Mission d'information commune sur l'application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Réunion du 5 juillet 2016 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • notaire
  • notariale
  • office
  • recommandations
  • transaction

La réunion

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La mission d'information entend M. Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence, sur l'avis n° 16-A-13 du 9 juin 2016 relatif à la liberté d'installation des notaires et à une proposition de carte des zones d'implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux.

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Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Monsieur Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence. Il est accompagné de Madame Virginie Beaumeunier, rapporteure générale, et de Monsieur Thomas Piquereau, rapporteur général adjoint en charge de l'unité « Professions réglementées ».

Monsieur le président, vous êtes déjà venu devant nous le 10 février dernier. Je vous remercie d'avoir accepté de revenir pour répondre à nos interrogations suite à la publication de l'avis de l'Autorité de la concurrence relatif à la liberté d'installation des notaires et à une proposition de carte des zones d'implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices.

Cet avis a été rendu le 9 juin, et j'observe que vous avez presque respecté la prévision que vous aviez faite devant nous en février, puisque vous nous indiquiez que votre objectif était de proposer une carte au cours ou à la fin du mois de mai – à peu de jours près, l'engagement a donc été tenu. L'Autorité a remis, dans un délai très court, un travail d'une très grande qualité : je tiens sincèrement à vous en remercier ainsi que vos équipes. Cet avis est solidement argumenté, et vous justifiez pas à pas les étapes de votre raisonnement : le choix des zones d'emploi de l'INSEE comme découpage de la carte, le choix du chiffre d'affaires par notaire comme indicateur pertinent du potentiel d'installation de nouveaux offices, etc.

La presse s'est fait l'écho d'une divergence d'interprétation de la loi entre l'Autorité et la Chancellerie. Cette dernière estime que la loi impose à vos recommandations de porter sur le nombre d'offices à créer, alors que vos recommandations portent sur le nombre de nouveaux notaires libéraux. Cette divergence pourrait conduire le Gouvernement à vous saisir à nouveau. Êtes-vous en discussion avec celui-ci sur cette question et quelle est votre analyse ? Comment pourriez-vous modifier vos recommandations si vous étiez saisi à nouveau ? Nous souhaitons que le Gouvernement approuve l'intégralité de votre avis, à la fois la carte et vos propositions, car une nouvelle saisine reviendrait à retarder encore la mise en oeuvre de la loi – écueil bien français – alors que les jeunes professionnels sont légitimement impatients de pouvoir s'installer et d'exercer leur métier à un moment où l'immobilier – qui représente une part non négligeable de l'activité notariale – connaît une embellie tant en volume qu'en prix.

Dans l'avis, vous abordez également des questions pour lesquelles la loi et le décret n'apportent pas de réponses évidentes.

Que se passera-t-il dans les « zones vertes » une fois que vos recommandations auront été satisfaites ?

Comment traiter les candidatures multiples dans plusieurs zones ? Pensez-vous que le Gouvernement soit prêt à suivre votre suggestion de traiter les zones dans l'ordre d'examen que vous proposez, c'est-à-dire dans l'ordre décroissant du nombre de nouveaux notaires recommandés ?

Pensez-vous que, tel qu'il est rédigé, le décret soit vraiment adapté à des candidatures de notaires souhaitant s'associer dès le stade de la candidature ?

Que pensez-vous du tirage au sort prévu par le décret, alors qu'il ne figurait pas dans les avant-projets que nous avions reçus ? Pensez-vous notamment que le délai de 24 heures après l'ouverture de l'appel à candidatures prévu pour recourir à ce tirage au sort soit suffisant ?

Dans votre avis, vous insistez sur le fait que les « zones orange » sont des zones à installation contrôlée et non à installation interdite. La loi prévoit que, dans ces zones, le ministre doit recueillir votre avis avant de refuser une demande de création d'un nouvel office. Dans la mesure où la méthodologie que vous avez retenue dans l'avis ne vous a pas conduit à classer « vertes » ces zones, comment pourrez-vous procéder pour, le cas échéant, rendre néanmoins un avis favorable à une création ?

Lors de votre audition du 10 février, le décret tarifaire n'était pas encore sorti. Comme vous le savez, la solution finalement retenue par le Gouvernement est très différente de celle initialement choisie d'un raisonnement par profession et non acte par acte. L'Autorité a d'ailleurs émis un second avis en la matière ? Pouvez-vous nous rappeler l'analyse que fait l'Autorité sur le décret tarifaire tel qu'il a été publié, notamment sur la notion de « professionnel diligent » auquel le décret fait référence pour déterminer les coûts pertinents et la rémunération raisonnable de chaque acte ?

La procédure de l'article 52 de la loi ne concerne pas que les notaires. Travaillez-vous en ce moment à des propositions de cartes pour les huissiers et les commissaires-priseurs judiciaires ? Quand pensez-vous aboutir ?

Lors de votre audition de février, à une question portant sur les modalités de choix entre les candidats notaires à l'installation, vous estimiez que « plus les critères seront objectifs et impartiaux, plus la décision prise sera elle-même objective et à l'abri des pressions qui pourraient être exercées pour retarder ou influencer le choix du ministre de la justice. »

Je partage pleinement ce point de vue, et les dispositions du décret « installation » semblent correspondre à ces exigences.

