Commission des affaires sociales

Réunion du 21 février 2017 à 16h30

Résumé de la réunion

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  • ONIAM
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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 21 février 2017

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La commission des Affaires sociales procède à l'audition de M. Sébastien Leloup, dont la désignation en tant que directeur général de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est envisagée par le Gouvernement (application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique)

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L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) fait partie des organismes dont les dirigeants pressentis doivent être auditionnés par le Parlement, en l'espèce les commissions des affaires sociales des deux assemblées, avant leur nomination. Il s'agit d'une simple audition, et non d'un avis des commissions compétentes, c'est pourquoi cette audition ne sera pas suivie d'un vote.

Monsieur Leloup, chacun comprendra que vous ne puissiez pas répondre à toutes les questions, puisque vous n'êtes pas encore en poste.

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Sébastien Leloup

C'est un honneur pour moi de me trouver aujourd'hui devant votre commission. Je suis très honoré de la confiance que me témoigne la ministre des affaires sociales et de la santé en me proposant d'assurer la direction de l'ONIAM. Je mesure pleinement le poids de la responsabilité qui pourrait m'être confiée.

Par la volonté du législateur, l'ONIAM exerce une mission de solidarité nationale au service des personnes victimes d'un risque médical ainsi que du Mediator, du virus de l'hépatite C et de l'immunodéficience humaine par contamination transfusionnelle, des mesures sanitaires d'urgence comme la vaccination obligatoire et, prochainement, de la Dépakine.

En tant que directeur d'hôpital, j'ai souvent été confronté aux accidents médicaux. Un accident médical, c'est une peine immense pour le patient et sa famille. C'est une vie qui se brise et qu'il faut essayer de reconstruire. Je sais aussi ce que signifie être garant de l'argent public. Je connais les contraintes qui pèsent sur la gestion publique et les finances publiques.

Avant de vous exposer le contexte très difficile dans lequel se trouve l'ONIAM et les objectifs que je souhaite atteindre avec l'appui des pouvoirs publics et du conseil d'administration, permettez-moi de vous présenter brièvement mon parcours. Celui-ci me donne des raisons de penser que l'expérience acquise en établissements de santé, à l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France et à la Haute Autorité de santé me sera utile à l'exercice de la fonction de directeur de l'ONIAM.

Après avoir obtenu mon diplôme de Sciences Po Paris, j'ai effectué mon service militaire comme officier parachutiste. J'ai suivi une formation de directeur d'hôpital à l'École des hautes études en santé publique, et je suis également titulaire d'un master spécialisé d'HEC Paris en management stratégique des ressources humaines.

J'ai débuté à l'hôpital Sainte-Anne, à Paris, établissement spécialisé en santé mentale et neurosciences. Comme directeur adjoint, j'étais le directeur des ressources humaines des 300 médecins de l'hôpital. Je me suis occupé des partenariats avec les associations de patients, des activités de qualité et de gestion des risques ainsi que des activités de recherche.

J'ai ensuite rejoint l'hôpital Necker-Enfants malades, établissement universitaire qui a des activités spécialisées en médecine, chirurgie et obstétrique, et compte de nombreuses unités de l'INSERM, du CNRS ainsi qu'une trentaine de centres de référence dédiés aux maladies rares. J'y ai été directeur adjoint pendant plus de cinq ans, directeur des ressources humaines pour 1 000 médecins et 3 500 professionnels non médicaux de l'hôpital. J'ai également été responsable de la politique d'amélioration de la qualité de la prise en charge des patients et de la gestion des risques. J'ai assuré la présidence du comité technique d'établissement et du CHSCT, et j'étais très impliqué dans les questions de santé au travail.

Puis j'ai été nommé directeur de l'Institut de puériculture de Paris, une association loi 1901 employant 350 salariés. L'Institut abritait soixante berceaux de néonatalogie, un hôpital de jour pour enfants autistes, un centre d'action médico-sociale précoce et le lactarium d'Île-de-France. Il jouait un rôle central dans la sécurité néonatale des nouveau-nés de la région. J'en ai exercé la direction dans un contexte de crise de gestion et de gouvernance. Avec les membres du conseil d'administration, et en particulier son président Georges Costergent, nous avons agi avec les autorités sanitaires pour sauvegarder les activités de service public de l'Institut. Si la continuité des activités a pu être assurée, c'est grâce au dévouement et au profond sens des responsabilités des chefs de service, des représentants du personnel et à l'engagement des 350 salariés.

J'ai ensuite dirigé, à l'Agence régionale de santé d'Île-de-France, le département assurant la tutelle de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Avec Claude Evin et les directeurs de l'offre de soins de l'Agence régionale, nous avons mené le dialogue de tutelle avec la direction générale de l'AP-HP pour conforter le rôle de recours régional du centre hospitalier universitaire (CHU) dans la gradation de l'offre de soins et favoriser son ouverture territoriale.

Après quoi, j'ai rejoint la Haute autorité de santé. Cette autorité publique indépendante à vocation scientifique emploie 400 salariés et mobilise 3 000 experts. J'y ai été chef du service de la certification des établissements de santé et directeur délégué auprès de Dominique Maigne et de la présidente, la professeure Agnès Buzyn.

Au sein de la HAS, j'ai animé la concertation sur la certification des établissements avec les représentants des patients et des fédérations professionnelles. J'ai été responsable du réseau national des 500 experts visiteurs. Ces experts auditent les établissements de santé publics et privés, ainsi que les centres de lutte contre le cancer, pour vérifier auprès des responsables et des professionnels de santé le respect du référentiel HAS de qualité et de sécurité de prise en charge des patients.

J'ai également mené des actions pour promouvoir la méthode du patient-traceur, qui recueille l'expérience des patients en établissement. J'ai également favorisé la mise en place d'un compte qualité dans chaque établissement de santé.

En tant que directeur délégué, je suis impliqué dans l'ensemble des activités de l'institution : qualité et sécurité des soins dans les établissements de santé ; recommandations de bonnes pratiques professionnelles ; évaluation médicotechnique et médico-économique des médicaments, des produits de santé et des dispositifs médicaux.

Cette expérience à la HAS m'a sensibilisé à l'importance de la prévention des conflits d'intérêts dans la conduite des expertises sanitaires.

J'en viens au contexte difficile de l'ONIAM et aux objectifs que je souhaite mettre en oeuvre, avec l'appui des autorités publiques, du conseil d'administration, des présidents et des membres des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CCI), des membres de la Commission nationale des accidents médicaux, des experts médicaux et naturellement des chefs de services et de l'ensemble des salariés de l'ONIAM.

La gravité de la situation actuelle de l'ONIAM ne doit pas être sous-estimée au regard de ses missions. Pour les victimes d'accidents médicaux, la loi du 4 mars 2002 a constitué un progrès considérable. Puis la loi du 9 août 2004 a chargé l'ONIAM de la réparation des dommages imputables à une vaccination obligatoire et à une contamination transfusionnelle par le VIH ; celle de décembre 2008 l'a substitué à l'Établissement français du sang pour la gestion des préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B et C dans le cadre d'une transfusion sanguine. Le législateur a également fait confiance à l'ONIAM, en juillet 2011, en lui confiant la responsabilité du règlement des litiges relatifs aux dommages causés par le benfluorex (le Mediator). Enfin, la loi de finances de 2017 l'a également chargé de l'indemnisation des victimes du valproate de sodium ou de ses dérivés. L'ONIAM devra donc, à partir du 1er juillet 2017 au plus tard, assurer le suivi de l'ensemble des procédures relatives à la Dépakine.

Quinze ans après la promulgation de la loi de 2002, les résultats obtenus par ce dispositif d'indemnisation amiable sont encore très éloignés des objectifs. En particulier, des retards majeurs ont été accumulés sur nombre de dossiers individuels de demande d'indemnisation. Selon la Fédération des associations d'aide aux victimes d'accidents médicaux de France, le délai global peut atteindre quatre ans. Au début du mois de février, plusieurs associations de patients ont diffusé un communiqué appelant l'ONIAM à mieux réparer les survivants. Ces associations expriment leur tristesse de voir la France régresser. Elles demandent une plus grande attention aux personnes.

Dans le cadre de son rapport public pour l'année 2017, diffusé il y a une quinzaine de jours, la Cour des comptes a très fortement mis en cause l'ONIAM. La Cour considère que le dispositif amiable d'indemnisation est peu attractif, peu performant et pas plus avantageux pour la victime que le droit commun devant les juridictions administratives et judiciaires. Pour la Cour des comptes, l'ONIAM est un opérateur lourdement défaillant, tant dans la mise en oeuvre des procédures dont il a la responsabilité que dans sa gestion interne. En particulier, les carences du recouvrement des créances auprès des assureurs sont particulièrement inacceptables dans un contexte national très contraint pour les finances publiques. La Cour considère qu'il est urgent de redresser la gestion de l'ONIAM et de rééquilibrer le dispositif en faveur des victimes.

Dans ce contexte, plusieurs actions de redressement de la gestion devront être mises en oeuvre au cours des prochaines semaines, avec le soutien des pouvoirs publics, du conseil d'administration et de l'ensemble des intervenants du dispositif. Les objectifs proposés seront naturellement en lien avec ceux retenus dans le contrat d'objectifs et de performance de l'établissement.

La ministre des affaires sociales et de la santé a confié à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) une mission d'appui afin de déterminer les progrès attendus de l'ONIAM, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes. Dirigée par Laurent Gratieux, cette mission d'appui s'est donné trois axes de travail : l'amélioration du fonctionnement global du système d'indemnisation des accidents médicaux par la recherche d'une meilleure articulation entre l'ONIAM, les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation et la Commission nationale des accidents médicaux, pour un meilleur service aux victimes ; l'amélioration du fonctionnement de l'établissement au regard de la conduite des procédures d'indemnisation et de la gestion de ses moyens ; la définition de l'organisation à mettre en place au sein de l'ONIAM pour remplir sa nouvelle mission liée à la Dépakine.

La mission d'appui fera, au cours du mois de mars, des propositions aux ministres de tutelle afin d'établir une feuille de route définissant les objectifs à atteindre par l'ONIAM.

Parmi les enjeux identifiés figure notamment l'indemnisation rapide et équitable des victimes en se donnant les moyens de résorber le stock de dossiers. Il est, en particulier, vital pour l'avenir du dispositif de constituer un vivier suffisant d'experts médicaux, notamment dans les spécialités pointues. Concernant les victimes également, un deuxième enjeu est de mieux les accompagner. Pour ce qui est de l'ONIAM, un troisième enjeu est de le doter d'un véritable plan de redressement de sa gestion, qui conduira à renforcer l'unité des méthodes, le contrôle interne, à mettre en place des outils de pilotage et à optimiser la prévision budgétaire. Enfin, constitue un quatrième enjeu une politique des ressources humaines très active, sous la forme d'un dialogue social renforcé et d'une communication interne très dynamique pour conduire le changement en suscitant l'adhésion de tous les intervenants.

Il ne faut pas sous-estimer la difficulté de l'exercice de la mission de l'ONIAM, des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation et de la Commission nationale des accidents médicaux. Ces organismes doivent accompagner des changements sociétaux profonds : grande perte de confiance de la population consécutive aux scandales sanitaires du sang contaminé et du Mediator ; place de plus en plus importante prise par les usagers et leur parole depuis quelques années. Ces évolutions contraignent le dispositif d'indemnisation à s'adapter, parfois dans un contexte de forte pression politique et médiatique.

Avec la loi du 4 mars 2002, le législateur a fait le choix d'un système solidaire. Il doit aujourd'hui gagner en rapidité et en qualité d'accompagnement des victimes. Ce système d'indemnisation à la française doit être performant pour contribuer à donner confiance dans la médecine, les médicaments et la vaccination.

Pour réussir son redressement, l'ONIAM aura besoin de la mobilisation et de l'engagement de tous. Je sais que le rapport de la Cour des comptes a pu être douloureusement ressenti par des responsables et salariés de l'ONIAM, ainsi que par des intervenants profondément attachés au dispositif d'indemnisation amiable fondé sur la solidarité nationale. Je tiens aujourd'hui à insister sur le fait que tous les objectifs envisagés ont un même but : mettre en place une gestion plus efficace pour améliorer le service rendu aux victimes.

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Après avoir longuement exercé les fonctions de directeur d'hôpital puis été missionné pour rétablir l'Institut de puériculture de Paris en grande difficulté, vous allez être aujourd'hui « parachuté » dans un organisme dont les difficultés, insoupçonnées, ont été révélées par le rapport de la Cour des comptes. Peut-être le devez-vous à vos antécédents d'officier parachutiste à Toulouse…

Depuis la loi de 2002, nous comptions beaucoup sur l'ONIAM pour permettre aux usagers d'exercer leur droit à réparation de l'aléa thérapeutique. Nous lui avons encore attribué de nouvelles missions, dont celle de l'indemnisation des victimes du Mediator, qui a fait l'objet de plusieurs dispositions législatives au gré de l'évolution des données scientifiques sur les dommages causés par ce produit. Avec le docteur Irène Frachon, j'avais suivi le mode de nomination des experts de la commission spéciale d'indemnisation des victimes du Mediator, et nous avions pu nous appuyer sur le directeur général de l'époque. En dehors de ce fonds d'indemnisation, qui fonctionne bien, le rapport de la Cour des comptes justifie certaines alertes. Nous en avions surtout eu connaissance en constatant le choix de certains patients de privilégier la voie judiciaire à l'indemnisation par l'ONIAM, tant les barèmes d'indemnisation étaient défavorables à la solution amiable.

La Cour des comptes indique qu'il serait inapproprié, dans l'état actuel des choses, de confier à l'ONIAM la gestion du fonds d'indemnisation spécifique des familles victimes du valproate, alors que le législateur vient d'adopter cette mesure. Nous comptons donc beaucoup sur votre nomination pour aider ces familles, sachant que les dégâts du valproate ne sont pas encore bien cernés – nous attendons la deuxième vague de l'étude épidémiologique sur les déformations à la naissance. La mise en place de ce fonds en juillet 2017 nous fait souhaiter vous voir le plus vite possible en fonction.

Au regard des dysfonctionnements relevés par la Cour des comptes, il sera particulièrement important d'alléger et d'accélérer les circuits administratifs de traitement des dossiers. Après que les commissions régionales d'indemnisation ont déjà mis un certain temps à traiter ces dossiers, elles les envoient à la Commission nationale des accidents médicaux, qui les réexamine ; cela allonge considérablement les délais.

Quant aux problèmes de remise en ordre interne de l'ONIAM, il vous appartiendra de les résoudre. En tout cas, ces problèmes me renforcent dans l'idée que pour toute agence ou institution sur laquelle nous légiférons, il faudrait prévoir une représentation diverse du Parlement, de la société civile et des associations de patients, afin que les dysfonctionnements de ce type soient plus rapidement portés à la connaissance du législateur.

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Monsieur Leloup, j'admire votre parcours et aussi votre courage – il en faut pour se lancer dans une telle mission ! Vous avez eu l'honnêteté de faire état du contexte particulier dans votre présentation : le dernier rapport de la Cour des comptes dresse un tableau accablant de l'activité de l'ONIAM. Gestion laxiste, délais trop longs, rejets de dossiers au détriment de victimes, défaillances, anomalies comptables, la liste est très longue.

La Cour écrit que la victime a été trop souvent oubliée par l'institution, pourtant chargée d'en protéger les intérêts. Ainsi, selon la Cour, l'ONIAM s'est arrogé le droit de réexaminer les avis des commissions de conciliation de d'indemnisation, chargées dans chaque région de faciliter le règlement amiable des litiges, et d'en modifier parfois radicalement le sens.

Constatant un système d'information onéreux, inadapté, inefficace, des carences dans le recouvrement auprès des assureurs, une gestion budgétaire et administrative défaillante, la Cour des comptes conclut même : « En l'état actuel de sa gestion, il serait aventureux de confier à l'ONIAM la mission d'indemniser les victimes de la Dépakine, dont l'ampleur et les enjeux seraient encore plus importants que dans l'affaire du Médiator. » C'est pourtant ce qui a été fait dans la dernière loi de finances. Tout cela est extrêmement inquiétant. Le Gouvernement semble avoir pris la mesure des défaillances. Il a annoncé qu'il allait renouveler la gouvernance des établissements et que les dysfonctionnements identifiés feraient l'objet d'une réponse immédiate. Vous allez donc remplacer l'ancien directeur de l'ONIAM dans des conditions très difficiles.

L'IGAS a été saisie et nous attendons qu'elle nous présente, courant mars, un plan d'action complémentaire afin d'améliorer la gestion et l'organisation de l'ONIAM, ainsi que l'efficacité des procédures. J'ai bien noté les trois mesures que vous vous engagez à mettre en oeuvre rapidement avec le concours de l'IGAS : l'amélioration du système d'indemnisation des accidents médicaux, le fonctionnement interne de l'établissement avec les procédures d'indemnisation, et l'organisation à mettre en place pour l'indemnisation des victimes de la Dépakine.

J'ai également noté les quatre enjeux que vous relevez : indemnisation plus rapide, meilleure prise en compte des victimes, redressement de la gestion de l'établissement, et refonte totale de la politique de ressources humaines et du dialogue social.

Le groupe Les Républicains vous souhaite beaucoup de réussite dans ces missions. Ce dossier devra être suivi de très près lors de la prochaine législature et un contrôle parlementaire – y compris de cette commission – devra s'exercer sur l'évolution de la structure que vous allez diriger, de façon à rétablir un lien de confiance entre nos concitoyens lésés et l'ONIAM.

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Monsieur Leloup, vous nous avez bien dit à quel point vous êtes conscient du contexte particulier dans lequel votre nomination intervient, puisqu'il a été mis fin de manière anticipée et assez rapide au mandat de votre prédécesseur, ce qui n'est pas courant dans le domaine sanitaire et social.

Le droit à la réparation de l'aléa thérapeutique représente un progrès considérable pour les victimes et leurs familles, et il doit être garanti. C'est donc avec beaucoup d'embarras que nous avons pris connaissance du rapport de la Cour des comptes sur la gestion passée de l'ONIAM, et vous comprendrez que nous soyons plus attentifs à l'avenir à la gouvernance et la manière dont l'ONIAM exercera ses missions importantes. Je ne sais pas si la présence de parlementaires au conseil d'administration de l'ONIAM aurait changé quelque chose, mais nous devrons, il est vrai, être plus attentifs au fonctionnement de cet organisme au cours de la prochaine législature.

Parmi les nombreuses critiques de la Cour des comptes, l'indemnisation me tient particulièrement à coeur, mais ce n'est pas le sujet premier : pour les victimes ou leurs familles, il s'agit surtout d'obtenir la reconnaissance d'une erreur de la part de l'univers médical, toujours très difficile à prouver. La Cour a constaté que le montant moyen des indemnisations par dossier clos a eu tendance à stagner depuis 2008, voire à baisser. Quelles pistes allez-vous étudier pour que ce dispositif amiable soit revalorisé et apparaisse, pour les victimes, plus avantageux que les procédures judiciaires ?

Comment comptez-vous améliorer cette procédure d'indemnisation ? Vous évoquiez des dossiers en latence, le rapport de la Cour dénonce un allongement des délais, puisque la durée moyenne des procédures est de deux ans et neuf mois.

Avez-vous eu connaissance du plan qui doit être présenté par l'IGAS au mois de mars prochain ? Quel regard portez-vous sur ses conclusions, qui doivent être presque prêtes ?

La Cour des comptes estime aventureux de confier à l'ONIAM l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Une action de groupe a été lancée en décembre par l'Association des victimes de cet antiépileptique contre le laboratoire Sanofi, ce qui laisse penser que la voie judiciaire est privilégiée. L'ONIAM sera-t-il prêt à traiter des demandes à partir de juin, comme cela est prévu ?

Merci de ce que vous pourrez faire pour aider les victimes et leurs familles, dans un cadre juridique difficile.

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Le rapport annuel de la Cour des comptes pointe un grand nombre de dysfonctionnements, dont l'allongement du délai d'indemnisation et l'augmentation du nombre de dossiers rejetés. Vous allez probablement être nommé afin de remettre de l'ordre dans la gouvernance et le mode de fonctionnement de l'ONIAM.

Vous dressez les grands axes de votre plan d'action pour redresser l'ONIAM. Comment, en tant que directeur, pourrez-vous agir en urgence ? Quels axes allez-vous privilégier ?

Que comptez-vous apporter en plus afin d'améliorer la prise en charge de l'indemnisation des patients et pour réduire leurs délais d'attente ?

Pensez-vous que l'ONIAM aura les moyens de se charger de l'ensemble des victimes de la Dépakine à indemniser, sachant qu'elles sont plus nombreuses que celles du Mediator ?

Enfin, comment rendre confiance aux victimes et aux acteurs de l'ONIAM ?

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Ma pensée va tout d'abord aux victimes d'accidents médicaux qui subissent les dysfonctionnements de l'ONIAM, alors que cet organisme était censé gérer un dispositif d'indemnisation amiable rapide et gratuit, sans avoir à passer par une procédure judiciaire.

Je suis surpris que les révélations soient aussi tardives, faute d'un suivi attentif, année par année, qui aurait permis de rendre publics ces dysfonctionnements. La Cour des comptes est très claire : gestion laxiste, délais trop longs, rejets de dossiers au détriment des victimes et autres défaillances graves. Elle mentionne un dispositif totalement en échec, une mise en oeuvre dévoyée et une remise en ordre impérative.

L'ONIAM écarte 8,5 % des avis positifs des commissions de conciliation et d'indemnisation. Les procédures ont une durée moyenne de deux ans et neuf mois, ce qui veut dire que certaines vont durer trois ou quatre ans. Que penser des recouvrements financiers non effectués, et de l'abandon à tort d'une créance de 4,3 millions d'euros ? L'examen des états financiers fait apparaître un défaut d'enregistrement d'un total de créances supérieur à 92 millions d'euros.

Les questions sont importantes et le problème gigantesque. Aurez-vous les moyens de rétablir le fonctionnement normal de cet organisme ? Nous comptons beaucoup sur vous, d'autant plus que ce qu'il faut bien appeler un scandale touche nos concitoyens victimes d'accidents médicaux.

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Je souhaiterais entendre le professionnel de l'hôpital que vous êtes, monsieur le directeur. Vous n'êtes pas soignant, mais vous êtes immergé depuis quinze ans dans le monde hospitalier. Vous avez certainement appris à le décoder en en accompagnant tous les bouleversements : réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière en 2002, mise en place de la tarification à l'activité, intensification du quotidien, création des ARS, certification indispensable des établissements, amélioration de la sécurité des patients.

Après ces quinze années, et avant la mission qui vous sera confiée, quel regard portez-vous sur des évolutions aussi considérables en aussi peu de temps ? Avez-vous des idées pour réduire le risque iatrogène et nosocomial avant d'en avoir l'indemnisation à gérer ?

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L'ONIAM a pour mission d'assurer l'indemnisation des accidents médicaux ; elle agit donc, par définition, en aval. Je souhaiterais savoir si la gestion en amont fait l'objet d'une réflexion collégiale avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Une prospective intelligente pourrait, en effet, définir, outre les enjeux de la prise en charge sanitaire au titre de la réparation, les moyens financiers, techniques et humains qui y concourent. Je pense au rapport que je vais présenter dans quelques instants et qui porte sur la gestion des données du Système national des données de santé (SNDS), jugée insuffisamment exploitée par la Cour des comptes. Ainsi, les enjeux de vigilance sanitaire ne sont pas assez formalisés et l'ONIAM se trouve confronté à un certain nombre de retards dans l'identification de pathologies secondaires ou d'effets iatrogènes.

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Bernard Perrut a très bien exposé les dysfonctionnements majeurs de l'ONIAM révélés par la Cour des comptes. Face à cette situation, quelle sera votre priorité dès votre entrée en fonction ?

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Dans un arrêt récent, le Conseil d'État a obligé la ministre de la santé à prendre les mesures nécessaires pour que les vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la polio (DTP), qui sont les trois seuls vaccins obligatoires, soient disponibles sans être intégrés à un vaccin hexavalent, contenant donc six souches, comme c'est le cas actuellement. De fait, cette pratique n'est pas de nature à réconcilier nos concitoyens avec la vaccination. Je souhaiterais savoir si l'existence de ce vaccin hexavalent a pu être un obstacle à l'indemnisation d'éventuelles victimes par l'ONIAM. En effet, dans un tel cas, il est difficile de démontrer quelle souche est en cause. Or l'Office ne peut indemniser que les victimes d'accidents médicaux résultant de ces trois vaccinations obligatoires.

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Sébastien Leloup

Je m'efforcerai de répondre le plus précisément possible à vos questions, dans la limite de la connaissance que j'ai, aujourd'hui, de la situation de l'ONIAM et de ses activités.

Monsieur Bapt, l'actuel directeur général de l'Office, Érik Rance, a pris ses fonctions dans un contexte de crise, puisque l'ONIAM était alors saisi d'un nombre considérable de dossiers de victimes du Mediator. Il a néanmoins su mettre en place, avec les acteurs-clés, un dispositif qui, s'il a connu différentes configurations, est aujourd'hui arrivé à maturité et permet d'instruire ces dossiers de manière équitable et juste. Il est compréhensible que ce dispositif n'ait pas été immédiatement satisfaisant, mais Érik Rance n'a pas ménagé ses efforts pour procéder aux ajustements nécessaires, de sorte qu'il fonctionne désormais correctement. Je tiens, du reste, à préciser qu'il ne sera pas désarmé. Les chiffres du rapport d'activité de 2015 reflètent bien l'évolution tendancielle du nombre des dossiers mais, tant que le dispositif ne sera pas arrivé à son terme et considéré comme tel par les acteurs-clés du dossier, les moyens qui lui sont consacrés ne seront pas redéployés. C'est un point très important sur lequel je me suis engagé.

Les délais d'instruction des dossiers sont une préoccupation majeure. Aujourd'hui, les tribunaux de grande instance et les tribunaux administratifs jugent plus rapidement, si bien qu'une victime peut obtenir une décision judiciaire en moins de deux ans. Dès lors, si les délais moyens d'instruction de l'ONIAM demeurent de deux ans et neuf mois, le système d'indemnisation amiable et transactionnel ne présente pas d'avantage pour la victime. C'est un problème de fond dont l'ONIAM n'est pas responsable, mais le fait est que les juridictions ont progressé dans ce domaine. Il est vrai qu'elles peuvent engager une expertise médicale dans des conditions financières qui ne sont pas tout à fait celles de l'ONIAM. En tout état de cause, celui-ci doit définir des indicateurs afin de surveiller l'évolution de ses délais d'instruction. Je suis moi-même très attentif aux écarts à la moyenne car, si le délai moyen est de deux ans et neuf mois, cela signifie que l'écart à la moyenne peut atteindre trois ans, voire quatre ans, ce qui n'est pas acceptable pour un dispositif de solidarité nationale.

En ce qui concerne le barème d'indemnisation, Claire Compagnon, présidente du conseil d'administration de l'ONIAM, a établi, en accord avec les membres du conseil d'administration, un nouveau barème qui est entré en vigueur le 1er janvier 2016. L'assistance par tierce personne a ainsi été significativement revalorisée pour les aides spécialisées notamment, de même que l'indemnisation de deux préjudices patrimoniaux.

S'agissant des accidents liés à la Dépakine, une première étude de l'ANSM et de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), réalisée sur la base des données du Système national d'information inter-régimes de l'Assurance maladie (SNIIRAM), évalue à plus de 14 000 le nombre des femmes enceintes ayant pris cet antiépileptique. Le conseil d'administration de l'ONIAM a donc d'ores et déjà décidé de renforcer ses moyens : deux emplois dits de préfiguration permettront de préparer la mise en place du dispositif afin que les éléments de cadrage de cette mission puissent respecter le calendrier, avec un rendez-vous fixé au mois de juillet 2017, au plus tard.

M. Viala m'a interrogé sur la mission d'appui dirigée par Laurent Gratieux. Une concertation approfondie est en cours avec les présidents des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation. C'est un point important, car nous devons susciter l'adhésion des magistrats présidant ces commissions si nous voulons retrouver la dynamique qui doit être celle du dispositif ONIAM-CCI. Il est, du reste, naturel qu'un suivi parlementaire s'exerce, compte tenu de la gravité de la situation actuelle.

Le montant moyen des indemnisations, évoqué par M. Richard, a peu évolué depuis 2008 ; il s'établit aujourd'hui aux alentours de 85 000 euros et correspond à la nomenclature que le groupe de travail de M. Dintilhac a définie, en référence, m'a-t-on expliqué, à la jurisprudence des juridictions judiciaires et administratives. Nous devons être vigilants à cet égard, car l'indemnisation des pathologies liées à des malformations congénitales susceptibles de provoquer d'importants troubles du développement peut atteindre des montants considérables. Je pense à un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a accordé, suite à une faute médicale ayant causé un accident obstétrical, une indemnisation de 11 millions d'euros aux parents d'un enfant né handicapé.

Pour en revenir à la mission d'appui de l'IGAS, j'ai rencontré Laurent Gratieux et je puis vous dire que j'ai été marqué par la qualité du travail approfondi mené avec les parties prenantes depuis le mois de janvier. Il appartiendra au ministre de tutelle de communiquer sur les éléments qui seront retenus ; il serait prématuré de les évoquer aujourd'hui.

Est-il aventureux de confier à l'ONIAM le soin d'assurer le suivi des victimes de la Dépakine ? Cette tâche sera difficile, compte tenu des circonstances. Je n'ai pas encore rencontré les chefs de service de l'ONIAM et je ne connais donc pas l'état d'esprit des salariés ni le moral des troupes. Mais, pour avoir eu quelques échanges avec Dominique Martin, qui a été le directeur de l'Office pendant neuf ans, et avec Érik Rance, qui l'a dirigé pendant six ans, je crois pouvoir dire que nous pourrons compter sur les valeurs professionnelles de ses salariés, et je sais pouvoir compter également, en tant que directeur de l'ONIAM, sur les pouvoirs publics pour disposer des moyens nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Médicalement, le dossier de la Dépakine est complexe, peut-être davantage encore que celui du Mediator. Le nombre de dossiers annoncé est préoccupant. Le dispositif devra donc être ajusté et monter en puissance en fonction des besoins. Mais sachez qu'en tant que directeur, je serai mobilisé, avec l'équipe de direction, pour être au rendez-vous et remplir la mission que le législateur nous a confiée dans le cadre de la loi de finances.

Mme Bouziane-Laroussi m'a interrogé sur le nombre des dossiers rejetés. Entre 2011 et 2015, on constate que l'ONIAM a pris en compte un peu plus de 21 000 dossiers d'accidents médicaux, mais que près des trois quarts d'entre eux ont été rejetés par les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation. Je rappelle que la loi de 2002 dispose que la victime ne peut être indemnisée par l'ONIAM que si l'atteinte à son intégrité physique et psychique est d'au moins 25 %. Je précise que ce critère de gravité s'applique aux seuls accidents médicaux et qu'en sont donc exclues les victimes du Mediator, par exemple.

Cette règle peut expliquer le rejet d'un certain nombre de dossiers.

Elle est, du reste, certainement à l'origine de l'incompréhension et des protestations des associations de victimes. Il faut, en effet, se mettre à la place d'une personne – je reprends là l'exemple cité par la Cour des comptes – dont l'intestin a été accidentellement perforé au cours d'une intervention chirurgicale et que l'ONIAM refuse d'indemniser au motif que le taux de gravité de l'atteinte fonctionnelle est évalué à 20 % par la commission régionale. Lorsque, qui plus est, cette décision peut être rendue dans un délai qui excède deux ans, comment ne pas comprendre la colère de la victime ? Celle-ci, si elle n'est pas découragée, devra prendre le chemin des prétoires et recommencer la procédure à zéro alors qu'elle avait l'espoir que le dispositif de solidarité nationale répondrait à ses besoins – sachant, en outre, qu'il s'agit de personnes particulièrement vulnérables, qui se trouvent parfois dans une situation sociale extrêmement précaire.

M. Perrut s'est étonné que la révélation des dysfonctionnements de l'ONIAM ait été si tardive. Ce sentiment est partagé par nombre des interlocuteurs que j'ai rencontrés depuis que je me prépare à assumer la responsabilité de la direction de l'Office. Manifestement, de précédentes investigations n'avaient pas permis à la Cour des comptes de mesurer la gravité de la situation. Plus récemment, certains dysfonctionnements ont été soulignés par l'IGAS. En tout état de cause, la diffusion de la partie publique du rapport de la Cour des comptes a provoqué un effet de sidération qui participe de la difficulté de la tâche de la future équipe de direction.

Je compte beaucoup sur la présidence du conseil d'administration pour prendre toute la mesure de la situation et conduire le changement avec le souci de susciter l'adhésion de l'ensemble des personnes engagées dans ce dispositif depuis le départ. Je pense en particulier aux experts médicaux, dont le nombre s'est effondré, puisqu'il est passé de 250 en 2011 à 200 aujourd'hui, alors que, selon Érik Rance, il devrait être de 800. Il est difficile de mobiliser des experts médicaux dans le contexte actuel ; les pressions s'exerçant dans les établissements de santé et le champ médical sont telles qu'il n'est pas évident pour un médecin de consacrer une partie de son temps à une activité d'expertise médicale. Le Comité français d'accréditation (COFRAC) rencontre les mêmes difficultés pour recruter des biologistes dans le cadre de l'accréditation des laboratoires de biologie. Quant à la Haute Autorité de santé, elle mène de nombreuses actions pour intégrer des médecins dans le corps des experts visiteurs ; ces médecins sont actuellement au nombre de 170, mais il manque un certain nombre de spécialités nécessaires pour continuer à évaluer dans de bonnes conditions la qualité et la sécurité des prises en charge. La question du vivier des experts médicaux est fondamentale et vitale pour l'avenir du dispositif. Je compte donc apporter tout mon soutien au président de la Commission nationale des accidents médicaux pour renforcer l'attractivité de l'expertise médicale au service du dispositif d'indemnisation amiable.

Il a été fait référence à une créance de 4,3 millions d'euros abandonnée à tort dans le cadre d'une discussion avec l'AP-HP portant sur des problèmes de transfusion. C'est un point sur lequel j'ai prévu de lancer des investigations, de manière à reprendre les éléments de traçabilité de ce sujet.

M. Sebaoun m'a interrogé sur la manière dont le nombre des incidents qui se produisent dans les établissements de santé pouvait être réduit. Il est certain que les événements indésirables graves sont inévitables, car il s'agit d'activités à risque. On estime leur nombre à environ 900 par jour, mais il est très difficile d'obtenir des données fiables dans ce domaine. Quoi qu'il en soit, beaucoup sont sans conséquences pour les patients, car les équipes font souvent preuve d'une extraordinaire capacité de récupération. Tel n'est pas toujours le cas. Hélas ! nous n'avons pas suffisamment, en France, la culture du signalement de ces événements. Toutefois, les mesures qui ont été prises récemment sont de nature à améliorer la situation. Certains médecins, en particulier dans les spécialités à risque, accomplissent, dans le cadre d'un dispositif d'accréditation de leurs spécialités, un travail collégial extrêmement intéressant sur les événements porteurs de risques. Ces expériences et ces pratiques sont à encourager afin que le signalement ne soit pas fautif et ne pâtisse pas de la crainte de son impact sur la responsabilité civile des professionnels.

À ce propos, je suis convaincu qu'en France comme dans beaucoup d'autres pays, il faut faire de manière déterminée la chasse aux soins inutiles et dangereux. Un certain nombre de personnes saisissent l'ONIAM parce qu'elles ont été victimes de tels soins. Il y va de la responsabilité médicale. Il appartient donc aux médecins de s'approprier et de contribuer à l'élaboration et à l'actualisation des bonnes pratiques professionnelles ; la HAS y prend sa part avec l'ensemble des intervenants.

M. Morange m'a interrogé sur l'articulation de l'ONIAM avec l'ANSM, qui a une mission de police sanitaire. Les deux organismes entretiennent des liens étroits. Le dossier de la Dépakine conduira l'ONIAM à intervenir dans des champs de responsabilité, puisque le législateur a prévu qu'il examine, le cas échéant, les situations dans lesquelles des carences ont été constatées dans l'exercice de la police sanitaire et la responsabilité de l'État est engagée. Je mesure la sensibilité de ces sujets et leurs conséquences. J'ai prévu, dans l'exercice de mes futures fonctions, d'entretenir des relations avec l'ANSM de manière à prendre toute la mesure des actions menées dans ces domaines. Nous ne pouvons pas, en effet, nous limiter à un rôle de payeur. Mais je suis certain qu'avec Dominique Martin, nous aurons une relation de travail institutionnel à la hauteur des enjeux que vous avez évoqués.

M. Dord me demande quelle sera la première mesure que je prendrai une fois que j'aurai pris mes fonctions. La réponse est assez simple : je commencerai par rencontrer les chefs de service et les 105 salariés de l'ONIAM, puis les présidents des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation, à qui je demanderai quelles actions ils envisagent de mener pour que nous puissions collectivement redynamiser l'ensemble du dispositif ONIAM-CCI-CNAMED.

Madame la présidente, l'ONIAM est actuellement saisi de peu de dossiers – une cinquantaine environ – concernant la vaccination obligatoire, mais un avocat m'a d'ores et déjà fait savoir qu'il en avait plus entre les mains, dont il allait saisir l'Office. Il s'agit d'un sujet majeur. La manière dont l'ONIAM sera, ou non, en mesure de prendre soin des victimes d'accidents résultant de la vaccination obligatoire sera déterminante pour le positionnement des professionnels de santé en la matière. Les victimes sont très rares, mais il faut être très performant dans leur accompagnement et leur indemnisation, celle-ci devant se faire dans des conditions parfaitement équitables. En France, la vaccination est actuellement en situation d'échec par rapport aux autres pays de l'OCDE. Il est donc important que chacun exerce sa mission pour que le taux de couverture vaccinale de la population, à commencer par celui des professionnels de santé, soit à la hauteur des besoins. Je ne suis pas en mesure, à l'heure actuelle, de vous répondre plus précisément, mais je ne manquerai pas de le faire prochainement.

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Monsieur Leloup, nous vous remercions et vous souhaitons bonne chance pour l'accomplissement de votre mission, car il ne fait pas de doute que vous serez nommé – avec l'approbation de la commission, puisque je n'ai pas décelé d'opposition particulière de la part de mes collègues – à la direction de l'ONIAM.

La commission des Affaires sociales procède à l'examen du rapport d'information de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur les données médicales personnelles inter-régimes détenues par l'assurance maladie, versées au SNIIRAM puis au Système national des données de santé (SNDS) (M. Pierre Morange, rapporteur)

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Nous allons examiner le rapport d'information de M. Pierre Morange sur les données médicales personnelles inter-régimes détenues par l'assurance maladie versées au Système national d'informations inter-régimes de l'assurance maladie (SNIIRAM) puis au Système national des données de santé (SNDS).

Avant de vous donner la parole, monsieur Morange, je tiens à saluer votre action à la tête de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), dont les rapports sont toujours fort intéressants et qui a le mérite de prendre le temps de travailler dans le calme. Depuis 2007, vous avez assumé la coprésidence de cette mission, d'abord avec Jean Mallot, puis avec Jean-Marc Germain et, aujourd'hui, avec Gisèle Biémouret. Je vous remercie pour le soutien constant que vous avez apporté à ses rapporteurs, soutien dont j'ai moi-même bénéficié lorsque, chargée, en 2008, d'un rapport sur le médicament – je ne reviendrai pas sur ce débat, qui fut presque un combat –, je me suis retrouvée aux prises avec un laboratoire pharmaceutique.

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Merci, madame la présidente. Je veux tout d'abord remercier, au nom de Gisèle Biémouret, coprésidente, et des membres de la MECSS, la commission des affaires sociales ainsi que les administrateurs, qui m'ont accompagné dans ces travaux.

Je reconnais que l'intitulé de ce rapport d'information – pour lequel nous avons sollicité l'avis de la Cour des comptes, laquelle nous a remis les conclusions de ses travaux en mai 2016 – est quelque peu aride et qu'il pourrait dissuader les meilleures volontés de s'intéresser au sujet. Il présente comme particularité de ne pas comporter de recommandations puisqu'il s'agit d'un rapport d'étape : de fait, nous sommes au milieu du gué.

Permettez-moi de rappeler tout d'abord quelques chiffres. Le Système national des données de santé, qui regroupe les données du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) et du SNIIRAM, est issu de l'article 193 de la loi de modernisation de notre système de santé. Il est d'ores et déjà le plus important fichier de données médicales d'Europe, voire du monde, et il sera encore enrichi, au cours de l'année 2017, par les données du CépiDC, le Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès. Au stock des données déjà détenues par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) s'ajoutera, chaque année, un flux constitué de 1,2 milliard de feuilles de soins, 500 millions d'actes médicaux et 11 millions de séjours hospitaliers. L'ensemble a une profondeur historique de quinze à vingt ans selon les données. Le CépiDC compte, quant à lui, 20 millions d'enregistrements.

Un tel réservoir d'informations suscite de nombreuses interrogations sur la sécurité – quelle est la qualité du coffre-fort informatique ? –, la confidentialité des données, les procédures d'accès à ces données, les moyens humains, techniques et financiers nécessaires à leur exploitation et, enfin, l'enjeu économique que représente le financement du dispositif. Tels sont les défis que l'article 193 de la loi de modernisation de notre système de santé nous invite à relever.

La première partie du rapport présente l'état des lieux de ce qui est encore, à l'heure actuelle, un dispositif en construction. Une plus grande ouverture des données personnelles de santé permettrait de renforcer la démocratie sanitaire, d'améliorer la vigilance sanitaire, d'assurer un pilotage plus efficient de la politique de santé publique et du système de soins – selon la Cour des comptes, l'exploitation des données du SNIIRAM est susceptible d'engendrer 840 millions d'euros d'économies. Elle permettrait aussi de favoriser le progrès de la recherche médicale en facilitant la reproductibilité de la preuve et la constitution de cohortes significatives – je pense par exemple à la recherche sur les maladies orphelines ou l'oncologie pédiatrique, qui concernent des populations restreintes.

L'article 193 vise à concilier les objectifs a priori contradictoires que sont une plus grande ouverture au public des données personnelles de santé et la préservation de la vie privée, y compris la garantie du secret médical.

En ce qui concerne les données elles-mêmes, il faut noter que le SNDS rassemblera des données sanitaires et médico-sociales. Ainsi que je l'ai indiqué, il intégrera, outre les deux grandes bases médico-administratives déjà en interaction, le PMSI et le SNIIRAM, et la base CépiDC, les données transmises à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Notre collègue Martine Carillon-Couvreur a démontré dans son excellent rapport, déposé en janvier 2015, que la collecte des informations et des données auprès des établissements de soins et des MDPH était notoirement insuffisante. Les personnes auditionnées estiment néanmoins que, dans ce domaine, l'objectif pourrait être atteint, dans le meilleur des cas, dans un délai de deux à trois ans. J'ajoute que le SNDS comportera également un échantillon représentatif des données de remboursement transmises par des organismes d'assurance maladie complémentaire. Ceux-ci le feront cependant dans un cadre, non pas légal, mais conventionnel. Il faudra donc trouver les moyens de les inciter à participer activement à cette transmission.

Pour concilier les objectifs a priori contradictoires que sont la plus grande ouverture au public des données personnelles de santé et la préservation de la vie privée, le nouveau dispositif définit des droits d'accès différenciés selon les données et les opérateurs. Les données agrégées, qui ne présentent aucun risque de ré-identification, seront ouvertes à tous sans restriction et à titre gratuit, comme les données relatives à l'activité des professionnels de santé. En revanche, les données qui peuvent être directement ou indirectement identifiantes seront accessibles sous conditions et uniquement pour des recherches, évaluations ou études dont il faudra démontrer qu'elles présentent un « intérêt public » – notion dont la définition juridique doit être précisée.

Par ailleurs, les organismes chargés d'une mission de service public, dont la liste sera arrêtée par décret en Conseil d'État, bénéficieront d'un accès privilégié et permanent. Quant aux opérateurs privés, ils devront respecter des contraintes renforcées. Je rappelle que, grâce au travail parlementaire, l'utilisation des données du SNDS est expressément proscrite dans deux cas : l'extraction des données aux fins d'exclusion de garantie ou d'adaptation de la tarification des contrats d'assurance, d'une part ; aux fins de ciblage territorial ou professionnel du démarchage des prescripteurs de médicaments, d'autre part. Enfin, pour les opérateurs privés, le traitement des données devra être effectué par un tiers, laboratoire de recherche ou bureau d'études, public ou privé.

L'article 193 de la loi de modernisation de notre système de santé traite ces questions, mais nous avons souhaité clarifier le nouveau dispositif, si touffu que nous serons bientôt conduits à remettre l'ouvrage sur le métier. De fait, nous avons été amenés, au fil des auditions, à nous intéresser à quatre thèmes, qui fondent la seconde partie du rapport : la solidité du socle juridique du SNDS, la sécurité informatique du dispositif, la gouvernance du système et son modèle économique.

Le socle juridique du SNDS devra être suffisamment solide si l'on veut tirer parti de toutes les potentialités, par exemple si l'on souhaite intégrer à terme les données issues des objets connectés, qui connaîtront une croissance exponentielle au cours des quelques années à venir ; cela rendra le problème plus complexe encore. Il convient aussi de cerner la notion d'« intérêt public », clef d'entrée du SNDS pour les organismes ne disposant pas d'un accès permanent ; la doctrine ainsi établie devra guider les décisions du futur Institut national des données de santé qui devra rendre un avis sur chaque demande d'accès déposée.

Outre cela, plusieurs textes définissent les finalités du système gouvernant l'ouverture des données personnelles de santé, dont l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique et aux libertés ; leur ensemble étant quelque peu confus, il conviendrait de les harmoniser. C'est d'autant plus nécessaire qu'un règlement européen, adopté au printemps 2016 et qui entrera en vigueur en mai 2018, obligera à repenser certains fondements du SNDS. Une mission d'information de la commission des lois examine, d'ailleurs, depuis quelques semaines, les incidences sur la législation française des nouvelles normes européennes en matière de protection des données personnelles. Déjà, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a informé la MECSS que le Parlement devrait être saisi, probablement dès l'été 2017, d'un nouveau projet de loi « Informatique et libertés » qui, visant à tirer toutes les conséquences du règlement européen, traitera notamment des données de santé.

Paradoxalement, ce chantier législatif semble donc être inachevé alors même que les décrets d'application de la loi de modernisation de notre système de santé ne sont pas encore tous publiés – les derniers décrets parus pour le sujet qui nous concerne l'ont été le 26 décembre 2016 et ceux qui traitent de l'articulation entre PMSI et SNIIRAM au sein du SNDS doivent paraître le 1er avril 2017. Aussi le secrétaire général de la CNIL a-t-il indiqué : « Actuellement, nous en sommes réduits à nous demander si un régime juridique dont nous ne connaissons pas encore tous les contours est bien compatible avec un texte dont la clarté n'est pas évidente… ». Enfin, l'accès aux données stockées dans le SNDS emporte l'obligation légale de publication des recherches menées à bien grâce à leur utilisation. Cela pose un problème de droit de propriété intellectuelle, source de contentieux potentiels, qui n'a pas encore trouvé réponse.

