Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du 14 juin 2016 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • OTAN
  • croatie
  • lituanie
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  • militaire
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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures.

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Michel Villaumé, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité (n° 3501).

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Le 28 août prochain, nous fêterons les 25 ans du rétablissement des relations diplomatiques entre la France et la Lituanie. Ces relations avaient été interrompues pendant la période de la Guerre Froide et rétablies en 1991, au lendemain de l'indépendance de la Lituanie en 1990. Cet événement sera l'occasion de célébrer la construction d'une amitié forte entre nos deux pays, amitié basée tout à la fois sur une confiance mutuelle et sur un dialogue honnête et régulier.

Le 14 mai 1992, le président de la République François Mitterrand avait été le premier chef d'État à se rendre dans la Lituanie nouvelle indépendante : « J'accorde beaucoup d'intérêt – avait-il dit devant le Parlement lituanien, le Seimas – à la nouvelle relation entre la Lituanie et la France. Je crois qu'il serait très important, dans l'intérêt de mon pays, de disposer d'amitiés solides et de relations fortes avec l'ensemble balte ».

L'Histoire montre qu'il a été exaucé car, depuis 1991, les gouvernements successifs de nos deux pays ont veillé à maintenir un dialogue régulier et de qualité.

C'est toujours le cas aujourd'hui. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères, M. Jean-Marc Ayrault, a rencontré son homologue il y a deux mois afin de préparer le prochain Sommet de l'OTAN qui se tiendra à Varsovie, tandis que M. Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, s'est rendu à Vilnius les 22 et 23 février 2016.

Je rencontre moi-même régulièrement l'Ambassadeur de Lituanie en France, M. Dalius Cekuolis, avec qui j'entretiens des liens de confiance.

En tant que partenaire historique de la Lituanie, la France n'a jamais reconnu son annexion par l'Union soviétique au début des années 1940. La relation bilatérale franco-lituanienne s'est donc forgée dès la renaissance de la République de Lituanie, et s'est confortée au fur et à mesure de l'approfondissement de l'ancrage du pays dans le bloc occidental, par l'adhésion de la Lituanie à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord le 29 mars 2004, puis à l'Union européenne, le 1er mai qui suivit. Depuis le 1er janvier 2015, la Lituanie a également intégré la zone euro.

Le projet de loi aujourd'hui soumis à l'examen de notre Assemblée vise à conforter cette relation bilatérale entre la France et la Lituanie, en autorisant l'approbation d'un accord de coopération en matière de défense et de sécurité, signé le 12 juillet 2013 à Paris.

Cet accord n'a rien d'inhabituel. Il s'agit d'un accord très classique de coopération en matière de défense, comme la France en a déjà signé avec la Slovaquie en 2009, avec la Serbie en 2011 et, pour ce qui est de la zone balte, avec l'Estonie. Mais son approbation s'inscrit dans un contexte stratégique tendu, à l'approche d'un Sommet de l'OTAN, en juillet, qui sera largement consacré à la question russe. J'y reviendrai.

Le Parlement lituanien s'est prononcé il y a déjà deux ans, le 14 novembre 2013, en faveur de l'approbation de cet accord.

Il devenait donc urgent que le Parlement français examine à son tour le projet de loi autorisant son approbation, conformément à l'article 53 de notre Constitution qui requière son autorisation préalable. Ce fut chose faite au Sénat le 11 février 2016 et il appartient donc à notre assemblée de se prononcer désormais.

La commission des Affaires étrangères, en charge de l'examen au fond, se réunira demain. Quant à la commission de la Défense nationale et des forces armées, elle s'est saisie pour avis compte tenu des aspects militaires du texte et c'est donc ce qui nous réunit aujourd'hui.

Que dire sur cet accord de défense ?

Tout d'abord, qu'il a pour objet de renouveler le cadre juridique de la coopération entre la France et la Lituanie. En effet, depuis mai 1994, cette entraide militaire reposait sur un simple arrangement technique, dont les dispositions sont apparues obsolètes après l'adhésion de la Lituanie à l'OTAN et à l'Union européenne en 2004.

Dire aussi que cet accord, dont je rappelle qu'il a été signé à Paris le 12 juillet 2013, est le fruit de trois années de concertation entre nos deux pays, engagées dès 2011.

Quant à son contenu, je l'ai dit, il est très classique. Cet accord a pour but de développer une coopération dans des domaines traditionnels tels que la formation, l'accueil ou l'échange de stagiaires, l'armement, le soutien logistique ou encore la géographie militaire.

Il est un cadre juridique solide de nature à permettre l'éventuelle montée en puissance de nos actions de coopération. Quand bien même cela n'est pas prévu à moyen terme.

Pour l'heure, la coopération militaire entre nos deux pays demeure modeste et se traduit principalement, dans le cadre bilatéral, par des actions en matière de formation, de dialogue politico-militaire, de partage d'expériences et d'échange d'informations.

Dans le domaine de la formation, on peut citer les échanges d'élèves officiers qui sont organisés entre l'académie militaire de Vilnius et l'école militaire de Saint-Cyr, mais aussi le fait que les personnels de l'armée de l'air lituanienne viennent suivre des formations en France, au centre d'analyse et de simulation pour la préparation aux opérations aériennes (CASPOA) et au centre d'instruction du contrôle et de la défense aérienne (CICDA).

Mais surtout, la direction de la coopération de sécurité et de défense (la DCSD), direction du ministère des Affaires étrangères, concentre son action sur l'enseignement du français en milieu militaire, afin de disposer d'un vivier d'officiers francophones aptes à s'intégrer dans une opération de maintien de la paix en Afrique francophone, le cas échéant.

Quant à la coopération en matière d'équipement militaire, si les relations pourraient être approfondies, il faut tout de même souligner que trois hélicoptères Dauphin d'occasion ont été livrés à la Lituanie en 2015.

Pour le reste, les actions de coopération bilatérale consistent surtout en un dialogue régulier et approfondi entre les états-majors et entre les responsables politiques respectifs de nos deux pays. Ce à quoi s'ajoute un dialogue stratégique étendu à tout l'ensemble balte dans le cadre du séminaire franco-balte qui a lieu tous les ans à l'automne et qui se déroulera cette année à Vilnius, justement.

Le plus gros de la coopération concerne donc plutôt, à ce jour, les missions menées dans le cadre de l'OTAN, de l'Union européenne ou de l'ONU.

Ainsi, de son côté, la France participe aux missions OTAN de guerre des mines en Baltique - Open Spirit et Baltops - et de police du ciel balte.

Quant à la Lituanie, elle s'emploie à augmenter sa participation aux opérations militaires européennes et internationales, pour ne plus apparaître seulement comme « consommateur » mais de plus en plus aussi comme « fournisseur » de sécurité.

En 2016, 130 de ses militaires seront engagés sur cinq théâtres d'opération :

– 40 militaires au sein de la MINUSMA, au Mali ;

– 50 militaires au sein de la mission Resolute Support en Afghanistan ;

– cinq militaires au sein de la Force pour le Kosovo (KFOR) ;

– 30 militaires seront affectés à l'opération Atalante ;

– enfin, cinq de ses soldats seront projetés au sein de Sophia.

Par ailleurs, les forces lituaniennes ont apporté un soutien à l'opération française Sangaris, en République Centrafricaine, principalement par la mise en place d'un appareil de transport tactique C-27 Spartan en Afrique, sans caveats.

Si, comme je l'ai dit, il n'est pas prévu pour le moment de réelle montée en puissance des actions de coopération menées dans le cadre bilatéral, il faut en revanche constater que l'évolution du contexte géostratégique, depuis 2013, plonge les États baltes dans un état d'anxiété tel qu'il a poussé l'OTAN à prendre des mesures de réassurance et la Lituanie à renforcer ses moyens militaires.

En effet, la crise russo-ukrainienne a renforcé la perception par les pays d'Europe de l'Est, en particulier par les pays baltes, d'une recrudescence d'une menace russe.

La Lituanie se sent particulièrement vulnérable, du fait de sa situation géographique entre la Biélorussie, Kaliningrad et la mer.

D'abord, la proximité du pays avec l'enclave russe de Kaliningrad maintient une pression permanente sur les autorités lituaniennes, alors même que des interrogations demeurent quant à la présence de missiles balistiques Iskander à capacité nucléaire sur ce territoire frontalier.

De plus, une récente analyse produite par la Rand Corporation a souligné la fragilité des trois pays baltes en cas d'offensive russe. Si les forces russes déclenchaient une opération via la trouée de Suwałki, au nord de la Pologne, elles couperaient toute continuité territoriale entre les pays baltes et leurs alliés, et les trois capitales baltes pourraient ainsi tomber en moins de 60 heures.

Enfin, nos alliés baltes font l'objet de provocations régulières de la part de la Russie. Ainsi, par exemple, en 2014, plus de 100 avions militaires russes ont été interceptés alors qu'ils survolaient l'espace aérien balte.

Pour toutes ces raisons, dans la foulée du Sommet de l'OTAN de Newport, en septembre 2014, les membres de l'Alliance ont pris des mesures de réassurance, auxquelles la France a participé activement malgré le haut niveau d'engagement de ses hommes et de ses femmes sur le terrain

En 2015, la France a maintenu sa participation à ces mesures de réassurance à l'Est de l'Europe, malgré l'effort croissant demandé à ses armées, du fait de Sentinelle notamment. Nous avons ainsi participé à des entraînements communs, et déployé en Pologne un sous-groupement tactique interarmes blindé (SGTIA), regroupant quinze chars Leclerc, quatre véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) et une section de génie de combat. Des vols d'avion E3F (AWACS) ont par ailleurs été effectués. Au total, 3 800 hommes ont été engagés.

Ces actions se poursuivent en 2016, et la France assurera notamment, pour la sixième fois, la mission de police du ciel balte en septembre prochain.

Il est d'ailleurs probable que les alliés décident, à l'occasion du prochain Sommet de l'OTAN qui aura lieu les 8 et 9 juillet 2016 à Varsovie, de prendre des mesures supplémentaires pour aller encore plus loin dans la réassurance.

Quant à la Lituanie, je le disais, elle aussi a réagi par un renforcement de ses moyens militaires, d'abord en votant tout récemment le rétablissement du service militaire pour cinq ans, avec un débat toujours en cours sur l'opportunité de sa pérennisation ; ensuite, en prenant la décision de doubler son budget militaire d'ici à 2019, afin d'atteindre la norme de 2 % du PIB fixée par l'OTAN.

Dans ce contexte anxiogène pour elle, l'approbation de cet accord de défense à la veille du sommet 2016 de l'OTAN sera perçue par la Lituanie comme un signe fort de soutien de la part de la France.

Rappelons-le, lorsque le président de la République, François Hollande, après les attentats de novembre, a appelé les États membres de l'Union européenne à apporter aide et assistance militaire à la France au titre de l'article 42 alinéa 7 du traité sur l'Union européenne, les autorités lituaniennes ont répondu présentes très rapidement, en décidant dès décembre 2015 d'envoyer 40 de leurs militaires en soutien à l'armée française au Mali. Ce fut un signe fort et nous les en remercions chaleureusement.

Il est précieux pour la France de pouvoir compter sur un allié comme la Lituanie, résolument tournée vers l'Ouest et désireuse de relations plus approfondies.

De la même manière, la Lituanie compte sur notre soutien.

C'est pourquoi, vous l'aurez compris, je suis pleinement favorable à l'approbation de cet accord de défense, lequel permettra de surcroît, en cohérence avec les actions déjà menées et les engagements pris, d'approfondir davantage notre coopération dans les domaines de la défense et de la sécurité, dans un cadre juridique adapté.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet à l'unanimité un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Guy Chambefort, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (n° 2607).

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Je suis chargé de vous présenter l'accord de coopération en matière de défense conclu entre notre pays et la République de Guinée, que l'on appelle couramment la « Guinée Conakry ». Notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi tendant à autoriser sa ratification, que nos collègues de la commission des Affaires étrangères examineront au fond dans une semaine.

Cet accord de coopération est d'une facture très classique. Sa structure comme son contenu sont en tous points conformes aux canons de la « nouvelle génération » d'accords de défense entre la France et ses partenaires africains, conclus depuis 2008, qui remplacent les accords conclus au lendemain des indépendances.

Ces accords de « nouvelle génération », si je puis dire, présentent des traits communs :

‒ d'une part, une logique plus partenariale qu'avant. Ainsi, formellement, ces accords sont rédigés de façon réciproque, et non « à sens unique » ; matériellement, il ne s'agit plus de garantir seulement la sécurité d'un État (ou d'un régime). C'en est fini des clauses de défense, publiques ou non. Le champ de la coopération s'élargit : si ce que l'on appelle la coopération « structurelle » (c'est-à-dire l'envoi de coopérants) conserve toute sa place, les accords traitent aussi de la coopération opérationnelle, qui est d'ailleurs le « coeur de métier » de plusieurs de nos bases militaires en Afrique ;

‒ deuxième trait marquant : une dimension plus collective. En effet, la France soutient la volonté des Africains de s'approprier la défense de leur continent, et de le faire dans un cadre collectif. Ce cadre, c'est celui de l'Architecture africaine de paix et de sécurité. Il progresse, certes lentement, mais il a déjà trouvé des traductions très concrètes à l'échelle des sous-régions qui constituent l'Union africaine. On pourra citer par exemple la force africaine appelée MISMA, que la CEDEAO a réussi à envoyer au Mali en 2013, dans de meilleurs délais que l'ONU. On pourrait aussi citer la force appelée MISCA, envoyée quelques mois plus tard par la CEEAC en Centrafrique. C'est d'ailleurs dans un cadre multilatéral que la Guinée commence ‒ et c'est nouveau ‒ à projeter ses forces en opérations extérieures. Les Guinéens sont présents au Mali depuis 2013, et tiennent aujourd'hui sous la bannière de l'ONU un secteur des plus exigeants : celui de Kidal, fief de la rébellion.

Cette dimension collective de la sécurité de l'Afrique, la France ne la soutient pas seulement par sa coopération opérationnelle, mais aussi par sa coopération structurelle, qui s'appuie sur un réseau toujours plus dense d'« écoles nationales à vocation régionale », les ENVR. Pour faire simple : plutôt que d'accueillir des militaires africains dans nos écoles militaires, la France envoie des coopérants dans des écoles africaines, créées par un pays mais ouvertes aux autres pays de la région.

Voilà pour le contenu de l'accord, qui offre un cadre souple et large aux actions de coopérations pour lesquelles notre partenaire guinéen exprimer un besoin.

Et des besoins, il en a. En effet, ce traité intervient dans un contexte très particulier pour la Guinée. Comme vous le savez, mes chers collègues, la Guinée sort tout juste d'une période de profonds troubles, entamée en 2009, lorsqu'une junte militaire a pris le pouvoir après la mort du président Lansana Conté, et dont le point culminant a été le massacre du stade de Conakry, le 28 septembre 2009, avec 150 morts.

Après de tels troubles politiques, s'ensuit inévitablement une phase de stabilisation politique, phase qui est d'autant plus longue que la Guinée sort de plusieurs décennies de dictature militaire. Les élections du président Alpha Condé en 2010 et en 2015 marquent des progrès en ce sens. La stabilisation politique ne peut toutefois être vue comme consolidée tant que n'est pas accompli un processus de modernisation des structures de l'État, préalable lui-même au développement économique. Or en la matière, il y avait fort à faire.

Mais par une sorte de malchance, ce processus de stabilisation et de modernisation, bien engagé, a été compliqué par la crise Ebola. Par nature, un risque de pandémie peut toujours avoir des conséquences incontrôlables dans un pays où les structures de santé restent faibles, et où l'administration est encore en cours de modernisation. De surcroît, l'épidémie a conduit nombre de pays à suspendre leurs programmes de coopération, non en signe de protestation, comme ils l'avaient fait en 2009, mais simplement par précaution pour leurs ressortissants.

