Intervention de Richard Ferrand

Réunion du 5 juillet 2016 à 17h30
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand, président-rapporteur :

Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Monsieur Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence. Il est accompagné de Madame Virginie Beaumeunier, rapporteure générale, et de Monsieur Thomas Piquereau, rapporteur général adjoint en charge de l'unité « Professions réglementées ».

Monsieur le président, vous êtes déjà venu devant nous le 10 février dernier. Je vous remercie d'avoir accepté de revenir pour répondre à nos interrogations suite à la publication de l'avis de l'Autorité de la concurrence relatif à la liberté d'installation des notaires et à une proposition de carte des zones d'implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices.

Cet avis a été rendu le 9 juin, et j'observe que vous avez presque respecté la prévision que vous aviez faite devant nous en février, puisque vous nous indiquiez que votre objectif était de proposer une carte au cours ou à la fin du mois de mai – à peu de jours près, l'engagement a donc été tenu. L'Autorité a remis, dans un délai très court, un travail d'une très grande qualité : je tiens sincèrement à vous en remercier ainsi que vos équipes. Cet avis est solidement argumenté, et vous justifiez pas à pas les étapes de votre raisonnement : le choix des zones d'emploi de l'INSEE comme découpage de la carte, le choix du chiffre d'affaires par notaire comme indicateur pertinent du potentiel d'installation de nouveaux offices, etc.

La presse s'est fait l'écho d'une divergence d'interprétation de la loi entre l'Autorité et la Chancellerie. Cette dernière estime que la loi impose à vos recommandations de porter sur le nombre d'offices à créer, alors que vos recommandations portent sur le nombre de nouveaux notaires libéraux. Cette divergence pourrait conduire le Gouvernement à vous saisir à nouveau. Êtes-vous en discussion avec celui-ci sur cette question et quelle est votre analyse ? Comment pourriez-vous modifier vos recommandations si vous étiez saisi à nouveau ? Nous souhaitons que le Gouvernement approuve l'intégralité de votre avis, à la fois la carte et vos propositions, car une nouvelle saisine reviendrait à retarder encore la mise en oeuvre de la loi – écueil bien français – alors que les jeunes professionnels sont légitimement impatients de pouvoir s'installer et d'exercer leur métier à un moment où l'immobilier – qui représente une part non négligeable de l'activité notariale – connaît une embellie tant en volume qu'en prix.

Dans l'avis, vous abordez également des questions pour lesquelles la loi et le décret n'apportent pas de réponses évidentes.

Que se passera-t-il dans les « zones vertes » une fois que vos recommandations auront été satisfaites ?

Comment traiter les candidatures multiples dans plusieurs zones ? Pensez-vous que le Gouvernement soit prêt à suivre votre suggestion de traiter les zones dans l'ordre d'examen que vous proposez, c'est-à-dire dans l'ordre décroissant du nombre de nouveaux notaires recommandés ?

Pensez-vous que, tel qu'il est rédigé, le décret soit vraiment adapté à des candidatures de notaires souhaitant s'associer dès le stade de la candidature ?

Que pensez-vous du tirage au sort prévu par le décret, alors qu'il ne figurait pas dans les avant-projets que nous avions reçus ? Pensez-vous notamment que le délai de 24 heures après l'ouverture de l'appel à candidatures prévu pour recourir à ce tirage au sort soit suffisant ?

Dans votre avis, vous insistez sur le fait que les « zones orange » sont des zones à installation contrôlée et non à installation interdite. La loi prévoit que, dans ces zones, le ministre doit recueillir votre avis avant de refuser une demande de création d'un nouvel office. Dans la mesure où la méthodologie que vous avez retenue dans l'avis ne vous a pas conduit à classer « vertes » ces zones, comment pourrez-vous procéder pour, le cas échéant, rendre néanmoins un avis favorable à une création ?

Lors de votre audition du 10 février, le décret tarifaire n'était pas encore sorti. Comme vous le savez, la solution finalement retenue par le Gouvernement est très différente de celle initialement choisie d'un raisonnement par profession et non acte par acte. L'Autorité a d'ailleurs émis un second avis en la matière ? Pouvez-vous nous rappeler l'analyse que fait l'Autorité sur le décret tarifaire tel qu'il a été publié, notamment sur la notion de « professionnel diligent » auquel le décret fait référence pour déterminer les coûts pertinents et la rémunération raisonnable de chaque acte ?

La procédure de l'article 52 de la loi ne concerne pas que les notaires. Travaillez-vous en ce moment à des propositions de cartes pour les huissiers et les commissaires-priseurs judiciaires ? Quand pensez-vous aboutir ?

Lors de votre audition de février, à une question portant sur les modalités de choix entre les candidats notaires à l'installation, vous estimiez que « plus les critères seront objectifs et impartiaux, plus la décision prise sera elle-même objective et à l'abri des pressions qui pourraient être exercées pour retarder ou influencer le choix du ministre de la justice. »

Je partage pleinement ce point de vue, et les dispositions du décret « installation » semblent correspondre à ces exigences.

Néanmoins, il est un domaine où ces exigences nous semblent totalement perdues de vue, c'est celui des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation. En effet, le décret du 20 mai 2016 comporte deux dispositions qui nous semblent problématiques. D'abord, pour chaque demande de nomination, le garde des Sceaux recueille l'avis motivé du vice-président du Conseil d'État, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour ; il peut également recueillir l'avis de l'Ordre. Ensuite, la nomination se fait après avis d'une commission présidée successivement par un conseiller d'État, un conseiller à la Cour de cassation et un avocat général à cette même cour qui classe les candidats par ordre de préférence.

Cette question me préoccupe beaucoup, ainsi que ma collègue Cécile Untermaier, et nous avons saisi sur ce point le ministre de l'économie et les deux ministres de la justice successifs. Nous ne comprenons pas pourquoi la solution de l'horodatage retenu pour les notaires ne l'a pas été concernant les avocats aux conseils. La Chancellerie nous objecte que c'est parce qu'il s'agira de petits nombres que cette solution d'une commission spécialisée peut être retenue sans dommage. Nous restons persuadés que c'est justement parce qu'il s'agit de petits nombres que la solution de l'horodatage – qui reste somme toute assez fruste – aurait pu être retenue sans inconvénient. Il nous semble donc que 1' « entre-soi », que vous avez parfois relevé dans le notariat, est au moins aussi fort dans le monde des avocats aux conseils. Quelle est l'analyse de l'Autorité en la matière. Quand pensez-vous être en mesure de remettre les recommandations prévues par l'article 57 de la loi en matière de liberté d'installation des avocats aux conseils ?

Monsieur le président, vous avez la parole.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion