Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 17 octobre 2012 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication :

Je vous remercie de votre invitation, qui me permettra de décliner certaines des priorités du Gouvernement et du Président de la République pour le budget de 2013.

Le budget global du ministère s'établira en 2013 à 7,4 milliards d'euros, dont 3,55 milliards en faveur des secteurs de la culture, de la recherche et des médias, et 3,83 milliards en faveur de l'audiovisuel public. Cette baisse de 2 % par rapport à 2012 atteste la participation du ministère à l'effort général de redressement des comptes publics. Cela signifie des choix lourds, certes, mais responsables. Ils résultent aussi d'un héritage, celui de l'accumulation de grands projets qui grevaient potentiellement le budget de la culture, alors même qu'une telle accumulation ne constitue pas en elle-même une politique culturelle, et ne saurait remplacer un dessein ou une vision.

Les médias, le livre et les industries culturelles sont confrontés à de nouveaux défis, à commencer par celui de la transition numérique ; dans ce contexte, la mission se verra dotée, en 2013, d'une enveloppe globale de 1,211 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,218 milliard en crédits de paiement.

Le monde de la presse est soumis à de forts bouleversements, puisqu'il doit s'adapter aux nouvelles exigences technologiques et économiques du secteur. Pour accompagner ces mutations, 516,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement seront consacrés aux aides à la presse en 2013. La principale évolution de ce programme est liée au transfert des crédits dédiés au transport postal de la presse précédemment inscrits au programme 134 de la mission « Économie » ; ce rapatriement budgétaire au ministère de la culture offrira une meilleure lisibilité. L'année 2013 verra s'approfondir la mise en oeuvre de la réforme des aides à la presse écrite engagée à la suite des États généraux, et nous entendons d'ailleurs aller beaucoup plus loin. Ce sera également l'occasion de renégocier le contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence France Presse (AFP), puisque ce dernier arrive à échéance.

Afin d'accompagner les mutations du secteur de la presse tout en lui garantissant les conditions de son indépendance, de son pluralisme et du développement de sa diffusion, la réforme des aides publiques directes à la presse, décidée en 2011 par l'instance de concertation, a vu le jour en 2012 conformément aux principes qui fondent le dispositif. Le nouveau fonds stratégique pour le développement de la presse, doté en 2013 de 33,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, a pour ambition d'accompagner les entreprises de presse dans la définition de leur nouveau modèle économique à l'ère du numérique : il vise à améliorer le ciblage et l'efficacité des aides à l'investissement des entreprises de presse et à recentrer le soutien public sur la presse d'information politique et générale, dite « IPG », objectif qui semble d'autant plus nécessaire en cette période de crise pour la presse écrite.

Parallèlement à cette réforme, les aides à la distribution de la presse, ciblées sur la presse IPG, demeurent cruciales pour organiser l'acheminement et la diffusion des titres sur l'ensemble du territoire, dans un contexte de déclin du support papier. Ainsi, 18,9 millions d'euros seront consacrés à l'aide à la distribution, afin notamment d'accompagner l'effort de restructuration engagé par Presstalis, et 37,6 millions d'euros seront consacrés au plan d'aide au développement du portage, afin de favoriser la diffusion de la presse IPG.

S'agissant de Presstalis, un travail approfondi a été mené du 30 juillet au 30 septembre afin de trouver un financement global pour la période 2012-2015, puisque telle était la condition fixée par le président du tribunal de commerce. Un accord a finalement été trouvé entre les parties, à savoir les éditeurs, la société Presstalis elle-même – qui va devoir consentir de nouvelles économies –, l'État, qui s'est fortement engagé, et les Messageries lyonnaises de presse (MLP). Cet accord sur la pérennisation du système de distribution permet de proroger jusqu'à la fin de l'année le mandat de l'administrateur ad hoc. Dans cette restructuration de l'ensemble de la filière, nous avons tout particulièrement le souci de préserver au maximum le niveau 3 de la distribution, c'est-à-dire les diffuseurs.

