Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 1er juillet 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Il me paraît utile que nous fassions régulièrement un point rapide sur les principaux progrès accomplis et sur les grands chantiers devant nous en matière de transposition des directives.

On se souvient en effet que la précédente législature avait été confrontée à une nette érosion des performances de la France dans ce domaine.

Face, il est vrai, à un flux nettement croissant de directives adoptées chaque année – de 76 en 2007 à 164 en 2009 –, le déficit de transposition de notre pays s'était dégradé de 0,9 % en avril 2008 de dispositions non introduites dans le droit interne dans les délais prescrits à 1,2 % en avril 2010, nous plaçant au 21e rang des États membres.

Ces difficultés nous exposaient à d'importantes sanctions financières sous la forme d'amendes forfaitaires et, le cas échéant, d'astreintes journalières, que la Cour de justice de l'Union européenne peut désormais prononcer, en application du traité de Lisbonne, dès le premier arrêt en manquement.

Or ces sanctions sont lourdes. Notre pays a ainsi dû acquitter, le 12 juillet 2005, une amende de 20 millions d'euros au titre de la non-exécution d'une directive relative à la pêche – poissons sous taille – et, le 9 décembre 2008, de 10 millions d'euros pour transposition tardive de la directive relative à la dissémination et la mise sur le marché d' OGM.

Dans ce contexte, l'accumulation de retards avait contraint le Parlement à solder au pas de charge un important stock de directives en adoptant, en quelques semaines fin 2010, quatre projets et propositions de loi, dans des débats tronqués par l'impératif de célérité et par la technicité des mesures abordant des domaines divers et soulevant des enjeux politiques d'importance très inégale, rassemblées en quelques grands textes « fourre-tout ».

Pour renverser cette tendance, un groupe de travail associant des représentants du Gouvernement et du Parlement avait ensuite rédigé un « guide de bonnes pratiques », approuvé par le Conseil des ministres du 31 août 2011, qui a profondément modifié l'organisation de la transposition des directives.

Du côté du Gouvernement, la phase de veille, en amont de l'adoption des directives, a été substantiellement renforcée.

Une « équipe-projet » rassemblant les ministères concernés et le SGAE est désormais mise en place avant même le dépôt de la proposition de directive par la Commission européenne, afin d'évaluer rapidement l'impact sur le droit français des projets européens.

Chaque ministère nomme désormais en parallèle un correspondant permanent chargé de suivre les questions de transposition. Un tableau de concordance précis des dispositions nationales à modifier est rédigé dans les semaines qui suivent le dépôt d'une proposition de directive et actualisé en fonction des progrès des négociations.

En aval de l'adoption des directives à Strasbourg et Bruxelles, la phase de transposition a elle-aussi été rationnalisée au moyen de l'adoption rapide d'un plan de transposition validé par le cabinet du ministre chef de file. Ce tableau est assorti d'indicateurs mesurant le respect des échéances fixées.

Du côté du Parlement, les fiches d'impact dites « stratégiques » transmises par le Gouvernement ont été enrichies d'une présentation plus exhaustive des dispositions législatives françaises dont les propositions de directive concernées imposent la modification.

Surtout, un comité de liaison réunissant des représentants du Secrétariat général du Gouvernement, du SGAE, du cabinet des ministères concernés et des commissions permanentes et des commissions des affaires européennes des Assemblées parlementaires se réunit une fois par trimestre pour anticiper et programmer les travaux législatifs de transposition.

Enfin, pour balayer les dispositions techniques difficiles à intégrer à d'autres projets de loi tout en permettant l'organisation d'un débat serein et approfondi, il a été convenu qu'un ou plusieurs projets de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DADUE) seraient déposés régulièrement, par exemple en début d'année calendaire.

Ces efforts ont porté leurs fruits.

Le déficit de transposition de la France a diminué de 1,2 % en 2010 à 0,4 % en 2013, nous faisant passer de la 21ème à la 5ème place, aux premiers rangs des bons élèves européens.

En conséquence, aucun arrêt en manquement n'a été prononcé à notre encontre depuis 2011.

Toutefois, cette bonne situation risque d'être mise sous tension par l'accumulation d'éléments à transposer dans des délais rapprochés, qui impose l'examen par le Parlement dès cet automne de projets de loi rassemblant de très nombreuses dispositions difficiles à intégrer dans d'autres projets plus thématiques.

Un premier projet de loi portant adaptation de divers éléments relatifs la procédure pénale au droit de l'Union européenne a ainsi été déposé sur le bureau du Sénat le 23 avril dernier.

Il a pour objet de transposer trois décisions-cadres, dont les échéances de transposition sont déjà dépassées, sans cependant que de procédures de recours en manquement n'aient été engagées à ce jour.

