Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Réunion du 23 mars 2016 à 16h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 16 heures 15.

Présidence de M. Georges Fenech.

Audition, à huis clos, de M. Michel Cadot, préfet de police de Paris, M. Christian Sainte, directeur de la police judiciaire à Paris, M. Jacques Méric, directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne, et du général Philippe Boutinaud, commandant la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP).

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Nous allons procéder à l'audition de M. Michel Cadot, préfet de police de Paris, accompagné de M. Christian Sainte, directeur de la police judiciaire, de M. Jacques Méric, directeur de la sécurité de la police d'agglomération, et du général Philippe Boutinaud, commandant la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP).

Nous avons déjà tenu de nombreuses auditions, consacrées tout d'abord aux victimes et à leur prise en charge par les secours, puis à la chronologie des événements de janvier et de novembre 2015, et enfin, à la lumière de l'expérience de ces événements, aux moyens et aux missions des forces de sécurité. Nous avons ainsi reçu, lundi, le directeur général de la police nationale (DGPN), le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) et le gouverneur militaire de Paris.

Monsieur le préfet de police, nous sommes particulièrement impatients de vous entendre et de pouvoir vous questionner sur le rôle de la préfecture de police, sur l'organisation et la coordination des forces.

Cette audition, en raison de la confidentialité des informations que vous êtes susceptibles de nous délivrer, se déroule à huis clos. Elle n'est donc pas diffusée sur le site internet de l'Assemblée. Néanmoins, et conformément à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, son compte rendu pourra être publié en tout ou partie, si nous en décidons ainsi à l'issue de nos travaux. Je précise que les comptes rendus des auditions qui auront eu lieu à huis clos seront au préalable transmis aux personnes entendues afin de recueillir leurs observations. Ces dernières seront soumises à la commission, qui pourra décider d'en faire état dans son rapport. Je rappelle que, conformément aux dispositions du même article, « sera punie des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal » – un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende – « toute personne qui, dans un délai de vingt-cinq ans […], divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d'une commission d'enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information ».

Conformément aux dispositions de l'article 6 précité, je vais maintenant vous demander de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure. »

MM. Michel Cadot, Christian Sainte, Jacques Méric et le général Philippe Boutinaud prêtent successivement serment.

Le rapporteur et moi-même vous avons déjà rencontré, monsieur le préfet, lorsque nous nous sommes rendus à la préfecture de police où nous avons eu déjà un large échange sur plusieurs points qui font l'objet de la présente commission.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

J'ai pris mes fonctions de préfet de police de Paris le 20 juillet 2015 dans un contexte de menace terroriste élevée. La première préoccupation d'un préfet de police venant de prendre ses fonctions est de porter au meilleur niveau la préparation de la préfecture de police face à cette menace, ainsi que les réponses susceptibles d'être apportées à d'éventuelles attaques.

Depuis le 13 novembre, je garde en permanence le souvenir de l'intensité de la violence et de l'horreur de ce que nous avons vu sur place. Je pense évidemment aux familles des victimes, et considère qu'elles ont droit à toute la vérité. L'État et ses représentants doivent tirer tous les enseignements de cette attaque quelque peu inédite. Après ces quelques mois, je retiens de l'organisation des secours le courage, le professionnalisme des équipes et des personnes, qui me confortent dans cette ambition de porter la réponse au meilleur niveau. J'ai la conviction que la préfecture de police de Paris a été au rendez-vous et qu'elle a bien rempli sa tâche dans les diverses missions qui lui sont dévolues.

Je rappellerai en quelques mots le rôle de la préfecture de police dans la lutte contre le terrorisme et les moyens dont elle dispose, et reviendrai sur les enseignements que nous pouvons tirer des événements du 13 novembre.

Le modèle de la préfecture de police de Paris est original : organisation intégrée, ce qui permet que l'ensemble des missions de police, y compris, d'ailleurs, celles de secours, soient placées sous un commandement unique : celui du préfet de police et de son cabinet. Ce dispositif permet un partage optimal de l'information et une coordination territoriale organisée pour répondre, ici, à la menace terroriste.

La compétence de la préfecture de police se décline de manière diverse selon les territoires : à Paris ; dans l'agglomération parisienne – c'est-à-dire Paris et les trois départements de la petite couronne – ; et dans la région Ile-de-France – à savoir les huit départements de la région, avec une coordination zonale relevant du préfet de zone, qui est le préfet de police de Paris.

En matière de lutte contre le terrorisme, deux directions sont principalement impliquées : la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), qui compte un effectif total de 870 agents, et dont dépend une sous-direction plus directement chargée de la lutte contre le terrorisme et les extrémismes à potentialité violente – qui, pour sa part, compte 245 fonctionnaires. L'organisation de cette sous-direction est classifiée, les fonctionnaires qui y travaillent n'ont pas de compétence judiciaire et leur activité est exclusivement consacrée à la recherche du renseignement – à la différence de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui a une compétence judiciaire et une compétence de renseignement.

La DRPP a une mission de coordination et de rassemblement du renseignement dans la lutte contre le terrorisme, qui s'effectue à plusieurs niveaux. S'agissant de la ville de Paris, un rythme de réunions plus fréquentes a été mis en place depuis le mois de septembre dernier. Chaque semaine, je préside une réunion consacrée au terrorisme, avec tous les services de la préfecture auxquels s'associent la DGSI et le service central du renseignement territorial (SCRT), pour suivre directement les menaces terroristes, en analysant les situations individuelles et les dossiers signalés. Tous les quinze jours se réunit un groupe d'évaluation, comme dans chaque département, à cette différence près que ce groupe, à la préfecture de police, est doublonné, compte tenu de l'importance du territoire ; il évalue les signalements de radicalisation. Enfin, deux réunions mensuelles portent plus directement sur la prévention de la radicalisation, donc sur les cas qui nous sont signalés par la plateforme d'appel ou par les renseignements que nous collectons auprès des différents services.

Je préside par ailleurs une réunion zonale mensuelle avec les préfets des départements de la région et les représentants des services concernés, pour piloter le suivi du renseignement et la coordination zonale. Au niveau zonal toujours, une réunion est présidée par le DRPP.

Depuis le début de l'année 2015, les liens avec les services centraux ont été sensiblement renforcés. Un officier de liaison de la DGSI, ayant le grade de commandant, est depuis deux ans affecté, au sein de la DRPP, auprès du sous-directeur chargé du terrorisme. Deux officiers de la DRPP sont affectés au SCRT qui, vous le savez, dépend du directeur général de la police nationale (DGPN). La DRPP participe évidemment à la cellule nationale de coordination du renseignement, installée dans les locaux de la DGSI et mise en place en mai 2015 à la suite des attentats du mois de janvier, et qui permet de coordonner l'échange des renseignements ainsi que l'action non judiciaire des services. Enfin, des réunions bilatérales sont organisées très fréquemment, entre M. Calvar et moi-même ou, plus largement, entre la DGSI et mes services. Toutes les notes de la DRPP sont communiquées à la DGSI, et inversement.

Nous sommes en train de renforcer notre dispositif sur les plateformes aéroportuaires du Bourget et de Roissy, où le renseignement est assuré par la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF). J'ai en effet proposé il y a plusieurs mois au ministre une meilleure coordination et une meilleure prise en compte de ce renseignement, et le dispositif de cette mission qui sera confiée à la DRPP est en cours de mise en oeuvre.

Quant à la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ), elle a une section antiterroriste (SAT) et une brigade de recherche et d'intervention (BRI). Sur un effectif de 2 222 agents, la SAT compte 59 fonctionnaires et la BRI, l'une des sept brigades de la police judiciaire, en compte 48 – effectif qui peut être porté à 110 fonctionnaires avec l'appui d'autres unités de la préfecture de police, telles que les brigades d'intervention. La BRI va faire l'objet d'un renfort de 45 fonctionnaires qui sont en cours de recrutement.

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Le ministre de l'intérieur a annoncé le doublement des effectifs de la BRI, c'est bien cela ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

C'est à peu près cela : aux 48 fonctionnaires actuels vont s'ajouter 45 nouveaux, soit un doublement, à trois personnes près.

Enfin, la concertation entre les deux directions régionales de la police judiciaire (DRPJ) de Paris et de Versailles est désormais institutionnalisée, avec l'accord des deux parquets généraux.

Voilà pour les moyens et le rôle de la préfecture de police.

En ce qui concerne la soirée du 13 novembre, le rôle du préfet de police de Paris est double. Il est d'abord d'assurer la remontée d'informations rigoureuses et précises aux autorités gouvernementales, notamment par l'activation du centre opérationnel de la préfecture de police (COPP) – en fait une cellule de crise, dotée d'une permanence que nous avons renforcée dès 21 h 25. Le COPP est chargé d'assurer l'information continue de la cellule interministérielle de crise (CIC) placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur et, bien entendu, de coordonner les renforts de moyens et la liaison entre les services. De même, nous avons immédiatement renforcé le centre opérationnel zonal (COZ) qui assure la liaison avec les autorités militaires et qui fonctionne, lui, en permanence. Je précise que ces deux cellules travaillent sur « Cris-ORSEC », logiciel commun qui permet de disposer de bases de données identiques.

L'un des enseignements de la nuit du 13 novembre, compte tenu du nombre de victimes, est la nécessité d'aller plus loin dans la définition d'une cartographie commune entre les services. J'ai mis par ailleurs en place un véhicule de commandement unique qui permettra de rassembler plus facilement sur le terrain, dans ce type de situations, les informations venant des différents services de secours et de police.

Les événements de Saint-Denis et de Paris se sont déroulés de manière très rapprochée puisque les fusillades ont eu lieu entre 21 heures 20 et 22 heures. J'ai moi-même informé le ministre, au moyen d'une vingtaine d'appels téléphoniques. J'ai renoncé à aller au Stade de France, où je me dirigeais, pour me rendre immédiatement sur le lieu de la première fusillade, où je suis arrivé entre dix minutes et un quart d'heure après le passage des assassins. La police et les pompiers venaient tout juste d'arriver. Je suis resté une vingtaine de minutes et je suis arrivé vers 22 heures 15 ou 22 heures 20 au Bataclan. Le rôle du préfet de police, dans ce genre de situation, est d'informer, puis de prendre la direction des opérations et de s'assurer du bon déroulement des actions de police et de secours, en s'appuyant sur le commandant des opérations de police, en l'occurrence Jacques Méric, directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP) ici présent à mes côtés, sur le commandant des opérations de secours, le général Boutinaud, commandant la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), enfin sur le commandant des opérations de police judiciaire pour établir la liaison avec l'autorité judiciaire.

Au Stade de France, nous avons immédiatement, à 21 heures 40, partagé les responsabilités avec le préfet Galli, qui a pris la direction de l'opération dans un dispositif préparatoire planifié compte tenu de la venue du Président de la République et de plusieurs ministres, à l'occasion d'un match très important. Comme à chaque fois que se déroule un match important, que ce soit au Stade de France ou au Parc des Princes, le dispositif de sécurité est très organisé et le directeur de l'ordre public et de la circulation (DOPC), qui était sur place, a pris le commandement des opérations de police.

