Intervention de Pierre Morange

Réunion du 21 février 2017 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morange, coprésident de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, MECSS, rapporteur :

Je vous remercie, chers collègues, pour ce concert d'éloges. En cette fin de législature, j'exprime le voeu ardent que la MECSS, dont la composition transpartisane lui permet de se dispenser des querelles idéologiques pour se concentrer sur l'analyse du rapport coût-efficacité de notre système de sécurité sociale, continue, au cours de la législature à venir, de formuler des recommandations unanimes. Si notre commission autorise la publication du rapport, les recommandations qu'il contient, adoptées ce matin par la Mission, y gagneront encore en puissance, en crédibilité et en légitimité, et nos concitoyens trouveront dans ces travaux une nouvelle réponse tangible à leurs interrogations sur l'utilité des travaux parlementaires.

Nous cherchons précisément, madame Carrillon-Couvreur, à définir un modèle pertinent de partage des données personnelles médicales et médico-sociales, celui qui permettra de passer outre la mosaïque des structures, des forteresses qui se sont constituées, des corporatismes et des fonctionnements claniques dont nos concitoyens pâtissent, tant dans la prestations des soins que par la mauvaise utilisation des fonds publics induite.

Dans votre rapport d'information sur la mise en oeuvre des missions de la CNSA dix ans après sa création, vous aviez fait le constat attristé que l'ambition initiale formulée pour l'institution – restaurer l'équité en matière médico-sociale sur l'ensemble du territoire – était contrariée par le retard considérable de ses systèmes d'information. Cela rendait ce géant aveugle et sourd, faute de disposer des données qui lui permettraient de définir une stratégie apte à répondre à la double tragédie de la dépendance et du handicap. Nous avons une sorte de génie pour bâtir des cathédrales dont le fonctionnement laisse ensuite pantois. Même si les données de santé et les données médico-sociales sont hétérogènes et éparpillées, l'interopérabilité s'impose pour réduire les délais d'accès, au bénéfice des patients souffrants ou handicapés dont on souhaite améliorer le sort. La prise en charge, dans le domaine médico-social, a été longtemps faite par les associations ; l'État ne s'est saisi que tardivement de la question. Une prise en charge globale est pourtant nécessaire, liant les aspects sanitaires et médico-sociaux de la condition des personnes.

L'entretien entre Didier Sicard et Nicolas Revel auquel vous vous êtes référé, Monsieur Tian, reflète le constat partagé de la lenteur de l'accès aux données de santé. Le législateur a voulu combler cette lacune en se donnant pour objectif de réduire à trois ou quatre mois la durée moyenne du délai de réponse à une demande d'accès, qui est actuellement d'une quinzaine de mois. Mais, pour les raisons que j'ai évoquées, quelques interrogations demeurent sur la fluidité réelle du dispositif mis en place sur le fondement de la loi de modernisation de notre système de santé.

L'augmentation considérable prévisible du volume de données collectées va aiguiser les appétits des opérateurs publics et des opérateurs privés qui concourent à l'« intérêt public » – notion dont il faudra préciser la portée juridique. Le risque d'un effet « entonnoir » demeure : si l'on substitue au contrôle a priori, l'une des causes d'embolisation du système, un contrôle a posteriori pour fluidifier le traitement des demandes d'autorisation d'accès, des moyens supplémentaires seront nécessaires, et ce sujet n'est pas traité.

Alors, comment faire, m'ont demandé MM. Tian et Perrut ? La commission des lois s'est saisie de cette question particulièrement évolutive. Deux options sont possibles. La première consiste en une révision générale du dispositif ; la seconde, plus immédiatement applicable, en des rectifications lors de l'élaboration des décrets d'application, ou par ordonnance pour ce qui concerne la transposition en droit interne du règlement européen relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel qui sera applicable en 2018, afin de préciser les exigences de sécurité et de respect de la confidentialité des données de santé et de mentionner expressément qu'elles ne sauraient être exploitées à des fins mercantiles mais qu'elles doivent servir à l'élaboration de la politique de santé publique.

Ainsi parviendra-t-on, conformément au voeu exprimé par M. Dominique Tian, à une utilisation moins « précautionneuse », selon le terme choisi par la Cour des comptes, du trésor national que représente l'immense masse de données de santé dont nous disposons.

J'indique que ce rapport d'étape sera enrichi d'un glossaire des sigles employés et complété par quelques mots indiquant que la présente MECSS passe le relais à ses successeurs.

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