D'une façon plus générale, il était devenu nécessaire de mieux cibler certaines aides. Malgré l'effort budgétaire, j'insiste sur les sommes importantes allouées au portage à domicile – 37,6 millions d'euros –, qui permet de lutter contre la désaffection de nos concitoyens à l'égard de la presse. Les accords contractuels, quant à eux, seront bien entendu respectés, qu'il s'agisse de l'accord État-Presse-La Poste ou du COM de l'AFP, pour laquelle les abonnements de l'État sont maintenus à hauteur de 117,5 millions d'euros. Comme vous le savez, la Commission européenne a demandé une clarification juridique qui faisait peser une menace sur cette agence ; mais je suis raisonnablement optimiste sur l'issue des discussions.

J'en viens au programme 334, « Livre et industries culturelles ». Dans un contexte budgétaire fortement contraint, les moyens consacrés à la politique en faveur du livre et de la lecture sont globalement préservés en 2013, avec des crédits stables en autorisations d'engagement – 248,1 millions d'euros, contre 247,6 millions en 2012, soit une hausse de 0,2 % –, le recul en crédits de paiement résultant essentiellement de l'étalement des travaux de rénovation du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Notre politique, s'agissant du livre et de la lecture, consiste à favoriser le développement de la création littéraire et la diffusion du patrimoine écrit à travers le soutien aux acteurs – auteurs, éditeurs, libraires, collectivités, bibliothèques et médiathèques –, afin de maintenir les équilibres favorables à notre diversité culturelle. Là encore, le soutien des politiques publiques est nécessaire, car la transition numérique ne va pas sans difficultés.

Dans ce contexte, l'année 2013 sera marquée par la mise en oeuvre des orientations en faveur du réseau des libraires, comme je l'avais annoncé au début de l'été. Des groupes de travail associant l'ensemble des acteurs réfléchissent à la modernisation des dispositifs de soutien aux librairies indépendantes. La concertation durera tout l'automne, les préconisations étant attendues pour la fin de l'année. Des groupes de travail ad hoc réfléchissent également aux évolutions législatives ou réglementaires souhaitables. Je m'appuierai aussi sur les rapports de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) consacrés, d'une part, au Centre national du livre et, de l'autre, aux marchés publics. Ces différents travaux nous offriront un large panorama de la situation. La librairie est, comme vous le savez, l'un des commerces de détail les moins rentables, mais son rôle social est indispensable.

Nous poursuivrons également la modernisation du cadre normatif applicable à l'économie du livre numérique. Les discussions entre auteurs et éditeurs sur le contrat d'édition numérique, bloquées au printemps, viennent de reprendre. Je suis optimiste sur leur issue, même si chaque partie doit évidemment faire un pas vers l'autre. Nous avons tous voté la récente loi relative au prix unique du livre numérique, ainsi que le taux réduit de TVA qui lui est appliqué. Reste que la définition du contrat d'édition numérique est un jalon essentiel si nous voulons que la France prenne de l'avance en ce domaine, et que les libraires affrontent la concurrence frontale qui leur est livrée par certains acteurs mondialisés de la vente en ligne. Enfin, la plateforme numérique « 1001libraires.com » a été un échec ; l'IGAC réfléchit donc à de nouvelles solutions.

Le développement de la lecture sur l'ensemble du territoire et en faveur de tous les publics, notamment les plus jeunes, demeurera l'une des priorités du ministère de la culture : si la lecture publique relève d'abord de la compétence des collectivités locales, le rôle de l'État reste capital dans l'impulsion de politiques nationales. La BnF joue bien entendu un rôle majeur ; c'est pourquoi ses crédits de fonctionnement sont préservés. Sa modernisation, notamment en matière de numérisation, ainsi que la valorisation du patrimoine des bibliothèques territoriales, constituent des enjeux de long terme de la mission ; aussi mobilisent-ils l'essentiel des crédits du programme 334. Le budget de la BnF restera centré sur les missions stratégiques retenues dans le cadre, d'une part, de la numérisation et de la valorisation des collections, et, d'autre part, de la modernisation de ses services ainsi que de la rénovation du site Richelieu.

