Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 21 février 2017 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Merci Madame la Présidente. Je voulais vous remercier d'avoir saisi cette opportunité pour donner une présentation sage, juste mais aussi inquiétante.

Ces deux directives ne sont pas anodines. Lorsqu'on regarde ces deux textes qui relèvent du « paquet services » qui a été présenté par la Commission européenne en janvier, on voit bien qu'ils s'inscrivent dans la volonté de libérer la croissance dans le secteur des services, via un approfondissement, justement, du marché intérieur. Cette ligne est traduite dans la stratégie pour le marché unique qui a été annoncée. Les deux propositions de directive sont les derniers éléments en date puisqu'elles datent de Janvier.

Sur le premier texte, vous l'avez dit, Madame la Présidente, il s'agit d'une modernisation du système de notification en matière de services. Cependant, vous l'avez aussi signalé, il demeure des inquiétudes sur le fond. Ce sont des points qui motivent un avis d'infraction au principe de subsidiarité. D'un côté, l'extension démesurée du champ de la directive est un motif d'inquiétude, puisqu'elle pourrait limiter d'autant le champ d'intervention des États membres. Mais il y a aussi des contraintes qui pèsent sur la procédure parlementaire, qui pourraient s'avérer délétères. Pour ce qui est du droit d'amendement, par exemple, le délai proposé de trois mois implique que les parlementaires qui voudront exercer cette prérogative entraîneront une nouvelle notification. L'impossibilité, aussi, pour un État membre, d'appliquer une réglementation, lorsque la Commission Européenne l'alerte, pendant trois mois, peut aussi entrer en contradiction avec le calendrier parlementaire.

Au niveau de l'Allemagne, il y a aussi des inquiétudes et le Bundestag a été saisi ; d'autres États seront saisis. On peut donc craindre des risques quant à la bonne application de la loi. Juridiquement parlant, ce n'est peut-être pas suffisant mais politiquement, sur le fond, c'est très inquiétant. D'une part, nous souhaitons émettre un avis négatif et je partage votre proposition de faire en sorte qu'une mission d'information soit mise en place dès la nouvelle mandature.

Sur le second texte, c'est un peu différent. Il y a des éléments sur le plan juridique qui peuvent poser encore plus de questions. Dans le domaine des professions réglementées, pourrait être menacé aussi le bon exercice des règles, pourtant parfois mieux mis en oeuvre à l'échelle nationale, en conformité avec l'article 5 du TUE. En matière de santé comme en matière de tourisme ou d'enseignement, les États conservent une pleine compétence, là où l'Union n'intervient qu'à titre d'appui. Un contrôle de proportionnalité ex ante pourrait donc contraindre l'exécution d'objectifs nationaux tels que la protection la plus haute possible de la santé humaine. Il y a là des questions inquiétantes.

De plus, est mentionné dans la directive que « les objectifs de la présente directive, à savoir la suppression des restrictions disproportionnées à l'accès aux professions réglementées ou à leur exercice, ne peuvent pas être atteints d'une manière suffisante par les États membres mais peuvent, en raison des dimensions de l'action, être mieux réalisés au niveau de l'Union ». Rien ne le prouve. La Commission européenne fait appel à des études indépendantes mais lesquelles ? Le lobbying demeure très présent au niveau européen, on l'a évoqué dernièrement dans la commission. Il y a plusieurs aspects dans cette directive qui motivent notre démarche et qui nous font dire aujourd'hui qu'il serait mieux de porter un avis négatif motivé sur ces deux textes.

Nous avons travaillé ensemble sur deux propositions d'avis subsidiarité qui sont présentées ici. La première sur la directive relative à la notification et l'autre sur le contrôle de proportionnalité avant l'adoption d'une nouvelle réglementation de professions. On a rappelé, dans le premier avis le fait que la procédure de notification proposée entrave l'exercice du pouvoir législatif de telle sorte qu'une règle nationale qui pourrait mieux atteindre les objectifs de réglementation des activités de service pourrait être privée d'opposabilité. On a aussi rappelé que la mise en place d'une action préventive interdisant la mise en oeuvre d'une mesure notifiée contraignait excessivement les capacités d'intervention des États membres. La position de la Commission Européenne ne justifie également pas suffisamment en quoi la modernisation de la procédure de notification permettrait de mieux satisfaire l'objectif d'approfondissement du marché intérieur des services à l'échelle de l'Union. C'est pour cette raison-là qu'on estime que la proposition de directive précitée n'est pas conforme au principe de subsidiarité. Telle est la proposition de l'avis pour le premier texte.

En ce qui concerne le second texte, on a relevé que la Commission européenne estimait que la réglementation par voie d'activité réservée ne devait être utilisée que si les mesures visent à prévenir le risque d'une atteinte grave aux objectifs d'intérêt général. On a rappelé que la Commission Européenne estime que la suppression des restrictions proportionnées à l'accès aux professions réglementées, ou à leur exercice, ne peut être une mise en oeuvre d'une manière suffisante par les États membres. Considérant que la proposition de directive étend le champ du contrôle de proportionnalité aux professions réglementées qui relèvent du champ d'application de la directive de 2005 ; et considérant aussi que le contrôle de proportionnalité proposé pourrait atteindre la capacité des États membres de mettre en oeuvre des réglementations en matière de santé, de tourisme, d'enseignement et, enfin, que l'action de l'Union dans les domaines de la protection de l'amélioration de la santé humaine et le tourisme ne doit que compléter celle des États membres, il apparaît que la proposition de directive précitée n'est pas conforme au principe de subsidiarité. Cela nous permet, à la fois sur le plan juridique pour le deuxième texte et sur le plan politique sur les deux textes, de donner un signal. On est en fin de mandature. Je pense que c'était important et sage de notre part de rappeler ces sujets fortement politiques. Ce n'est pas le moment de se diviser entre États membres.

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