L'exigence de sécurité informatique est double : il faut assurer, d'une part, la protection contre les risques d'intrusion et, d'autre part, la protection contre les risques liés à la ré-identification des données personnelles préalablement pseudonymisées.

S'agissant du risque d'intrusion, la Cour des comptes recommande d'ériger la CNAMTS en « opérateur d'importance vitale » au sens du code de la défense. La plupart de nos interlocuteurs ne partagent pas cet avis. La MECSS estime que l'important est moins la qualification juridique de l'opérateur que les garanties et le niveau de sécurité offerts par la gestion du futur SNDS ; on pourrait donc envisager de classer la CNAMTS au nombre des « opérateurs de service essentiel » au sens du droit européen des réseaux et des systèmes d'information.

Pour prévenir le risque de ré-identification, il est nécessaire de modifier l'algorithme de cryptage des données personnelles, considérées comme obsolescent par la Cour et par nombre de spécialistes. La CNAMTS assure de la robustesse de cet algorithme pendant encore quelques années, néanmoins, l'engagement des opérations nécessaires à son remplacement est prévu dans la future convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la CNAMTS.

J'en viens à la gouvernance du dispositif. La loi visait à la simplifier pour faciliter les procédures et réduire le délai d'autorisation d'accès aux données, actuellement compris entre douze et quinze mois, et parfois dix-huit mois. Or le dispositif demeure complexe : le pilotage stratégique du SNDS est assuré par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) et l'INDS, la gestion technique par la CNAMTS, et la CNIL accordera ou n'accordera pas les autorisations d'accéder aux données. À cette organisation déjà passablement touffue, dans laquelle les compétences des divers acteurs restent insuffisamment définies, se greffent plusieurs comités – comité de pilotage stratégique du SNDS, comité des utilisateurs, comité des services, comité d'audit et de contrôle – qui sont autant d'acteurs secondaires dont on mesure mal l'articulation avec les acteurs principaux. Ce n'est pas un procès d'intention mais un constat : nous sommes au milieu du gué et le rapport d'étape qui vous est soumis aujourd'hui devrait être la base de nouveaux travaux parlementaires.

Enfin, le modèle économique du nouveau système d'information n'est ni chiffré ni bien défini. Dans le rapport sur la gouvernance et l'utilisation des données de santé qu'il a remis en 2013 à la ministre des affaires sociales de la santé, M. Pierre-Louis Bras en évaluait le coût à 20 millions d'euros, un montant dérisoire rapporté aux plus de 200 milliards d'euros consacrés aux dépenses de santé. Il faut accélérer la mise en oeuvre du nouveau système, donc lui consacrer les moyens humains supplémentaires nécessaires. L'effectif actuel de l'Institut des données de santé (IDS), qui deviendra l'INDS, est de neuf personnes ; elles devraient être douze, à terme, pour faire face à l'augmentation continue du volume des données collectées et à l'accroissement du nombre de demandes d'accès. Le principe d'instituer une redevance, ou une taxe, pour l'utilisation de ces données par les opérateurs privés n'a pas été tranché. Cela conditionne pourtant la viabilité du dispositif.

Contrairement à l'habitude, le rapport, adopté par la MECSS ce matin, ne présente pas de recommandations. Beaucoup de décisions restent à prendre, ce qui aurait pu justifier une attitude plus hardie, mais bon nombre de paramètres demeurant inconnus, la sagesse commande de ne vous présenter qu'un rapport d'étape, en laissant à la prochaine législature le soin de parachever cet ouvrage, une fois parus tous les décrets d'application et après avoir mesuré l'impact du règlement européen transposé dans une nouvelle loi « Informatique et libertés ». La synthèse ainsi permise devrait permettre de refonder l'article 193 de la loi de modernisation de notre système de santé pour établir un dispositif satisfaisant en termes de sécurité et de confidentialité des données, crédible sur le plan économique et à même, pour ces raisons, de faire face à des enjeux stratégiques pour la politique nationale de santé.

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Au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je salue le travail accompli par Pierre Morange, qui préside la MECSS avec notre collègue Gisèle Biémouret. J'ai eu l'honneur de participer un temps à la réflexion de la Mission, dont notre commission a toujours suivi les travaux avec une grande attention. Ce n'est pas sans émotion que je prends la parole devant vous ce soir pour la dernière fois puisque je ne me représenterai pas à la députation ; j'ai mesuré tout ce que la MECSS apporte à nos débats et je puis témoigner qu'elle nous apprend beaucoup.

Je tiens à saluer la constance de notre rapporteur et sa parfaite cohérence ; il n'a cessé de souligner l'importance du sujet dont nous débattons. Comme il y invite, les importants travaux réalisés sur l'ouverture de l'accès aux données de santé devront être poursuivis par la future MECSS. Le SNDS rassemblera à terme les données médicales et médico-sociales ; l'accès à ces données différentes des autres suppose une procédure spécifique. L'article 193 de la loi de modernisation de notre système de santé a amorcé une évolution bienvenue mais il faudra aller plus loin. Le rapport a le grand mérite d'apporter tous les éléments nécessaires à l'achèvement ultérieur de ces travaux et de préparer l'élaboration de décrets que notre réflexion devrait enrichir. En particulier, la gouvernance du dispositif, complexe et alourdie par l'adjonction de plusieurs comités, demande à être encore débroussaillée pour faciliter l'ouverture de l'accès aux données. Sur un plan général, les travaux de la MECSS ont souvent mis l'accent sur de tels travers, qui entravent le fonctionnement des organismes intervenant dans le champ de la protection sociale ; ils devront être corrigés.

Le rapport mentionne l'obligation légale de verser au SNDS les données des maisons départementales des personnes handicapées. Le rapport d'information sur la mise en oeuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), que j'ai présenté en janvier 2015, montrait que, dix ans après la création de la Caisse, il n'existait pas de système partagé d'accès aux données médico-sociales. La prise de conscience s'est faite, mais comment envisagez-vous les choses sur ce plan ?

Les travaux dont vous avez été un artisan très engagé, monsieur Morange, doivent se poursuivre. Beaucoup reste à faire dans le domaine médico-social pour améliorer l'évaluation de l'activité et des coûts et favoriser l'optimisation de l'offre de soins. Ce chantier législatif inachevé doit se poursuivre et j'invite à la vigilance notre commission, dont je remercie la présidente et le rapporteur.

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Je vous remercie pour le travail que vous avez accompli dans notre assemblée au bénéfice de tous ceux que nos travaux concernent.

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Au nom du groupe Les Républicains, je remercie à mon tour Pierre Morange. Pour avoir participé aux travaux de la MECSS alors qu'il la présidait avec Jean Mallot, j'ai constaté leur volonté de parvenir à des recommandations communes que les gouvernements devraient, en principe, s'empresser de suivre – malheureusement, on connaît les limites de l'exercice. Le recueil des données de santé passionne notre rapporteur de longue date, comme en attestent les travaux qu'il a conduits avec Jean-Pierre Door sur le dossier médical partagé. Cette fois, nous parlons d'open data et les enjeux sont considérables. La France disposant de bases médico-administratives de santé sans équivalent, nous devrions être premiers en la matière, mais tels sont les problèmes de gouvernance du dispositif, qu'il n'en est rien.

Dans son numéro de janvier 2017, le magazine Mutations de la Mutualité française publie l'entretien croisé de Didier Sicard, professeur de médecine et président d'honneur du Comité consultatif national d'éthique, et de Nicolas Revel, directeur général de la CNAMTS, à propos de l'exploitation des données de santé. M. Sicard y voit « un enjeu scientifique et économique majeur » mais il est d'avis que la France est « très en retard culturellement » à ce sujet, l'Assurance maladie se faisant « la gardienne un peu jalouse » de l'utilisation qui peut être faite des données du SNIIRAM. Il en résulte que si la loi autorise les opérateurs de toutes sortes à accéder à ces données, la culture du partage n'existe pas, de par « une peur de la rupture de confidentialité qui relève bien souvent du fantasme ».

