Intervention de Martine Lombard

Réunion du 31 janvier 2017 à 16h30
Commission des affaires économiques

Martine Lombard, membre du collège de l'ARCEP :

M. Sébastien Soriano tient à ce que l'ARCEP soit un vraiment un collège. Aussi a-t-il proposé aux membres du collège qui ont été nommés par le président de l'Assemblée nationale de l'accompagner.

Je souhaite aborder deux chantiers. Le premier qui a été mené à bien en 2016, mais dont les effets ne se feront sentir que dans quelques semaines ou dans quelques mois, est celui des cartes de couverture mobile. Le second qui va fortement s'accélérer en 2017 est celui des solutions dites « de couverture à la demande », c'est-à-dire de couverture à l'intérieur des bâtiments alternative à la pose d'antenne.

S'agissant des cartes de couverture mobile, nous nous étions engagés, lors de notre audition devant vous au mois de novembre 2015, à prendre à bras-le-corps le problème du décalage qui existe entre les cartes des opérateurs sur leurs sites internet, selon lesquelles 99,9 % de la population bénéficie bien d'une couverture mobile, et le ressenti des Français, d'où parfois la colère en tout cas les frustrations de nombre d'entre eux. Deux lois sont venues nous donner des armes pour traiter ce problème : d'abord la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qui impose aux opérateurs d'établir des cartes rénovées à partir de normes fixées par l'ARCEP. L'ARCEP vérifiera ensuite, aux frais de l'opérateur, via un organisme indépendant, la fiabilité des mesures ; en second lieu, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui a prévu que les données de ces cartes seraient réutilisables en open data. C'est très important parce que chacun pourra s'en saisir et faire des comparateurs de couverture. Nous espérons que cela aura un certain succès.

Ce dispositif va produire un véritable choc de transparence, parce qu'il y aura un avant et un après. Avant, ce sont les cartes de couverture actuelles qui sont binaires – couvert ou pas couvert. Avec ces cartes, 90 % du territoire et 99,9 % de la population sont couverts. Après, il y aura quatre niveaux de couverture : pas de couverture ; couverture limitée – c'est-à-dire couverture uniquement à l'extérieur des bâtiments ; bonne couverture – c'est-à-dire couverture probable à l'intérieur des bâtiments ; enfin bonne couverture – c'est-à-dire couverture dans les bâtiments à peu près garantie sauf cas particuliers, comme pour les bâtiments très haute qualité environnementale dont l'isolation, thermique mais pas uniquement, est parfaite.

Ce projet a fait l'objet d'une consultation publique de juillet à octobre 2016. Il a suscité des réactions assez vives des opérateurs qui se sont vraiment impliqués. Certains arguments techniques nous ont paru recevables. Ils nous ont convaincus par exemple que le nombre de mesures à faire nécessitait un délai de six mois alors que nous avions prévu trois mois. D'autres arguments, plus rhétoriques, ne nous ont pas convaincus. Par exemple, les opérateurs ne voulaient pas que l'on parle de « couverture limitée » dans les lieux où l'accessibilité n'est possible qu'à l'extérieur des bâtiments, préférant l'expression « assez bonne couverture ». Mais comme cela correspond à ces fameuses zones grises que les Français supportent mal, nous n'avons pas retenu cet argument.

La décision de l'ARCEP a été homologuée récemment et publiée au Journal officiel du 20 janvier dernier. Dans un délai de six semaines à compter de cette date, nous aurons des cartes de couverture mobile sur une région pilote, la Nouvelle-Aquitaine. Cette région a été choisie parce qu'on y trouve des zones de montagne. Dans six mois, tout le territoire métropolitain devra avoir été couvert par ces nouvelles cartes, et dans dix-huit mois tous les territoires ultramarins.

J'ai parlé d'un choc de transparence, en raison d'une rétractation visible des zones où la couverture paraît satisfaisante. Nous attendons au moins trois types de conséquences. D'abord une relance des investissements, de la concurrence par les infrastructures parce que chacun pourra comparer les cartes de couverture, grâce à l'open data. Nous espérons que le prix ne sera pas le seul paramètre de choix, que la réalité et la qualité de la couverture seront retenues. Ensuite, une bonne complémentarité avec la nouvelle plateforme France mobile, qui repose sur des remontées par les élus locaux qui identifient les problèmes. Grâce à ces cartes, les problèmes seront bien identifiés, ce qui permettra à France mobile de donner la priorité aux zones où il faut agir rapidement. Enfin, une relance des solutions de couverture à la demande. C'est le second chantier dont je voulais vous parler.

La couverture à la demande, ce sont toutes les solutions alternatives à la pose d'antennes par les opérateurs. Cette piste a été identifiée dès le mois de mars 2015 par le comité interministériel aux ruralités. Les opérateurs s'étaient engagés à avancer dans cette voie. Nous voudrions être certains qu'ils le font et assez rapidement, quitte si ce n'était pas le cas, à suggérer une modification du cadre réglementaire, voire du cadre législatif.

Notre calendrier de travail est le suivant. Nous allons d'abord élaborer un pré-rapport technique sur les avantages et les inconvénients des différentes solutions. Nous auditionnerons les opérateurs au mois de février, puis au mois de mars nous ouvrirons un appel à contribution pour que les équipementiers, les associations de collectivités et les collectivités elles-mêmes, expriment leurs demandes. Il n'y aura aucun tabou. Pour le moment, les différentes solutions alternatives sont le wifi – mais cela suppose un réseau fixe –, les femtocell – mais cette solution est plus ou moins satisfaisante –, la voix sur wifi qui est encore à l'état expérimental et suppose des terminaux adéquats, le système d'antennes distribuées (DAS) pour les immeubles de grande hauteur – ce système est assez performant, mais son coût est assez élevé pour les opérateurs –, enfin les répéteurs pour les zones rurales – les opérateurs n'aiment pas cette solution qui utilise les fréquences qui sont leur propriété et qui risque de générer des interférences et donc des brouillages.

Nous allons tout explorer et mettre carte sur table, sans tabou.

La priorité, pour un régulateur, c'est de stimuler le jeu du marché. Si cela ne suffit pas, il faudra savoir en prendre acte et, le cas échéant, se tourner vers le politique, demander des arbitrages et modifier le cadre législatif si nécessaire.

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