Néanmoins, il est un domaine où ces exigences nous semblent totalement perdues de vue, c'est celui des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation. En effet, le décret du 20 mai 2016 comporte deux dispositions qui nous semblent problématiques. D'abord, pour chaque demande de nomination, le garde des Sceaux recueille l'avis motivé du vice-président du Conseil d'État, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour ; il peut également recueillir l'avis de l'Ordre. Ensuite, la nomination se fait après avis d'une commission présidée successivement par un conseiller d'État, un conseiller à la Cour de cassation et un avocat général à cette même cour qui classe les candidats par ordre de préférence.

Cette question me préoccupe beaucoup, ainsi que ma collègue Cécile Untermaier, et nous avons saisi sur ce point le ministre de l'économie et les deux ministres de la justice successifs. Nous ne comprenons pas pourquoi la solution de l'horodatage retenu pour les notaires ne l'a pas été concernant les avocats aux conseils. La Chancellerie nous objecte que c'est parce qu'il s'agira de petits nombres que cette solution d'une commission spécialisée peut être retenue sans dommage. Nous restons persuadés que c'est justement parce qu'il s'agit de petits nombres que la solution de l'horodatage – qui reste somme toute assez fruste – aurait pu être retenue sans inconvénient. Il nous semble donc que 1' « entre-soi », que vous avez parfois relevé dans le notariat, est au moins aussi fort dans le monde des avocats aux conseils. Quelle est l'analyse de l'Autorité en la matière. Quand pensez-vous être en mesure de remettre les recommandations prévues par l'article 57 de la loi en matière de liberté d'installation des avocats aux conseils ?

Monsieur le président, vous avez la parole.

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Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence

Je vous remercie des mots que vous avez utilisés pour saluer le travail de l'Autorité de la concurrence. Ils contrastent avec les critiques de ceux qui nous reprochent d'avoir confondu un office notarial avec un supermarché et qui, en réalité, n'ont pas vraiment lu notre avis : nous savons faire la différence entre un office notarial est un supermarché, qui n'obéissent pas au même mode de fonctionnement.

Je répondrai d'abord à vos questions sur l'ensemble des professions réglementées du droit et sur la réforme tarifaire, avant d'aborder la présentation plus technique de l'avis de l'Autorité daté du 9 juin et de notre complément du 1er juillet visant à résoudre la difficulté juridique soulevée par le garde des Sceaux et qui retardait la publication de l'arrêté qui va définir la carte d'installation des notaires, conformément à notre proposition.

En ce qui concerne les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice, nous allons publier la carte a priori en octobre. Mais dans la mesure où une ordonnance prévoit la fusion de ces deux professions, nous allons publier une carte spécifique pour chacune de ces professions, puis nous ferons des propositions concernant la nouvelle profession de commissaire de justice qui résulte de cette fusion.

En ce qui concerne les avocats au Conseil d'État et à la cour de cassation, nous n'avons pas de carte : nous devons proposer une évolution du nombre d'offices qui nous paraît souhaitable. Nous sommes en cours d'instruction : nous avons demandé toute une série de données comptables et financières à la présidente de l'Ordre. Nous consultons actuellement les deux cours suprêmes, le Conseil d'État et la Cour de cassation, pour voir comment le contentieux va évoluer. Le Conseil d'État juge environ 10 000 affaires par an et la Cour de cassation 40 000, ce qui est beaucoup par rapport à la moyenne des cours suprêmes en Europe qui s'orientent toutes vers une sélection plus nette des contentieux. À la différence de l'activité notariale, qui ne va pas faiblir, l'activité des avocats aux conseils va dépendre des décisions prises par les cours suprêmes qui risquent d'imposer un filtrage plus sévère des affaires. L'idée est de rendre un avis courant septembre.

En ce qui concerne les notaires, je suis désolé de ne pas avoir tenu ma promesse – j'avais dit au plus tard fin mai –, mais la raison est très simple : le collège de l'Autorité de la concurrence doit s'adjoindre deux personnalités supplémentaires lorsque nous examinons les projets relatifs à l'installation des professionnels du droit ; or le décret n'a été publié que le 1er juin 2016, nous devions l'attendre pour réunir les membres du collège. L'Autorité s'est donc réunie le 7 juin en présence de ces deux personnalités, Monsieur Jean-François Bohnert, Procureur général près la Cour d'appel de Reims, et Mme Patricia Phené, haute fonctionnaire en charge de l'égalité entre les hommes et les femmes, l'un des objectifs de la loi étant de promouvoir l'égalité hommes-femmes.

Je reviens sur la réforme tarifaire. Pour moderniser une profession réglementée, il y a trois variables possibles.

La première est le périmètre. Le choix du Gouvernement et du Parlement a été de ne pas toucher au périmètre de la profession : le monopole dont dispose les notaires n'a donc pas été modifié.

La deuxième variable est la modernisation des tarifs pour les rapprocher de la réalité des coûts. La réforme tarifaire a épargné les notaires : il leur est demandé un effort général de baisse des prix de 2,5 %. Vous avez évoqué, Monsieur le président, l'explosion des prix de l'immobilier, notamment dans les centres urbains. Ces 2,5 % se partagent entre, d'une part, une baisse en moyenne de 1 à 1,40 % des émoluments perçus lors des transactions immobilières, ce qui est plus que supportable par la profession, et, d'autre part, l'écrêtement à 10 % des émoluments notariaux pour des petites transactions, mesure qui avait été évoquée lors des débats parlementaires.

