rapport du président Gilles Carrez, le rapport d'information sur l'activité de la commission au cours de la quatorzième législature.
Nous avons déjà largement évoqué le bilan de l'activité de notre commission au point précédent. Ce rapport vise à montrer qu'au fond, comme vient de le dire Romain Colas, l'essentiel de notre travail se fait ici. À preuve : au cours de la législature, la Commission a tenu 522 réunions pour 706 heures de travail, dont la moitié consacrée à des travaux législatifs et l'autre à des auditions et des missions d'évaluation et de contrôle. Nous avons examiné quarante-huit textes, dont dix-sept lois de finances. Nous avons tenu 202 auditions, dont 26 % concernaient des membres du Gouvernement, 11 % des administrations d'État et 19 % la Cour des comptes, tandis que 30 % étaient liées aux travaux législatifs. La Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) a publié dix rapports ; dix-neuf autres rapports d'information sont parus, ainsi que sept rapports sur l'application des lois – notamment les documents très importants qu'établit la rapporteure générale. Vingt-trois enquêtes ont été remises par la Cour des comptes au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ; enfin, nous avons tenu treize auditions pour avis sur les nominations.
En clair, nous avons accompli un travail considérable, et nous devons parvenir à l'expliquer à nos concitoyens. Comme vous, monsieur Colas, j'impose à chaque groupe de visiteurs une halte dans cette salle pour expliquer que nous y exerçons l'essentiel de nos tâches, tandis que l'écume de nos travaux apparaît dans l'hémicycle. Mes prédécesseurs n'avaient jamais présenté un rapport sur le bilan de l'activité de la commission ; il m'a néanmoins semblé indispensable de l'établir. Le rapport présente en détail l'ensemble des travaux législatifs, d'évaluation, de contrôle et d'audition que nous avons effectués.
Je conclurai en faisant part d'une grande frustration concernant les dépenses et la procédure des commissions élargies. Nous devons progresser. Il nous appartient de formuler des propositions courageuses d'amélioration, car nous sommes tous conscients de l'insuffisance et des inconvénients de la situation actuelle. Ce sera difficile : le sujet a par exemple été abordé à deux reprises en Conférence des présidents et, par deux fois, il a été décidé de ne rien faire. Il faut pourtant corriger ce processus.
Je vous remercie pour les discussions utiles que nous avons eues dans cette commission : à aucun moment je ne m'y suis senti gêné ou frustré, et elles ont souvent permis d'exposer des points de vue nouveaux. Chacun apporte une forte valeur ajoutée sur les sujets auxquels il s'est intéressé au fil de son parcours. D'autre part, monsieur Fauré, je constate, ayant été rapporteur général pendant cinq ans sous la présidence de Pierre Méhaignerie et de nouveau cinq ans sous celles de Didier Migaud puis de Jérôme Cahuzac, que nous avons plusieurs fois été en conflit avec le Gouvernement au cours de la première période – Charles de Courson évoquait la question des surrémunérations – et que nous avons presque toujours perdu. Avec Didier Migaud, au contraire, nous avons gagné en nous rendant à l'Élysée. Lorsqu'un rapporteur général de la majorité et un président d'opposition s'accordent sur un point – le plafonnement des niches fiscales, par exemple –, ils gagnent à chaque fois, car leur légitimité est forte. Il ne faut certes pas en abuser, mais c'est parfois indispensable.
Si j'ai fait cette observation, c'est parce qu'il est des circonstances, même dans la République, où la discussion doit se faire dans une certaine intimité. Il s'agissait d'une simple interpellation, mais votre point de vue m'intéresse.
En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise à l'unanimité la publication du rapport d'information.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 22 février 2017 à 9 heures 30
Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Jean-Claude Buisine, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Alain Chrétien, M. Alain Claeys, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Jean-Louis Dumont, M. Alain Fauré, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Joël Giraud, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Laurent Marcangeli, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Jacques Pélissard, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Olivier Carré, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Marc Francina, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Jean-Claude Fruteau, M. Daniel Gibbes, M. Jean-Pierre Gorges, M. David Habib, M. Dominique Lefebvre, M. Victorin Lurel, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez