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Intervention de Eduardo Rihan Cypel

Réunion du 14 juin 2016 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEduardo Rihan Cypel, rapporteur pour avis :

Le projet de loi dont j'ai honneur d'être le rapporteur pour avis, adopté par le Sénat en première lecture, tend à autoriser la ratification d'un traité de coopération en matière de défense avec le Mali, conclu à Bamako le 16 juillet 2014.

L'importance de ce texte tient peut-être moins au contenu précis des stipulations de l'accord ‒ qui reprennent les « classiques du genre », j'y reviendrai ‒, qu'au contexte très particulier de notre relation de défense avec le Mali.

Ce traité vient en effet rénover la coopération militaire franco-malienne au lendemain de l'opération Serval, et alors que nos troupes opèrent encore au Mali et, depuis le Mali, dans l'ensemble de la bande sahélo-saharienne, c'est-à-dire au Tchad, au Burkina Faso, au Niger et en Mauritanie.

Le Mali est en effet un partenaire de premier plan pour la France en matière de défense. Nous y consacrons entre quatre millions et demi et cinq millions d'euros par an, pour des actions de coopération variées :

‒ des coopérants militaires français sont insérés dans les chaînes de commandement des armées et de la garde nationale malienne ;

‒ des militaires maliens sont admis dans les écoles militaires françaises ;

‒ surtout, la France soutient deux « écoles nationales à vocation régionale » (ou assimilées) au Mali, l'une spécialisée dans le maintien de la paix, l'autre dans l'administration militaire. Ces structures sont particulièrement prometteuses : nos collègues Gwendal Rouillard et Yves Fromion l'avaient bien montré dans leur rapport sur nos forces en Afrique. Le fait que le Mali possède deux des dix-sept écoles du réseau atteste sa place centrale dans la coopération militaire entre la France et ses partenaires africains.

Mais la marque la plus claire de notre partenariat de défense avec le Mali a été, bien entendu, l'opération Serval en 2013. En réalité, Serval témoigne de davantage encore qu'un partenariat de défense : c'est une réelle solidarité franco-malienne. En effet, la coopération militaire était réglée par un accord technique de 1985, dont les stipulations ne rendaient pas automatique le lancement d'une opération telle que Serval. En 2013, la France est donc allée bien au-delà de ce à quoi elle était tenue par cet accord de défense, et mon sentiment est que les autorités maliennes, comme la communauté malienne installée dans notre pays, en sont sincèrement reconnaissantes à la France.

C'est dans ce contexte qu'est intervenue la signature du traité de coopération dont la ratification est à l'ordre du jour. Je dis bien : « traité », et non : « accord », comme pour la plupart des instruments juridiques conclus avec nos partenaires africains en matière de défense, car c'est sous cette appellation que se présente le texte. Certainement faut-il y voir une forme de distinction, de marque de la spécificité de notre relation avec le Mali.

Pour le reste, les stipulations du traité sont tout à fait classiques au regard des autres accords de défense conclus avec nos partenaires africains depuis 2008. L'année 2008 marque en effet le début d'un mouvement de renégociation de nos accords de défense avec ceux-ci, mouvement qui tend à prendre en compte les importantes évolutions intervenues depuis la conclusion de nos premiers accords de défense avec nos anciennes colonies d'Afrique. Les accords de défense de la « génération des indépendances » étaient en effet généralement limités à des dispositions réglant la coopération dite structurelle, c'est-à-dire principalement l'envoi de coopérants français en Afrique et l'accueil de militaires africains dans les écoles françaises ; parfois, une clause de garantie des frontières, voire des régimes en place, était également prévue.

Désormais, ces clauses ont disparu, et les formes de la coopération se diversifient. La coopération structurelle n'est pas remise en cause, même si les effectifs militaires français qui y sont consacrés ont été nettement réduits en quelques décennies, pour concentrer nos coopérants dans des fonctions d'état-major. En parallèle, avec la réduction du format de nos forces en Afrique, leur mission a évolué pour faire une plus grande place à la coopération dite opérationnelle. Cette forme de coopération se traduit par des exercices conjoints, et par des détachements d'instruction opérationnelle ou technique français placés ponctuellement au sein des forces africaines. Les nouveaux accords de coopération en matière de défense tiennent compte de cette évolution.

Ils ont aussi pour objet d'organiser le soutien de la France à une autre évolution majeure des affaires militaires en Afrique : l'appropriation de la défense des Africains par les Africains eux-mêmes. L'objectif est, schématiquement, que la France n'ait plus à conduire seule une opération comme Serval, et que les États africains puissent, avec notre appui, placer leurs forces en première ligne pour assurer leur sécurité. Pour cela, les États africains ont choisi de s'organiser dans un cadre collectif : celui de l'architecture africaine de paix et de sécurité élaborée par l'Union africaine. Bien sûr, on est encore loin d'une « OTAN d'Afrique » ; mais les réalisations sont là : au Mali, avant le lancement d'une opération de maintien de la paix, c'est l'Union africaine qui est venue appuyer la France, dans le cadre d'une coalition « sous-régionale » menée par la communauté économique des États d'Afrique de l'ouest, la CEDEAO. C'est ainsi qu'a été mise sur pied la MISMA, force africaine au Mali.

Ce sont là des évolutions de long terme, et c'est précisément pour donner un nouveau souffle à la coopération militaire franco-malienne qu'a été conclu ce traité. Il concerne ainsi la coopération militaire, dans toutes ses composantes, mais ne traite que de la coopération militaire. En effet, tous les arrangements relatifs à l'opération Barkhane, c'est-à-dire à nos interventions plutôt qu'à notre coopération, demeurent réglés par un instrument juridique séparé. On peut y voir la marque d'une volonté d'inscrire notre coopération dans un horizon temporel différent de celui des interventions directes de la France.

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