D'ailleurs, lors de cette crise, la France a fait la preuve de sa solidarité, et son action lui vaut la gratitude de nos partenaires guinéens. C'est en effet notre service de santé des armées qui a largement soutenu les services guinéens dans la gestion de la crise, notamment en installant sur place des centres de formation et de traitement des soignants.

À cette occasion, la France a confirmé qu'elle est, et entend demeurer, le premier partenaire de la Guinée. C'est donc sur elle en premier lieu que comptent les Guinéens pour soutenir leurs efforts de modernisation de l'État. Et, je tiens à le souligner, la coopération en matière de défense tient une place-clé dans cet effort, car elle est au coeur de ce que l'on appelle la réforme du secteur de la sécurité ‒ la RSS. En effet, les forces armées représentent une part importante des moyens de l'État, et plusieurs décennies de pratiques peu efficientes dans leur gestion rendent nécessaire leur réforme. Une LPM a d'ailleurs été votée, et une démarche d'optimisation des forces a été engagée. Mais ce qui fait du processus de RSS un domaine crucial, c'est aussi qu'en quelque sorte il « conditionne » les autres réformes, que ce soit dans le domaine administratif ou dans le domaine économique et social. En effet, l'époque est révolue où l'on opposait sécurité et développement, et nos partenaires voient aujourd'hui la sécurité comme une condition du développement. Notons d'ailleurs que les Guinéens créent une sorte de service militaire adapté (SMA), et utilisent leurs unités de génie pour mettre en valeur les immenses ressources de leur territoire.

Voici, Madame la présidente, chers collègues, les principales lignes de cet accord et le contexte dans lequel il doit permettre à la France de continuer à soutenir son partenaire guinéen.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet à l'unanimité un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Eduardo Rihan Cypel, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali (n° 3498).

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Le projet de loi dont j'ai honneur d'être le rapporteur pour avis, adopté par le Sénat en première lecture, tend à autoriser la ratification d'un traité de coopération en matière de défense avec le Mali, conclu à Bamako le 16 juillet 2014.

L'importance de ce texte tient peut-être moins au contenu précis des stipulations de l'accord ‒ qui reprennent les « classiques du genre », j'y reviendrai ‒, qu'au contexte très particulier de notre relation de défense avec le Mali.

Ce traité vient en effet rénover la coopération militaire franco-malienne au lendemain de l'opération Serval, et alors que nos troupes opèrent encore au Mali et, depuis le Mali, dans l'ensemble de la bande sahélo-saharienne, c'est-à-dire au Tchad, au Burkina Faso, au Niger et en Mauritanie.

Le Mali est en effet un partenaire de premier plan pour la France en matière de défense. Nous y consacrons entre quatre millions et demi et cinq millions d'euros par an, pour des actions de coopération variées :

‒ des coopérants militaires français sont insérés dans les chaînes de commandement des armées et de la garde nationale malienne ;

‒ des militaires maliens sont admis dans les écoles militaires françaises ;

‒ surtout, la France soutient deux « écoles nationales à vocation régionale » (ou assimilées) au Mali, l'une spécialisée dans le maintien de la paix, l'autre dans l'administration militaire. Ces structures sont particulièrement prometteuses : nos collègues Gwendal Rouillard et Yves Fromion l'avaient bien montré dans leur rapport sur nos forces en Afrique. Le fait que le Mali possède deux des dix-sept écoles du réseau atteste sa place centrale dans la coopération militaire entre la France et ses partenaires africains.

Mais la marque la plus claire de notre partenariat de défense avec le Mali a été, bien entendu, l'opération Serval en 2013. En réalité, Serval témoigne de davantage encore qu'un partenariat de défense : c'est une réelle solidarité franco-malienne. En effet, la coopération militaire était réglée par un accord technique de 1985, dont les stipulations ne rendaient pas automatique le lancement d'une opération telle que Serval. En 2013, la France est donc allée bien au-delà de ce à quoi elle était tenue par cet accord de défense, et mon sentiment est que les autorités maliennes, comme la communauté malienne installée dans notre pays, en sont sincèrement reconnaissantes à la France.

C'est dans ce contexte qu'est intervenue la signature du traité de coopération dont la ratification est à l'ordre du jour. Je dis bien : « traité », et non : « accord », comme pour la plupart des instruments juridiques conclus avec nos partenaires africains en matière de défense, car c'est sous cette appellation que se présente le texte. Certainement faut-il y voir une forme de distinction, de marque de la spécificité de notre relation avec le Mali.

Pour le reste, les stipulations du traité sont tout à fait classiques au regard des autres accords de défense conclus avec nos partenaires africains depuis 2008. L'année 2008 marque en effet le début d'un mouvement de renégociation de nos accords de défense avec ceux-ci, mouvement qui tend à prendre en compte les importantes évolutions intervenues depuis la conclusion de nos premiers accords de défense avec nos anciennes colonies d'Afrique. Les accords de défense de la « génération des indépendances » étaient en effet généralement limités à des dispositions réglant la coopération dite structurelle, c'est-à-dire principalement l'envoi de coopérants français en Afrique et l'accueil de militaires africains dans les écoles françaises ; parfois, une clause de garantie des frontières, voire des régimes en place, était également prévue.