À Paris même, des fusillades ont éclaté sur cinq sites. Ma responsabilité consistait à vérifier la mise en place par les commandants des opérations de police et de secours des mesures adaptées et notamment l'établissement de périmètres de sécurité autour de chacun des sites, permettant ainsi le déroulement satisfaisant des opérations de secours ; il n'est pas question ici du Bataclan mais bien des cinq terrasses. Sur le site Alibert-Bichat, la première équipe de secours est arrivée à 21 heures 35. À 21 heures 48, le commandant des opérations de secours a pris le commandement, la police étant arrivée avant les secours – j'étais moi-même sur place et m'en suis assuré. Sur les autres sites, les opérations ont été menées de la même manière, au fur et à mesure de la progression des véhicules des assaillants. Le seul site à propos duquel nous avons eu un doute sur la persistance éventuelle d'une menace, donc d'un retranchement de terroristes, était le site de la pizzeria Casa Nostra, au coin de la rue de la Fontaine-au-Roi. J'en ai été le témoin puisque, quand je suis arrivé, le responsable policier m'a indiqué qu'il semblait que des terroristes s'étaient retranchés dans l'immeuble d'angle, autour duquel nous avons donc installé un périmètre de sécurité. Nous avons demandé à la BRI puis au groupe Recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID), lequel a pris la mission en charge, de lever le doute, étant donné qu'il n'y avait plus aucun tir et plus aucune action.

Au total, sur les cinq sites, les délais de prise en charge par les secours et de mise en place des périmètres de sécurité ont été assez rapides, étant donné la succession des opérations.

C'est au Bataclan, site concerné par une prise d'otages à partir de 21 heures 40 environ, que je me suis positionné en tant que directeur des opérations. En effet, une action s'y prolongeait alors que ce n'était pas le cas pour les autres sites. J'y ai regroupé les responsables des opérations de sécurité et de secours. Nous avons installé les différents périmètres prévus par la directive « EVENGRAVE » de la préfecture de police, définissant une zone contrôlée, une zone d'exclusion et un périmètre de sécurité. Ce dernier a été installé dans le haut de la rue Oberkampf, à l'angle du boulevard Voltaire – lequel était sous le tir potentiel des preneurs d'otages. Nous nous sommes répartis les espaces entre les différentes missions. À cause des voitures stationnées sur le côté, les secours disposaient de peu de place pour accéder au site – ce qui s'est révélé une vraie difficulté. Le commandant des opérations de police (COP), M. Méric, est arrivé très vite et a facilité l'évacuation de quelques voitures. Nous avons essayé d'améliorer la tenue d'un périmètre de commandement. Le commandant des opérations de police judiciaire (COPJ) est arrivé par la suite, avant le général Boutinaud, le professeur Tourtier étant là dès le départ. Ce lieu unique a permis de partager les informations, de prendre des décisions, d'apporter des réponses rapides et coordonnées. Se trouvaient également à mes côtés le procureur de la République, M. François Molins, et la maire de Paris, Mme Hidalgo, arrivée assez vite par la rue des Filles-du-Calvaire puisqu'elle ne pouvait traverser le boulevard Voltaire.

La sécurisation, tant des cinq sites où ont eu lieu des fusillades que du Bataclan, a mobilisé 1 100 policiers. Les militaires de la force Sentinelle se sont rapprochés en « deuxième rideau », si je puis dire, et se sont positionnés – je l'ai constaté à mon arrivée – de l'autre côté du boulevard Richard-Lenoir pour assurer une protection périmétrique du site.

Pour ce qui est de l'intervention elle-même, je soulignerai trois points.

D'abord, les forces d'intervention spécialisées sont arrivées rapidement. Les primo-intervenants, c'est-à-dire la brigade anti-criminalité (BAC) de nuit, sont arrivés à 21 heures 54 au Bataclan et le tir du commissaire intervenu sur les lieux de sa propre initiative, s'est produit à 21 heures 57, au moment où la BAC 94 est arrivée à son tour et s'est positionnée dans le passage Saint-Pierre-Amelot. Les forces d'intervention territorialement compétentes spécialisées (la BRI), sont alertées à la permanence à 21 heures 30. Le premier groupe, de quinze fonctionnaires, part de la préfecture de police du 36 quai des Orfèvres à 22 heures. Il est arrivé à 22 heures 20 au Bataclan et la seconde formation l'a rejoint à 22 heures 40. Il s'agit donc, j'y insiste, d'une intervention assez rapide, et l'on peut porter la même appréciation sur l'arrivée en renfort du RAID.

Ensuite, la coordination entre les services a été bonne. Je reviendrai sur ce point.

Enfin, la décision d'intervenir pour donner l'assaut a été très rapide et même quasi immédiate. J'étais à côté de M. Sainte quand M. Molmy est venu nous informer de l'échec des contacts téléphoniques avec les terroristes et demander l'autorisation de mener l'assaut. L'autorisation lui a immédiatement été donnée après que j'ai appelé le ministre.

Pour conclure, je rappellerai que, dans le cadre du pacte de sécurité et du plan BAC, des renforcements très importants ont été réalisés depuis novembre 2013, qui ont permis de doter les équipes de primo-intervenants – les BAC et les compagnies de sécurité et d'intervention (CSI), qui sont les BAC de jour à Paris et dans l'agglomération – en équipements de tir et en équipements de protection. Les services spécialisés de la BRI ont également été renforcés.

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J'ai quatre séries de questions à vous poser, monsieur le préfet : la première série concerne l'absence de déclenchement de la Force d'intervention de la police nationale (FIPN) ; la seconde porte sur l'opération au Bataclan proprement dite ; la troisième est liée à l'éventuel manque de coopération entre les services – ou à leur parfaite coopération si j'en juge par votre satisfaction en la matière – ; enfin, je vous interrogerai sur l'Euro 2016 qui se tiendra du 10 juin au 10 juillet 2016.

Vous nous avez confirmé que la BRI de Paris était compétente à Paris intra muros ainsi que dans les trois départements de la petite couronne. Vous avez rappelé qu'au moment des faits, la BRI de Paris était composée de 48 hommes, ces effectifs étant amenés à augmenter, ainsi que l'a annoncé le ministre de l'intérieur. Quel était l'effectif de la BRI de Paris le 13 novembre dernier ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

La BRI n'est compétente qu'à Paris en qualité de service directeur – on dit alors qu'elle est « menante ». Elle n'est pas menante, en revanche, donc pas compétente en premier rang dans les trois départements de la petite couronne, où c'est le RAID qui l'est, ni dans les quatre autres départements de la région Ile-de-France, où c'est le GIGN dans les zones de gendarmerie et le RAID dans les zones de police qui le sont. Le Bataclan étant dans Paris, le schéma d'intervention prévoit que le service appelé soit la BRI.

La BRI a projeté quinze personnes qui sont arrivées à 22 heures 20. Une deuxième équipe de la BRI, composée de 25 fonctionnaires, est arrivée à 22 heures 40.

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Nous avions donc 40 fonctionnaires de la BRI, auxquels s'ajoutent ceux des BAC.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Bien sûr, mais qui ont agi en primo intervenants et qui ne sont pas des services spécialisés.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Tous les primo-intervenants faisaient partie des renforts, lesquels doivent garantir le périmètre de sécurité et préserver la zone d'exclusion et la zone de sécurité – le deuxième périmètre. Puis il y a des forces spécialisées pour intervenir dans un contexte aussi complexe que celui dont il est question avec, notamment, une prise d'otage.

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Nous avons donc 40 fonctionnaires de la BRI à 22 heures 40.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Ensuite, nous avons la brigade d'intervention (BI), intégrée structurellement à la BRI quand une action est déclenchée.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

Il y a eu trois vagues. La Force d'intervention rapide (FIR) est arrivée dans un premier temps.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

Ce sont en effet les quinze premiers. Les 25 suivants sont arrivés vingt minutes plus tard. Arrivent parallèlement des fonctionnaires de la BI qui s'agrègent à ceux de la BRI. Si bien qu'au total, nous comptons quelque 70 hommes.

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Nous essayons de comprendre les choix qui ont été faits. Le RAID, dont je rappelle qu'il est situé à Bièvres, dispose d'un effectif opérationnel de 148 officiers d'intervention directe, sur un total de 300 personnes. D'un côté, nous avons 40 primo-intervenants et, de l'autre, 148 officiers d'intervention directe. La proportion est donc très différente. Nous essayons de comprendre, j'y insiste, pourquoi on fait appel à telle force et pas à telle autre.

Ceci étant rappelé, j'en viens à l'annexe 5 que le RAID nous a fournie et qui organise le déclenchement de la FIPN. Nous confirmez-vous, monsieur le préfet, que lorsque cette dernière est déclenchée, la BRI de Paris, qui est l'une des composantes de la FIPN, est placée sous commandement du RAID ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

La FIPN est un dispositif activé dans un certain nombre de situations…

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Nous allons y venir, la question est précise, monsieur le préfet : si l'on en croit l'annexe 5…

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

À quelle annexe faites-vous référence ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

C'est-à-dire ?

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Il s'agit des annexes fournies par le RAID à la commission d'enquête.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

La FIPN, ce n'est pas le RAID…

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Il s'agit, plus exactement, de la note que nous a fournie le DGPN et dont l'annexe 5 concerne le RAID.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

La FIPN ne relève pas d'une note du DGPN uniquement…

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Cette annexe n° 5 reprend la note du 17 janvier 2014 qui rationalise les modalités de saisine et d'emploi de la Force d'intervention de la police nationale, adressée par le directeur général de la police nationale à M. le préfet de police, vous-même, à Paris.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

C'est la circulaire, pour être précis, du ministre de l'intérieur, datée de janvier 2014 et qui fixe les conditions de déclenchement de la FIPN.

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Je me réfère à cette note, ou à cette circulaire, comme vous voudrez, pour vous poser cette question : est-il exact que, lorsque la FIPN est déclenchée à Paris intra muros, la BRI de Paris, qui est l'une des composantes de la FIPN, est automatiquement placée sous le commandement du RAID ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Bien sûr, puisque c'est précisé dans la circulaire que vous venez de citer.

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L'annexe 6 des documents du RAID, note commune, cette fois, du DGPN, du DGGN et du préfet de police, dispose que lors d'événements d'envergure, à savoir des actes terroristes nécessitant une intervention armée, ou une prise d'otages, la FIPN est déclenchée et, selon l'annexe 5 que je viens de citer, le responsable de la sécurité publique territorialement compétent, c'est-à-dire vous-même, monsieur le préfet, ou bien le chef de la BRI de Paris, présent sur les lieux, apprécie la gravité de la situation et estime s'il doit faire appel à une unité d'intervention. Vous m'arrêterez si je commets une erreur. À ce moment-là, vous devez prendre l'attache, sans délai, suivant votre appréciation de la situation, de l'état-major de la FIPN.

Le chef de la BRI de Paris, M. Molmy, que nous avons auditionné, a-t-il lui-même informé au préalable, et ce sans délai, l'état-major de la FIPN pour évaluer la situation et déclencher l'action de la FIPN ? Ma question est précise. Quelle a été votre appréciation, puisque vous êtes présent sur les lieux, puisque le commissaire divisionnaire Molmy est présent sur les lieux et que les notes, les circulaires ministérielles que j'ai citées prévoient que vous devez apprécier la situation pour déclencher ou non la FIPN ?

Ce qui nous importe ici est de savoir quelle a été votre appréciation, étant rappelés les éléments que je viens de citer, à savoir l'effectif à la disposition de la BRI de Paris et l'effectif à la disposition du RAID, étant précisé également, il est important de le rappeler pour les commissaires d'enquête, monsieur le préfet, que la BRI-BAC, qui compte soix72 policiers, traite en règle générale de la petite et moyenne délinquance – vols, émeutes, extorsions, violences, drogue, prostitution… Elle n'est donc pas apte à intervenir dans le cas de crises majeures telles que les actes terroristes avec prise d'otages.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Le texte que vous lisez, monsieur le président, correspond-il à une circulaire, à un commentaire… ?

