Tout en m'associant aux remerciements faits à Gilles Carrez, je m'inscris en faux contre les propos qui viennent d'être tenus : il est vrai que l'exercice qui est demandé à notre président est loin d'être évident compte tenu de sa sensibilité politique, mais la décision de confier la présidence de la commission des finances à un membre de l'opposition est selon moi un progrès, au point qu'elle est presque devenue la norme dans un certain nombre de collectivités territoriales.
Je remercie donc le président et l'équipe d'administrateurs qui travaillent à ses côtés, mais aussi la rapporteure générale, qui est parvenue à rendre nos travaux intelligibles pour le grand public. Ses efforts sont nécessaires tant nos travaux demeurent hermétiques, qu'il s'agisse de la présentation des grandes masses financières ou de nos réunions plus ciblées, comme celle que nous avons tenue sur les stratégies d'évitement de l'impôt par exemple.
Un mot sur la masse d'informations collectées par la commission, en particulier par ses rapporteurs spéciaux dans différents domaines. En tant que rapporteur spécial sur la fonction publique, j'ai mis en lumière le coût de formation des énarques ; mon rapport avait suscité des grincements de dents, mais il faut pourtant que les choses soient dites. Dans ce même rapport, je préconisais de mettre fin au classement de sortie des élèves de l'École nationale d'administration (ENA), sur la suggestion de la direction de l'établissement ; j'ai alors pu constater le poids des lobbies internes à la haute fonction publique.
S'agissant de la mission Économie, que j'ai également rapportée, je me félicite que le président et la rapporteure générale soient parvenus à faire reculer l'administration de Bercy, capable de défendre – pardonnez-moi l'expression – une masse de « conneries » tout à fait contraires à ce que l'on vit sur le terrain. Citons par exemple le crédit d'impôt dont bénéficient les retraités pour emploi à domicile, crédit qui représente 1 milliard d'euros pour 1,3 million de retraités. Pendant quatre ans, nous avons été battus sur ce sujet pour l'imposer. J'ai compris la stratégie à adopter : c'est celle du contournement et de la mobilisation des lobbies de retraités, notamment dans les organisations syndicales. Voilà comment certains, en haut lieu, ont fini par comprendre qu'il fallait céder. De même, nous avions débattu entre nous de la prolongation du mécanisme de suramortissement des investissements productifs, mais il a fallu que le Président de la République se rende au salon mondial des savoir-faire en sous-traitance industrielle, le MIDEST, pour se laisser convaincre par les chefs d'entreprise. Autre exemple : j'avais formulé des propositions sur le financement des chambres de commerce et sur les centres techniques industriels, un domaine dans lequel Bercy fait des économies certes légitimes du point de vue budgétaire mais dévastatrices sur le terrain ; avec le soutien de la rapporteure générale et le concours des uns et des autres, nous avons heureusement pu revenir sur ces décisions dans le budget pour 2017. En clair, il est tout de même regrettable qu'il faille lutter pied à pied contre une administration omniprésente : les premières auditions avec l'ensemble des directions de Bercy sont pour le moins « raides », en effet, et les parlementaires, aidés de leurs collaborateurs et d'un administrateur, aussi talentueux soient-ils, s'y sentent démunis et en position de faiblesse. Il faudra modifier ce rapport de force.
Enfin, la possibilité d'adopter, au titre de l'article 88 du Règlement, des amendements initialement écartés par la commission des finances perturbe la procédure. Sans doute faudrait-il réserver une procédure particulière à la loi de finances pour faire face aux projets de coupes et parce que la procédure actuelle est inutilement alourdie. La bienveillance ou, selon les cas, l'abstention de l'opposition ont bien fait les choses : il se trouve dans cette commission des membres assez responsables et conscients de la situation du pays pour ne pas mener la politique du pire.
J'ignore si je serai parmi vous pendant la prochaine législature, car je n'ai pas encore décidé de me représenter ; je réserve la primeur de cette information à mes électeurs.