Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du 17 octobre 2012 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 17 octobre 2012

La séance est ouverte à seize heures quarante.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation entend Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

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Nous entamons le marathon budgétaire en entendant madame la ministre de la culture et de la communication, à qui je souhaite la bienvenue, sur les crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

L'actualité nous conduit à porter une attention toute particulière, madame la ministre, au financement de l'audiovisuel public et notamment de France Télévisions. Nous aurons également à discuter d'autres enjeux essentiels, tels que les crédits consacrés à la presse, au sujet desquels nous nourrissons quelques inquiétudes. S'agissant de la société Presstalis, je rappelle que nous avions auditionné en juillet dernier sa présidente, Mme Anne-Marie Couderc. J'indique, pour conclure, que si un avenant devait être apporté au contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, notre Commission aurait à se prononcer à son sujet.

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Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Je vous remercie de votre invitation, qui me permettra de décliner certaines des priorités du Gouvernement et du Président de la République pour le budget de 2013.

Le budget global du ministère s'établira en 2013 à 7,4 milliards d'euros, dont 3,55 milliards en faveur des secteurs de la culture, de la recherche et des médias, et 3,83 milliards en faveur de l'audiovisuel public. Cette baisse de 2 % par rapport à 2012 atteste la participation du ministère à l'effort général de redressement des comptes publics. Cela signifie des choix lourds, certes, mais responsables. Ils résultent aussi d'un héritage, celui de l'accumulation de grands projets qui grevaient potentiellement le budget de la culture, alors même qu'une telle accumulation ne constitue pas en elle-même une politique culturelle, et ne saurait remplacer un dessein ou une vision.

Les médias, le livre et les industries culturelles sont confrontés à de nouveaux défis, à commencer par celui de la transition numérique ; dans ce contexte, la mission se verra dotée, en 2013, d'une enveloppe globale de 1,211 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,218 milliard en crédits de paiement.

Le monde de la presse est soumis à de forts bouleversements, puisqu'il doit s'adapter aux nouvelles exigences technologiques et économiques du secteur. Pour accompagner ces mutations, 516,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement seront consacrés aux aides à la presse en 2013. La principale évolution de ce programme est liée au transfert des crédits dédiés au transport postal de la presse précédemment inscrits au programme 134 de la mission « Économie » ; ce rapatriement budgétaire au ministère de la culture offrira une meilleure lisibilité. L'année 2013 verra s'approfondir la mise en oeuvre de la réforme des aides à la presse écrite engagée à la suite des États généraux, et nous entendons d'ailleurs aller beaucoup plus loin. Ce sera également l'occasion de renégocier le contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence France Presse (AFP), puisque ce dernier arrive à échéance.

Afin d'accompagner les mutations du secteur de la presse tout en lui garantissant les conditions de son indépendance, de son pluralisme et du développement de sa diffusion, la réforme des aides publiques directes à la presse, décidée en 2011 par l'instance de concertation, a vu le jour en 2012 conformément aux principes qui fondent le dispositif. Le nouveau fonds stratégique pour le développement de la presse, doté en 2013 de 33,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, a pour ambition d'accompagner les entreprises de presse dans la définition de leur nouveau modèle économique à l'ère du numérique : il vise à améliorer le ciblage et l'efficacité des aides à l'investissement des entreprises de presse et à recentrer le soutien public sur la presse d'information politique et générale, dite « IPG », objectif qui semble d'autant plus nécessaire en cette période de crise pour la presse écrite.

Parallèlement à cette réforme, les aides à la distribution de la presse, ciblées sur la presse IPG, demeurent cruciales pour organiser l'acheminement et la diffusion des titres sur l'ensemble du territoire, dans un contexte de déclin du support papier. Ainsi, 18,9 millions d'euros seront consacrés à l'aide à la distribution, afin notamment d'accompagner l'effort de restructuration engagé par Presstalis, et 37,6 millions d'euros seront consacrés au plan d'aide au développement du portage, afin de favoriser la diffusion de la presse IPG.

S'agissant de Presstalis, un travail approfondi a été mené du 30 juillet au 30 septembre afin de trouver un financement global pour la période 2012-2015, puisque telle était la condition fixée par le président du tribunal de commerce. Un accord a finalement été trouvé entre les parties, à savoir les éditeurs, la société Presstalis elle-même – qui va devoir consentir de nouvelles économies –, l'État, qui s'est fortement engagé, et les Messageries lyonnaises de presse (MLP). Cet accord sur la pérennisation du système de distribution permet de proroger jusqu'à la fin de l'année le mandat de l'administrateur ad hoc. Dans cette restructuration de l'ensemble de la filière, nous avons tout particulièrement le souci de préserver au maximum le niveau 3 de la distribution, c'est-à-dire les diffuseurs.