Pour ce qui concerne les industries culturelles dans leur ensemble, l'intervention publique ne doit pas se substituer à celle des acteurs privés, mais assurer la diversité et le renouvellement de la création ainsi que sa diffusion auprès des publics les plus larges, laquelle constitue un véritable enjeu démocratique.

Le nouveau contexte numérique conduit à repenser les modalités de cette intervention ; à ce titre, l'année 2013 sera largement consacrée à la mise en oeuvre des préconisations de la mission confiée en juillet 2012 à M. Pierre Lescure sur « l'acte II de l'exception culturelle » pour réfléchir à l'adaptation des différents outils destinés à protéger cette exception culturelle et la faire fructifier. Les auditions, qui se dérouleront jusqu'à la fin de l'année, sont publiques et font l'objet de comptes rendus sur le site internet du ministère, sous la rubrique « culture-acte2 ». Tous les acteurs seront entendus, parmi lesquels les présidents des commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat, dans la transparence et la diversité. D'autres échanges publics auront lieu au terme de ces auditions, avant que la mission ne me remette ses conclusions en mars prochain. Son périmètre de réflexion recouvre l'ensemble des phénomènes de transition et d'adaptation des mécanismes légaux et économiques ayant permis, depuis des années, de défendre la création – puisque tel est bien l'enjeu de l'exception culturelle.

L'avenir de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet, dite Hadopi, n'est donc qu'une question parmi d'autres. Le niveau de ses moyens financiers a par ailleurs beaucoup agité les médias, mais il était normal que cette institution contribue elle aussi à l'effort budgétaire. Ses crédits diminueront donc en 2013, et les discussions se poursuivent sur leur montant définitif sachant que le projet annuel de performances prévoit pour l'instant 8 millions d'euros. Il faut en effet permettre à la Hadopi d'assurer ses missions – en particulier sur l'évaluation des pratiques –, que je n'entends pas remettre en cause avant les conclusions de la mission Lescure.

Sur l'audiovisuel aussi, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité et de la vérité. L'effort budgétaire s'applique donc également à ce secteur, qui, en 2013, verra sa dotation globale s'établir à 285,4 millions d'euros, en recul de 1,56 % par rapport à 2012. Aucune mission stratégique des organismes n'est cependant remise en cause. L'objectif de retour à l'équilibre des finances publiques a conduit le Gouvernement à prévoir, pour France Télévisions, une dotation inférieure à celle qui figurait dans son contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2011-2015. Ce dernier fera effectivement l'objet d'un avenant qui réévaluera les objectifs du groupe à l'aune de la baisse des ressources publiques, mais aussi publicitaires – puisque le manque à gagner en ce domaine devrait, selon les estimations, atteindre quelque 75 millions d'euros en 2013 –, et ce afin de lui permettre de remplir ses missions, qu'il s'agisse d'aller à la rencontre de tous les publics, de placer la création au coeur de la stratégie d'entreprise, du développement du numérique, de la proximité locale ou de l'accès aux programmes des personnes handicapées.

Les crédits alloués au fonds de soutien à l'expression radiophonique locale se maintiendront à 29 millions d'euros, signe de l'attachement du Gouvernement à la communication sociale de proximité.

À la suite de la fusion de France 24 et de RFI en une entreprise unique, nous avons suivi les recommandations du rapport relatif à l'audiovisuel extérieur de la France (AEF) remis par M. Jean-Paul Cluzel à la fin du mois de juin. Désormais, la spécificité de chacune des deux chaînes est bien affirmée, et le projet de fusion de leurs rédactions abandonné. La procédure de nomination de la nouvelle présidente de l'AEF, Mme Marie-Christine Saragosse, anticipe d'ailleurs sur la future réforme du mode de nomination des responsables de l'audiovisuel public, avec une recommandation du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qu'a suivie le Président de la République.