Désormais, ces clauses ont disparu, et les formes de la coopération se diversifient. La coopération structurelle n'est pas remise en cause, même si les effectifs militaires français qui y sont consacrés ont été nettement réduits en quelques décennies, pour concentrer nos coopérants dans des fonctions d'état-major. En parallèle, avec la réduction du format de nos forces en Afrique, leur mission a évolué pour faire une plus grande place à la coopération dite opérationnelle. Cette forme de coopération se traduit par des exercices conjoints, et par des détachements d'instruction opérationnelle ou technique français placés ponctuellement au sein des forces africaines. Les nouveaux accords de coopération en matière de défense tiennent compte de cette évolution.

Ils ont aussi pour objet d'organiser le soutien de la France à une autre évolution majeure des affaires militaires en Afrique : l'appropriation de la défense des Africains par les Africains eux-mêmes. L'objectif est, schématiquement, que la France n'ait plus à conduire seule une opération comme Serval, et que les États africains puissent, avec notre appui, placer leurs forces en première ligne pour assurer leur sécurité. Pour cela, les États africains ont choisi de s'organiser dans un cadre collectif : celui de l'architecture africaine de paix et de sécurité élaborée par l'Union africaine. Bien sûr, on est encore loin d'une « OTAN d'Afrique » ; mais les réalisations sont là : au Mali, avant le lancement d'une opération de maintien de la paix, c'est l'Union africaine qui est venue appuyer la France, dans le cadre d'une coalition « sous-régionale » menée par la communauté économique des États d'Afrique de l'ouest, la CEDEAO. C'est ainsi qu'a été mise sur pied la MISMA, force africaine au Mali.

Ce sont là des évolutions de long terme, et c'est précisément pour donner un nouveau souffle à la coopération militaire franco-malienne qu'a été conclu ce traité. Il concerne ainsi la coopération militaire, dans toutes ses composantes, mais ne traite que de la coopération militaire. En effet, tous les arrangements relatifs à l'opération Barkhane, c'est-à-dire à nos interventions plutôt qu'à notre coopération, demeurent réglés par un instrument juridique séparé. On peut y voir la marque d'une volonté d'inscrire notre coopération dans un horizon temporel différent de celui des interventions directes de la France.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet à l'unanimité un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Sauveur Gandolfi-Scheit, le projet de loi adopté par le Sénat autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 3500).

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C'est avec plaisir que je participe ce soir à la présentation à la commission de projets de loi autorisant la ratification d'accords de défense avec des pays aussi différents que la Guinée, le Mali, la Nouvelle-Zélande, la Lituanie et, pour ce qui me concerne, la Croatie. Cela montre, d'une part, l'intérêt que porte la France à son environnement stratégique et, d'autre part, la place qu'elle occupe dans la politique internationale, et particulièrement dans la politique de défense.

Je me réjouis également du calendrier législatif qui rapproche l'examen de ce projet de loi du sommet des Balkans qui se tiendra à Paris le 4 juillet prochain. Il réunira l'ensemble des pays balkaniques, membres ou non de l'Union européenne, avec l'Autriche, l'Allemagne, l'Italie et la France.

L'accord que je vous présente s'inscrit dans le cadre de la revalorisation des relations de défense avec l'ensemble des pays d'Europe centrale et orientale. Les relations de la France et de la Croatie sont excellentes et tendent au cours des dernières années à devenir plus étroites, notamment en raison de l'importance géo-politique de ce pays qui est au carrefour des Balkans occidentaux et de l'Europe centrale. La Croatie aime d'ailleurs à se définir comme la façade méditerranéenne de l'Europe centrale, ce qu'elle est historiquement et géographiquement. Préoccupée au premier chef par la stabilité régionale, la Croatie est très active dans de multiples cénacles issus d'accords multi et bilatéraux conclus avec tous ses voisins.

Membre de l'Alliance atlantique et de l'Union européenne, la Croatie soutient les efforts de l'entrée dans l'Alliance atlantique du Monténégro, de la Bosnie-Herzégovine et de l'Ancienne République yougoslave de Macédoine, ainsi que celle de la Serbie, dans l'Union européenne.

La politique de défense de la Croatie est essentiellement orientée sur la défense de son territoire, une tendance qui s'est encore renforcée avec la crise migratoire et a vu la Croatie modifier sa législation pour permettre à son armée de mener des actions de police aux frontières. La politique de défense de la Croatie est également orientée vers l'Ouest et profondément marquée par son appartenance à l'OTAN et sa relation privilégiée et prédominante avec les États-Unis qui sont son principal soutien notamment via des dons ou des cessions de matériel que l'on estime à environ 300 millions de dollars depuis 2008.

Inutile de dire que le volume de coopération avec la France, qui a pourtant initié des relations de défense avec la Croatie dès 1997, se place loin derrière les États-Unis et se trouve précédé par l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche qui ont des relations historiques avec la Croatie, mais également par la Grande-Bretagne et les pays scandinaves.

Le gouvernement croate consacre au budget de la défense 1,3 % de son produit intérieur brut en 2016 et envisage de le réduire encore en 2017 tout en diminuant les effectifs de l'armée de 10 % pour arriver à un format de 14 000 hommes. 29 % du budget de la défense est consacré à l'équipement.

L'âge et l'obsolescence de ses équipements sont une préoccupation majeure de l'armée croate qui entretient du matériel soviétique à grands frais, notamment ses avions de chasse MIG21 dont elle est contrainte de prolonger la vie si elle ne veut pas voir disparaître ses capacités aériennes.

