Intervention de Général Pierre de Villiers

Réunion du 9 mai 2016 à 14h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées :

Nous réfléchissons bien sûr à tout cela, en élaborant une vraie stratégie militaire générale : vouloir, pouvoir, agir. Reconstruire ou infléchir un modèle ? La réflexion nécessiterait beaucoup de temps. Comme je vous l'ai dit, ce modèle aura un coût estimé à 2 % du PIB à l'horizon 2020-2022, en prenant le périmètre que je vous ai décrit. Sinon, nous n'aurons pas les moyens nécessaires – et c'est bien ici le lieu où en parler.

En ce qui concerne le territoire national, nous avons déjà eu un échange en commission de la défense. Ce serait une erreur d'imaginer que les armées françaises incarnent seules la sécurité du territoire national, qui est d'abord du ressort du ministre de l'intérieur ; nous apportons un complément. Ce serait aussi une erreur de penser que nous nous désintéressons de la protection de la France, des Français et du territoire national. Les Français ne comprendraient pas une telle vision.

Parlons de Sentinelle, même si cet angle de vue est un peu réducteur dans la mesure où la protection des Français passe aussi par la dissuasion, la défense aérienne et maritime, par la cyberdéfense, etc. S'agissant de Sentinelle, vous avez raison : notre doctrine doit évoluer Nous devons devenir plus mobiles et imprévisibles, surprendre l'adversaire. C'est un changement qui s'inscrit dans une démarche interministérielle.

C'est la même logique qui nous a amenés à complètement changer notre organisation en passant de l'opération Serval à l'opération Barkhane. Nous sommes maintenant organisés sur un mode extrêmement souple. Finies les logiques figées de bataillon, d'armée de grand-papa ! On a tout changé. L'effet de surprise a changé de camp. C'est ce qu'il faut faire sur le sol national. Et pour le faire, il faut que nos doctrines évoluent. Loin d'être un aboutissement, le rapport relatif aux conditions d'emploi des forces armées sur le territoire national présenté au Parlement constitue une étape. Nous irons plus loin.

À la faveur de cette question, je vais vous donner quelques exemples illustrant l'ampleur des changements. D'abord, nous avons progressé très rapidement dans le rapprochement avec le ministère de l'intérieur, même si ce n'est jamais suffisant. J'ai moi-même rencontré M. Cazeneuve à plusieurs reprises pour essayer de rapprocher les points de vue des armées et de l'intérieur, avec comme seul objectif : conserver une paix d'avance.

Nous avons modifié notre système de commandement. À Paris, trois groupements remplacent une vingtaine de commandements différents. La semaine dernière, nous avons créé quinze îlots de sécurisation renforcée, en particulier autour des emprises confessionnelles, en appliquant les principes que j'ai déjà évoqués : jouer sur la mobilité, l'imprévisibilité et l'effet de surprise. C'est tout le contraire de la ligne Maginot que d'aucuns ont décrite ; c'est tout le contraire de ce qu'était Vigipirate.

Parlons de la réserve. Nous sommes passés de 200 à 400 réservistes engagés quotidiennement sur le territoire national, et nous devrions arriver au nombre de 700 à la fin de l'année, sachant que notre objectif est d'en employer 1 000 à terme. En cyberdéfense, nous avons fait énormément de progrès. Dans le domaine du renseignement, le général Gomart, que vous allez auditionner, vous décrira la cellule Hermès qui consiste à mettre tous les services de renseignement dans une même salle pour qu'ils partagent leurs analyses. En termes de moyens, je vous ai parlé des véhicules. Nous faisons aussi des efforts sur la qualité du soutien des soldats : en Île-de-France, 97 % des logements sont équipés de vrais lits et non plus de lits Picot. Nous améliorons aussi l'alimentation, les loisirs, et la protection des emprises militaires avec le plan Cuirasse. Il faut le reconnaître, la protection des emprises militaires avait été désarmée, « civilianisée », externalisée.

L'ampleur de la tâche liée à la menace terroriste est gigantesque. Nous menons de nouvelles expérimentations pour y faire face. En avril, par exemple, nous avons conduit un exercice conjoint avec la gendarmerie, l'exercice Minerve. L'idée était de faire basculer en opération réelle, sur le territoire national, une unité élémentaire qui était présente dans le département dans le cadre d'un entraînement. La réquisition sans préavis de cette unité a été facilitée par le dialogue permanent qui existe entre le préfet de zone de défense et l'officier général de zone de défense et de sécurité (OGZDS).

Le modèle futur s'inspirera de tous ces changements et expérimentations. Quoi qu'il en soit, dans le contexte actuel, je souhaite que la défense soit davantage un enjeu qu'elle ne l'a été au cours des dernières décennies.

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