Intervention de Dominique Baert

Réunion du 22 février 2017 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert :

Je partage les remerciements formulés par Pascal Terrasse, élu pour la première fois la même année que moi. Je tiens à appeler votre attention à tous, par-delà les sensibilités, sur le contexte politique d'une exceptionnelle gravité que nous connaissons. En matière financière, une profonde incompréhension prévaut parmi nos concitoyens ; notre méthode de travail et la manière dont les messages sont compris ou incompris n'est pas sans effet sur la perception qu'ils ont de la vie politique et sur leurs relations avec les institutions.

Tout d'abord, nos concitoyens ne comprennent pas le « jeu » que nous donnons l'impression de jouer en matière fiscale. Le calendrier nous est certes imposé, mais tout de même : des mesures fiscales sont annoncées – et les informations circulent plus vite encore à l'ère des réseaux sociaux – dès la présentation de la loi de finances, avant que le texte ne soit examiné et parfois modifié en commission, puis de nouveau dans l'hémicycle – avec les gros titres de la presse – et ainsi de suite tout au long du cheminement parlementaire. L'incompréhension générale qui en résulte s'est aggravée, comme je l'ai constaté en quinze années d'exercice dans cette commission, par le jeu de l'information permanente. Or, la sensibilité de nos concitoyens, des investisseurs et des décideurs – à titre personnel ou professionnel – est extrême en matière de fiscalité ; cela crée une situation qui n'est pas saine, et j'ignore comment résoudre cette difficulté.

Ensuite, je suis d'accord – il aura fallu attendre notre dernière séance pour que cela se produise... – avec Karine Berger, non pas sur le caractère structurel ou conjoncturel de telle ou telle situation, mais sur la frustration que les parlementaires éprouvent à l'égard de leur rôle en matière de dépense publique, en raison de l'article 40 entre autres. Pour en avoir présidé plusieurs, je tiens à dénoncer la comédie des commissions élargies. Rien n'y est fait : nous n'y participons que pour figurer au compte rendu et pour interpeller des ministres qui ne sont pas toujours capables de nous répondre, sur le fond ou faute de temps. La procédure budgétaire concernant la gestion et l'encadrement des dépenses est déraisonnable, tant pour ce qui concerne son calendrier que son contenu. In fine, ce théâtre est sans effet. Nos concitoyens ne comprennent pas – et nous non plus, d'ailleurs – pourquoi nous sommes si peu nombreux dans l'hémicycle pour voter de grands budgets dont l'élaboration a pourtant consommé près de deux mois de travail parlementaire ; ce n'est pas acceptable.

Certains d'entre nous, de leur plein gré ou non, ne seront bientôt plus députés. Les uns sont plus expérimentés que les autres. J'ignore qui exercera les fonctions de président de la commission et de rapporteur général dans quelques mois, mais sans doute serait-il utile de confier à des parlementaires qui, tout en étant rompus à la pratique budgétaire, sont sur le point de se retirer, la tâche d'examiner comment réformer les procédures de sorte qu'elles soient à la fois efficaces et comprises par la population. Comment expliquer que l'on entame l'examen de la première lecture à la fin septembre pour le terminer à la mi-novembre, et que s'y ajoute le jeu de la nouvelle lecture et de la lecture définitive ? Ce système est insatisfaisant et il faut savoir le dire.

Enfin, monsieur le président, voici ce que j'ai le plus mal vécu – comme vous sans doute – au cours de ce mandat : non pas l'examen des amendements au titre de l'article 40, qui est par définition critiquable et qui relève de l'appréciation du président, mais le fait que nous ayons parfois dû voter à l'insu de notre plein gré des dispositions juridiquement contestables. Je m'étonne du nombre de dispositions annulées par le Conseil constitutionnel, alors même que le risque d'inconstitutionnalité avait été signalé dans l'hémicycle ; ce n'est pas non plus compréhensible. L'institution et les travaux parlementaires s'en trouvent affaiblis. Là encore, j'ignore quel filtre appliquer dans le respect de la démocratie parlementaire, mais est-il acceptable que le Parlement vote des dispositions qui sont aussi souvent « retoquées » par le Conseil constitutionnel, sur le fond comme sur la forme ? Les vices de forme sont sans doute aisés à corriger ; peut-être les problèmes de fond le sont-ils moins. Quoi qu'il en soit, cette situation ne valorise guère le travail parlementaire et celui de notre commission : on s'entend souvent dire que la commission travaille n'importe comment au motif que le Conseil constitutionnel a encore « retoqué » des dizaines de dispositions qu'elle avait pourtant adoptées, en dépit du fait que bon nombre d'entre nous eussent préalablement signalé ce risque ! Voilà certainement ce que j'ai le plus mal supporté au cours de ce mandat, car nous avons atteint des records. L'Assemblée devrait pouvoir s'autocontrôler en appréciant la jurisprudence du Conseil : ce serait certes paradoxal, mais elle y gagnerait et son travail s'en trouverait amélioré.

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