M. Sicard poursuit en disant : « L'idée que les données de santé anonymisées mises en commun puissent avoir une fonction de santé publique n'a pas encore fait son chemin. Les données de santé ne sont pas au centre des stratégies, elles sont considérées comme secondaires. Dans des institutions comme la Haute Autorité de santé, qui ont pourtant un accès permanent au SNIIRAM, il n'y a pas de cellule dédiée à l'exploitation des données. Ce qui me frappe, c'est l'absence de curiosité et le conservatisme du monde médical. La France n'est pas un pays de santé publique et elle n'a pas encore pris le tournant numérique ». Que les délais de réponse aux demandes d'autorisation d'accès soient trop longs – il y faut parfois près de deux ans – est « décourageant et dissuasif » pour les chercheurs. Aussi M. Sicard souhaite-t-il que l'assurance maladie « s'engage dans un partenariat plus dynamique et plus collaboratif avec la communauté médicale et scientifique ».

Or le rapport qui nous est présenté aujourd'hui semble indiquer que le dispositif qui a été conçu pour remédier à cette lacune se traduit par un nouveau système très compliqué et qui ne fonctionne pas. On ne peut donc manquer de s'interroger : la voie et l'opérateur choisis sont-ils les bons ? Des mesures correctrices ne s'imposent-elles pas, alors que nous prenons du retard ? La Cour des comptes s'en inquiète également, mais les solutions qu'elle recommande n'étant pas exactement celles du rapporteur – que je félicite pour son excellent travail –, le débat doit se poursuivre.

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Je salue l'habituelle qualité des travaux menés par Pierre Morange dans le cadre de la MECSS, cette fois pour traiter d'un sujet complexe aux implications majeures. L'avis est partagé : il est de l'intérêt de tous que les données de santé soient rendues plus accessibles. Cela ne peut se faire, cependant, sans précautions particulières puisqu'il s'agit de données à caractère personnel qui révèlent des indications sur l'état de santé des individus. À cela s'ajoutent les contraintes juridiques rappelées par le rapporteur et la nécessité de droits d'accès différenciés et de contrôle de l'exploitation.

Tout cela est décrit de manière exhaustive. Le rapport qui nous est présenté clôt donc une première étape de la réflexion de la MECSS sur un dispositif qui ne fonctionnera qu'après que tous les décrets nécessaires auront été publiés et une fois arrêtée la convention constitutive du groupement d'intérêt public du futur INDS. Quelle vision en avez-vous, et dans quel délai, selon vous, ces conditions seront-elles remplies ?

Le rapport évoque aussi la gouvernance du dispositif, son articulation avec le règlement européen bientôt en vigueur, la protection de la sécurité et de la confidentialité des données de santé ainsi que le modèle économique de l'exploitation des données du SNDS. Ce vaste spectre dit assez la complexité du sujet. Une réponse définitive ne peut être donnée aujourd'hui ; il faudra donc poursuivre ce grand oeuvre en traçant le bon chemin.

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Je note, monsieur le rapporteur, que tout en vous félicitant de la présence de l'Union nationale des professions de santé au sein du futur groupement d'intérêt public dont les contours exacts restent à définir, vous exprimez une réserve : que l'intérêt corporatiste ne l'emporte sur l'intérêt général. M. Christian Babusiaux, ancien président de l'IDS, que vous avez entendu, s'inquiète également de l'introduction des laboratoires pharmaceutiques dans le processus d'autorisation d'accès aux données de santé.

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Je vous remercie, chers collègues, pour ce concert d'éloges. En cette fin de législature, j'exprime le voeu ardent que la MECSS, dont la composition transpartisane lui permet de se dispenser des querelles idéologiques pour se concentrer sur l'analyse du rapport coût-efficacité de notre système de sécurité sociale, continue, au cours de la législature à venir, de formuler des recommandations unanimes. Si notre commission autorise la publication du rapport, les recommandations qu'il contient, adoptées ce matin par la Mission, y gagneront encore en puissance, en crédibilité et en légitimité, et nos concitoyens trouveront dans ces travaux une nouvelle réponse tangible à leurs interrogations sur l'utilité des travaux parlementaires.

Nous cherchons précisément, madame Carrillon-Couvreur, à définir un modèle pertinent de partage des données personnelles médicales et médico-sociales, celui qui permettra de passer outre la mosaïque des structures, des forteresses qui se sont constituées, des corporatismes et des fonctionnements claniques dont nos concitoyens pâtissent, tant dans la prestations des soins que par la mauvaise utilisation des fonds publics induite.

Dans votre rapport d'information sur la mise en oeuvre des missions de la CNSA dix ans après sa création, vous aviez fait le constat attristé que l'ambition initiale formulée pour l'institution – restaurer l'équité en matière médico-sociale sur l'ensemble du territoire – était contrariée par le retard considérable de ses systèmes d'information. Cela rendait ce géant aveugle et sourd, faute de disposer des données qui lui permettraient de définir une stratégie apte à répondre à la double tragédie de la dépendance et du handicap. Nous avons une sorte de génie pour bâtir des cathédrales dont le fonctionnement laisse ensuite pantois. Même si les données de santé et les données médico-sociales sont hétérogènes et éparpillées, l'interopérabilité s'impose pour réduire les délais d'accès, au bénéfice des patients souffrants ou handicapés dont on souhaite améliorer le sort. La prise en charge, dans le domaine médico-social, a été longtemps faite par les associations ; l'État ne s'est saisi que tardivement de la question. Une prise en charge globale est pourtant nécessaire, liant les aspects sanitaires et médico-sociaux de la condition des personnes.

L'entretien entre Didier Sicard et Nicolas Revel auquel vous vous êtes référé, Monsieur Tian, reflète le constat partagé de la lenteur de l'accès aux données de santé. Le législateur a voulu combler cette lacune en se donnant pour objectif de réduire à trois ou quatre mois la durée moyenne du délai de réponse à une demande d'accès, qui est actuellement d'une quinzaine de mois. Mais, pour les raisons que j'ai évoquées, quelques interrogations demeurent sur la fluidité réelle du dispositif mis en place sur le fondement de la loi de modernisation de notre système de santé.

L'augmentation considérable prévisible du volume de données collectées va aiguiser les appétits des opérateurs publics et des opérateurs privés qui concourent à l'« intérêt public » – notion dont il faudra préciser la portée juridique. Le risque d'un effet « entonnoir » demeure : si l'on substitue au contrôle a priori, l'une des causes d'embolisation du système, un contrôle a posteriori pour fluidifier le traitement des demandes d'autorisation d'accès, des moyens supplémentaires seront nécessaires, et ce sujet n'est pas traité.

Alors, comment faire, m'ont demandé MM. Tian et Perrut ? La commission des lois s'est saisie de cette question particulièrement évolutive. Deux options sont possibles. La première consiste en une révision générale du dispositif ; la seconde, plus immédiatement applicable, en des rectifications lors de l'élaboration des décrets d'application, ou par ordonnance pour ce qui concerne la transposition en droit interne du règlement européen relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel qui sera applicable en 2018, afin de préciser les exigences de sécurité et de respect de la confidentialité des données de santé et de mentionner expressément qu'elles ne sauraient être exploitées à des fins mercantiles mais qu'elles doivent servir à l'élaboration de la politique de santé publique.

Ainsi parviendra-t-on, conformément au voeu exprimé par M. Dominique Tian, à une utilisation moins « précautionneuse », selon le terme choisi par la Cour des comptes, du trésor national que représente l'immense masse de données de santé dont nous disposons.

J'indique que ce rapport d'étape sera enrichi d'un glossaire des sigles employés et complété par quelques mots indiquant que la présente MECSS passe le relais à ses successeurs.

La Commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport de la MECSS sur les données médicales personnelles inter-régimes détenues par l'assurance maladie, versées au SNIIRAM puis au Système national des données de santé (SNDS).

La séance est levée à dix-huit heures trente.