Intervention de Michel Cadot

Réunion du 23 mars 2016 à 16h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Michel Cadot, préfet de police de Paris :

C'est à peu près cela : aux 48 fonctionnaires actuels vont s'ajouter 45 nouveaux, soit un doublement, à trois personnes près.

Enfin, la concertation entre les deux directions régionales de la police judiciaire (DRPJ) de Paris et de Versailles est désormais institutionnalisée, avec l'accord des deux parquets généraux.

Voilà pour les moyens et le rôle de la préfecture de police.

En ce qui concerne la soirée du 13 novembre, le rôle du préfet de police de Paris est double. Il est d'abord d'assurer la remontée d'informations rigoureuses et précises aux autorités gouvernementales, notamment par l'activation du centre opérationnel de la préfecture de police (COPP) – en fait une cellule de crise, dotée d'une permanence que nous avons renforcée dès 21 h 25. Le COPP est chargé d'assurer l'information continue de la cellule interministérielle de crise (CIC) placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur et, bien entendu, de coordonner les renforts de moyens et la liaison entre les services. De même, nous avons immédiatement renforcé le centre opérationnel zonal (COZ) qui assure la liaison avec les autorités militaires et qui fonctionne, lui, en permanence. Je précise que ces deux cellules travaillent sur « Cris-ORSEC », logiciel commun qui permet de disposer de bases de données identiques.

L'un des enseignements de la nuit du 13 novembre, compte tenu du nombre de victimes, est la nécessité d'aller plus loin dans la définition d'une cartographie commune entre les services. J'ai mis par ailleurs en place un véhicule de commandement unique qui permettra de rassembler plus facilement sur le terrain, dans ce type de situations, les informations venant des différents services de secours et de police.

Les événements de Saint-Denis et de Paris se sont déroulés de manière très rapprochée puisque les fusillades ont eu lieu entre 21 heures 20 et 22 heures. J'ai moi-même informé le ministre, au moyen d'une vingtaine d'appels téléphoniques. J'ai renoncé à aller au Stade de France, où je me dirigeais, pour me rendre immédiatement sur le lieu de la première fusillade, où je suis arrivé entre dix minutes et un quart d'heure après le passage des assassins. La police et les pompiers venaient tout juste d'arriver. Je suis resté une vingtaine de minutes et je suis arrivé vers 22 heures 15 ou 22 heures 20 au Bataclan. Le rôle du préfet de police, dans ce genre de situation, est d'informer, puis de prendre la direction des opérations et de s'assurer du bon déroulement des actions de police et de secours, en s'appuyant sur le commandant des opérations de police, en l'occurrence Jacques Méric, directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP) ici présent à mes côtés, sur le commandant des opérations de secours, le général Boutinaud, commandant la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), enfin sur le commandant des opérations de police judiciaire pour établir la liaison avec l'autorité judiciaire.

Au Stade de France, nous avons immédiatement, à 21 heures 40, partagé les responsabilités avec le préfet Galli, qui a pris la direction de l'opération dans un dispositif préparatoire planifié compte tenu de la venue du Président de la République et de plusieurs ministres, à l'occasion d'un match très important. Comme à chaque fois que se déroule un match important, que ce soit au Stade de France ou au Parc des Princes, le dispositif de sécurité est très organisé et le directeur de l'ordre public et de la circulation (DOPC), qui était sur place, a pris le commandement des opérations de police.

À Paris même, des fusillades ont éclaté sur cinq sites. Ma responsabilité consistait à vérifier la mise en place par les commandants des opérations de police et de secours des mesures adaptées et notamment l'établissement de périmètres de sécurité autour de chacun des sites, permettant ainsi le déroulement satisfaisant des opérations de secours ; il n'est pas question ici du Bataclan mais bien des cinq terrasses. Sur le site Alibert-Bichat, la première équipe de secours est arrivée à 21 heures 35. À 21 heures 48, le commandant des opérations de secours a pris le commandement, la police étant arrivée avant les secours – j'étais moi-même sur place et m'en suis assuré. Sur les autres sites, les opérations ont été menées de la même manière, au fur et à mesure de la progression des véhicules des assaillants. Le seul site à propos duquel nous avons eu un doute sur la persistance éventuelle d'une menace, donc d'un retranchement de terroristes, était le site de la pizzeria Casa Nostra, au coin de la rue de la Fontaine-au-Roi. J'en ai été le témoin puisque, quand je suis arrivé, le responsable policier m'a indiqué qu'il semblait que des terroristes s'étaient retranchés dans l'immeuble d'angle, autour duquel nous avons donc installé un périmètre de sécurité. Nous avons demandé à la BRI puis au groupe Recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID), lequel a pris la mission en charge, de lever le doute, étant donné qu'il n'y avait plus aucun tir et plus aucune action.

