La commission des Affaires européennes a déjà eu à se prononcer sur ce projet de règlement et, à son initiative, une résolution opposant la subsidiarité à ce projet a été adoptée par l'Assemblée nationale. J'étais d'ailleurs à l'époque intervenue pour que le pilotage soit exclu de ce projet de libéralisation. Je remercie la commission des Affaires européennes d'avoir accepté de bouleverser son ordre du jour et je salue la députée du Havre, Catherine Troallic à laquelle, comme moi, les sociétés de remorquage ont fait part de leurs inquiétudes.
Il n'est en effet jamais très agréable pour un élu, partisan de la construction européenne, de combattre vigoureusement une initiative de la Commission européenne qui enlève de fait une compétence aux États, sans générer de plus-value en invoquant les exigences de la concurrence et la nécessité d'investir. Or les questions de concurrence sont très largement traitées par la directive sur les concessions promulguée en 2014. Le texte proposé apparaît dans ces conditions d'autant plus inutile, qu'il ne génèrera pas d'investissements supplémentaires.
C'est pourquoi sept parlements nationaux ont adopté un avis motivé de subsidiarité : France (Assemblée nationale) ; Italie (Sénat) ; Lettonie (Parlement letton – Saeima) ; Malte (Chambre des Représentants) ; Pologne (Diète) ; Espagne (Congrès des Députés et considéré avec l'Assemblée Nationale (avis de subsidiarité du 14 juillet 2013) « que la Commission européenne ne justifie pas que la définition d'un statut européen unique des ports permette de mieux atteindre les objectifs de développement du marché intérieur, faute de prouver la réalité d'un effet de taille et de déterminer clairement et précisément les effets attendus ; estime ainsi que le texte proposé est contraire au principe de subsidiarité. »
Deux tentatives de libéralisation (en 2001 et 2004) se sont déjà soldées par des échecs, principalement à cause du volet social et des manifestations de dockers qui s'en sont suivies. En conséquence, la nouvelle proposition ne soumet pas à l'ouverture du marché la manutention des marchandises et les services passagers. De plus deux exclusions ont été actées en cours de discussion : les services de pilotage (sur lesquels nous avions particulièrement attiré l'attention de la Commission européenne dans notre avis de subsidiarité) qui sont intimement liés à la sécurité, et les activités de dragage qui correspondent à une fonction d'entretien du port et non à un service rendu aux usagers.
Les services couverts par le règlement seraient donc les suivants, d'après la proposition faite par la Commission : le remorquage, l'amarrage (les opérations pour relier le navire au quai), le ravitaillement (en combustible) et la collecte des déchets, la manutention des marchandises et les services aux passagers étant exclues.
Nous voyons bien avec cette liste que la mise en place de structures particulières avec une autorité indépendante (qui semble avoir été abandonnée au stade actuel des discussions) et la bureaucratie qui l'accompagne semble disproportionnée et coûteuse eu égard à la modestie des objectifs poursuivis.
Nous pouvons relever également une incohérence car le remorquage appartient également aux opérations liées à la sécurité, ce que nous disent les salariés, et devrait de ce fait être exclu du projet de règlement au même titre que le pilotage.
Les défis que doit relever le secteur portuaire ont été identifiés par la Commission européenne dans sa communication de 2007. Ils concernent les éléments qui menacent les performances portuaires (tels qu'un agencement déficient des terminaux, des accès maritimes ou terrestres inefficaces, ou encore des formalités administratives lentes et onéreuses),les liaisons avec l'arrière-pays, la nécessité de moderniser les ports tout en respectant l'environnement, le manque de transparence dans l'utilisation des fonds publics, les restrictions de l'accès au marché et les questions relatives à l'organisation du travail dans les ports. Sur l'ensemble de ces questions, le projet de règlement aura peu d'impact dans la mesure où il ne génèrera pas d'investissements ni ne réglera les questions sociales.
Par ailleurs, les ports sont – en tant que prestataires de services – des infrastructures de grande importance pour l'ensemble de l'économie. Ils peuvent constituer une porte d'entrée pour des trafics illicites liés aux stupéfiants, aux armes, aux produits de contrefaçon. Nous ne sommes pas convaincus que la libéralisation aidera à régler ces problèmes. Au contraire, il semble que la compétitivité des ports de l'Europe du Nord s'explique, au moins en partie, par un certain laxisme dont ils font preuve en la matière. Il est ainsi regrettable que la Commission européenne ne propose pas une directive permettant de sanctionner les ports qui ne remplissent pas leurs obligations de sécurité dans ce domaine. Je rajouterai, en conclusion, que ce projet considère le remorquage comme un service commercial assujetti à la sacro-sainte règle de la concurrence libre et non faussée. Or l'article 260 du code des douanes impose le recours au pavillon français, disposition qui pourrait être remise en cause par ce texte, au nom de la lutte contre les discriminations. Cela pourrait mettre en cause près de 2 000 emplois de marins. Pour connaître cette activité j'ai pu mesurer les exigences de la sécurité liées à une forme de service public.
Sachez que le Conseil économique et social européen ainsi que la commission des Affaires européennes du Sénat et que la Fédération de remorquage doivent rencontrer le ministre Vidalies lundi prochain, pour évoquer cette situation. Aussi la proposition insiste-t-elle sur la nécessité d'exclure le remorquage de ce projet.