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C'est une question que je pose. Je peux me tromper, monsieur le préfet, mais j'essaie d'éclairer toute la commission d'enquête.

Il existe plusieurs unités, dont l'une a pour objet exclusif ces situations de terrorisme ou de prise d'otages, et dont l'autre a également vocation à faire du judiciaire et à intervenir pour des interpellations. Donc, quand vous êtes sur les lieux, monsieur le préfet, avec le commissaire commandant la BRI de Paris, vous analysez la gravité de la situation, vous décidez de réserver l'intervention à la BRI de Paris et vous ne déclenchez pas la FIPN. Pourquoi ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Je vais vous répondre très clairement, monsieur le président, et je vais vous répondre en tant que préfet de police ayant une longue carrière de préfet derrière lui et ayant eu à traiter de nombreuses crises, des situations particulièrement difficiles et de nature très diverse – je pense en particulier à l'opération qui a suivi le crash de l'avion de la Germanwings : j'étais responsable en tant que préfet de zone et je puis vous assurer que les décisions n'étaient pas faciles à prendre. Or je les assume toujours.

Ce que j'ai affirmé tout à l'heure à propos de l'affaire qui nous occupe ici n'était pas un effet rhétorique : je pense constamment à ces familles qui ont perdu des leurs, aux visages de ces otages que nous avons sauvés, qui, au moment de la libération par la BRI, sont sortis du Bataclan dans des conditions terribles, hébétés, par centaines. Je suis convaincu d'avoir pris la bonne décision. Je l'assume et je vais vous expliquer pourquoi.

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Monsieur le préfet, personne ne vous met en cause ici. Nous vous posons des questions.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Je n'ai pas « réservé » l'intervention à la BRI. Je rappellerai la règle : le déclenchement de la FIPN ne relève pas du préfet de police tout seul ! Cette décision est prise au niveau ministériel. Il faut déclencher la FIPN si, en effet, le dispositif territorial de droit commun, qui prévoit ici l'intervention de la BRI, n'apparaît pas adapté à la nature des risques ou à la nature de l'attaque qu'il faut contenir et réduire.

N'étant pas un spécialiste moi-même de ce type d'intervention, j'écoute, en tant que préfet, mes services spécialisés. Je savais ce qu'était le Bataclan et mesurais bien la complexité d'une progression des forces alors qu'il y avait un très grand nombre d'otages – c'est l'information que nous avions à ce moment-là – et deux ou trois assaillants qui s'étaient réfugiés à l'étage. La BRI est arrivée avec 30 personnes. J'ai tiré de l'analyse de ce qui s'était passé à l'Hypercacher qu'il n'était pas nécessaire d'être quatre fois plus nombreux. Au contraire, le nombre n'est pas nécessairement une garantie d'efficacité. Ce qui en est une, c'est le professionnalisme, la méthode et le choix du moment de l'intervention.

Or l'intervention au Bataclan s'est réalisée sans provoquer aucune victime ; elle a été judicieusement menée et j'en conclus que le choix n'a pas été mauvais et qu'il était même justifié.

À quel moment aurait-il fallu proposer le déclenchement de la FIPN ? Évidemment, s'il y avait eu une deuxième prise d'otages, comme le laissaient craindre des rumeurs qui ont circulé pendant des heures et selon lesquelles il y avait des attaques au Châtelet, à la gare Saint-Lazare, il aurait fallu envoyer le RAID. Et c'est à ce moment que je l'aurais proposé au ministre, pendant que nous continuions à traiter le Bataclan. Voilà quelle était ma conviction. Je n'ai pas ressenti, ensuite, le moindre besoin d'obtenir des moyens supplémentaires sur le site du Bataclan.

C'est pourquoi je suis navré de ces difficultés, que les médias, je pense, ont accentuées. En effet, un accord a été trouvé avec le RAID, arrivé vers 23 heures 10 – après s'être annoncé sur les ondes à 23 heures 03 –, alors que la BRI avait déjà engagé la progression à l'étage. La BRI et le RAID se sont partagé les tâches, la première poursuivant la mission qu'elle avait engagée – elle avait les équipes pour le faire et elle l'a fait très bien – et le second s'occupant du rez-de-chaussée et du sous-sol.

Enfin, les deux forces ne sont pas opposées : elles ont des formations communes ; un médecin du RAID se trouvait dans la colonne et s'est efforcé, avec le médecin de la BRI, de faire sortir un maximum de blessés.

Voici quelle est ma conviction, monsieur le président.

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Monsieur le préfet, nous essayons simplement de comprendre. Donc, vous êtes sur place, vous êtes informé des attentats, de ce qui se passe dans les 10e et 11 arrondissements ; des échanges de tirs se sont produits à l'angle du passage Saint-Pierre-Amelot, boulevard Voltaire ; les fonctionnaires que nous avons entendus ont parlé de scènes de guerre sans précédent ; nous savons que 1 500 personnes se trouvent au Bataclan ; nous savons que plusieurs individus armés de kalachnikovs se trouvent à l'intérieur. Ni vous ni le chef de la BRI de Paris n'avez sollicité l'aide d'autres forces spéciales – comme le RAID qui viendrait en concours, comme vous l'avez expliqué –,vous l'assumez et nous dites avoir pris la décision de réserver l'intervention à la BRI de Paris et non pas au RAID. « C'était ma décision, nous déclarez-vous, c'était en mon pouvoir, donc je l'assume et j'estime que c'était la bonne décision. » C'est bien ce que vous nous dites ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Non, ce n'est pas ce que je vous ai dit, monsieur le président. Je n'ai jamais dit que j'avais « réservé » l'intervention à la BRI, mais j'ai indiqué qu'il ne m'avait pas semblé nécessaire d'activer la FIPN pour l'opération du Bataclan. Je vous répète que le RAID a été missionné, dans un premier temps, pour lever le doute quant à l'éventuelle présence de terroristes dans l'immeuble de la rue de la Fontaine-au-Roi, à côté de la pizzeria Casa Nostra. C'est donc le RAID qui aurait pris l'opération en charge si la rumeur s'était avérée correspondre à un retranchement effectif des terroristes. S'il y avait eu une autre prise d'otages importante dans un autre lieu, il aurait sans doute fallu confier l'opération au RAID. Aussi, j'y insiste, je n'ai pas « réservé » l'opération du Bataclan à la BRI, j'ai appliqué la procédure…

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Bien entendu : une appréciation que j'assume pleinement et que les résultats me semblent confirmer. Reste que ce n'est pas une décision personnelle, individuelle…

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Je l'assume et j'en suis fier. Mais j'avais autour de moi des personnes habilitées à me conseiller et j'ai entendu leurs avis. Personne ne m'a demandé d'engager le RAID : cela n'aurait pas eu de sens, puisque la BRI connaissait davantage les lieux et était donc mieux à même d'agir, et qu'elle était entraînée pour cela.

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Vous assumez donc cette décision, monsieur le préfet, estimant qu'il s'est agi de la bonne décision. Si un nouvel attentat de cette ampleur devait se produire à Paris, vous reprendriez donc la même ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Chaque cas est un cas différent, monsieur le président. Je répète que la décision de déclencher la FIPN, ce n'est pas le préfet qui la prend seul : il la propose au ministre...

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

La question ne s'est pas posée en ces termes au moment de l'intervention puisque la BRI assumait la mission et était en situation de la conduire. Vous me posez la question d'une manière biaisée, parce que…

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Je ne vous pose pas de questions biaisées, mais au contraire des questions très simples, très claires.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Alors j'y réponds très simplement.

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Pourquoi parlez-vous de questions biaisées ? Ce n'est pas le cas, j'y insiste, il s'agit de questions claires.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

Il me semble important de revenir sur la nature des faits. Ceux concernant les terrasses sont caractérisés par une succession d'épisodes. Au moment où nous savons qu'un fait s'est produit, il est déjà terminé alors même que nous envisageons de projeter des forces. Dans le seul cas, évoqué par le préfet, de la pizzeria Casa Nostra, le bruit a couru qu'il pourrait s'y trouver un homme avec une kalachnikov. Nous n'y avons pas cru parce qu'il n'y avait pas de raison qu'un individu reste là, d'autant que le mode opératoire choisi était, je le répète, que deux ou trois individus, à bord d'un véhicule, en descendent, « rafalent », pour parler crûment, et remontent dans le véhicule pour passer à l'étape suivante. Le mode opératoire est donc très dynamique.

L'endroit où nous avons un point de fixation, c'est le Bataclan. Il s'agit, au fond, de la seule scène de crise à gérer. Cela étant, on semble sous-entendre que la BRI n'aurait pas les compétences requises pour intervenir, en tout cas des compétences équivalentes à celles du RAID, comme cela a été indiqué tout à l'heure...

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Monsieur le directeur, sur ce point, lorsque, la semaine dernière, j'ai posé la question, et sans biaiser, au directeur général de la police nationale, il nous a très clairement présenté la hiérarchie des forces d'intervention : à la base il y a les BAC, puis les BRI et, pour le type d'intervention qui nous intéresse ici, il y a le RAID, parce que le RAID est formé pour cela et uniquement pour cela. Je ne dis donc pas que la BRI n'est pas formée, puisque vous avez rappelé, monsieur le préfet, qu'il y avait des formations communes aux deux unités – j'aimerais, au passage, savoir quand la dernière a eu lieu –, mais vous serez sans doute d'accord avec le DGPN pour considérer que le RAID est la formation qui, face à ce type d'événement, a quand même le plus grand savoir-faire !

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

À quel niveau le DGPN a-t-il placé la BRI de Paris dans la hiérarchie ?

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En dessous ! Je parle sous le contrôle de mes collègues.

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Il ne s'agit pas d'une hiérarchie fonctionnelle, mais d'une hiérarchie dans la compétence.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

D'abord, en effet, les opérateurs qui intègrent la BRI de la préfecture de police ont une formation commune avec le RAID pendant quatre mois. Puis des stages, des échanges, des exercices communs sont prévus. Un protocole d'intervention a été mis au point avant les événements dont il est ici question – portant sur la coordination en matière de transmissions, sur les problématiques liées aux bulles tactiques, sur la mise en place de postes de commandement (PC).

Ensuite, quand le RAID est arrivé au Bataclan, je confirme que tout s'est passé très naturellement – j'y étais – et, d'ailleurs, Christophe Molmy vous l'a rappelé jeudi dernier alors que nous étions sur les lieux. Deux opérateurs du RAID sont bien montés dans les escaliers pour rejoindre la colonne d'assaut de la BRI.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

En parallèle, la BRI de la préfecture de police pratique des surveillances judiciaires. Cela implique-t-il pour autant, en ce qui concerne l'opération…

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Monsieur le directeur, je prends note de votre position. Vous mettez sur un pied d'égalité la BRI de Paris et le RAID. Point final.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

Je constate que, lors de l'intervention à l'Hypercacher, les hommes de la BRI ont tenu leur place aux côtés de leurs collègues du RAID, et je constate qu'au cours de l'intervention au Bataclan aucune personne n'a été blessée par les forces d'intervention.

