C'est un honneur pour moi de me trouver aujourd'hui devant votre commission. Je suis très honoré de la confiance que me témoigne la ministre des affaires sociales et de la santé en me proposant d'assurer la direction de l'ONIAM. Je mesure pleinement le poids de la responsabilité qui pourrait m'être confiée.
Par la volonté du législateur, l'ONIAM exerce une mission de solidarité nationale au service des personnes victimes d'un risque médical ainsi que du Mediator, du virus de l'hépatite C et de l'immunodéficience humaine par contamination transfusionnelle, des mesures sanitaires d'urgence comme la vaccination obligatoire et, prochainement, de la Dépakine.
En tant que directeur d'hôpital, j'ai souvent été confronté aux accidents médicaux. Un accident médical, c'est une peine immense pour le patient et sa famille. C'est une vie qui se brise et qu'il faut essayer de reconstruire. Je sais aussi ce que signifie être garant de l'argent public. Je connais les contraintes qui pèsent sur la gestion publique et les finances publiques.
Avant de vous exposer le contexte très difficile dans lequel se trouve l'ONIAM et les objectifs que je souhaite atteindre avec l'appui des pouvoirs publics et du conseil d'administration, permettez-moi de vous présenter brièvement mon parcours. Celui-ci me donne des raisons de penser que l'expérience acquise en établissements de santé, à l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France et à la Haute Autorité de santé me sera utile à l'exercice de la fonction de directeur de l'ONIAM.
Après avoir obtenu mon diplôme de Sciences Po Paris, j'ai effectué mon service militaire comme officier parachutiste. J'ai suivi une formation de directeur d'hôpital à l'École des hautes études en santé publique, et je suis également titulaire d'un master spécialisé d'HEC Paris en management stratégique des ressources humaines.
J'ai débuté à l'hôpital Sainte-Anne, à Paris, établissement spécialisé en santé mentale et neurosciences. Comme directeur adjoint, j'étais le directeur des ressources humaines des 300 médecins de l'hôpital. Je me suis occupé des partenariats avec les associations de patients, des activités de qualité et de gestion des risques ainsi que des activités de recherche.
J'ai ensuite rejoint l'hôpital Necker-Enfants malades, établissement universitaire qui a des activités spécialisées en médecine, chirurgie et obstétrique, et compte de nombreuses unités de l'INSERM, du CNRS ainsi qu'une trentaine de centres de référence dédiés aux maladies rares. J'y ai été directeur adjoint pendant plus de cinq ans, directeur des ressources humaines pour 1 000 médecins et 3 500 professionnels non médicaux de l'hôpital. J'ai également été responsable de la politique d'amélioration de la qualité de la prise en charge des patients et de la gestion des risques. J'ai assuré la présidence du comité technique d'établissement et du CHSCT, et j'étais très impliqué dans les questions de santé au travail.
Puis j'ai été nommé directeur de l'Institut de puériculture de Paris, une association loi 1901 employant 350 salariés. L'Institut abritait soixante berceaux de néonatalogie, un hôpital de jour pour enfants autistes, un centre d'action médico-sociale précoce et le lactarium d'Île-de-France. Il jouait un rôle central dans la sécurité néonatale des nouveau-nés de la région. J'en ai exercé la direction dans un contexte de crise de gestion et de gouvernance. Avec les membres du conseil d'administration, et en particulier son président Georges Costergent, nous avons agi avec les autorités sanitaires pour sauvegarder les activités de service public de l'Institut. Si la continuité des activités a pu être assurée, c'est grâce au dévouement et au profond sens des responsabilités des chefs de service, des représentants du personnel et à l'engagement des 350 salariés.
J'ai ensuite dirigé, à l'Agence régionale de santé d'Île-de-France, le département assurant la tutelle de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Avec Claude Evin et les directeurs de l'offre de soins de l'Agence régionale, nous avons mené le dialogue de tutelle avec la direction générale de l'AP-HP pour conforter le rôle de recours régional du centre hospitalier universitaire (CHU) dans la gradation de l'offre de soins et favoriser son ouverture territoriale.
Après quoi, j'ai rejoint la Haute autorité de santé. Cette autorité publique indépendante à vocation scientifique emploie 400 salariés et mobilise 3 000 experts. J'y ai été chef du service de la certification des établissements de santé et directeur délégué auprès de Dominique Maigne et de la présidente, la professeure Agnès Buzyn.
Au sein de la HAS, j'ai animé la concertation sur la certification des établissements avec les représentants des patients et des fédérations professionnelles. J'ai été responsable du réseau national des 500 experts visiteurs. Ces experts auditent les établissements de santé publics et privés, ainsi que les centres de lutte contre le cancer, pour vérifier auprès des responsables et des professionnels de santé le respect du référentiel HAS de qualité et de sécurité de prise en charge des patients.
J'ai également mené des actions pour promouvoir la méthode du patient-traceur, qui recueille l'expérience des patients en établissement. J'ai également favorisé la mise en place d'un compte qualité dans chaque établissement de santé.
En tant que directeur délégué, je suis impliqué dans l'ensemble des activités de l'institution : qualité et sécurité des soins dans les établissements de santé ; recommandations de bonnes pratiques professionnelles ; évaluation médicotechnique et médico-économique des médicaments, des produits de santé et des dispositifs médicaux.
Cette expérience à la HAS m'a sensibilisé à l'importance de la prévention des conflits d'intérêts dans la conduite des expertises sanitaires.
J'en viens au contexte difficile de l'ONIAM et aux objectifs que je souhaite mettre en oeuvre, avec l'appui des autorités publiques, du conseil d'administration, des présidents et des membres des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CCI), des membres de la Commission nationale des accidents médicaux, des experts médicaux et naturellement des chefs de services et de l'ensemble des salariés de l'ONIAM.
La gravité de la situation actuelle de l'ONIAM ne doit pas être sous-estimée au regard de ses missions. Pour les victimes d'accidents médicaux, la loi du 4 mars 2002 a constitué un progrès considérable. Puis la loi du 9 août 2004 a chargé l'ONIAM de la réparation des dommages imputables à une vaccination obligatoire et à une contamination transfusionnelle par le VIH ; celle de décembre 2008 l'a substitué à l'Établissement français du sang pour la gestion des préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B et C dans le cadre d'une transfusion sanguine. Le législateur a également fait confiance à l'ONIAM, en juillet 2011, en lui confiant la responsabilité du règlement des litiges relatifs aux dommages causés par le benfluorex (le Mediator). Enfin, la loi de finances de 2017 l'a également chargé de l'indemnisation des victimes du valproate de sodium ou de ses dérivés. L'ONIAM devra donc, à partir du 1er juillet 2017 au plus tard, assurer le suivi de l'ensemble des procédures relatives à la Dépakine.
Quinze ans après la promulgation de la loi de 2002, les résultats obtenus par ce dispositif d'indemnisation amiable sont encore très éloignés des objectifs. En particulier, des retards majeurs ont été accumulés sur nombre de dossiers individuels de demande d'indemnisation. Selon la Fédération des associations d'aide aux victimes d'accidents médicaux de France, le délai global peut atteindre quatre ans. Au début du mois de février, plusieurs associations de patients ont diffusé un communiqué appelant l'ONIAM à mieux réparer les survivants. Ces associations expriment leur tristesse de voir la France régresser. Elles demandent une plus grande attention aux personnes.