Aujourd'hui, des parcelles rurales ou forestières ne sont pas regroupées ou échangées parce que le coût de réalisation de l'acte excède la valeur de marché du bien. Pour encourager la mobilité du foncier, cet écrêtement à 10 % des émoluments perçu par les notaires va permettre la rémunération fixe de 90 euros pour la rédaction de l'acte et va impacter la rémunération des notaires pour les actes inférieurs à 11 400 euros. Les notaires ont introduit un recours devant le Conseil d'État pour contester la légalité de cette disposition. Personnellement, je défends cette mesure : elle est équitable, elle est la contrepartie d'une concession très forte faite par le Parlement en imposant la proportionnalité des tarifs au-dessus d'un certain seuil de transaction. Et c'est là, soyons honnêtes, qu'est la rente : c'est pour les transactions les plus élevées que le coût de réalisation de l'acte ne correspond pas à la valeur de la transaction.

Ainsi, le dispositif de péréquation que vous avez mis en place permettra de prélever auprès des offices urbains les plus rentables une part de la rémunération qui viendra compenser la part des transactions moins rentables qui sont souvent le lot d'une partie des offices ruraux. S'agissant des actes inférieurs à 11 400 euros, je doute qu'ils représentent l'essentiel des transactions faites par un office où que ce soit en France. Si certains offices sont exposés plus que d'autres, la loi permet une indemnisation en cas de préjudice anormal invoqué par le professionnel, du fait de la part représentée par ces petites transactions dans l'ensemble des activités économiques de son office.

Le Conseil d'État, en examinant le projet de décret, a exigé que le tarif reflète la réalité des coûts acte par acte et permette de dégager acte par acte une rentabilité minimale compte tenu de l'investissement à la fois humain et en capital réalisé par le notaire. Ce n'était pas notre proposition : nous nous sommes inclinés devant cette exigence juridique qui imposera au notariat un énorme effort pour réaliser une comptabilité analytique et transmettre des données microéconomiques dont nous allons avoir besoin pour vérifier le coût réel de chaque acte, ce qui ne sera pas un travail facile. En effet, pour une transaction immobilière, par exemple, le coût acte par acte peut varier, non pas tant en fonction de l'importance financière de la transaction, mais parce que des difficultés pourront surgir au cas par cas dans tel ou tel dossier : existence d'un mineur sous tutelle, indivision, etc. Ainsi, la balle est dans le camp des études notariales : nous ne pourrons faire ce travail que si nous avons des données claires et fiables.

Je reviens à la carte, qui me paraît être le vrai départ de la dynamique attendue. Quels sont les enjeux de l'installation dans le secteur du notariat ?

Aujourd'hui, la capacité d'accueil de la profession ne permet pas un renouvellement dynamique susceptible de permettre à la fois le renouvellement démographique et la modernisation des modalités de l'exercice de la profession.

De 2005 à 2014, la profession a connu une remarquable stabilité, avec une croissance en moyenne de 1,4 % sur dix ans et un rapport de un à cinq entre sortants et entrants. Le problème est que l'essentiel des notaires diplômés se voit intégré comme notaires salariés, leur nombre ayant quadruplé sur la même période. Ils sont donc notaires assistants, non assermentés, il leur faut parfois dix ans avant de prêter serment, ils sont souvent mal payés, sans perspectives, alors que leur souhait est d'exercer leur métier en toute indépendance, de créer un office et de s'installer. En outre, la constitution d'offices se fait le plus souvent par cession et présentation d'un successeur à titre onéreux. Toujours sur la même période, nous avons observé en moyenne une création pour quinze cessions. La méthode d'accès au notariat consiste donc à être présenté par un notaire comme successeur et de payer ce droit de présentation pour pouvoir lui succéder.

Ainsi, à côté d'un problème récurrent de capacité d'absorption des diplômés notaires, s'ajoutent des perspectives restreintes pour les notaires salariés qui ne peuvent pas accéder à l'exercice libéral. Soyons clairs : cette immobilité a été un peu souhaitée par la profession qui n'a pas tenu sa promesse faite en 2008 de porter le nombre de notaires libéraux à 12 000 en 2015. La profession est actuellement fortement impliquée dans le processus de nomination dans des offices à créer ou vacants : cette autorégulation cherche à protéger l'existant plutôt que de donner leur chance à de nouveaux entrants.

Nous avions mis en exergue ces limites. Dans votre rapport d'octobre 2014 Professions réglementées : pour une nouvelle jeunesse, Monsieur le président, vous aviez dressé le même constat. J'espère que notre avis du 9 juin marquera le départ d'une vraie dynamique de changement.

La loi du 6 août 2015 distingue deux types de zones. Les zones à installation libre, où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services et dans lesquelles les candidats pourront demander au garde des Sceaux de créer une étude dans la limite d'un nombre proposé par l'Autorité de la concurrence et arrêté par les ministres de la justice et de l'économie. Ce sont les fameuses « zones vertes » de notre carte. Dans les autres, les « zones orange », la création d'un office sera possible, sauf refus motivé opposé par le garde des Sceaux après avis de l'Autorité de la concurrence. Le motif qui pourra être invoqué est le fait que la création porterait atteinte à la continuité de l'exploitation des offices existants et pourrait compromettre la qualité du service rendu.

