Nous proposons également de donner une nouvelle impulsion à la politique des aires marines protégées (AMP).
Les AMP représentent 7,4 % de la Méditerranée, la presque totalité de cette surface étant située dans les eaux européennes. Ce dispositif a rencontré un réel succès : il y maintenant 1231 AMP qui recouvrent une grande variété de désignations.
Les limites de ce dispositif sont importantes : la plupart des AMP connaissent du flou dans la règlementation, les plans de gestion ne sont pas systématiques, un manque de personnel permanent est à regretter, les soutiens financiers sont insuffisants et instables et surtout une surveillance sur le terrain avec des agents ayant des pouvoirs de police est absente dans la majorité des aires.
Pour réactiver cette politique des aires marines protégées, nous proposons d'augmenter les zones de protection renforcée au sein des AMP. Ces zones permettent une protection pleine et optimale. Nous proposons de créer des AMP, d'une part, dans des zones méditerranéennes identifiées comme prioritaires au plan de la préservation de la biodiversité et, d'autre part, en haute mer et en eaux profondes.
-Quatrième proposition : développer les énergies renouvelables et refuser tout nouveau projet pétrolier et gazier offshore.
Cinquième proposition : mettre en place pour la pêche professionnelle une gestion écosystémique des stocks.
En résumé, il faut que l'Union européenne fasse en Méditerranée ce qu'elle a réussi à faire en Atlantique, c'est-à-dire mettre un terme à la surpêche.
Pour vos rapporteurs, l'objectif le plus immédiat doit être d'éviter l'épuisement des stocks qui se trouvent d'ores et déjà dans un état critique, comme le merlu et l'espadon, en adoptant une méthode socio-économique fondée sur les sciences environnementales, et en garantissant le respect de la législation existante.
À moyen terme, l'objectif est de développer et de mettre en oeuvre des mesures efficaces qui garantiront la rentabilité et la stabilité des pêcheries dans une Méditerranée saine et durable :
– la protection de la pêche artisanale dite « aux petits métiers », dont les pratiques sont les plus compatibles avec une exploitation durable des ressources halieutiques ;
– la mise en oeuvre de la réforme de la Politique Commune des Pêches (PCP) au travers de plans de gestions à long terme ;
– la contribution de la France à la meilleure gestion des stocks partagés avec les pays du Maghreb et aux plans de gestion régionaux soutenus par la Commission Générale des Pêches pour la Méditerranée (CGPM) ;
– une gestion des stocks d'espèces particulièrement menacées, basée sur les suivis scientifiques par la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l'Atlantique (CICTA) comme c'est le cas pour le thon rouge et l'espadon.
Sixième proposition : réguler la pêche récréative et la plaisance :
– un suivi effectif de la pêche récréative, de ses pratiques et de ses prélèvements afin de mieux évaluer son impact sur la ressource halieutique ;
– la mise en place d'un permis de pêche ;
– la mise en oeuvre de réglementations visant à limiter le volume des captures par pêcheur, à garantir des tailles minimales de captures, à encadrer l'usage d'engins sophistiqués trop performants – moulinets électriques, dispositifs électroniques ;
– l'intégration de la pêche plaisancière dans les plans de gestion nationaux et européens de la ressource halieutique ;
– l'obligation d'intégrer dans les cartes marines à bord, les zones de fonds fragiles et protégées afin d'éviter des mouillages destructeurs de ces habitats – herbier de posidonie, collarigène.
Septième proposition : améliorer la régulation et la sécurité du trafic maritime
Il existe indéniablement dans le bassin méditerranéen des zones de trafic dangereuses que nous avons identifiées comme telles : le triangle Toscane-Marseille-Corse, le détroit de Messine, le détroit du Bosphore. De la même façon, la mer Egée est connue pour les nombreux accidents de navires qui s'y produisent. Le trafic pétrolier étant censé s'intensifier, la zone devra bénéficier d'une attention particulière.
Il faut privilégier :
– une meilleure prévention des accidents par l'amélioration du contrôle des navires par l'État du port et de la responsabilité de l'État du pavillon, et par une meilleure anticipation de l'augmentation du trafic – notamment celui des substances nocives et potentiellement dangereuses ;
– la lutte contre les espèces invasives par l'application de la Convention sur les eaux de ballast et l'application des directives de l'OMI ;
– l'adhésion des États méditerranéens aux directives de l'OMI concernant le bruit sous-marin avec pour objectif de définir un règlement spécifique pour la Méditerranée ;
– la désignation de la mer Méditerranée comme une zone de contrôle des émissions de soufre (zone SECA) avec un contrôle effectif de la mise oeuvre de cette réduction.
– l'organisation et l'accueil du trafic maritime et le transport des marchandises par la coopération régionale et internationale, plutôt que par la compétition économique entre les ports ;
– la mise en place en Méditerranée d'un réseau de ports refuges disposant des moyens nécessaires pour accueillir les navires en détresse dans des bonnes conditions de sécurité environnementale.
La croissance du trafic maritime génère également des enjeux à terre. Le deuxième point est de réguler la croissance portuaire et d'aménager les ports. Pour s'en assurer, nous proposons les recommandations suivantes :
– éviter l'extension ou la création de nouvelles infrastructures portuaires de commerce en portant les efforts sur l'optimisation de l'existant ;
– améliorer et faciliter l'accueil et le traitement des rejets des navires – déchets et « sludges », en anticipant la croissance attendue du trafic, afin de réduire les rejets en mer ;
– développer des filières de recyclage des boues de dragage pour supprimer progressivement le clapage des boues portuaires contaminées ;
– développer les dispositifs d'alimentation électrique des navires à quai, afin de limiter les émissions.
