C'est avec plaisir que je participe ce soir à la présentation à la commission de projets de loi autorisant la ratification d'accords de défense avec des pays aussi différents que la Guinée, le Mali, la Nouvelle-Zélande, la Lituanie et, pour ce qui me concerne, la Croatie. Cela montre, d'une part, l'intérêt que porte la France à son environnement stratégique et, d'autre part, la place qu'elle occupe dans la politique internationale, et particulièrement dans la politique de défense.
Je me réjouis également du calendrier législatif qui rapproche l'examen de ce projet de loi du sommet des Balkans qui se tiendra à Paris le 4 juillet prochain. Il réunira l'ensemble des pays balkaniques, membres ou non de l'Union européenne, avec l'Autriche, l'Allemagne, l'Italie et la France.
L'accord que je vous présente s'inscrit dans le cadre de la revalorisation des relations de défense avec l'ensemble des pays d'Europe centrale et orientale. Les relations de la France et de la Croatie sont excellentes et tendent au cours des dernières années à devenir plus étroites, notamment en raison de l'importance géo-politique de ce pays qui est au carrefour des Balkans occidentaux et de l'Europe centrale. La Croatie aime d'ailleurs à se définir comme la façade méditerranéenne de l'Europe centrale, ce qu'elle est historiquement et géographiquement. Préoccupée au premier chef par la stabilité régionale, la Croatie est très active dans de multiples cénacles issus d'accords multi et bilatéraux conclus avec tous ses voisins.
Membre de l'Alliance atlantique et de l'Union européenne, la Croatie soutient les efforts de l'entrée dans l'Alliance atlantique du Monténégro, de la Bosnie-Herzégovine et de l'Ancienne République yougoslave de Macédoine, ainsi que celle de la Serbie, dans l'Union européenne.
La politique de défense de la Croatie est essentiellement orientée sur la défense de son territoire, une tendance qui s'est encore renforcée avec la crise migratoire et a vu la Croatie modifier sa législation pour permettre à son armée de mener des actions de police aux frontières. La politique de défense de la Croatie est également orientée vers l'Ouest et profondément marquée par son appartenance à l'OTAN et sa relation privilégiée et prédominante avec les États-Unis qui sont son principal soutien notamment via des dons ou des cessions de matériel que l'on estime à environ 300 millions de dollars depuis 2008.
Inutile de dire que le volume de coopération avec la France, qui a pourtant initié des relations de défense avec la Croatie dès 1997, se place loin derrière les États-Unis et se trouve précédé par l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche qui ont des relations historiques avec la Croatie, mais également par la Grande-Bretagne et les pays scandinaves.
Le gouvernement croate consacre au budget de la défense 1,3 % de son produit intérieur brut en 2016 et envisage de le réduire encore en 2017 tout en diminuant les effectifs de l'armée de 10 % pour arriver à un format de 14 000 hommes. 29 % du budget de la défense est consacré à l'équipement.
L'âge et l'obsolescence de ses équipements sont une préoccupation majeure de l'armée croate qui entretient du matériel soviétique à grands frais, notamment ses avions de chasse MIG21 dont elle est contrainte de prolonger la vie si elle ne veut pas voir disparaître ses capacités aériennes.
L'industrie de défense croate est pourtant une industrie de qualité qui possède de véritables savoir-faire et exporte vers de nombreux pays des armes légères, des casques de protection et des navires. La société HS Produkt a même présenté une offre dans le cadre du marché de renouvellement du fusil d'assaut de l'armée française. Peut-être le remplaçant du FAMAS sera-t-il croate ?
Vous l'avez compris : le volume de notre coopération est modeste et il consiste essentiellement en des échanges de vues et de pratiques dont je vais vous présenter quelques exemples.
Une chaire de français a été ouverte à l'académie de défense de Zagreb avec un succès notable. Des officiers croates ont été formés jusqu'en 2012 dans différentes écoles de la défense, ce qui a malheureusement cessé avec l'entrée de la Croatie dans l'OTAN. Une des actions de coopération les plus marquantes a vraisemblablement été l'audit de la marine croate réalisé en 2005 par notre marine nationale. Il convient en effet de garder présent à l'esprit que la Croatie est un pays maritime qui possède le plus long littoral des Balkans occidentaux. Cet audit a notamment conduit à une restructuration et à l'intégration dans la marine croate du corps de garde-côtes, ainsi qu'à une collaboration active dans le cadre de la guerre des mines et de la formation des plongeurs-démineurs. La Croatie, consciente de ses responsabilités dans la surveillance des frontières de l'Union européenne a développé un vif intérêt pour le concept français d'action de l'État en mer.
Des réunions biennales des états-majors se tiennent alternativement à Zagreb et à Paris où s'est tenue la dernière en mars 2016.
La coopération se déroule également dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune et 2015 a vu les deux premiers mandats de la Croatie sous bannière européenne : la participation d'une équipe de protection embarquée à Atalanta avec le soutien logistique des forces françaises de Djibouti et un bâtiment croate engagé dans l'opération Triton.
Dans le cadre de la réponse à la demande de contribution de la France dans le cadre de l'article 42.7 du Traité de l'Union européenne, la Croatie procédera à un don de matériel et d'équipement à l'armée malienne que la France aidera à transporter.
Cet accord, qui a pour but de donner un cadre juridique à cette coopération, ne va en bouleverser ni les axes, ni le volume qui vont rester identiques. Les rencontres et les échanges vont se poursuivre sur le même rythme. L'accent sera mis sur le domaine maritime et le concept d'action de l'État en mer que la Croatie souhaite s'approprier. La Croatie manifeste également de l'intérêt pour l'opération Sentinelle ainsi que pour l'organisation de la chaîne territoriale interarmées de défense.
Les perspectives en matière d'exportation d'armement sont réduites, le secteur naval étant le plus prometteur, la Croatie étant intéressée par le système embarqué de surveillance et de défense POLARIS de DCNS. Le missile sol-air Mistral de MBDA a également retenu son attention. Thales a contracté une alliance avec un partenaire local agissant dans les domaines civil et militaire, notamment dans le contrôle aérien et la signalisation ferroviaire. Je serais ravi que la grande année que nous avons connue en matière d'exportation de défense se poursuive dans les Balkans et que nous parvenions à entrer sur le marché croate par la petite porte, mais la situation économique du pays ne laisse qu'un espoir mesuré…
Venons-en au contenu du traité. Il s'agit d'un traité classique entre deux pays membres de l'OTAN et de l'Union européenne. Il ne contient de ce fait aucune clause d'assistance mutuelle, l'article 5 du traité de Washington et l'article 42.7 du traité de l'Union européenne s'appliquant en cas d'agression extérieure.
L'objet de la coopération, défini par le traité, est le maintien de la paix et la stabilité de l'Europe grâce à des rapprochements et à des échanges. Le traité fixe également les domaines d'exercice de cette coopération, qui peuvent toutefois être étendus au gré des signataires. La coopération s'effectue principalement sous forme de visites, d'échanges, d'exercices et d'entraînements communs. Une coopération portant sur des intérêts mutuels est organisée dans le domaine de l'armement. Des réunions d'états-majors périodiques sont prévues. Différents articles précisent les conditions du financement de la coopération et le statut des personnels qui est régi par les dispositions du SOFA OTAN. L'échange de données classifiées est renvoyé à l'Accord de sécurité signé par les deux pays le 25 janvier 2011.
Mme la Présidente, mes chers collègues, je suis certain que ce traité fournira un cadre adéquat à l'intensification de la coopération entre la Croatie et la France, que j'appelle de mes voeux et que je tiens pour essentielle compte tenu du contexte international.