Intervention de Sébastien Soriano

Réunion du 31 janvier 2017 à 16h30
Commission des affaires économiques

Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, ARCEP :

Il appartient au Gouvernement de définir les modalités financières. Je ne peux donc pas répondre, en tant que régulateur, à la question de M. André Chassaigne, même si j'en comprends le bien-fondé.

Vous demandez si l'ARCEP va mettre en oeuvre les recommandations de la Cour des comptes qui la concernent. Évidemment, il est un peu tôt pour vous répondre. En tout cas, nous sommes déterminés à développer la concurrence sur le marché des entreprises, qui est le parent pauvre de la régulation. Ce marché est encore assuré à hauteur de 60 % par l'opérateur historique, avec des prix élevés et des offres technologiques qui ne nous paraissent pas adaptées. Nous avons mis sur la table un document de doctrine pour revoir de fond en comble la régulation de ce marché des entreprises et nous sommes en train de passer à l'acte à travers les documents de régulation que nous publierons la semaine prochaine sur la fibre pour développer cette concurrence. Nous voulons un marché de masse de la fibre pour les PME. Il faut profiter du déploiement de ces infrastructures en fibre qui engage le pays et les collectivités.

La deuxième recommandation de la Cour des comptes concerne le suivi des engagements des opérateurs, notamment dans les zones moyennement denses, là où il y a eu partage entre SFR et Orange. L'ARCEP regrette de ne pas disposer des outils lui permettant de piloter finement ces engagements. Le cadre européen des télécoms est en cours de révision. C'est un sujet que je suis de près puisque je suis président de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) pour l'année 2017. Ce cadre européen propose de doter les régulateurs d'un outil de suivi beaucoup plus fin des engagements des opérateurs. C'est une orientation à laquelle nous sommes tout à fait ouverts, mais aujourd'hui nous sommes un peu démunis faute d'un cadre nous permettant de contrôler très finement ces engagements des opérateurs.

En ce qui concerne la régulation de la fibre et notamment l'importance de la concurrence, j'ai bien entendu la préoccupation de Mme Jeanine Dubié. Effectivement, personne ne veut investir dans les zones qui ne sont pas rentables. Aussi n'y a-t-il pas de concurrence. Nous souhaitons renforcer une dynamique d'acteurs pour que les incitations soient plus fortes. Aujourd'hui, dans les réseaux d'initiative publique, il y a des réseaux publics qui sont subventionnés. Ces réseaux sont ouverts, mais les opérateurs ne s'engagent pas suffisamment. Il n'y a pas de barrière économique insurmontable pour tous les grands opérateurs nationaux que sont Orange, Bouygues Telecom, SFR ou Free – pour co-investir dans ces réseaux. La Cour des comptes signale que l'investissement du privé dans les réseaux publics n'est pas suffisant. Il faut donc mettre sous pression les opérateurs pour qu'ils investissent. Si nous parvenons à en convaincre un ou deux, les autres seront obligés de suivre. Du coup, on retrouvera une incitation à la concurrence. Il faut donc initier le mouvement. C'est la raison pour laquelle nous voulons mettre sous pression les acteurs, et que nous avons permis aux territoires, à travers les lignes directrices tarifaires que j'évoquais tout à l'heure, d'abaisser momentanément le prix d'accès à leur réseau pour inciter un premier opérateur à venir. Cet opérateur commencera à commercialiser la fibre, à grignoter des parts de marché et alors les autres seront obligés de venir. Qu'ils le veuillent ou non, ils seront obligés de défendre leur base de clientèle. Certes, la concurrence ne résout pas tout, mais c'est un instrument que l'on peut utiliser dans certaines situations pour stimuler le marché. Dans ce cas particulier, la concurrence n'est possible que parce qu'il y a eu une subvention publique. Je suis bien conscient que le réseau public est soutenu parce que, de fait, il n'est pas rentable.

Vous avez demandé comment la concurrence allait développer l'investissement. On a tendance à opposer concurrence et investissement et l'on pense que s'il y avait moins d'opérateurs sur le marché, ils auraient plus d'argent pour investir. C'est partiellement vrai et faux à la fois. Certes, ils auraient plus de moyens pour investir mais moins d'incitation à le faire. Il y a quatre opérateurs sur le marché de la fibre, plus quelques petits opérateurs. La moitié de l'investissement peut être portée par des opérateurs alternatifs aux côtés d'Orange.

La digital literacy est portée par l'Agence du numérique qui comprend trois départements. Le premier est en charge du plan France Très haut débit, le deuxième de la French Tech, c'est-à-dire de la promotion des startups à l'international et dans les territoires, et le troisième des usages. La ministre Axelle Lemaire a annoncé, il y a quelques mois, un plan d'action pour faciliter l'accès au numérique, y compris dans les territoires. Dans ce domaine, l'ARCEP n'est pas au premier plan.

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