Le moment est en effet particulièrement bien choisi, car outre la COP 21, il convient aussi de signaler que nous sommes à la veille de la publication par la Commission du paquet « économie circulaire ». Il y a presqu'un an, vous aviez, Madame la présidente, interpellé la Commission à la suite de l'annonce du retrait du « paquet » présenté par la Commission présidée par José Barroso, et vous avez donc été entendue. Il conviendra bien sûr demain de regarder avec attention ces nouvelles propositions, car le diable est dans les détails, et d'en faire une analyse approfondie, ce dont se chargeront, j'en suis sûr, tant la Commission des affaires européennes que celle du développement durable.
Il a semblé utile aux membres du groupe d'étude sur l'économie circulaire, en particulier à François-Michel Lambert et à moi-même, de donner un signal fort, tout en réaffirmant tout ce qui a été entrepris durant ce mandat, avec deux axes, celui de l'attachement à l'affichage environnemental comme signal donné à une autre économie, et celui de la régulation du marché des matières premières secondaires (MPS).
Cette question porte un enjeu d'autonomie pour l'Europe, puisque cette dernière consomme aujourd'hui une fois et demi plus de matières premières qu'elle ne peut les remplacer. Mais c'est aussi une question de paix et de justice, car ce déficit structurel, à l'échelle mondiale, accélère les déséquilibres écologiques et est source de désordres économiques et politiques.
Je crois utile de s'appuyer, au niveau européen, sur ce qui a déjà été entrepris dans les États membres, en particulier en France bien sûr, et je me félicite ainsi de l'action menée depuis 2012. Le relais du Grenelle a été bien pris. D'abord avec la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation portée par notre collègue Benoit Hamon, alors ministre, et ses dispositions relatives à l'extension de garantie, à la réparabilité des produits, et aussi avec un premier débat sur la question de l'affichage de la durée de vie des produits. Puis avec la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dont le titre IV, dédié à la lutte contre les gaspillages et à la promotion de l'économie circulaire, fixe par exemple des obligations de réutilisation des matériaux dans le domaine du bâtiment, ou bien autorise, à mon initiative, l'expérimentation de l'affichage de la durée de vie de certains produits.
Comme cela existe aujourd'hui pour l'efficacité énergétique, il nous faut prendre en compte la totalité du cycle du produit. Le laboratoire national de métrologie et d'essais a identifié deux secteurs particulièrement adéquats pour une telle expérimentation, l'outillage et l'électroménager.
Compétitivité économique, protection du consommateur, préservation de l'environnement, l'éco-conception se caractérise par une triple performance.
Je crois aussi que cela correspond à une aspiration profonde de nos concitoyens, qui éprouvent aujourd'hui un certaine « fatigue » face à ce mode de production dans lequel la chaine de valeur est loin de respecter la dignité des hommes qui fabriquent ces produits et l'environnement dans lequel ils vivent. Nos concitoyens, je crois, aspirent aujourd'hui à un style de vie compatible avec les exigences de la planète et marqué par une exigence éthique vis-à-vis des autres et vis-à-vis de soi-même. C'est une question d'éthique, anthropologique presque. Un homme qui jette est un homme jetable.
Le deuxième volet de cette proposition de résolution, c'est celui de la régulation des marchés de MPS. La mise en place de la responsabilité élargie du producteur a eu pour conséquence la création de nouvelles matières premières, qu'on appelle « secondaires ». Ces dernières sont confrontées à la concurrence des matières premières vierges (MPV). Or les prix des MPV sont très volatils, alors que ceux des MPS sont liés au cycle de traitement des déchets. Une baisse de prix des MPV a pour conséquence une fragilisation des filières, comme l'illustre le cas de la plasturgie, alors même que de l'argent public y est employé.
Ce paradoxe doit donc être résolu. Comment ? Le débat reste ouvert. Notre collègue François-Michel Lambert a évoqué une réponse fiscale, ou bien la définition d'un périmètre géographique. On pourrait aussi penser, c'est mon cas, à une obligation faite aux producteurs d'intégrer un pourcentage défini de MPS.
Cette proposition de résolution a donc pour ambition de rappeler l'absolue nécessité d'un découplage entre la croissance et l'utilisation des ressources, et d'une initiative législative européenne ambitieuse comprenant un mécanisme de soutien aux MPS, une révision de l'écoconception, y compris la réparabilité et la recyclabilité des produits, et une action forte sur la question de la durée de vie des produits, par le bais de la garantie de conformité mais aussi grâce à l'affichage de cette durée de vie.
Je conclurai par un mot sur le paquet qui doit être annoncé demain, et qui pourrait contenir, si l'on en croit les informations qui circulent une stratégie d'écoconception pour les années 2015-2017 bien plus large que celle existant aujourd'hui, une meilleure identification des produits et des services à faible impact environnemental, par la révision de l'écolabel européen, la création d'un marché des matières premières secondaires, et des stratégies sectorielles, je veux souligner en particulier celle relative au gaspillage alimentaire, car cela fait écho à l'excellente proposition de loi présentée par un collectif de collègues sous l'impulsion de Guillaume Garot. Je me félicite de voir aujourd'hui confiée à l'Ademe une nouvelle mission dans ce domaine.