L'industrie de défense croate est pourtant une industrie de qualité qui possède de véritables savoir-faire et exporte vers de nombreux pays des armes légères, des casques de protection et des navires. La société HS Produkt a même présenté une offre dans le cadre du marché de renouvellement du fusil d'assaut de l'armée française. Peut-être le remplaçant du FAMAS sera-t-il croate ?

Vous l'avez compris : le volume de notre coopération est modeste et il consiste essentiellement en des échanges de vues et de pratiques dont je vais vous présenter quelques exemples.

Une chaire de français a été ouverte à l'académie de défense de Zagreb avec un succès notable. Des officiers croates ont été formés jusqu'en 2012 dans différentes écoles de la défense, ce qui a malheureusement cessé avec l'entrée de la Croatie dans l'OTAN. Une des actions de coopération les plus marquantes a vraisemblablement été l'audit de la marine croate réalisé en 2005 par notre marine nationale. Il convient en effet de garder présent à l'esprit que la Croatie est un pays maritime qui possède le plus long littoral des Balkans occidentaux. Cet audit a notamment conduit à une restructuration et à l'intégration dans la marine croate du corps de garde-côtes, ainsi qu'à une collaboration active dans le cadre de la guerre des mines et de la formation des plongeurs-démineurs. La Croatie, consciente de ses responsabilités dans la surveillance des frontières de l'Union européenne a développé un vif intérêt pour le concept français d'action de l'État en mer.

Des réunions biennales des états-majors se tiennent alternativement à Zagreb et à Paris où s'est tenue la dernière en mars 2016.

La coopération se déroule également dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune et 2015 a vu les deux premiers mandats de la Croatie sous bannière européenne : la participation d'une équipe de protection embarquée à Atalanta avec le soutien logistique des forces françaises de Djibouti et un bâtiment croate engagé dans l'opération Triton.

Dans le cadre de la réponse à la demande de contribution de la France dans le cadre de l'article 42.7 du Traité de l'Union européenne, la Croatie procédera à un don de matériel et d'équipement à l'armée malienne que la France aidera à transporter.

Cet accord, qui a pour but de donner un cadre juridique à cette coopération, ne va en bouleverser ni les axes, ni le volume qui vont rester identiques. Les rencontres et les échanges vont se poursuivre sur le même rythme. L'accent sera mis sur le domaine maritime et le concept d'action de l'État en mer que la Croatie souhaite s'approprier. La Croatie manifeste également de l'intérêt pour l'opération Sentinelle ainsi que pour l'organisation de la chaîne territoriale interarmées de défense.

Les perspectives en matière d'exportation d'armement sont réduites, le secteur naval étant le plus prometteur, la Croatie étant intéressée par le système embarqué de surveillance et de défense POLARIS de DCNS. Le missile sol-air Mistral de MBDA a également retenu son attention. Thales a contracté une alliance avec un partenaire local agissant dans les domaines civil et militaire, notamment dans le contrôle aérien et la signalisation ferroviaire. Je serais ravi que la grande année que nous avons connue en matière d'exportation de défense se poursuive dans les Balkans et que nous parvenions à entrer sur le marché croate par la petite porte, mais la situation économique du pays ne laisse qu'un espoir mesuré…

Venons-en au contenu du traité. Il s'agit d'un traité classique entre deux pays membres de l'OTAN et de l'Union européenne. Il ne contient de ce fait aucune clause d'assistance mutuelle, l'article 5 du traité de Washington et l'article 42.7 du traité de l'Union européenne s'appliquant en cas d'agression extérieure.

L'objet de la coopération, défini par le traité, est le maintien de la paix et la stabilité de l'Europe grâce à des rapprochements et à des échanges. Le traité fixe également les domaines d'exercice de cette coopération, qui peuvent toutefois être étendus au gré des signataires. La coopération s'effectue principalement sous forme de visites, d'échanges, d'exercices et d'entraînements communs. Une coopération portant sur des intérêts mutuels est organisée dans le domaine de l'armement. Des réunions d'états-majors périodiques sont prévues. Différents articles précisent les conditions du financement de la coopération et le statut des personnels qui est régi par les dispositions du SOFA OTAN. L'échange de données classifiées est renvoyé à l'Accord de sécurité signé par les deux pays le 25 janvier 2011.

Mme la Présidente, mes chers collègues, je suis certain que ce traité fournira un cadre adéquat à l'intensification de la coopération entre la Croatie et la France, que j'appelle de mes voeux et que je tiens pour essentielle compte tenu du contexte international.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet à l'unanimité un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Philippe Vitel, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense (n° 3499).

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Madame la Présidente, mes chers collègues, je suis heureux de vous présenter et de vous demander d'autoriser l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense.

Alors que nos deux pays coopèrent efficacement depuis la signature de l'accord FRANZ en 1992 à Wellington, il aura fallu près d'un quart de siècle pour que soient officiellement formalisées nos relations en matière de défense. Il est d'ailleurs étonnant que nos deux nations aient attendu si longtemps, alors que cette coopération avait atteint de longue date un haut degré de sophistication.

En lui offrant un cadre juridique complet, cet accord permettra de favoriser cette coopération et de sceller encore plus fortement les liens qui unissent notre pays à une grande nation du Pacifique.