Un décret publié le 26 février a fixé les critères qui doivent présider à l'élaboration de la carte. Ces critères concernent à la fois l'offre de prestations salariales – nombre d'offices existants, chiffre d'affaires, âge des professionnels en exercice – et la demande de prestations notariales : population, localisation des usagers, évolution des marchés immobiliers, nombre de mariages et de décès.

Aussi bien le Conseil constitutionnel que vos propres travaux parlementaires ont insisté sur le pragmatisme et la progressivité qui doivent présider à nos travaux. Par conséquent, nous n'avons pas « décrété » les besoins de la profession pour dix ans : nous allons revoir tous les deux ans nos propositions pour les ajuster à la réalité, en particulier en fonction des candidatures que suscitera cette ouverture. Pour autant, il ne faut pas mettre en péril les offices existants, notamment dans les zones rurales, ce qui nécessite du doigté, du pragmatisme donc, ce que nous efforçons de faire.

Pour constituer la carte, nous avons été guidés par trois objectifs.

Le premier est de renforcer le maillage territorial, autrement dit, de corriger les déséquilibres nés d'un certain immobilisme de la profession. Malgré une densité de notaires a priori satisfaisante dans notre pays, l'offre notariale est insuffisante dans certains endroits parce que les populations se sont déplacées et les activités économiques ont évolué. L'implantation des notaires est assez forte dans le Sud-Ouest, en Normandie ou dans les Alpes, alors qu'elle est assez faible en Ile-de-France, notamment à la périphérie de l'agglomération parisienne, ainsi que dans l'Est et dans le Nord. À titre d'exemple, pour 100 000 habitants, il y a 21 notaires dans l'Aveyron, contre 5 en Seine-Saint-Denis, département dynamique où le besoin de prestations notariales est aussi important que dans les autres départements.

Le deuxième objectif est d'offrir des perspectives aux jeunes diplômés salariés qui n'attendent qu'une chose : s'installer à leur compte et créer un office. Au surplus, l'installation de jeunes professionnels renvoie à un enjeu de modernisation de la profession. Nous avons reçu quantité de mails, de lettres, d'appels téléphoniques de jeunes notaires salariés nous expliquant qu'ils sont prêts à s'installer dans une zone difficile où la rentabilité ne sera pas garantie dès la première année, mais qu'ils vont mutualiser leurs coûts fixes, mettre en place des outils numériques, faire des remises tarifaires jusqu'à 10 % comme le permet la loi. En termes de qualité, d'innovation et de prix, les Français auront tout à gagner à ces créations d'offices différentes de celles des « anciens » notaires.

Le troisième objectif est d'ouvrir la profession sans pour autant menacer la viabilité des offices existants, notamment dans les régions rurales. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes fondés, pour déterminer le potentiel d'activité notariale, sur les estimations du notariat lui-même selon lesquelles un office est difficilement rentable en dessous de 300 000 euros de chiffre d'affaires, mais doit supposer l'association au-dessus de 600 000 euros. Nous avons donc retenu une valeur moyenne de 450 000 euros.

Nous n'avons pas voulu créer notre propre carte : nous avons voulu retenir une granularité qui s'inspire de l'atlas des zones d'emploi de l'INSEE qui photographie les déplacements professionnels des Français. Les Français vont voir leur notaire, non pas toutes les semaines ou tous les mois, mais cinq à dix fois dans leur vie : ils sont prêts à faire 20, 50 voire 100 kilomètres pour le rencontrer. Sur la base de ces zones d'emploi, nous avons défini 307 zones, en tenant compte à la fois du fait que la « loi Macron » n'est pas applicable en Alsace-Moselle et en regroupant certaines circonscriptions dans les départements d'outre-mer pour assurer une présence notariale dans certaines zones. Sur ces 307 zones, nous en avons identifié 247 qui peuvent être classées dans les zones d'installation libre, où nous avons défini un besoin de création de 1 650 professionnels libéraux à un horizon de deux ans, soit une augmentation en moyenne de 20 % – augmentation répartie zone par zone comme le prévoit la loi. Ainsi, notre avis comporte autant d'annexes que de zones envisagées puisque nous avons réuni pour chacunes d'elles toutes une série de données pertinentes pour mesurer l'offre et la demande : la population et son évolution, l'activité économique, le nombre de décès, le nombre de mariages, l'importance moyenne du patrimoine, le nombre de transactions immobilières, l'âge des professionnels, le nombre d'offices, etc. Cette vision très fine de la démographie notariale et des besoins pour les deux ans à venir est très proche de l'ensemble des critères que nous avons combinés. Et nous nous sommes aperçus que ces critères sont fortement corrélés à l'évolution de la population : il existe en général un lien entre population, activité économique et besoin de prestations notariales.

Notre proposition n'est pas un pari fou sur l'avenir, mais une estimation raisonnable qui est même en deçà des promesses faites par la profession elle-même en 2008. Nous sommes prêts à revoir la situation zone par zone dans deux ans et s'il, le faut, nous raffinerons notre analyse en fonction des éléments que nous aurons pu collecter. Ce faisant, nous pourrons guider progressivement une ouverture maîtrisée de la profession qui colle aux besoins des Français et donne enfin des perspectives aux jeunes diplômés.