Et enfin notre huitième proposition qui me tient particulièrement à coeur : mettre en place une gestion intégrée de la zone côtière
Les zones côtières contiennent des écosystèmes-clés qui sont souvent les oubliés de la politique du Littoral. Ce sont les estuaires, les zones humides et les lagunes.
Pour rappel, je dirai que les zones humides constituent l'écosystème qui contribue le plus à la subsistance et au développement humain. Pourtant, paradoxalement, c'est l'écosystème le plus menacé par l'action de l'homme. Les services procurés à l'humanité par les zones humides sont évalués à 15 000 milliards de dollars par an. Ils représentent 45 % des services évalués à ce jour, pour une couverture de seulement 6 % des continents par les zones humides (source CDB).
Les zones humides, représentant environ 15 % du pool de carbone de la biosphère terrestre, sont fortement impliquées dans les changements climatiques et peuvent contribuer à l'adaptation à ces changements.
Malgré les engagements des pays, en particulier dans le cadre de la Convention sur les zones humides d'importance internationale – Ramsar 1971 – et de l'action des ONG, ces milieux continuent à disparaître à un rythme élevé. Les espèces d'eau douce sont extrêmement menacées, probablement davantage que celles des écosystèmes marins et terrestres.
En ce qui concerne les lagunes qui sont très nombreuses en Méditerranée : 626 lagunes, nous n'avons pu que constater leur mauvais état écologique.
Pourtant, leurs bénéfices écologiques sont considérables :
– stabilisation du littoral : les milieux lagunaires atténuent l'érosion d'eau ;
– rôle d'amortisseur climatique : la montée de la mer, rendue inéluctable par le réchauffement climatique, pourrait être amortie par la résilience du littoral laissé à l'état naturel ;
– rôle d'épuration : les lagunes permettent d'épurer une partie des polluants qui proviennent des eaux du bassin-versant ;
– réservoir de biodiversité : zones uniques de ponte pour certaines espèces de poissons et d'oiseaux migrateurs ; par exemple les daurades dans l'Étang de l'Or ;
– rôle clé dans le maintien des stocks halieutiques et pour la pérennité de l'activité de pêche ;
– milieux bénéfiques à certains types d'utilisation agricole, en raison de la richesse en nutriments des lagunes, point d'arrivée des bassins-versants ;
– écosystème mettant à disposition un certain nombre de ressources, les lagunes sont souvent des zones productives : pêche, saliculture, conchyliculture, élevage extensif, exploitation du roseau, viticulture ;
– aspect paysager de qualité.
Quelles sont nos recommandations pour ces écosystèmes ? Nous préconisons principalement de :
- rappeler le rôle des lagunes et de leurs zones humides périphériques et le lien avec la Mer Méditerranée ;
- soutenir le montage de projets de recherche appliquée, en fonction des besoins des gestionnaires sur les zones lagunaires, problématiques sur lesquelles la connaissance est encore trop faible : migrations des poissons à travers les lagunes et leurs zones humides périphériques, flux de pollution notamment agricoles, zones d'alimentation des oiseaux en mer, impact du développement des activités de loisirs etc…Des études sont en cours sur ces sujets autour des étangs palavasiens et nécessiteraient d'être étendues à d'autres territoires.
- encourager les ponts de gouvernance pour les continuités écologiques et hydrologiques et en particulier entre terre et mer
- soutenir les acteurs de l'Éducation à l'Environnement et au Développement Durable.
- conserver des zones vierges et ne pas forcément « remplir » avec de l'activité économique Les réflexions et les décisions doivent là aussi se faire à l'échelle de l'ensemble du littoral et non pas commune par commune.
- mettre en place en contrepartie d'obligations en matière environnementale pour les agriculteurs une indemnité spécifique zones humides inspirée de l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) en zone de montagne. Notre collègue le sénateur Bignon propose également ce dispositif.
- consolider les moyens d'action des gestionnaires et la reconnaissance des animateurs Natura 2000.
Enfin et je finirai par ceci, chers collègues, nous devons essayer de limiter au maximum l'artificialisation côtière.
Le protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Convention de Barcelone doit faire l'objet d'une mise en oeuvre effective dans le bassin méditerranéen.
En France, l'application de la loi « Littoral », et des autres réglementations relatives à la protection des petits fonds côtiers doit être maintenue, voire renforcée dans certains cas, tout comme les acquisitions du Conservatoire du Littoral pour la protection du « tiers sauvage ».
À titre personnel, je m'inquiète de la révision de la loi Littoral découlant de la proposition de loi socialiste pour adapter les territoires littoraux au changement climatique récemment adoptée.
Il est à présent possible, pour les exploitants agricoles, forestiers et de culture marine ayant des difficultés notamment pour relocaliser les installations nécessaires à leur activité, de demander au préfet l'autorisation de s'implanter en discontinuité des agglomérations et villages. Selon moi, cette disposition introduite dans la proposition de loi a brisé un tabou en revenant sur les contraintes de la loi littoral vieille de trente ans.