Selon le rapport Cluzel, les difficultés traversées par France 24 et RFI rendaient indispensable le maintien de la dotation budgétaire de l'AEF au niveau de 2012 ; c'est ce qu'a décidé le Gouvernement, avec une enveloppe de 314,2 millions d'euros, dont 149,4 millions issus des crédits du programme 115, le complément étant apporté par l'ex-redevance. Ces crédits incluent la participation de l'AEF à TV5 Monde, France Télévisions étant à terme amenée à la reprendre. Au total, la participation de France Télévisions au capital de TV5 Monde s'établira probablement à 49 %, ce qui serait un geste fort à l'égard de nos partenaires francophones suisses, belges et canadiens. Un conseil d'administration de cette chaîne se tiendra le 14 novembre prochain pour désigner son futur directeur général.

Quant à Radio France, Arte et l'Institut national de l'audiovisuel (INA), leurs crédits sont quasiment stables, malgré une très légère baisse.

France Télévisions est l'entreprise la plus mise à contribution ; mon choix, de fait, a été d'utiliser sa structure d'entreprise unique pour dégager des synergies, donc des économies, sans entamer pour autant ses objectifs stratégiques. Le Gouvernement a néanmoins pris ses responsabilités en proposant d'augmenter la contribution à l'audiovisuel public – ex-redevance audiovisuelle – de 2 euros en plus de l'inflation, ce qui la porterait à 129 euros, soit un niveau encore bien inférieur à ce qu'elle est en Allemagne et au Royaume-Uni, où elle atteint respectivement 219 et 180 euros. J'ajoute que toutes les exemptions seront maintenues, notamment celle dont bénéficient les personnes âgées à faibles revenus.

Certains députés proposent de réformer l'assiette de cette contribution, qui doit effectivement être une recette pérenne, équitable et moderne pour l'audiovisuel public, et partant un gage de son indépendance. Le Gouvernement a entendu leur message, mais une telle mesure nécessite une réflexion approfondie, en particulier sur son impact. La réflexion budgétaire, à ce stade, ne doit donc pas prendre le pas sur la définition des missions. Reste que le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement se poursuivra, de façon que l'ajustement de France Télévisions s'effectue dans les meilleures conditions économiques et sociales.

Dès le début de l'été, j'avais demandé au président de France Télévisions de préparer de nouvelles propositions sur les missions des différentes chaînes et sur la présence des différents genres de programmes. Les discussions sont en cours ; leur issue déterminera, avant la fin de l'année, l'avenant au COM. Ces discussions permettent de définir des axes d'économies, en matière notamment de coûts de structure, et ce tout en préservant le plus possible les engagements dans la création audiovisuelle et cinématographique. Pour France 3, une meilleure articulation entre l'échelon régional et l'échelon national paraît souhaitable. Enfin, la place des programmes à destination des enfants doit sans doute être plus ambitieuse, d'autant que la filière française de l'animation est remarquable et créative.

Il n'en demeure pas moins, c'est indéniable, que la participation du groupe France Télévisions à l'effort de redressement des comptes publics est à la fois très importante et supérieure à celle qui est demandée aux autres organismes du secteur public, puisque les ressources publiques diminueront de 85 millions d'euros, soit une baisse de 3,4 % par rapport à 2012 – contre 0,3 % en moyenne pour les autres organismes –, sans compter le manque à gagner des ressources publicitaires dont j'ai parlé.

C'est donc dans ce cadre contraint que la réflexion sur les missions va se poursuivre avec l'objectif que soit pleinement rempli le service public au téléspectateur et au citoyen en termes de programmes et d'information.

Quant à la taxe sur les services de télévision, dite TST, je l'évoquerai en répondant à vos questions.

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