Au-delà de la carte, nous avons formulé des recommandations pour accompagner cette ouverture, comme l'a prévu le législateur. Ces recommandations portent sur l'impartialité et l'objectivité du processus, la nécessité d'éviter la création par la profession de nouvelles barrières à l'entrée et, à cet égard, nous serons sensibles à l'accès des jeunes diplômés aux mécanismes de financement et de caution qui sont souvent dans les mains des professions. L'Autorité est prête à utiliser ses moyens d'enquête pour disséquer toute entrave artificielle qui serait mise à la liberté d'installation voulue par le législateur.

Nous avons aussi fait des recommandations visant à assurer l'égalité hommes-femmes et à donner toutes leurs chances aux jeunes.

Nous avons également recommandé de traiter l'exception de l'Alsace-Moselle, où paradoxalement l'offre notariale est la plus concentrée et les revenus par tête sont les plus importants. Ne faut-il pas traiter cette région qui a échappé à la régulation mise en place par la loi ?

Je reviens sur un point que vous avez abordé, Monsieur le président : le hiatus qui pourrait exister entre le nombre de professionnels libéraux et le nombre d'offices qui fait l'objet de la régulation administrative mise en place par le garde des Sceaux. De notre point de vue, il n'y a pas de difficulté juridique, et la loi que vous avez adoptée est claire en distinguant deux exercices successifs.

D'abord, il existe une régulation quantitative qui fait l'objet d'un arrêté interministériel pris sur la base de la proposition de l'Autorité de la concurrence et qui va orienter l'offre de prestations notariales. Or cette régulation quantitative ne peut être exprimée qu'en nombre de professionnels libéraux, car nous ne pouvons pas préjuger le choix individuel des candidats : dans certaines zones, ils choisiront d'exploiter un office à titre individuel et, dans d'autres, de s'associer avec d'autres candidats notaires pour gérer l'office qu'ils veulent créer. D'autre part, quand nous parlons de garantir un chiffre d'affaires minimal par tête, c'est bien encore une fois avec à l'esprit le nombre de professionnels libéraux ; le chiffre d'affaires par office ne veut rien dire. D'ailleurs, que ce soit pour les notaires ou les avocats aux conseils, l'intention du législateur a été de mettre en place une régulation quantitative exprimée en nombre de professionnels, et le terme est même employé dans la loi : nous devons faire des recommandations qui assurent une augmentation progressive du « nombre de professionnels ».

Ensuite, il existe une régulation administrative dans les mains du garde des Sceaux qui va titulariser ces professionnels dans des offices. Il va titulariser soit des professionnels exerçant à titre individuel, soit des sociétés résultant de l'association de notaires. Je prends l'exemple d'une zone où le besoin est de sept professionnels libéraux supplémentaires : s'il existe sept candidatures individuelles, le quota sera épuisé lorsque sept créations d'office seront autorisées ; si deux notaires souhaitent créer un office à titre individuel et cinq notaires s'associer pour créer un office, là encore le quota sera épuisé lorsque ces sept professionnels libéraux supplémentaires auront créé un office, soit seuls, soit en commun.

Nous avons expliqué la combinaison de ces deux exercices successifs dans une notice explicative que nous avons adoptée dans la même formation collégiale du 1er juillet. Cette délibération, que je vous remets, Monsieur le président, a été adressée au ministre de l'économie, au garde des Sceaux et au Premier ministre pour démentir l'existence d'une difficulté juridique, ou d'un hiatus. Il nous semble que la loi est claire à ce sujet. Ainsi, tous les éléments sont réunis pour permettre au garde des Sceaux et au ministre de l'économie de publier rapidement l'arrêté sur la base de notre proposition.

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Est-il raisonnable d'espérer que les arrêtés soient pris d'ici au 14 juillet ?

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Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence

C'est l'assurance que m'ont donnée les deux ministres. Aucune demande de délibération nouvelle n'a été formulée auprès de l'Autorité à ce jour.

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Page 106 de votre avis, vous écrivez que « les évolutions législatives récentes n'ont pas modifié les règles de nomination des notaires des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle » ; ce faisant, vous reconnaissez la volonté du législateur. Par contre, vous ajoutez au paragraphe 447 que « l'Autorité s'étonne du maintien d'un tel dispositif » ; or là, permettez-moi de dire que vous outrepassez votre rôle : vous n'êtes pas législateur.

Au paragraphe 443, vous évoquez « un entre-soi susceptible de verrouiller l'accès à la profession. » Je trouve inquiétant que vous vous contentiez de formuler une telle hypothèse : cette profession est bien plus ouverte que vous ne l'écrivez.

Enfin, au paragraphe 442, vous écrivez que « l'absence de droit de présentation apparaît plus méritocratique ». C'est méconnaître la spécificité de ces trois départements. Vouloir isoler cette question de celle du droit local relève d'une erreur d'appréciation.