Dans le cadre de son rapport public pour l'année 2017, diffusé il y a une quinzaine de jours, la Cour des comptes a très fortement mis en cause l'ONIAM. La Cour considère que le dispositif amiable d'indemnisation est peu attractif, peu performant et pas plus avantageux pour la victime que le droit commun devant les juridictions administratives et judiciaires. Pour la Cour des comptes, l'ONIAM est un opérateur lourdement défaillant, tant dans la mise en oeuvre des procédures dont il a la responsabilité que dans sa gestion interne. En particulier, les carences du recouvrement des créances auprès des assureurs sont particulièrement inacceptables dans un contexte national très contraint pour les finances publiques. La Cour considère qu'il est urgent de redresser la gestion de l'ONIAM et de rééquilibrer le dispositif en faveur des victimes.
Dans ce contexte, plusieurs actions de redressement de la gestion devront être mises en oeuvre au cours des prochaines semaines, avec le soutien des pouvoirs publics, du conseil d'administration et de l'ensemble des intervenants du dispositif. Les objectifs proposés seront naturellement en lien avec ceux retenus dans le contrat d'objectifs et de performance de l'établissement.
La ministre des affaires sociales et de la santé a confié à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) une mission d'appui afin de déterminer les progrès attendus de l'ONIAM, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes. Dirigée par Laurent Gratieux, cette mission d'appui s'est donné trois axes de travail : l'amélioration du fonctionnement global du système d'indemnisation des accidents médicaux par la recherche d'une meilleure articulation entre l'ONIAM, les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation et la Commission nationale des accidents médicaux, pour un meilleur service aux victimes ; l'amélioration du fonctionnement de l'établissement au regard de la conduite des procédures d'indemnisation et de la gestion de ses moyens ; la définition de l'organisation à mettre en place au sein de l'ONIAM pour remplir sa nouvelle mission liée à la Dépakine.
La mission d'appui fera, au cours du mois de mars, des propositions aux ministres de tutelle afin d'établir une feuille de route définissant les objectifs à atteindre par l'ONIAM.
Parmi les enjeux identifiés figure notamment l'indemnisation rapide et équitable des victimes en se donnant les moyens de résorber le stock de dossiers. Il est, en particulier, vital pour l'avenir du dispositif de constituer un vivier suffisant d'experts médicaux, notamment dans les spécialités pointues. Concernant les victimes également, un deuxième enjeu est de mieux les accompagner. Pour ce qui est de l'ONIAM, un troisième enjeu est de le doter d'un véritable plan de redressement de sa gestion, qui conduira à renforcer l'unité des méthodes, le contrôle interne, à mettre en place des outils de pilotage et à optimiser la prévision budgétaire. Enfin, constitue un quatrième enjeu une politique des ressources humaines très active, sous la forme d'un dialogue social renforcé et d'une communication interne très dynamique pour conduire le changement en suscitant l'adhésion de tous les intervenants.
Il ne faut pas sous-estimer la difficulté de l'exercice de la mission de l'ONIAM, des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation et de la Commission nationale des accidents médicaux. Ces organismes doivent accompagner des changements sociétaux profonds : grande perte de confiance de la population consécutive aux scandales sanitaires du sang contaminé et du Mediator ; place de plus en plus importante prise par les usagers et leur parole depuis quelques années. Ces évolutions contraignent le dispositif d'indemnisation à s'adapter, parfois dans un contexte de forte pression politique et médiatique.
Avec la loi du 4 mars 2002, le législateur a fait le choix d'un système solidaire. Il doit aujourd'hui gagner en rapidité et en qualité d'accompagnement des victimes. Ce système d'indemnisation à la française doit être performant pour contribuer à donner confiance dans la médecine, les médicaments et la vaccination.
Pour réussir son redressement, l'ONIAM aura besoin de la mobilisation et de l'engagement de tous. Je sais que le rapport de la Cour des comptes a pu être douloureusement ressenti par des responsables et salariés de l'ONIAM, ainsi que par des intervenants profondément attachés au dispositif d'indemnisation amiable fondé sur la solidarité nationale. Je tiens aujourd'hui à insister sur le fait que tous les objectifs envisagés ont un même but : mettre en place une gestion plus efficace pour améliorer le service rendu aux victimes.