Ces liens anciens et forts ont été forgés sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Je rappelle que sur le million d'habitants que comptait le « pays du long nuage blanc », quelque 120 000 Néo-Zélandais, hommes et femmes, s'enrôlèrent, dont 103 000 servirent à l'étranger. Rendons-nous compte : 10 % de la société néo-zélandaise avaient choisi de s'engager dans un conflit qui, majoritairement, se déroulait à près de 20 000 kilomètres de leurs foyers. Parmi ces 120 000 engagés, 18 500 moururent au combat – notamment sur le Front de l'Ouest –, ou des suites de la guerre, et près de 50 000 furent blessés. De cet épisode tragique est née entre nos deux nations une fraternité d'armes profonde et durable, qui s'exprime encore aujourd'hui.

Je rappelle que la France est le troisième partenaire militaire de la Nouvelle-Zélande, après l'Australie et les États-Unis, et que notre pays est le seul État européen disposant d'une présence militaire permanente au voisinage de la Nouvelle-Zélande.

Le présent accord constitue l'aboutissement de démarches bilatérales entamées il y a près de 15 ans, en 2001, à l'initiative de la France. Nos deux pays l'ont conclu en mai 2014 à l'occasion de la 13e session de la Conférence annuelle sur la sécurité régionale de la zone Asie-Pacifique.

La Nouvelle-Zélande a notifié à la France la ratification de l'accord le 23 octobre 2014. Il appartient dorénavant à la partie française d'achever sa propre procédure de ratification. Le Sénat a déjà autorisé son approbation en février dernier. Il revient à l'Assemblée nationale de conclure le processus en l'autorisant à son tour, ce qui permettra l'entrée en vigueur de l'accord avant la fin de l'année.

Quel est l'état de notre relation de défense ? En deux mots, celle-ci est excellente et exemplaire et repose sur trois piliers principaux.

Sur le plan stratégique, notre relation bilatérale s'exprime, depuis 1999, par l'existence d'un dialogue politico-militaire réunissant des représentants des ministères des Affaires étrangères et de la Défense de nos deux pays, dans le format dit « 2+2 ». Depuis 2014, une réunion d'état-major vient compléter ces échanges.

Dans le domaine de la coopération opérationnelle, nos deux pays sont liés par des accords, et nos deux armées participent à des exercices conjoints, dont certains sont même devenus une référence au point d'attirer de nombreux autres partenaires.

L'accord principal en la matière est l'accord FRANZ, conclu entre la France, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Il permet de coordonner et de mobiliser les moyens, tant civils que militaires, engagés par les États signataires pour porter assistance aux États insulaires du Pacifique victimes de catastrophes naturelles. Cet accord a encore été mis en oeuvre en janvier 2014 au profit des Îles Tonga, touchées par le cyclone Ian, et en mars 2015 au profit du Vanuatu, touché par le cyclone Pam. Permettez-moi d'ajouter qu'à mon sens, l'accord FRANZ sera de plus en plus souvent actionné compte tenu des conséquences du réchauffement du réchauffement climatique.

La coopération opérationnelle s'exprime également via le dispositif QUAD, qui regroupe les forces armées de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, des États-Unis et de la France. Des rencontres régulières sont organisées dans ce cadre, au cours desquelles sont notamment traitées la coordination des missions de sécurité dans le Pacifique et l'organisation de la protection des zones économiques exclusives. Je rappelle que 62 % des 11 millions de km² de la ZEE française – la deuxième du monde – se situent dans le Pacifique.

Enfin, cette coopération prend corps avec les exercices miroirs Croix du Sud et Southern Katipo, pour ne citer que les principaux, et dont la vocation principale est l'entraînement des forces à l'assistance humanitaire et au secours aux populations.

Organisé par les FANC avec des renforts des forces armées de Polynésie française, Croix du Sud était initialement un exercice d'entraînement des forces françaises. Il s'agit dorénavant d'un exercice multinational interarmées biennal mis en oeuvre les années paires. Lors de l'édition 2014, la France avait engagé 690 militaires. La Nouvelle-Zélande, principale contributrice étrangère, avait quant à elle déployé une compagnie, un hélicoptère et le HMNZS Canterbury. Huit autres nations y ont également pris part, l'exercice ayant rassemblé au total 1 300 militaires, sept bâtiments, neuf aéronefs ainsi que d'importants moyens logistiques.

Organisé les années impaires en alternance avec Croix du Sud, Southern Katipo est un exercice multinational amphibie initié par la Nouvelle-Zélande. Les forces françaises ont participé à sa seconde édition qui s'est tenue en 2015. Au total, 2 500 hommes issus de huit États du Pacifique y ont participé.

Enfin, le dernier volet de la coopération concerne le domaine de l'armement. Il est vrai que ce volet encore modeste reste à développer. Cela pourrait être le cas dans un avenir proche avec le renouvellement capacitaire des forces néo-zélandaises prévu par le Defence White Paper – équivalent du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale – publié le 8 juin dernier. À cette occasion, le ministre néo-zélandais de la Défense, M. Gerry Brownlee, a fait état d'un plan de modernisation d'un montant d'environ 20 milliards de dollars néo-zélandais – soit 12,5 milliards d'euros environ – sur les 15 années à venir. La Nouvelle-Zélande entend ainsi notamment :

– moderniser sa marine, avec en particulier le remplacement de ses frégates ANZAC ;

– renouveler ses capacités de transport tactique, stratégique et de surveillance maritime ;

– renforcer les capacités de son parc de blindés légers ;

– renforcer sa capacité « forces spéciales » ;

– et développer son soutien cyber, ses capacités de renseignement et ses moyens de communication.

