Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 21 février 2017 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Nous sommes à ce stade saisis au titre du contrôle de subsidiarité –dit de l' » alerte précoce »– sur ces deux textes. Compte tenu du délai strict de huit semaines suivant la transmission auquel, selon les termes du traité de Lisbonne, est soumis le contrôle de subsidiarité, il m'est apparu important que nous ayons un échange à ce propos, avant la fin de la session.

Pour ce qui est du premier texte, il s'agit de moderniser et de pallier les dysfonctionnements actuels du système de notification par les États à la Commission européenne, des réglementations pouvant avoir un impact sur le marché intérieur des services, préalablement à l'adoption de ces réglementations. Le système proposé est comparable à la procédure de notification qui existe actuellement pour les biens et pour les services de la société de l'information. Cette proposition de directive intervient dans un cadre plus large : celui du « paquet services », communiqué en janvier dernier.

Les textes proposés contiennent de nombreux éléments sur lesquels il me semble que de fortes réserves devront être exprimées, sur le fond.

En effet, le premier texte, introduisant un nouveau système de notification, pourrait notamment comporter des conséquences négatives pour le bon exercice de la procédure législative nationale. En particulier, l'exigence d'un délai de trois mois de pause pour les mesures notifiées poserait clairement un problème pour le législateur. Par ailleurs, l'extension du champ de la directive services qu'autorise ce « paquet » semble exorbitante et mériterait d'être revue.

Le second texte, porte, quant à lui, sur un processus d'évaluation de la proportionnalité des réglementations relatives aux services lorsque les Etats membres en adoptent de nouvelles ou modifient les textes existants dans ce domaine. Il s'agit de la codification d'une jurisprudence constante de la CJUE quant à l'examen des règles nationales par rapport aux libertés d'établissement et de circulation des services. Ce test de proportionnalité paraît là-aussi faire peser des contraintes excessives dans l'exercice de la fabrique de la loi.

En revanche, ces textes ne me semblent pas poser de difficulté quant à la question de la subsidiarité proprement dite, que nous devons examiner aujourd'hui. Ces deux propositions de directive visent en effet l'approfondissement du marché intérieur, en l'occurrence des services, par des dispositifs qui ne peuvent être mis en oeuvre qu'à l'échelle européenne.

L'objectif poursuivi par la procédure de notification est de s'assurer que les mesures édictées par les États membres n'entraînent aucune forme de discrimination ou de contrainte disproportionnée, s'agissant du marché intérieur, et en particulier des libertés d'établissement et de circulation des services. Le but du second texte est de s'assurer en amont que les mesures de règlementation envisagées par les Etats membres ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre leurs objectifs, et ce afin d'éviter la fragmentation du marché unique. Or, une action isolée de la part des seuls États membres ne suffira clairement pas pour mettre en place un cadre juridique cohérent à l'échelle de l'Union européenne en ce qui concerne l'évaluation du caractère proportionné des réglementations nationales envisagées.

Je vous rappelle que le traité prévoit, en son article 5, qu' » en vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres ».

Dans le cas des textes dont nous sommes saisis, il est difficile d'estimer que les Etats membres pourraient, mieux que l'Union, de façon indépendante les uns des autres, mettre en oeuvre ces procédures ou, plus largement, atteindre les objectifs de l'action envisagée d'une manière satisfaisante.

C'est pourquoi je ne vous propose pas, en l'occurrence, de reprendre la position du Sénat, qui a émis, pour sa part, jeudi dernier, un avis motivé de subsidiarité sur ces deux textes.

Il me semble en effet sage de respecter les termes du traité et ne pas détourner le contrôle de subsidiarité de son objectif, en en faisant un moyen de s'opposer au fond des textes.

C'est la ligne qu'a toujours suivie notre commission en la matière, depuis l'entrée en vigueur du contrôle de subsidiarité en 2009. S'agissant des autres parlements de l'Union, en l'état des informations dont nous disposons aujourd'hui, il n'y a pas d'autre avis de subsidiarité qui ait été engagé sur ce texte. Le Bundestag seul envisagerait d'en adopter à l'heure actuelle.

Je ne vous propose donc pas d'adopter des avis de subsidiarité sur ces propositions de directives.

Sur le fond, au-delà du contrôle de subsidiarité, il faudra toutefois, bien sûr, que notre assemblée soit très vigilante dans le cadre de la négociation qui va s'ouvrir sur ces textes avec nos partenaires, au Conseil, et avec le Parlement européen.

C'est pourquoi, alors même que nous sommes dans les phases préliminaires des négociations sur cet ensemble de propositions législatives, il me semble qu'une mission d'information de notre commission serait nécessaire dès le début de la prochaine législature. L'impact en termes de calendrier législatif, comme la définition de la proportionnalité et le champ des directives envisagées, constituent autant de points auxquels de futurs travaux devront consacrer une attention soutenue.

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