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Parfait. Venons-en aux forces de gendarmerie. Le chef du GIGN a essayé d'entrer en contact avec le chef de la BRI de Paris à 22 heures 15 sans être rappelé par lui. Sur ordre du DGGN, ce même chef du GIGN a posté ses troupes à la caserne des Célestins dès 22 heures 45. Pourquoi, face à la situation catastrophique du Bataclan, ne pas les avoir sollicitées ? Je crois connaître votre réponse, mais je pense utile que vous la réitériez.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Cela a déjà été précisé, il me semble : le GIGN a été mis en alerte à 22 heures 26. Ordonner au GIGN, à 22 heures 45, de se prépositionner à la caserne des Célestins a été une très bonne décision : en cas d'autres attentats dans Paris, il valait en effet mieux que le GIGN se trouve à la caserne des Célestins plutôt qu'à Satory. À 23 heures 15 arrivent à la caserne des Célestins le commandant du GIGN et le commandant de la force d'intervention. Les groupes d'alerte, c'est-à-dire les effectifs, arrivent pour leur part aux alentours de 23 heures 30, à savoir à un moment où les interventions étaient déjà engagées, et depuis longtemps, dans les étages du Bataclan. Le prépositionnement du GIGN est certainement une bonne décision, puisque nous avons intérêt à être capables de faire face à de nouvelles menaces. Je rappelle que toute la soirée a été émaillée de rumeurs d'attaques dans d'autres lieux, et que c'est dans l'hypothèse où ces attaques se seraient avérées qu'il aurait fallu déclencher la FIPN, et qu'une coordination unique aurait été nécessaire : les uns s'occupant du Bataclan, les autres de la gare Saint-Lazare ou d'autres encore des Halles, par exemple. C'est cela, la FIPN : le partage des tâches, sous commandement unique, pour projeter les seuls services à même d'intervenir. Il s'agit de services spécialisés – et la BRI fait partie de ces trois groupes qui, au plan national, ont chacun sa spécialité : ainsi, dans un aéroport, le GIGN est le seul compétent

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Nous avons auditionné M. Psenny, journaliste du Monde, qui s'est réfugié, blessé, au quatrième étage d'un immeuble. Il nous a fait état d'un manque de communication entre les officiers présents à l'extérieur, qui avaient pour mission de sécuriser la zone, et le commandement à l'intérieur. Comment peut-on, selon vous, monsieur le préfet, améliorer l'échange d'informations entre les forces qui se situent à l'intérieur et celles qui sont à l'extérieur pour évacuer les blessés ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

C'est en effet un des défis posés par cette intervention. Cette personne, blessée au bras et à la jambe, qui a appelé à l'aide, était dans un immeuble du passage Saint-Pierre-Amelot. Elle a fait passer le message, qui nous a été transmis – je ne savais pas de qui il s'agissait à ce moment précis –, et j'ai demandé au commandant des opérations de secours (COS) s'il était possible de la faire descendre et de la faire sortir de l'immeuble où elle s'était réfugiée, et depuis lequel elle passait ses appels téléphoniques. Les pompiers sont revenus me dire, au bout de quelque temps, qu'il n'était pas possible d'accéder en toute sécurité au passage, qui faisait partie de la zone d'exclusion dans laquelle, normalement, on ne doit intervenir en secours que dans des conditions de sécurité suffisamment garanties. Or, je le répète, il m'a été assuré qu'il n'était pas possible d'intervenir à ce moment-là.

Comment faciliter ce type de secours à l'avenir ? Une meilleure liaison entre les forces de secours et les forces d'intervention est-elle possible ? Les deux protocoles d'intervention du RAID et de la BRI privilégient la neutralisation des assaillants – et plus que jamais dès lors qu'ils sont prêts à se faire exploser, dès lors que leur démarche est celle de kamikazes. C'est donc prendre un risque très grand que de procéder à des interventions à portée immédiate de tir des preneurs d'otages. Il faut préalablement neutraliser les terroristes. Il était donc très difficile d'envisager une intervention, et l'image du soldat blessé immobilisé entre les tranchées, employée par le général Boutinaud lors de l'audition du 16 mars dernier, correspond assez à la réalité.

Par ailleurs, les précisions données téléphoniquement à la BSPP par ce journaliste sur ses blessures, le fait qu'il pouvait s'exprimer sans difficulté au téléphone, permettaient sans doute aux services de secours de considérer que le délai d'intervention était gérable.

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Le général Boutinaud nous a en effet expliqué cette situation.

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On peut cependant imaginer qu'il y ait davantage de médecins habitués à une ambiance de guerre, comme ceux de la BRI ou du RAID, donc à même d'aller tout de suite au contact des victimes dans les cas d'urgence. Nous comprenons tous vos impératifs : je parle moi-même avec les pompiers de la rue Blanche, dans ma circonscription. Il ne s'agit pas de transformer les pompiers en cibles, mais le fait de devoir les garer à 300 mètres et d'être incapable, sauf dans des conditions très compliquées, de leur amener les blessés, exige peut-être que l'on revoie le modus operandi, en prévoyant notamment davantage de médecins équipés et protégés, capables d'aller au contact des blessés. C'est peut-être une des leçons que nous pouvons tirer de ces discussions.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

C'est une piste sur laquelle nous travaillons et qui nous semble souhaitable : celle de la professionnalisation des pompiers, pour leur faire partager le risque de l'intervention de manière beaucoup plus étroite. Mais cela suppose des changements fondamentaux : ces pompiers devraient être plus étroitement intégrés aux unités d'intervention et travailler régulièrement avec elles, ce qui n'est pas simple et ne correspondait pas aux protocoles actuels d'intervention.

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L'avantage est que les pompiers de Paris sont des militaires.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Exactement, et cette solution, précisément, serait sans doute plus adaptée à Paris et à la petite couronne. Elle serait beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre dans les départements de la grande couronne ou du reste de la France, où les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ne sauraient se conformer à un tel dispositif. Une fois de plus, le dispositif intégré de la préfecture de police de Paris est adapté aux particularités d'une « plaque » parisienne où se concentrent tout de même davantage de risques qu'ailleurs.

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Hier, s'est réuni en présence du ministre de l'intérieur un comité de pilotage – auquel, monsieur le préfet, vous avez sans doute participé – à la suite des tragiques événements de Bruxelles, sur la sécurité de l'Euro 2016. Pouvez-vous faire part à la commission d'enquête des stratégies que vous avez pu mettre en place ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Pour ce qui est de l'Euro 2016, le premier point concerne la sécurité dans les stades et le dispositif de pré-contrôle et de pré-filtrage. Nous avons adopté ce dispositif dès le lendemain du 13 novembre dans la mesure où il est apparu que, au Stade de France, le schéma de renforcement des précautions et des contrôles avait, dans une large mesure, empêché que les terroristes ne pénètrent dans le stade comme c'était leur projet, même s'il y a eu sans doute des dysfonctionnements dans l'organisation de leur attaque. Depuis, nous avons mis en place, et nous allons l'appliquer au Parc des Princes et au Stade de France pour les matchs de l'Euro 2016, un système de pré-filtrage évitant que ne puissent accéder au contrôle des billets, aux différentes portes d'entrée du stade – où, précisément, les assaillants avaient prévu de venir se faire exploser –, des personnes qui n'auraient pas été fouillées préalablement. Ce système fonctionne bien, mais demande des moyens supplémentaires puisque nous sommes obligés de mobiliser les forces mobiles en plus grand nombre, ce qui sera particulièrement difficile à l'occasion de l'Euro 2016. C'est en tout cas la solution que nous avons retenue, et qui a convaincu le ministre : elle est sûre en ce qui concerne le pré-filtrage et le contrôle dans les stades, pour peu que le nombre d'agents de sécurité et de palpations réalisées soit adapté et dimensionné.

Le second point concerne les fan zones, ces lieux où se rassemblent des dizaines de milliers de personnes pour voir la retransmission des matchs ou pour participer à d'autres événements festifs. Les deux sites envisagés à cette fin dans la région parisienne sont, à Saint-Denis, le parc voisin de la Maison de la Légion d'honneur et de la basilique, lieu assez fermé et relativement facile à sécuriser, et, à Paris, le Champ de Mars, qui requiert, lui, un dispositif très complexe. La mairie a passé une convention avec une société du groupe Lagardère et nous avons une discussion exigeante avec les services et le cabinet de la maire de Paris concernant les effectifs non seulement d'agents de sécurité, mais surtout de personnes chargées d'effectuer des palpations : le but n'est pas, en effet, de disposer simplement d'un nombre défini d'agents de sécurité, mais de pouvoir contrôler les personnes en amont, c'est-à-dire avant qu'elles ne viennent se présenter au contrôle d'entrée dans la zone fermée par des barrières. Le dispositif de palpation devrait être suffisamment fluide pour éviter l'accumulation d'un grand nombre de personnes non contrôlées qui constitueraient évidemment des cibles majeures. A raison de quatre palpations environ par minute, si 92 000 personnes se pressent au Champ de Mars, les effectifs chargés de la palpation devront être importants. Toutes les discussions ne sont pas encore abouties.

Enfin, toujours à propos de l'Euro 2016, il faudra sans doute restreindre le nombre d'événements festifs autour des matchs. Or, on compte énormément de demandes à Paris. Nous allons devoir limiter les possibilités de sécurisation de ces rassemblements, sur un nombre plus restreint d'évènements. Nous avons d'ores et déjà informé les organisateurs de spectacles et les élus que nous ne serons pas en mesure d'en sécuriser un très grand nombre.

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Vous avez rappelé, monsieur le préfet, votre expérience en matière de traitement des crises. La BRI a été créée, je crois, avant le RAID et le GIGN. Quant à vous, monsieur le directeur, vous êtes revenu sur l'existence d'une formation commune au RAID et à la BRI. J'ai même cru comprendre que des anciens du RAID étaient membres de la BRI. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce dernier point ?

À l'Hypercacher, le RAID et la BRI sont intervenus à raison d'un effectif d'une centaine de personnes. Combien, parmi cette centaine de personnes, sont effectivement entrés dans l'Hypercacher ? De même, au Bataclan, j'ai cru comprendre que l'ensemble de la BRI n'avait pas été forcément mobilisé, une partie des hommes restant sur le trottoir ; ces derniers ont-ils eu une mission de sécurisation ? Plus important encore : quand nous nous sommes rendus sur les lieux, le commissaire Molmy nous a indiqué qu'il avait été décidé, à la suite de l'intervention à l'Hypercacher, que les colonnes seraient plus courtes. Son explication nous a fait froid dans le dos : si les kamikazes se faisaient exploser, nous a-t-il dit, les ravages seraient moindres sur la première colonne et, du coup, une deuxième colonne pourrait arriver plus rapidement. Si j'ai bien compris vos réponses, le retour d'expérience conduit à constater qu'il n'est pas nécessaire d'engager énormément de monde, car les hommes risqueraient de se gêner les uns les autres. En attendant que nous interrogions le RAID sur l'opération de Saint-Denis, pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Comme vous, mon général, j'ai lu la presse, en particulier Mediapart et l'article du Monde d'hier, et je m'en voudrais de ne pas vous interroger sur les critiques concernant l'absence ou le retard des secours à La bonne bière et à la belle équipe. Certaines victimes ont critiqué l'absence de secours à La bonne bière et leur retard à La belle équipe. Le patron de ce dernier établissement a, de fait, déclaré devant nous qu'il s'était écoulé une certaine durée entre les rafales et l'arrivée des secours. Pouvez-vous nous donner les horaires précis, soit maintenant, soit dans un document que vous nous transmettrez ? Pouvez-vous nous apporter des informations sur les éventuels problèmes de connexion radio entre les pompiers et le service d'aide médicale urgente (SAMU) ?