Conformément aux décisions-cadres 2008947JAI du Conseil du 27 novembre 2008 et 2009829JAI du Conseil du 23 octobre 2009, le projet de loi propose de permettre et d'organiser l'exécution dans notre pays des mesures de probation, des peines substitutives à la privation de liberté et des mesures de contrôle alternatives à la détention provisoire prononcées dans d'autres États membres, comme, en sens inverse, l'exécution dans les autres pays de ce type de peines prononcées en France.

Un second projet de loi, en finalisation de rédaction, rassemble de très nombreux textes à transposer en matière économique et financière.

Il s'agit d'abord de directives adoptées au lendemain de la crise financière de 2008 afin de renforcer la transparence et la solvabilité des acteurs financiers et économiques. Doivent ainsi être transposées des dispositions de niveau législatif relevant :

– de la directive 2009138UE, dite « directive solvabilité II » – échéance de transposition au 30062015 –, qui modifie en profondeur l'évaluation de la capacité des organismes d'assurance à faire face à leurs engagements en substituant notamment à la vision comptable qui préside aujourd'hui au droit français des règles plus soucieuses des valeurs de marché ;

– de la directive 201334UE, dite « directive comptable unique » – échéance 21032016 –, qui impose d'ajuster, selon un périmètre toutefois limité, les modalités légales de présentation des comptes annuels et des comptes consolidés des sociétés ;

– de la directive 201350UE, dite « directive transparence » – échéance 27112015 –, dont l'objet est de moderniser le régime de transparence des sociétés cotées, notamment concernant les obligations de déclarations des franchissements de seuils ;

– de la directive 201417UE, dite « directive crédit immobilier » – échéance 21032016 –, qui harmonise les règles de présentation et les obligations d'information applicables aux crédits immobiliers aux particuliers ;

– de la directive 201311UE, dite « directive RELC » – échéance 09072015 –, encourageant et encadrant le recours aux mécanismes de résolution extrajudiciaire, par exemple grâce à l'intervention de médiateurs indépendants, des petits litiges de consommation.

Le Gouvernement propose d'adjoindre à ces dispositions les travaux législatifs nécessaires à la mise en place rapide de l'union bancaire, dont l'équilibre repose cependant sur le règlement sur le mécanisme de résolution unique, qui sera d'application immédiate, et sur l'accord intergouvernemental qui sera conclu sur son fondement pour transférer les contributions nationales progressivement mutualisées, qui sera soumis à notre ratification.

Il s'agit, d'une part, de la directive sur la résolution bancaire, qui concerne les règles de prévention et de résolution applicables aux établissements financiers n'entrant pas dans le périmètre du contrôle direct européen, soit essentiellement les entreprises d'investissement n'appartenant à aucun groupe bancaire.

Ces établissements continueront en effet à relever de la compétence des autorités nationales, dans le respect de grandes règles européennes fixées par la directive.

La directive sur la garantie des dépôts, d'autre part, qui a elle-aussi fait l'objet d'un accord politique en décembre dernier, appelle une adaptation du droit national en particulier pour ajuster le niveau de financement ex ante des fonds de garantie des dépôts jusqu'à 100.000 euros et pour réduire de 21 à 7 jours les délais d'indemnisation des déposants.

Là encore, les délais de transposition de ces deux directives, fixés à une année après leur adoption définitive, conjugué à la volonté de notre pays d'être exemplaire pour concrétiser un projet essentiel à la stabilité de la zone euro, militent pour que l'examen parlementaire soit organisé aussi rapidement que possible, tout en aménageant tout le temps nécessaire à des débats approfondis.

Comme vous le voyez, ces sujets appelleront une grande vigilance de notre part, et j'invite nos rapporteurs qui ont suivi ces projets à s'impliquer pleinement dans le suivi de leur transposition, au besoin en réalisant devant nous des points d'étape réguliers, sur le modèle du travail accomplis sur la « directive service », voire en proposant à notre commission de formuler, lorsqu'ils l'estiment nécessaire, des observations sur les enjeux les plus importants des projets de loi de transposition que j'évoque aujourd'hui.

De manière plus générale, en complément du bilan annuel que je vous soumets aujourd'hui, je suggère que le mandat des rapporteurs de notre commission sur les directives les plus significatives soit plus systématiquement étendu à leur exécution en France, sur le modèle des rapports sur l'application des lois qui se sont efficacement multipliés dans les commissions spécialisées, via par exemple la présentation de communications d'étapes un an après l'adoption des textes les plus importants à Bruxelles et Strasbourg.

II. Examen du rapport de M. François Vannson sur la proposition de résolution européenne de M. Marcel Bonnot, M. François Vannson, Mme Marianne Dubois, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Étienne Blanc, visant à sécuriser et à harmoniser l'information et le parcours de soin des personnes ayant contracté la maladie de Lyme

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