La France et son industrie étant en mesure de proposer un vaste éventail de produits et de solutions techniques dans ces différents domaines, la coopération entre la France et la Nouvelle-Zélande pourrait s'approfondir à la faveur de ce renouvellement.

En outre, la France partage largement l'analyse stratégique néo-zélandaise exprimée dans le Defence White Paper, à savoir :

– une présence croissante d'acteurs aux capacités de plus en plus sophistiquées, dans le Pacifique Sud et dans l'océan Austral ;

– la probabilité croissante d'attaque terroriste, bien que le risque soit toujours considéré comme faible en Nouvelle-Zélande ;

– une évolution plus rapide et une prolifération plus importante de la menace cyber ;

– l'aggravation des tensions dans la mer de Chine orientale et la mer de Chine méridionale ;

– l'augmentation des dépenses militaires en Asie du Sud-Est ;

– l'intensification des troubles au Moyen-Orient et en Afrique du Nord suite aux Printemps arabes de 2010, ainsi que la dégradation des relations entre la Russie et l'Ouest. Je rappelle que la Nouvelle-Zélande participe à la coalition de lutte contre Daech en Irak ;

– enfin, les conséquences du réchauffement climatique dans la zone Pacifique, principalement pour les États et populations insulaires.

En quoi l'accord dont il est demandé l'approbation est-il nécessaire ?

Actuellement, les forces françaises présentes en Nouvelle-Zélande sont soumises au Visiting Forces Act (VFA) de 2004, qui n'offre qu'un cadre juridique partiel. Certes, ce texte règle un certain nombre de questions. Mais il ne répond pas à l'ensemble des exigences en la matière.

Par ailleurs, le VFA ne prévoit aucun statut pour les forces néo-zélandaises présentes en France dans le cadre d'activités de coopération. En l'absence d'accord réciproque sur le statut des forces en visite ou SOFA, selon l'acronyme anglais en vigueur, celles-ci restent donc soumises au droit commun.

L'accord comporte 19 articles qui pour l'essentiel, sont des stipulations classiques pour un texte de cette nature. Pour ce qui concerne le SOFA au sens strict, ils posent par exemple les principes et règles :

– pour les conditions d'entrée, de sortie et de séjour des membres de la force en visite ;

– en matière pénale et disciplinaire ;

– dans le domaine des « facilités opérationnelles » reconnues aux forces en visite : modalités de transport, port et possession d'armes, régime douanier applicable aux importations et exportations de matériels, etc.

Naturellement, l'accord dresse également la liste des coopérations susceptibles d'être menées, par exemple, dans les domaines de l'organisation d'entraînements, de la conduite du soutien, ou de l'échange d'information ou de renseignement. Cette liste n'est pas limitative : l'accord laisse la porte ouverte à des coopérations futures, en stipulant que les parties pourront, d'un commun accord, mener « toute autre activité de coopération relative à la défense ».

Deux points particuliers méritent quelques mots. Le premier a trait à l'absence de clause d'assistance. Ainsi, par principe, les personnels de la force en visite ne sauraient être associés à certaines opérations :

– la préparation ou l'exécution d'opérations de guerre ou assimilées ;

– ou des actions de maintien ou de rétablissement de l'ordre public, de la sécurité publique ou de la souveraineté nationale.

Une telle stipulation permet d'éviter que des forces françaises puissent être engagées dans des opérations de guerre ou de police au sens large conduites par la Nouvelle-Zélande, sans que la France y ait officiellement consenti (et symétriquement concernant les forces néo-zélandaises présentes en France).

Second point d'attention : la présence d'une clause relative à l'aide d'urgence. Il s'agit du soutien apporté par l'une des parties envers l'autre partie à l'accord, ou par les deux parties à un État tiers, lorsque les circonstances nécessitent rapidement un tel soutien – en cas de catastrophe naturelle par exemple.

Si elle ne modifie pas l'état déjà remarquable de la coopération entre nos deux pays dans ce domaine, une telle clause aura la vertu de permettre une application plus efficace et plus rapide de l'accord FRANZ. Ainsi que me l'a confirmé l'attaché de défense néo-zélandais, en l'absence d'une telle « clause-ombrelle » à caractère permanent, une renégociation annuelle était nécessaire pour la mise en oeuvre de l'accord FRANZ. Elle se traduisait donc par une déperdition de temps et d'énergie en formalités administratives, alors que les deux parties sont naturellement habituées à travailler ensemble depuis maintenant près de 25 ans.

Sans mauvais jeu de mots, le SOFA permettra donc de conférer une assise plus ferme à l'accord FRANZ (Sourires) et de le rendre encore plus opérationnel, en facilitant sa mise en oeuvre par le règlement, de manière permanente, de toutes les formalités nécessaires.

Pour l'ensemble de ces raisons, au nom, d'une part, de l'excellence des relations qui nous unissent à la Nouvelle-Zélande et dont j'appelle de mes voeux la poursuite – j'y suis très sensible en ma qualité de président du groupe d'amitié France-Nouvelle-Zélande depuis 14 ans – et, d'autre part, des avancées permises par cet accord, je vous demande d'en autoriser l'approbation.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet à l'unanimité un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.