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L'écrêtement des émoluments à 10 % vise à augmenter le nombre des petites ventes face au frein de frais de notaires trop élevés. À mon avis, une étude très précise devrait être menée sur l'évolution en volume de ces petits actes et sur l'évolution du chiffre d'affaires des études notariales ; Monsieur Macron est lui-même demandeur d'une telle étude. Je n'ose penser que cette mesure n'entraîne un regroupement des petits actes dans des études rurales et que les plus grosses se consacrent aux affaires plus importantes puisqu'il y a une obligation d'instrumenter pour tous les notaires. Comme me l'ont dit des notaires d'études rurales de ma circonscription, les petits actes n'ont pas tellement augmenté et en la matière le travail est aussi fastidieux que pour un acte important et le paiement très peu rémunérateur.

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Merci, Monsieur Lasserre, pour ce travail très important.

Vous évoquez l'effet de la baisse de la rémunération sur le volume des petits actes. Il est vrai que ces transactions ne se font pas. Si le frein du montant de la rémunération du notaire est levé, celui des droits de préférence sur la moindre parcelle forestière ne l'est pas. Faute de lever ce deuxième frein, il y aura des contournements – via des donations, etc. –, voire la tentation pour les opérateurs fonciers comme les collectivités locales de proposer au notaire un marché consistant à faire une seule transaction ou des transactions au prix tarifé, mais d'être rémunéré autrement pour la prestation intellectuelle relative à la purge du droit de préférence.

Certes, le maillage INSEE est globalement rationnel, mais il correspond par endroits à des nécessités d'organisation qui ne sont pas forcément d'une grande rigueur. Sur votre carte des zones d'installation, je vois sur mon territoire une « zone orange » autour d'Avallon, parfaitement justifiée, et une « zone verte » sur tout l'Auxerrois, mais qui inclut la région de Tonnerre où il n'y a qu'un seul notaire et qui était dans la même zone INSEE qu'Avallon il y a quelques années. Ce maillage ne risque-t-il pas d'induire une disparité entre la ville d'Auxerre dont le potentiel est ainsi diffusé sur une zone très vaste ? Autrement dit, la zone rurale ne risque-t-elle pas d'être fondue dans quelque chose qui ne la concerne pas vraiment ?

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Monsieur Lasserre, je vous remercie de ce travail remarquable : vous avez su donner la mesure de ce qu'on est capable de faire dans la haute administration.

Vous l'avez dit, le dispositif sera adapté tous les deux ans grâce à des rectifications. Cette démarche pragmatique et intelligente doit nous rassurer au regard des objectifs de la loi, en particulier vis-à-vis des jeunes qui souhaitent s'installer. Cela est très important.

Les petits actes doivent pouvoir être réalisés à un coût qui permet aux transactions de se faire. Je ne suis pas sûre que l'écrêtement suffise, dans la mesure où les émoluments du notaire ne sont qu'une partie du prix : il faudrait travailler sur le coût total de la transaction.

Beaucoup de notaires ruraux m'ont dit que les tarifs tels qu'ils ont été adoptés favorisent les grosses études et pénalisent les petites, ces dernières réalisant davantage de petits actes. Avez-vous des indications à nous apporter en la matière ?

Vous avez évoqué les émoluments proportionnels qui, à partir d'un certain niveau, devraient venir alimenter le fonds de péréquation. D'après les informations que j'ai obtenues du garde des Sceaux et d'Emmanuel Macron, on s'orienterait plutôt vers une taxe assise sur le chiffre d'affaires, et non plus vers des émoluments proportionnels à partir d'un certain niveau de transaction, comme l'a voulu le législateur. Que pensez-vous d'une taxe assortie de taux de taxation appliqués à une liste d'actes à émoluments proportionnels pour alimenter le fonds de péréquation ?

Certaines études ne font jamais les actes qu'elles jugent non rentables. Comment vérifier que l'obligation d'instrumenter est bien respectée ?

La loi a mis fin à l'habilitation de nouveaux clercs dès sa promulgation, considérant ce dispositif non viable et a prévu que les habilitations existantes à cette date continueraient à s'appliquer jusqu'au 1er août 2016. En revanche, le Gouvernement a proposé que les clercs habilités puissent continuer à exister jusqu'au 31 décembre 2020. Quels effets pensez-vous qu'une telle mesure puisse avoir sur l'installation des jeunes notaires ?

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Selon votre carte, 80 % des zones d'installation sont libres et les 20 % restants sont des zones pourvues. Je trouve cette carte étonnante, en tout cas pour ce qui est de mon département de l'Orne.

Vous indiquez, à juste titre, que le choix du mode d'exercice appartient au professionnel. Il faut savoir que ces professionnels, qui gèrent des fonds pour autrui, exercent de plus en plus sous un mode sociétal car cela permet un autocontrôle au niveau de la profession qui promeut ainsi fortement ce mode d'exercice. Je m'étonne que votre avis n'aborde pas ce point, car l'exercice individuel d'une profession qui continue à évoluer ne me semble pas être la logique à suivre pour l'avenir. Qu'en pensez-vous ?

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Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence

Monsieur Hetzel,nous n'avons pas outrepassé notre rôle en nous substituant au législateur. La loi du 6 août 2015 exclut les départements d'Alsace-Moselle : notre carte exclut ces trois départements et nous n'avons fait aucune proposition chiffrée les concernant. En revanche, l'article 52 invite l'Autorité à faire des recommandations pour accompagner la proposition de carte : c'est au titre de ces recommandations, qui ne lient ni le législateur ni le Gouvernement, que nous avons proposé de ne pas oublier les départements d'Alsace-Moselle. En effet, entre 2010 et 2014, le chiffre d'affaires moyen par notaire libéral est de 901 112 euros dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, contre une moyenne nationale de 760 844 euros, alors que la moyenne du chiffre d'affaires par office est plus faible dans ces départements que la moyenne nationale. Le résultat par notaire libéral est également plus élevé dans ces départements que dans le reste de la France. La densité notariale est de 9 seulement dans ces départements, contre 15 sur le reste du territoire. Voilà pourquoi nous invitons le législateur à tirer les conséquences de cette situation ; en aucune manière nous n'entendons traiter cette question.