Par ailleurs, la préfecture de police a pris en charge les appels téléphoniques jusqu'au samedi après-midi et le standard, m'a-t-on dit, a « explosé » à quatre reprises au moins. De combien d'opérateurs disposiez-vous, monsieur le préfet, et le plan du 12 novembre instituant la cellule interministérielle d'aide aux victimes (CIAV) prévoyait-il que c'était bien à la préfecture de police de prendre en charge les appels téléphoniques avant que le ministère des affaires étrangères ne prenne le relais ? Avez-vous tiré les conclusions de cette expérience ? Reprendriez-vous à votre charge les appels téléphoniques lors d'une crise similaire ?

Enfin, pouvez-vous nous dire un mot du plan d'équipement des BAC en armements ? Le DGPN nous a indiqué que l'ensemble des BAC allaient être équipées d'ici au mois de juillet. Qu'en est-il à Paris, et plus particulièrement pour les policiers sous votre responsabilité ? La formation au tir a-t-elle été renforcée, notamment depuis les attentats de janvier ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Pour ce qui est des appels, en effet, la cellule d'information du public a été activée à partir de minuit-minuit et demie. Cette cellule a immédiatement été équipée par une dizaine de personnes qui ont été rappelées. Vers sept ou huit heures du matin, les effectifs ont été portés à vingt opérateurs, grâce au renfort de bénévoles des associations de protection civile. Il y avait également des représentants du ministère des affaires étrangères, puisque la CIAV relèvera de ce département ministériel. Cette équipe était assez bien dimensionnée pour une crise normale, et la préfecture de police a une grande habitude pour mobiliser rapidement, à savoir en quelques heures, une cellule dédiée exclusivement à la prise des appels. Toutefois, comme vous le savez, nous avons reçu 93 000 appels et seuls 10 000 ont pu être traités. Il y a donc eu un vrai engorgement, comme d'ailleurs, me dit-on, cela s'est produit à Bruxelles dans les toutes premières heures qui ont suivi les attentats. Par la suite, pour en revenir à Paris, le nombre d'appel est retombé à 3 000 ou 4 000, ce qui est très facile à traiter. Les autorités gouvernementales et notamment Mme Méadel annonceront les leçons à tirer de ce dispositif de gestion des appels. Je puis néanmoins d'ores et déjà vous indiquer qu'il est prévu un numéro d'entrée unique, qui sera celui de la CIAV et qui renverra immédiatement vers des cellules spécialisées. Pour ce qui concerne l'information des victimes, c'est la CIAV qui opérera (avec la possibilité de cellules ante mortem, post mortem…). En revanche, les demandes de renseignements ou la communication d'informations d'ordre général, sur l'existence de menaces dans d'autres parties de la ville, par exemple, qui ont été très nombreux et ont noyé le dispositif, seront renvoyés immédiatement vers la cellule d'information du public de la préfecture de police, dont c'est le rôle.

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Ces appels seront-ils transférés automatiquement, ou bien les appelants devront-ils composer un autre numéro ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Leur appel sera immédiatement basculé sans qu'il leur soit demandé de s'expliquer, ce qui prend du temps et encombre les lignes. Le dispositif est au point et est installé dans les locaux du ministère des affaires étrangères. Le basculement, prévu par la circulaire du 12 novembre, arrivée au petit matin du 14 novembre, n'a pu être appliqué ce même jour avant 19 heures. Le dispositif, interministériel, relève du Premier ministre. J'observe en outre que, à la différence d'autres situations, les téléphones portables ont fonctionné, les réseaux n'ayant pas été saturés. Enfin, en lien avec le cabinet de Mme Méadel, nous creusons l'idée de diffuser des messages sur les réseaux sociaux afin d'éviter les appels inutiles, en indiquant, par exemple, quel comportement adopter. Le 13 novembre, nous avons envoyé seize messages comportementaux sur les réseaux sociaux : « évitez de vous rendre dans tel quartier », « ne téléphonez pas inutilement si vous n'avez pas de raison précise de le faire », etc. Il faut développer cette pratique de manière plus systématique.

J'en viens à la BRI. Elle vient en effet de fêter ses cinquante ans, et si l'âge n'est pas une garantie d'efficacité, il apparaît que cette brigade s'est constamment adaptée ; le renfort de 45 hommes, évoqué précédemment, correspond à cette adaptation constante de progresser et rechercher pour répondre à la difficulté des situations. L'enjeu des rapports entre la BRI, le RAID et le GIGN est de mieux identifier leurs spécialités respectives. Aussi le ministre a-t-il demandé aux deux directeurs généraux et au préfet de police de lui proposer un schéma national d'intervention précisant les conditions de fonctionnement de la FIPN et d'identifier en conditions réelles, c'est-à-dire à partir d'exercices, les moyens que chaque unité est capable de mobiliser. Il ne suffit pas d'annoncer qu'ils sont 80 ou 500 ; il faut savoir quand ils pourront être projetés à Clermont-Ferrand, Paris, Boulogne, Versailles.

Je n'étais pas encore en poste au moment de l'opération menée à l'Hypercacher, et je me garderai donc de tout commentaire. J'ai cependant l'impression, en voyant les photos, qu'il y avait beaucoup de monde, et j'ai la conviction absolue, depuis que j'ai assisté sur place, à 4 heures 30, à l'assaut mené à Saint-Denis, que, pour ce type d'opération, il faut être très rigoureux quant au respect des zones. À Paris, nous disposons, entre le recours au RAID et au GIGN, les moyens de primo-intervention que sont la BAC ou la CSI, de beaucoup de possibilités. Les effectifs mis en place doivent donc être proportionnés à chaque cas : c'est la leçon qu'on peut tirer de ces expériences. S'agissant du Bataclan, je suis profondément convaincu que l'effectif spécialisé pour l'assaut était adapté à une intervention rapide permettant de neutraliser les preneurs d'otages sans mettre ces derniers en danger, et ce dans une configuration du bâtiment rendant compliquée la progression des colonnes.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

Nous avons vécu deux drames, deux assauts l'année dernière : celui de l'Hypercacher en janvier et celui du Bataclan en novembre. Nous pouvons en tirer deux enseignements.

En ce qui concerne l'Hypercacher, on voit sur le film des événements les deux colonnes intervenir : d'un côté le RAID, de l'autre la BRI. Il n'y a pas besoin d'être un grand spécialiste pour constater qu'il y a beaucoup d'intervenants, qu'il y a un embouteillage. Le nombre n'est donc pas forcément un gage d'efficacité ni de succès.

Pour ce qui est de l'intervention de novembre au Bataclan, c'est le besoin de réactivité, de rapidité, qui est l'enseignement à retenir. On peut en effet intervenir avec une quinzaine d'opérateurs, ainsi qu'il vous a été indiqué. Une vingtaine, c'est mieux, mais avec une quinzaine on peut déjà agir.

Il faut par ailleurs avoir à l'esprit que nous raisonnons-là à partir de deux opérations qui n'ont duré que quelques heures. Mais, dans le cas d'une prise d'otages plus longue– je pense à ce qu'il s'est passé à Moscou il y a plusieurs années –, il faut être capable de régénérer les effectifs. C'est un troisième enseignement.

Il n'est donc pas nécessaire, j'y reviens, d'engager de nombreux fonctionnaires qui vont se précipiter, au risque que des coups de feu partent de manière accidentelle.

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Mon général, pouvez-vous répondre à la question posée sur le retard des secours à La belle équipe, dont fait état le journal Le Monde ?

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Général Philippe Boutinaud

Je sais que Mediapart avait expliqué que les pompiers n'avaient pas été assez rapides. Je vous ai expliqué, lors d'une précédente audition, que les secours sont arrivés sur tous les sites dans un délai compris entre trois et douze minutes. Les interventions ont eu lieu au sein d'un périmètre dont la surface était de moins de quatre kilomètres carrés, les secours venant des casernes situées à proximité. Or, en moins d'une demi-heure, cinq sites ont été frappés, et les adresses qui nous sont données étaient très imprécises.

Il est vrai qu'il y a eu un problème à La bonne bière. La distance entre cet établissement et Le petit Cambodge est d'environ 500 mètres. Nous avons manqué d'unités mobiles hospitalières (UMH), c'est-à-dire de véhicules avec des médecins. En effet, nous avions ce soir-là sept ambulances de réanimation et, en une heure, nous sommes passés à 21. En attendant, nous avons immédiatement envoyé quatre de ces ambulances au Stade de France – la BSPP est compétente pour les trois départements de la petite couronne – et les trois autres sont parties pour Le petit Cambodge. Quand survient l'attentat à La bonne bière, les pompiers ne disposent déjà plus de moyens médicalisés, c'est donc le SAMU qui prend le relais. Le patron de La bonne bière a été choqué que le premier pompier qu'il a vu arriver n'ait aucun équipement avec lui : c'était normal, puisqu'il s'agissait de mon adjoint, qui était de sortie à Paris et qui, en arrivant, lui a dit qu'il était pompier. Il n'en a pas moins déclenché le plan « Rouge Alpha ». La petite bière est l'endroit, je le rappelle, où il y a eu le moins de morts. De plus, les cinq personnes décédées étaient hélas dans un état trop grave pour être sauvées. J'ai lu Mediapart et d'autres journaux, et je pense que certains, y compris ici, ont été influencés par les déclarations péremptoires des médias ; c'est donc à vous que je rends des comptes.

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Mon général, pouvez-vous nous envoyer des éléments précis sur La bonne bière et sur La belle équipe ? Nous ferons, bien sûr, la même demande aux responsables du SAMU. Il est important que la commission d'enquête puisse répondre, dans son rapport, à ces critiques.

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Mes questions seront très pratiques.

Monsieur le préfet, vous estimez-vous suffisamment informé sur la réalité des menaces, en particulier concernant des salles de spectacle parisiennes ? Est-il possible de concevoir un plan de « verrouillage » de la ville de Paris ?

D'autre part, quand vous êtes sur le terrain, vous ne vous trouvez, par définition, ni dans la salle de commandement ni, a fortiori, avec le ministre de l'intérieur, le Premier ministre ou le Président de la République. Ne considérez-vous pas que c'est un problème ? Les militaires que nous avons auditionnés nous ont indiqué que le chef d'état-major restait avec son état-major et que c'était un colonel qui allait sur le terrain.

Enfin, ne serait-il pas plus efficace de fusionner, à terme, une partie de la DRPP, en tout cas celle qui s'occupe du terrorisme, avec la DGSI ?

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Si vous me permettez, monsieur le préfet, je souhaite compléter la première question de M. Lamy. J'ai sous les yeux un procès-verbal daté du 6 mai 2009, rédigé par ce qui était alors la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), délivré par le vice-procureur de la République de Paris : « Des informations parvenues au service, il appert que la cible du projet d'attentat fomentée par Farouk Ben Abbes, interpellé le 3 avril 2009 par les autorités égyptiennes pourrait s'identifier à un bâtiment de la communauté israélite de la ville de Saint-Denis. Toutefois, au cours de ses différentes auditions, Farouk Ben Abbes aurait proposé la salle de spectacle du Bataclan, située dans le 11e arrondissement de Paris. Selon l'intéressé, le choix s'est porté sur ce lieu en raison de manifestations de soutien et de collectes de fonds réalisées au profit de la communauté juive. » En outre, lors de son audition, Me Olivier Morice, qui s'étonnait de tout cela, a fait état de l'arrestation, à la mi-août 2015, d'un djihadiste français de retour de Syrie qui avait pour projet de commettre un attentat contre une salle de spectacle à Paris. On peut faire le lien entre les deux.

La question que se posent les victimes, et qu'évidemment nous nous posons, est de savoir quelle exploitation a été faite de cette information. En avez-vous tenu compte ? Pourquoi, nous demande-t-on, n'avoir pas informé les propriétaires du Bataclan de ces menaces précises, qui ont fait l'objet, il y a un certain nombre d'années, d'un procès-verbal ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Avons-nous, à la préfecture de police, une bonne information sur la réalité des menaces ? Les services de renseignement, qu'il s'agisse de la DGSI ou de la DRPP, nous donnent-ils suffisamment d'éléments ?

Tous les éléments d'information, à commencer par ce que nous appelons les signaux faibles – c'est-à-dire des messages remontant des différents acteurs et notamment des commissariats –, sont systématiquement suivis d'effets. Chaque semaine, nous recevons des dizaines de signalements qui font l'objet de vérifications – plaques minéralogiques, domicile, identité… – pour creuser toute information sur des risques potentiels. Ensuite, en fonction des informations provenant de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), notamment des éléments provenant des stratégies, des discours, des publications de DAECH, des mesures sont prises concernant les cibles potentielles.

Entre mon arrivée à la préfecture de police, le 20 juillet 2015, et le 13 novembre, je n'ai eu connaissance d'aucune menace précise concernant des salles de spectacle – nous les avons en revanche, par la suite, sécurisées de façon beaucoup plus large – ni visant en particulier le Bataclan. Je ne sais pas à quel moment ni dans quelles conditions, entre 2009 et 2015, il a été jugé que les mesures de protection qui ont dû être prises à l'époque étaient moins pertinentes. La menace n'était d'ailleurs pas la même…

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Le renseignement ne vous a-t-il pas été transmis ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Il a dû être transmis en 2009.

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Il existe tout de même des banques de données !

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Nous allons vérifier, mais je suis convaincu qu'en 2009 il était partagé par la communauté du renseignement, cela me paraît évident.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

L'enquête judiciaire pourra le confirmer.

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Le service de renseignement conserve la trace des menaces contre différentes cibles et des attaques, et ce pendant des années, sans quoi il ne pourrait pas travailler. Ce n'est pas une question d'ordre seulement judiciaire, mais une question qui touche vraiment au renseignement et concerne donc la commission d'enquête. La question est de savoir si cette information a bien été transmise à vos services – et j'en reviens à la question de M. Lamy : ne serait-il pas astucieux de regrouper certains services pour en améliorer le fonctionnement ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Je ne dis pas qu'elle n'a pas été transmise, mais que, pour ma part, je n'en ai pas eu connaissance entre juillet et novembre 2015. Cette information remontait à 2009. La menace est multiforme : des équipes sont diligentées par DAECH depuis la Syrie et font l'objet de circuits d'information et de surveillance spécifiques ; d'autres agissent de façon plus individuelle, comme ce fut le cas dans le Thalys. Le niveau de menace n'est pas exclusivement centré sur une forme d'attaque. À moins que vous ne posiez la question au directeur du renseignement de la Préfecture de police, je l'interrogerai moi-même et nous vous communiquerons une note précisant dans quelles conditions l'information du 6 mai 2009 a été connue de la préfecture de police.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

J'en viens à la présence du préfet de police sur le lieu des opérations. Le préfet de police a le privilège d'avoir auprès de lui, sous son autorité directe, trois préfets : le préfet secrétaire général de zone, le préfet directeur de cabinet et le préfet secrétaire général de la préfecture. Bien évidemment, quand le préfet de police est sur le terrain, il est prévu que le directeur de cabinet dirige le COPP. Il se trouve que, cette nuit-là, le préfet directeur de cabinet était en train de faire un stage à Saint-Astier auprès de la Gendarmerie nationale. Il est immédiatement revenu et est arrivé à Paris à cinq heures du matin. Le préfet SGZDS, le directeur-adjoint du cabinet et le chef de cabinet étaient bien sûr sur place. Donc, en situation de crise, la présence du préfet de police sur le terrain ne gêne en rien le fonctionnement du centre de commandement.

S'agissant de la relation du préfet de police avec le ministre de l'intérieur, ce dernier a besoin d'être très vite informé, car ce sont les premières minutes qui comptent. Or, en la matière, la présence du préfet de police sur le terrain est très souhaitable. Si nous faisons face à une crise à cinétique courte, comme cela a été le cas au Bataclan, cette présence est maintenue jusqu'au bout. Lorsqu'une opération dure plusieurs journées, comme en janvier 2015, la situation est différente. Le préfet de police est alors conduit à participer à des réunions avec le ministre de l'Intérieur, et c'est le directeur de cabinet qui, pendant ce temps, assure à la préfecture la mise en oeuvre des instructions prises.

Au Bataclan, l'enjeu était que l'opération de prise d'otages se termine au plus vite et dans les meilleures conditions, ce qui a nécessité deux heures, deux heures et demie environ ; il était par conséquent préférable, j'y insiste, que je sois sur place pour informer le ministre et faciliter les prises de décisions. En outre, nous n'avions pas à coordonner plusieurs lieux, à la différence des opérations du mois de janvier 2015 où, pour préserver la vie des otages, il a fallu coordonner l'opération de Dammartin-en-Goële et celle de Vincennes.

De ce point de vue, je pense que l'organisation actuelle est parfaitement armée pour faire face à la fois à une présence du préfet auprès du ministre si celui-ci souhaite réunir autour de lui ses directeurs et le préfet compétent, et à une présence du préfet sur le terrain quand elle est nécessaire. Bien entendu, le procureur était sur place à mes côtés et n'était pas au « fumoir », comme il peut l'être à d'autres occasions, lorsque les opérations durent longtemps et nécessitent qu'on réfléchisse à une stratégie d'action sous l'autorité du ministre.

Enfin, vous m'autoriserez à considérer que l'idée d'une fusion entre la DRPP et la DGSI dépasse mon niveau de compétence... J'observe cependant que plusieurs gouvernements successifs se sont posé la question et qu'aucun n'a retenu cette solution, sans doute parce que, dans la région parisienne, le territorial a du sens, et que confier des responsabilités territoriales à des directions centrales, fût-ce la DGPN ou la DGSI et malgré leur grande qualité, n'est sans doute pas toujours une bonne chose. Les directions centrales doivent fixer des orientations, vérifier que celles-ci sont bien mises en oeuvre, évaluer la réussite des actions de terrain, mais il faut que les décisions se prennent au niveau territorial afin de faciliter la coordination.

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Je retiens la formule du préfet de police : à Paris, le territorial a du sens. Ma petite expérience de douze années en tant qu'adjoint au maire de Paris chargé de la sécurité m'amène à penser qu'il est indispensable que l'ensemble des forces de sécurité soient, à Paris, et désormais dans la zone de la police d'agglomération, commandées – hormis, peut-être, pour ce qui est du renseignement, sujet que nous étudierons ultérieurement – par un seul chef, ce qui permet de mesurer l'engagement des moyens et d'éviter la concurrence des forces, ce qui serait la pire des choses. Aussi, pour ce qui est de la cohésion, de la coordination, du commandement, de l'efficacité, de l'optimisation des forces, l'institution et l'organisation de la préfecture de police avec à sa tête un seul chef, me paraît-elle un marqueur, depuis deux siècles, de notre histoire, et en particulier de celle de la République.

Vous avez évoqué, monsieur le préfet de police, comme l'ont fait la DGGN avec les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) ou la DGPN avec les BAC, l'équipement, l'entraînement, le renforcement des conditions de riposte des unités. Je souhaite savoir ce que vous prévoyez pour les commissariats d'arrondissement. Ces derniers peuvent également, en effet, se trouver confrontés à des situations de ce type et être les primo-intervenants. Il est donc prévu que leur soient attribués les moyens dont ils manquent pour ce faire : armements, équipements lourds… On a bien vu en effet, à l'occasion de l'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, que les policiers ne disposaient pas des équipements nécessaires, ni dans leur véhicule, ni sur eux.

Vous avez mentionné les fan zones et je ferai part d'une inquiétude à ce sujet. Nous sommes en guerre, pour reprendre les termes mêmes du Premier ministre, et je pense que nous prenons un risque peut-être excessif à maintenir un rassemblement de 100 000 personnes tous les jours, toute la journée, de dix heures à minuit, pendant un mois, sous la Tour Eiffel, en plein coeur de Paris, même si sont mises en place des conditions de sécurité que nous avons d'ailleurs évoquées. Ne prend-on pas le risque, en maintenant les fan zones, que la fête se transforme en cauchemar ? À l'intérieur ne se trouveront pas, en effet, des policiers, mais des stadiers, des animateurs. La police, qui se trouvera autour de la zone, devra mobiliser un personnel nombreux ; elle a peut-être autre chose à faire que de déployer des effectifs pour les fan zones.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Le ministre a de nouveau demandé aux préfets de vérifier dans chaque département, avec les élus, les conditions de sécurisation qui permettent d'envisager l'autorisation des fans zones. Les discussions n'ont pas encore abouti sur ce point à Paris.

En ce qui concerne les commissariats, le choix qui a été fait est très clair : les primo-arrivants sont en principe les patrouilles du « 17 police secours » ; il s'agit d'unités d'interventions élémentaires et, en cas d'une attaque, leur rôle est de fixer la situation et d'alerter ; normalement, ils ne doivent pas intervenir et ne peuvent qu'exceptionnellement se trouver en situation de primo-intervenants. Les primo-intervenants sont plus normalement les BAC ou les CSI, unités d'intervention intermédiaire ; viennent ensuite les services d'intervention spécialisée, c'est-à-dire la BRI à Paris, le RAID dans les départements de la petite couronne, la FIPN dans le cas d'une multiplication du nombre de sites touchés par des attentats. Ce sont plutôt des équipements de protection qui sont prévus pour les commissariats et non des armements.

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Jacques Méric, directeur de la sécurité de la police d'agglomération

Vous avez tout à fait raison, monsieur le député, de poser la question des commissariats de Paris, auxquels on pourrait d'ailleurs ajouter ceux de banlieue. Le préfet vient de préciser qu'ils sont les primo-intervenants. Cela a été le cas non seulement pour l'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, mais également le 13 novembre. On a, à juste titre, beaucoup parlé des BAC, mais le premier véhicule à intervenir, au Bataclan, a été un véhicule du commissariat du 3 arrondissement, qui était en train de traiter un accident de la circulation non loin de là et qui s'est dérouté vers le Bataclan alors que la prise d'otages venait de commencer.

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À quelle heure exactement l'action des terroristes a-t-elle commencé au Bataclan ?

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Jacques Méric, directeur de la sécurité de la police d'agglomération

Sauf erreur, nous avons reçu les premiers appels à 21 heures 43.

Ces personnels de commissariat, dotés d'équipements que je qualifierai de classiques – gilets pare-balles discrets, pistolets SIG-Sauer… –, ne sont pas outillés pour faire face à des attaques terroristes menées par des personnes lourdement armées. Nous avons donc décidé de les doter d'équipements de protection de trois types : casque balistique avec visière, afin d'être protégé de tirs d'armes à feu, gilet porte-plaque, dans lequel on insère des plaques de céramique permettant de protéger des balles d'un fusil d'assaut, enfin bouclier balistique souple qui, déployé, permet également d'être protégé contre des tirs d'armes telles qu'une kalachnikov. Il s'agit d'un investissement lourd, compte tenu du nombre de policiers concernés.

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Les dotations se feront-elles par commissariats ?

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Jacques Méric, directeur de la sécurité de la police d'agglomération

Nous sommes allés plus loin et avons envisagé des dotations quasi-individuelles.

Il faut savoir que seule la partie doublée de céramique du bouclier balistique arrête les balles d'une kalachnikov. Cela signifie qu'il faudra prévoir des formations pour les personnels, afin qu'ils prennent conscience que leurs équipements ne les protégeront pas de tout. Un casque balistique lourd avec visière balistique, par exemple, ne protège pas d'une balle de kalachnikov ; aucun type de casque, du reste, n'arrête les balles de kalachnikov.

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Je reviens sur l'information selon laquelle le Bataclan était une cible dès 2009. Il me semble très important que nous ayons un éclairage sur ce point, car cela en dira long sur l'état de nos services de renseignement, d'autant que, je le rappelle, des salles de spectacle avaient déjà été visées dans d'autres pays.

Au fil des auditions, monsieur le préfet, j'ai été frappé par le fait qu'un certain nombre d'intervenants nous ont dit avoir appris les choses par BFM TV. J'ai failli tomber de ma chaise en entendant cela. Si des forces d'intervention, professionnelles, ont BFM TV pour moyen d'information, c'est que, d'une certaine façon, il n'y a pas de centre de commandement ! Or, si nous nous trouvons, comme je le crois et comme le dit le Premier ministre avec raison, dans un contexte de guerre longue contre le terrorisme, avec différentes formes d'attaques, vous avez fortement intérêt à vous doter d'un commandement des opérations spéciales (COS), à l'instar de celui dont disposent les militaires, opérationnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, où arrive le renseignement et où quelqu'un soit en mesure de transférer des ordres d'alerte afin qu'une riposte soit immédiatement préparée sans attendre qu'on apprenne les choses par la télévision ou la radio. Le tâtonnement est certes compréhensible : on ne passe pas de l'état de paix à l'état de guerre du jour au lendemain. Avez-vous néanmoins prévu de constituer un centre de commandement qui permette de mettre immédiatement les forces en branle ?

À propos des secours, une autre question me taraude : celle des armes chimiques. Hier, à Bruxelles, à l'occasion d'une perquisition, on a trouvé des armes chimiques. Comme on sait que ce type d'armes est couramment utilisé par DAECH…

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En effet, il s'agissait de produits chimiques, mais qui suffisent pour fabriquer une bombe « sale » dans la perspective d'un attentat terroriste. Il n'était pas question de miniaturiser une tête chimique pour un missile.

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Il s'agissait de produits permettant la confection d'explosifs et non destinés à la fabrication d'une bombe « sale ».

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Pour ce qui est du centre de commandement, l'endroit où l'information remonte le plus vite est le PC de la DSPAP qui reçoit et traite les appels « 17 police secours ». Nous avons décidé, dans une telle situation, de faire venir immédiatement sur place un représentant du RAID et un représentant de la BRI comme officiers de liaison au sein de ce centre de commandement. Par ailleurs, nous avons activé le dispositif de montée en charge du COPP, ce qui se fait en quelques minutes puisque chacun des centres de commandement envoie un responsable auprès du centre de commandement du préfet de police, qui est dirigé, si celui-ci se trouve sur le terrain, par son directeur de cabinet.

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Ce centre se trouve-t-il à la préfecture de police ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Il se trouve à la préfecture de police. Nous pourrons vous faire visiter, si vous le souhaitez, les salles de commandement.

Pour ce qui est de la réception des appels, les policiers de la DSPAP sont regroupés avec les pompiers de la BSPP, puisque nous avons établi une plateforme unique d'appel qui permet de faire remonter dans la même salle les informations du « 17 » et du « 18 ». C'est donc là, je le répète, que l'information arrivera le plus vite. L'exploitation des très nombreux appels, d'origine très diverse, reçus au cours du premier quart d'heure, n'est pas toujours simple. Nous nous sommes ainsi mis d'accord pour que les trois forces – BRI, RAID et GIGN – aient l'information en direct.

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Quand ce dispositif a-t-il été mis en place ?

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Pierre Cadot

Dès après le 13 novembre. Auparavant, le circuit était celui prévu par la circulaire de 2014.

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Monsieur le préfet, comment allez-vous gérer durablement le déploiement de dispositifs tels que celui de l'Euro 2016 ? Les effectifs mobilisés vont bien devoir se reposer. Face à une menace diffuse, comment l'ensemble des forces de sécurité pourront-elles assurer une mobilisation aussi durable ? Je crains qu'il ne faille déshabiller Pierre pour habiller Paul.

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Nous saluons tous le courage et le professionnalisme des forces. La perfection, en revanche, est hors d'atteinte : plus de cent personnes ont perdu la vie, et notre commission vise précisément à explorer des pistes d'amélioration.

Le moment-clé du 13 novembre me semble s'être produit à 21 heures 57, lorsqu'un fonctionnaire de la BAC a abattu l'un des terroristes à l'intérieur du Bataclan. C'est entre 21 heures 43, moment de leur entrée dans le Bataclan, et 21 heures 57 – soit quatorze minutes plus tard – que les terroristes ont abattu près de cent personnes et fait beaucoup de blessés. Après 21 heures 57, en revanche, plus un seul coup de feu n'a été tiré. Autrement dit, le tir du policier de la BAC a interrompu un massacre qui aurait pu être bien plus grave encore.

Le RAID est préparé à agir en cas de prise d'otages, lorsqu'une négociation est envisageable ; en l'occurrence, ces terroristes ne font que tuer et tuer encore. La seule solution, comme me l'ont confirmé des Israéliens, qui en savent quelque chose, semble donc d'aller au contact le plus vite possible. Le 13 novembre, le coup de feu du policier – qui, s'il ne l'avait pas tiré, aurait été tué sur-le-champ – a tout changé.

Autre question : à combien d'événements simultanés sommes-nous capables de faire face ? Je crois, hélas, que nous ne sommes qu'au début d'une série d'attaques qui, à l'avenir, pourraient se produire simultanément par dix, quinze ou davantage. Songez qu'environ 15 000 messages libellés « Je suis Kouachi » ou « Je suis Coulibaly » ont été diffusés sur Twitter après les attentats de janvier. À supposer que quelques centaines de terroristes se coordonnent, à combien d'attentats pourrions-nous faire face ?

Certains policiers nous ont dit savoir que les assaillants se trouvaient à l'étage du Bataclan ; d'autres nous ont dit le contraire. Il va de soi que les pompiers ne doivent pas s'exposer aux tirs, mais n'aurait-il pas été possible d'agir plus vite – l'assaut s'est produit deux heures après le tir du policier de la BAC – pour éviter que des personnes blessées ne meurent ? Saviez-vous où les terroristes se trouvaient, et leur localisation aurait-elle permis de faire entrer les secours plus rapidement pour sauver certains des très nombreux blessés ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Concernant notre capacité à répondre durablement à des sollicitations multiples et sans doute de plus en plus lourdes, reconnaissons d'emblée, comme l'a souvent répété le ministre, que le risque zéro et la garantie d'une sécurisation absolue n'existent pas. Notre exigence est de donner un maximum d'efficacité aux dispositifs de prévention et de renseignement et aux mesures d'action immédiate en cas d'attaque. Pour ce faire, il nous faut nous interroger sur certains dispositifs statiques qui sont très consommateurs d'effectifs sans pour autant répondre pleinement à la mobilité de l'adversaire et à l'effet de surprise qu'ils recherchent ; au contraire, ils peuvent constituer des cibles faciles et, de ce point de vue, l'utilité d'une garde statique privée devant le Bataclan, si elle avait existé, n'est pas évidente.

Surtout, nous devons envisager un dispositif comprenant des mesures de protection périmétrique et situationnelle dans certains lieux recevant du public, avec des procédures de filtrage et de contrôle, voire la présence d'un personnel de sécurisation armé, orientation nouvelle dans notre pays, qui a déjà été expérimentée une ou deux fois, qui est explorée actuellement par d'autres grands groupes gérant des lieux recevant un public nombreux. Pour accroître notre réactivité, il faut aussi développer la vidéoprotection à l'échelle zonale. Sur la plaque parisienne, c'est la région Île-de-France qui constitue l'échelle pertinente. Lorsque les terroristes interviennent sur Paris ou quittent la capitale, nous devions être en mesure de croiser et d'exploiter les données recueillies par les services de renseignement, ceux qui sont chargés de la circulation et de l'ordre public, les commissariats et la police judiciaire. Nous avons donc élaboré un plan zonal de vidéoprotection, pour lequel le ministre a mobilisé un budget de 15 millions d'euros. À Paris, nous allons ainsi quadrupler la surface d'espace public surveillé, en ciblant notamment les grands axes de circulation, les réseaux de transports, y compris de surface, et en intégrant au plan de vidéoprotection pour Paris (PVPP) les réseaux des centres commerciaux et des collectivités qui en disposent. Nous allons également améliorer l'exploitabilité des données en affinant les techniques de détection des comportements anormaux et fébriles, ainsi que de reconnaissance faciale.

En clair, nous devons nous placer dans une situation de guerre longue et adapter nos moyens en conséquence, en réfléchissant notamment, avec les militaires, au renforcement des patrouilles dynamiques au détriment des gardes statiques, tout en préservant le même niveau de sécurité dans les îlots de proximité les plus concernés par la menace.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

S'agissant de notre capacité à faire face à plusieurs événements simultanés, nous partageons évidemment votre inquiétude. Au Bataclan, les terroristes étaient armés de plusieurs centaines de munitions. Or, lorsque le commissaire Molmy et sa colonne sont arrivés, nous ignorions combien de terroristes se trouvaient sur les lieux et leur positionnement exact. Ce n'est que vers 23 heures 10 qu'ils ont pu être situés par des gens qui les désignaient. Si la colonne a progressé à petits pas, c'est parce qu'elle a dû prendre toutes les mesures nécessaires de protection des policiers et des victimes. Dans de telles circonstances, il était difficile d'aller plus vite.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Le poste de commandement, où je me trouvais, a même reçu des messages selon lesquels les terroristes progressaient sur les toits.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

En effet, alors qu'ils n'y sont jamais montés.

La BRI pourrait intervenir sur trois sites simultanés. En cas de prises d'otages ou de sites d'attaques supplémentaires, elle devrait demander le renfort d'autres forces.

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Dans un tel cas de figure, l'agglomération parisienne est le seul territoire du pays qui dispose d'une capacité de moyens spécialisés d'importance en s'appuyant sur la BRI, le RAID et le GIGN. Le pays doit aussi renforcer sa capacité de projection rapide sur les grandes et moyennes villes de province, dans lesquelles les questions de coordination entre forces ne se poseraient pas dans les mêmes termes en cas d'attaques multiples, bien au contraire : le RAID ou le GIGN seraient en effet contraints d'y projeter leurs moyens, tandis qu'il appartiendrait à la BRI de sécuriser la capitale.

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Face à de tels massacres, n'est-il pas préférable de sauter l'étape de la sécurisation pour aller immédiatement au contact afin de limiter le nombre de victimes ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

La doctrine prévoit en effet d'aller directement au contact et de neutraliser au plus vite les assaillants. Pour ce faire, il faut qu'une colonne organisée soit en place, ce qui fut le cas au Bataclan vers 23 heures. Lorsque cette colonne, au fil de sa progression, s'est retrouvée devant la porte fermée de la pièce dans laquelle des otages étaient retenus, un début de négociation s'est engagé. En effet, les tirs s'étaient interrompus ; il n'était donc pas indispensable d'agir immédiatement, avant même d'avoir mis à l'abri les victimes qui se trouvaient encore au rez-de-chaussée. Des centaines de personnes ont ainsi pu être évacuées pendant que les terroristes étaient fixés à l'étage. S'il faut en effet intervenir au plus vite, il faut également permettre l'évacuation des blessés quand c'est possible.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

Pour intervenir plus rapidement et dans les meilleures conditions de sécurité, il n'est pas nécessaire que la force d'intervention rapide (FIR) se compose de trente ou quarante agents ; un effectif nominal de quinze personnes suffit.