Au total, sur les cinq sites, les délais de prise en charge par les secours et de mise en place des périmètres de sécurité ont été assez rapides, étant donné la succession des opérations.

C'est au Bataclan, site concerné par une prise d'otages à partir de 21 heures 40 environ, que je me suis positionné en tant que directeur des opérations. En effet, une action s'y prolongeait alors que ce n'était pas le cas pour les autres sites. J'y ai regroupé les responsables des opérations de sécurité et de secours. Nous avons installé les différents périmètres prévus par la directive « EVENGRAVE » de la préfecture de police, définissant une zone contrôlée, une zone d'exclusion et un périmètre de sécurité. Ce dernier a été installé dans le haut de la rue Oberkampf, à l'angle du boulevard Voltaire – lequel était sous le tir potentiel des preneurs d'otages. Nous nous sommes répartis les espaces entre les différentes missions. À cause des voitures stationnées sur le côté, les secours disposaient de peu de place pour accéder au site – ce qui s'est révélé une vraie difficulté. Le commandant des opérations de police (COP), M. Méric, est arrivé très vite et a facilité l'évacuation de quelques voitures. Nous avons essayé d'améliorer la tenue d'un périmètre de commandement. Le commandant des opérations de police judiciaire (COPJ) est arrivé par la suite, avant le général Boutinaud, le professeur Tourtier étant là dès le départ. Ce lieu unique a permis de partager les informations, de prendre des décisions, d'apporter des réponses rapides et coordonnées. Se trouvaient également à mes côtés le procureur de la République, M. François Molins, et la maire de Paris, Mme Hidalgo, arrivée assez vite par la rue des Filles-du-Calvaire puisqu'elle ne pouvait traverser le boulevard Voltaire.

La sécurisation, tant des cinq sites où ont eu lieu des fusillades que du Bataclan, a mobilisé 1 100 policiers. Les militaires de la force Sentinelle se sont rapprochés en « deuxième rideau », si je puis dire, et se sont positionnés – je l'ai constaté à mon arrivée – de l'autre côté du boulevard Richard-Lenoir pour assurer une protection périmétrique du site.

Pour ce qui est de l'intervention elle-même, je soulignerai trois points.

D'abord, les forces d'intervention spécialisées sont arrivées rapidement. Les primo-intervenants, c'est-à-dire la brigade anti-criminalité (BAC) de nuit, sont arrivés à 21 heures 54 au Bataclan et le tir du commissaire intervenu sur les lieux de sa propre initiative, s'est produit à 21 heures 57, au moment où la BAC 94 est arrivée à son tour et s'est positionnée dans le passage Saint-Pierre-Amelot. Les forces d'intervention territorialement compétentes spécialisées (la BRI), sont alertées à la permanence à 21 heures 30. Le premier groupe, de quinze fonctionnaires, part de la préfecture de police du 36 quai des Orfèvres à 22 heures. Il est arrivé à 22 heures 20 au Bataclan et la seconde formation l'a rejoint à 22 heures 40. Il s'agit donc, j'y insiste, d'une intervention assez rapide, et l'on peut porter la même appréciation sur l'arrivée en renfort du RAID.

Ensuite, la coordination entre les services a été bonne. Je reviendrai sur ce point.

Enfin, la décision d'intervenir pour donner l'assaut a été très rapide et même quasi immédiate. J'étais à côté de M. Sainte quand M. Molmy est venu nous informer de l'échec des contacts téléphoniques avec les terroristes et demander l'autorisation de mener l'assaut. L'autorisation lui a immédiatement été donnée après que j'ai appelé le ministre.

Pour conclure, je rappellerai que, dans le cadre du pacte de sécurité et du plan BAC, des renforcements très importants ont été réalisés depuis novembre 2013, qui ont permis de doter les équipes de primo-intervenants – les BAC et les compagnies de sécurité et d'intervention (CSI), qui sont les BAC de jour à Paris et dans l'agglomération – en équipements de tir et en équipements de protection. Les services spécialisés de la BRI ont également été renforcés.

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