D'autre part, le système applicable, vous avez raison, est plus méritocratique qu'ailleurs ; ce n'est pas une apparence, mais une réalité. Le problème est que nous avons constaté qu'il avait conduit à un certain malthusianisme, comme le montrent les chiffres que je viens de vous citer. Sans doute n'a-t-on pas créé assez d'offices dans ces départements par rapport aux besoins, sachant que la demande de prestations notariales y est en moyenne équivalente à celle des autres départements français. C'est simplement cela que nous avons voulu dire : peut-être faut-il se pencher plus spécifiquement sur ces départements, où nous attendons la même dynamique que dans les autres territoires couverts par notre carte.

Monsieur Lurton, je suis mille fois d'accord avec vous : il faudrait mesurer l'impact étude par étude de l'écrêtement à 10 % des émoluments notariaux pour les petits actes. Dans notre évaluation du nombre de notaires supplémentaires zone par zone, nous avons tenu compte de l'impact de cette réforme tarifaire au regard du chiffre d'affaires garanti à chaque professionnel. En revanche, nous n'avons pas pu intégrer ces chiffres étude par étude, chiffres que le Conseil supérieur du notariat (CSN) a refusé de nous communiquer, en arguant qu'il les produira dans le cadre du recours contentieux devant le Conseil d'État. Nous ne pourrons donc faire cette évaluation ex post qu'avec la pleine collaboration des instances professionnelles.

Monsieur Caullet, vous avez complètement raison : le plafonnement des émoluments ne suffira pas à lever les obstacles à la mobilité du foncier, qu'il s'agisse de parcelles rurales ou de parcelles forestières. Vous avez évoqué les droits de préférence à purger, qui ont un coût. Je citerai aussi les droits d'enregistrement : si les petites transactions doivent être encouragées pour regrouper et gérer plus efficacement des parcelles rurales ou forestières, pourquoi le législateur n'adapterait-il pas le montant de ces droits d'enregistrement pour lever le frein à la mobilité du foncier ?

Madame Louwagie, Monsieur Caullet, vous trouvez que notre carte ne reflète pas ce que vous vivez dans votre circonscription, ce que je comprends parfaitement. Je connais bien l'Yonne, mais moins bien l'Orne (Sourires). Nous avons voulu nous raccrocher à une cartographie existante, car il aurait été impossible de construire une cartographie spécifique pour l'offre et la demande de prestations notariales. Les notaires eux-mêmes ignorent parfois l'origine géographique de leur clientèle : un office notarial n'a pas de compétence géographique, il peut traiter des actes venant de toutes les régions, et le vendeur est souvent une famille dont les membres sont éparpillés sur tout le territoire.

Madame Untermaier, vous l'avez redit : notre exercice est un point de départ, nous n'entendons pas avoir atteint la perfection aujourd'hui. Nous allons voir si les candidatures sont au rendez-vous, si des jeunes diplômés s'installent, s'ils réussissent leur projet – nous ne forçons personne à aller dans les zones où les besoins ne sont pas satisfaits. Sur la base de ce formidable retour d'expérience, nous nous pencherons tous les deux ans sur cette carte pour l'adapter à la hausse ou à la baisse. Faites-nous confiance : loin de faire une cartographie à la soviétique, nous allons continuer à nous inscrire dans une approche pragmatique et progressive, comme vous l'avez souhaitée.

Madame Louwagie, vous avez raison d'évoquer l'exercice en commun. Certains notaires spécialisés dans les baux ruraux et d'autres sur tel ou tel aspect ont intérêt à mettre en commun leur savoir-faire. Sur le plan économique, il peut aussi être intéressant de mutualiser les coûts fixes relatifs aux locaux, au personnel, aux outils informatiques. En revanche, dans certaines zones, nous ne recommandons que la création d'un ou deux professionnels supplémentaires, et il est difficile de préjuger que l'installation se fera sous la forme d'une société : ce sont plutôt des candidats individuels qui vont créer une étude dans ces zones.

Nous avons entendu le Conseil supérieur du notariat, la Chambre des notaires de Paris, la Chambre des notaires de Champagne-Ardenne, mais nous avons aussi entendu des jeunes notaires diplômés salariés qui souhaitent s'installer. Ces jeunes ont une vision nouvelle de leur métier : ils veulent innover, mettre en commun les outils numériques, partager un secrétariat à distance. Autre exemple : un notaire qui proposerait un outil de suivi en temps réel de la progression d'un dossier de vente apporterait un plus à ses clients : les gens qui doivent vendre un bien avant d'en acheter un autre ressentent un stress car ils ont besoin de savoir où en est la vente de leur bien avant d'acheter un appartement ou une maison. Ainsi, les manières d'innover, de se différencier, permettront de renouveler l'offre notariale, sans forcément créer une société.