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Après votre arrivée au Bataclan à 22 heures 15, monsieur le préfet, avez-vous eu des échanges téléphoniques avec le ministre de l'intérieur pour l'informer du dispositif opérationnel dans lequel la BRI agissait en force menante et le RAID en force d'appui ?

D'autre part, je peine à comprendre le pilotage de la coordination du renseignement. En juin, le Premier ministre aurait, selon la presse, chargé le ministre de l'intérieur de coordonner lui-même le renseignement dans le cadre d'un « état-major opérationnel », dont je suppose qu'il se réunit au « fumoir ». Autrefois, c'est à l'UCLAT qu'incombait cette mission, sous l'autorité du directeur général de la police nationale, ce qui permettait notamment les échanges avec la DGSE ; vous avez également évoqué une structure relevant de la DGSI. Comment cette coordination fonctionne-t-elle, et à quelles instances participez-vous en tant que préfet de police ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Il va de soi que j'ai eu plusieurs échanges téléphoniques avec le ministre après 22 heures 15, afin de l'informer de la situation telle que nous la percevions de l'extérieur du bâtiment et de celle qui prévalait sur les autres sites de fusillade. Je l'ai informé de l'arrivée de la BRI environ une demi-heure plus tard, et du fait qu'elle se préparait à progresser pour mener l'assaut contre les assaillants. Sans développer le détail des moyens engagés et de la répartition des actions de la BRI et du RAID, je l'ai informé dès que la phase d'assaut était engagée.

La réunion « fumoir » que nous évoquions a rassemblé autour du ministre les directeurs compétents des zones relevant respectivement de la gendarmerie, de la DGPN et de la préfecture de police, afin de piloter le suivi des renseignements obtenus. Elle s'est reproduite au même format après le 13 novembre, sur l'échange de renseignements, le ministre étant tenu informé par les services des actions engagées à la suite des attentats.

L'état-major opérationnel de protection du territoire (EMOPT) est une structure opérationnelle tout à fait distincte. Elle est composée d'une dizaine d'agents qui recensent et traitent les dossiers des personnes inscrites au fichier FSPRT, que les préfets de zone alimentent chaque semaine par des tableaux recensant les signalements recueillis dans chaque département. Nous travaillons en lien avec elle lors de réunions régulières autour du ministre.

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Peut-on déjà tirer quelques enseignements complémentaires des attentats qui viennent de se produire à Bruxelles, qu'il s'agisse du mode opératoire des terroristes ou de la réaction des forces de sécurité, afin de nourrir notre propre réflexion ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

J'observe d'emblée un élément nouveau : pour la première fois, les terroristes ont utilisé des explosifs, en grande quantité, placés dans des valises, contrairement à ce qui s'est produit à Paris. Il va de soi que cela pose des questions relatives aux mesures de contrôle à l'entrée des gares, des aéroports et des stations de métro.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

Les équipements utilisés à Bruxelles étaient les mêmes qu'en novembre : des armes à feu de type kalachnikov et de l'explosif artisanal de type TATP, fabriqué avec des produits chimiques assez aisément accessibles. J'observe, quant à moi, la quantité importante de produit utilisé et la parfaite maîtrise qu'ont les terroristes de sa conception, alors qu'il s'agit d'un explosif instable. Le recours à des valises, et non à des gilets, leur a permis d'en utiliser davantage, d'où les dégâts matériels dans l'aérogare et dans le métro, qui est éventré. En outre, des clous et des boulons auraient également été employés.

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Chacun constate que vous tâchez de tirer tous les enseignements du 13 novembre et que l'intervention a été correcte, compte tenu de l'ampleur des attentats et de la multiplicité des sites. Toutefois, nous savions depuis plusieurs années déjà que le risque terroriste était très élevé et, au cours des mois qui ont précédé le mois de janvier 2015, tout indiquait que des attentats se produiraient prochainement. Surtout, nous savons qu'il y aura d'autres attentats de grande ampleur. Comment vos services se sont-ils préparés depuis le 7 janvier dernier à répondre à de tels attentats de grande ampleur, hélas prévisibles ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Tout d'abord, les moyens humains et matériels du renseignement et de la police judiciaire – les deux directions de lutte antiterroriste – ont été renforcés grâce à un réel effort budgétaire consenti à l'initiative du ministre, effort qui porte déjà ses premiers fruits. Ensuite, la procédure dite EVENGRAVE, applicable en cas d'événement grave, a contribué à l'efficacité de l'intervention le 13 novembre puisqu'elle a été élaborée conjointement avec toutes les directions de la préfecture de police, qui ont ainsi pu se l'approprier et préparer sa mise en oeuvre avant même sa publication – laquelle n'a d'ailleurs eu lieu que quelques jours après le 13 novembre. Nous l'avons actualisé avec les enseignements tirés des attentats du 13 novembre.

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Les terroristes du Bataclan ont-ils commis des décapitations ou des mutilations ? Des décès se sont-ils produits autrement que par fusillade ou explosion ? Nous sommes saisis d'informations contradictoires – dont certaines nous ont été communiquées lors de nos auditions – qu'il faut éclaircir.

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En effet, la commission est troublée par ces informations, qui n'ont filtré nulle part. Ainsi, le père de l'une des victimes m'a adressé la copie d'une lettre qu'il a transmise au juge d'instruction, que je cite en résumant : « Sur les causes de la mort de mon fils A., à l'institut médico-légal de Paris, on m'a dit, et ce avec des réserves compte tenu du choc que cela représentait pour moi à cet instant-là, qu'on lui avait coupé les testicules, qu'on les lui avait mis dans la bouche, et qu'il avait été éventré. Lorsque je l'ai vu derrière une vitre, allongé sur une table, un linceul blanc le recouvrant jusqu'au cou, une psychologue m'accompagnait. Cette dernière m'a dit : ‟La seule partie montrable de votre fils est son profil gauche.” J'ai constaté qu'il n'avait plus d'oeil droit. J'en ai fait la remarque ; il m'a été répondu qu'ils lui avaient crevé l'oeil et enfoncé la face droite de son visage, d'où des hématomes très importants que nous avons pu tous constater lors de sa mise en bière. »

Ce témoignage précis pourrait corroborer les propos que nous a tenus l'un des fonctionnaires de la BAC, selon lequel l'un des enquêteurs a vomi immédiatement en sortant du Bataclan après avoir constaté une décapitation et des éviscérations. Avez-vous connaissance de tels faits ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Je n'ai eu aucune connaissance de ces faits, ni par l'Institut médico-légal ni par les fonctionnaires en question. Il appartient de toute évidence à l'enquête judiciaire d'en apprécier la véracité. J'ai néanmoins compris qu'il n'a été retrouvé sur le site de l'attaque aucun couteau ni aucun autre engin tranchant qui aurait permis ce type de mutilations. Il sera aisé de le vérifier dans le cadre de l'enquête. En ce qui me concerne, encore une fois, je n'ai reçu aucun message de la sorte provenant de l'Institut médico-légal ou de la direction de tutelle de la BAC concernée.

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

Je ne peux guère m'avancer sur ce point, compte tenu de l'état de l'enquête, mais rien, en l'état actuel de mes connaissances, ne me permet de penser que ce qui vient d'être lu est juste. Je précise, pour que les choses soient claires, que certains des corps retrouvés au Bataclan étaient extrêmement mutilés par les explosions et par les armes, à tel point qu'il fut parfois difficile de reconstituer les corps démembrés. Autrement dit, les blessures que décrit ce père peuvent aussi avoir été causées par des armes automatiques, par les explosions ou par les projections de clous et de boulons qui en ont résulté.

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On lui aurait mis ses testicules dans la bouche…

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Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

Je ne dispose pas de cette information et, si ces faits avaient été établis, je pense qu'une telle information ne m'aurait pas échappé.

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Le verrouillage de Paris est-il envisageable ?

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Jacques Méric, directeur de la sécurité de la police d'agglomération

Compte tenu de la densité de la voirie, il est extrêmement difficile de verrouiller complètement la capitale. La question s'est posée le 7 janvier, lorsque les deux frères Kouachi ont pris la fuite en voiture pour entamer un périple dans Paris. Dans des cas de ce type, la salle de commandement ordonne le positionnement de véhicules d'interception aux principales portes de Paris, qui sont les axes de fuite supposés. C'est tout à fait réalisable, mais cela ne garantit pas le bouclage complet de Paris. De surcroît, la naissance de la police d'agglomération a mis fin à une longue période de coupure entre la police parisienne et la banlieue : depuis 2009, il est possible d'intervenir à Paris et en banlieue en utilisant le même système radio et, ainsi, d'intercepter des véhicules dans les trois départements de la petite couronne. Rappelons par exemple que le magasin Hypercacher est situé presque à cheval sur la commune de Paris et celle de Vincennes, dans le Val-de-Marne.

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Le verrouillage total de Paris n'est donc pas possible ?

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Jacques Méric, directeur de la sécurité de la police d'agglomération

Non.

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Le week-end du 13 novembre, un restaurateur m'a refusé l'accès à son établissement au motif que le préfet de police de Paris avait donné l'ordre d'évacuer les restaurants et cafés et interdit de s'y abriter. Nombreux sont ceux qui ont opté pour le métro – ce qui, de mon point de vue, est une très mauvaise idée, surtout lorsque l'on constate les stratégies d'attaques multisites des terroristes. Ne vaudrait-il pas mieux, dans de telles circonstances, que les gens soient enfermés dans des restaurants et des cafés plutôt que d'errer dans les rues ou dans le métro ?

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Michel Cadot, préfet de police de Paris

Dans un premier temps, plusieurs cafés situés à proximité des lieux des attentats ont été utilisés comme postes de commandement. En outre, la préfecture de police a publié sur Twitter treize messages en urgence dans la soirée du 13 novembre, dont celui-ci, en plusieurs volets : « Suite à plusieurs événements graves, la préfecture de police recommande dans les prochaines heures aux établissements recevant du public de renforcer la surveillance des entrées et d'accueillir ceux qui en auraient besoin », soit le contraire de ce qui vous a été dit. De même, nous avons recommandé « à ceux qui se trouvent à domicile, chez des proches ou dans des locaux professionnels en Île-de-France d'éviter de sortir sauf nécessité absolue », et aux organisateurs de spectacles « d'interrompre les manifestations ou événements en cours en extérieur ». Il s'agissait de consignes de bon sens ; peut-être le restaurateur que vous évoquez, n'ayant pas lu nos messages, a-t-il préféré s'enfermer dans son établissement. De même, la fermeture, à l'initiative de son propriétaire, d'un grand hôtel près du Champ de Mars dans les jours qui ont suivi a suscité un mouvement de panique, étant assimilée à une prise d'otages. J'ajoute que nous avons également publié des messages d'information sur l'arrêt des lignes de Noctilien et de métro ; je tiens naturellement tous ces messages à votre disposition. Le nombre d'abonnés au compte Twitter de la préfecture de police a décuplé au cours de la soirée du 13 novembre.

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Je vous remercie pour votre participation à cette longue audition.

La séance est levée à 19 heures 15.