Madame Untermaier, l'obligation d'instrumenter renvoie à un problème de discipline. Au travers de nos recommandations, nous disons clairement que cette discipline ne pouvait en 2016 passer seulement par l'autorégulation. Beaucoup de professionnels comme les médecins ont un mécanisme de commission de discipline qui repose en grande partie sur le jugement par les pairs, mais la présidence des commissions est assurée par des magistrats, ce qui n'est pas le cas pour les notaires. Nous nous sommes demandé si une régulation plus distante de la profession ne serait pas plus efficace : l'expertise des professionnels est nécessaire pour juger le comportement de ses pairs, mais une certaine objectivité n'est pas de trop pour exercer cette surveillance.

Sur la péréquation, je vous suis dans votre raisonnement. La loi a fait une concession majeure, contre-intuitive sur le plan économique, qui consiste à imposer la proportionnalité pour les transactions les plus importantes au-dessus d'un seuil quantitatif. Personnellement, cela me paraît être le bon moyen d'alimenter la péréquation entre offices, du fait de la moindre rentabilité dégagée par les offices ruraux qui, eux, ne bénéficient pas à plein de la proportionnalité parce que les transactions moyennes y sont plus faibles que dans les centres urbains.

Sur les clercs habilités et sur la situation de l'Yonne et de l'Orne, je laisse M. Piquereau répondre.

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Thomas Piquereau, rapporteur général adjoint en charge de l'unité « Professions réglementées »

Sur les clercs habilités, un amendement est en débat pour repousser la limite de la fin de l'habilitation de plusieurs années. Nous avons constaté un certain nombre de nominations de notaires salariés résultant de la première cible fixée par le législateur qui incitait les notaires en place à demander la titularisation en tant qu'associés de leurs clercs habilités. La représentation nationale semble vouloir modifier cette date, ce qui permettra une transition plus souple pour ces professionnels qui n'ont pas eu le temps au cours de l'année écoulée d'acquérir les qualifications pour pouvoir être nommés notaires salariés.

En ce qui concerne la situation de chacune des zones dans l'Yonne ou dans l'Orne, il faut s'en remettre à l'annexe 4 de l'avis de l'Autorité de la concurrence qui comporte 307 examens des zones d'installation. Je dois avouer que je ne connais pas par coeur la situation de chacune des 307 zones, mais nous pourrons vous transmettre individuellement cette information sur les zones situées dans vos circonscriptions respectives : vous verrez que les nombreux critères prévus par le décret ont été repris dans cette annexe en présentant à la fois le chiffre brut et le classement par rapport aux 306 autres zones du territoire.

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Virginie Beaumeunier, rapporteure générale

L'INSEE revoit régulièrement les zones d'emploi de son atlas, en cas de changements dans les trajets travail-domicile. Nous les prendrons naturellement en compte à chaque révision ultérieure de la carte.

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Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence

D'où l'avantage de notre cartographie qui évoluera tous les deux ans en photographiant une réalité que l'INSEE est elle-même chargée d'ajuster année après année.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je reviens sur les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation. J'aimerais connaître votre sentiment sur la différence entre l'approche du décret et celle du législateur qui avait retenu la même que pour les notaires.

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Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence

Nous n'avons pas été consultés sur le décret que vous avez cité ; nous n'avons donc pu émettre un avis.

L'augmentation régulière du nombre des avocats aux conseils en petit nombre, et non pas en bataillon, doit-elle amener à changer les critères ? Soyons clairs : l'installation de nouveaux professionnels se fait plus par l'association à des offices existants que par la création ex nihilo d'offices nouveaux. Pour s'associer à de nouveaux professionnels, il faut une rencontre avec ceux qui sont en place : il faut une adhésion à un projet, à une culture.

Quant à la commission prévue dans le décret, je suis d'autant plus gêné pour répondre que j'ai présidé pendant un an la commission chargée d'examiner les candidatures. À l'époque, j'étais au Conseil d'État : je peux vous dire en toute connaissance de cause qu'elle est présidée par un magistrat alternativement du Conseil d'État et de la Cour de cassation, et je n'ai pas le sentiment qu'elle fasse reposer ses choix sur des critères subjectifs.

Nous allons publier, et je vous l'enverrai dès que notre avis sera rendu, un diagnostic le plus précis possible sur l'évolution du nombre des avocats aux conseils. Pour ce faire, nous allons regarder si, comme pour les notaires, nous constatons un immobilisme ou au contraire une évolution. Faites-nous confiance : nous remplirons avec le même soin la mission que vous nous avez confiée. Et je suis prêt à revenir devant vous en octobre ou novembre pour vous rendre compte de ces nouvelles étapes pour les avocats aux conseils, pour les huissiers de justice et pour les commissaires-priseurs judiciaires.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre confiance vous est acquise. C'est avec plaisir que nous vous inviterons à nouveau en fin d'année.

Merci à vous et à votre équipe pour ce travail.

Membres présents ou excusés

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Mission d'information commune sur l'application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Réunion du mardi 5 juillet 2016 à 17 heures 30

Présents. - M. Jean-Yves Caullet, M. Richard Ferrand, M. Patrick Hetzel, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier

Excusés. - M. Laurent Grandguillaume, Mme Bernadette Laclais, M. Gilles Savary, M. Stéphane Travert