D'une façon plus générale, il était devenu nécessaire de mieux cibler certaines aides. Malgré l'effort budgétaire, j'insiste sur les sommes importantes allouées au portage à domicile – 37,6 millions d'euros –, qui permet de lutter contre la désaffection de nos concitoyens à l'égard de la presse. Les accords contractuels, quant à eux, seront bien entendu respectés, qu'il s'agisse de l'accord État-Presse-La Poste ou du COM de l'AFP, pour laquelle les abonnements de l'État sont maintenus à hauteur de 117,5 millions d'euros. Comme vous le savez, la Commission européenne a demandé une clarification juridique qui faisait peser une menace sur cette agence ; mais je suis raisonnablement optimiste sur l'issue des discussions.

J'en viens au programme 334, « Livre et industries culturelles ». Dans un contexte budgétaire fortement contraint, les moyens consacrés à la politique en faveur du livre et de la lecture sont globalement préservés en 2013, avec des crédits stables en autorisations d'engagement – 248,1 millions d'euros, contre 247,6 millions en 2012, soit une hausse de 0,2 % –, le recul en crédits de paiement résultant essentiellement de l'étalement des travaux de rénovation du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Notre politique, s'agissant du livre et de la lecture, consiste à favoriser le développement de la création littéraire et la diffusion du patrimoine écrit à travers le soutien aux acteurs – auteurs, éditeurs, libraires, collectivités, bibliothèques et médiathèques –, afin de maintenir les équilibres favorables à notre diversité culturelle. Là encore, le soutien des politiques publiques est nécessaire, car la transition numérique ne va pas sans difficultés.

Dans ce contexte, l'année 2013 sera marquée par la mise en oeuvre des orientations en faveur du réseau des libraires, comme je l'avais annoncé au début de l'été. Des groupes de travail associant l'ensemble des acteurs réfléchissent à la modernisation des dispositifs de soutien aux librairies indépendantes. La concertation durera tout l'automne, les préconisations étant attendues pour la fin de l'année. Des groupes de travail ad hoc réfléchissent également aux évolutions législatives ou réglementaires souhaitables. Je m'appuierai aussi sur les rapports de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) consacrés, d'une part, au Centre national du livre et, de l'autre, aux marchés publics. Ces différents travaux nous offriront un large panorama de la situation. La librairie est, comme vous le savez, l'un des commerces de détail les moins rentables, mais son rôle social est indispensable.

Nous poursuivrons également la modernisation du cadre normatif applicable à l'économie du livre numérique. Les discussions entre auteurs et éditeurs sur le contrat d'édition numérique, bloquées au printemps, viennent de reprendre. Je suis optimiste sur leur issue, même si chaque partie doit évidemment faire un pas vers l'autre. Nous avons tous voté la récente loi relative au prix unique du livre numérique, ainsi que le taux réduit de TVA qui lui est appliqué. Reste que la définition du contrat d'édition numérique est un jalon essentiel si nous voulons que la France prenne de l'avance en ce domaine, et que les libraires affrontent la concurrence frontale qui leur est livrée par certains acteurs mondialisés de la vente en ligne. Enfin, la plateforme numérique « 1001libraires.com » a été un échec ; l'IGAC réfléchit donc à de nouvelles solutions.

Le développement de la lecture sur l'ensemble du territoire et en faveur de tous les publics, notamment les plus jeunes, demeurera l'une des priorités du ministère de la culture : si la lecture publique relève d'abord de la compétence des collectivités locales, le rôle de l'État reste capital dans l'impulsion de politiques nationales. La BnF joue bien entendu un rôle majeur ; c'est pourquoi ses crédits de fonctionnement sont préservés. Sa modernisation, notamment en matière de numérisation, ainsi que la valorisation du patrimoine des bibliothèques territoriales, constituent des enjeux de long terme de la mission ; aussi mobilisent-ils l'essentiel des crédits du programme 334. Le budget de la BnF restera centré sur les missions stratégiques retenues dans le cadre, d'une part, de la numérisation et de la valorisation des collections, et, d'autre part, de la modernisation de ses services ainsi que de la rénovation du site Richelieu.

Pour ce qui concerne les industries culturelles dans leur ensemble, l'intervention publique ne doit pas se substituer à celle des acteurs privés, mais assurer la diversité et le renouvellement de la création ainsi que sa diffusion auprès des publics les plus larges, laquelle constitue un véritable enjeu démocratique.

Le nouveau contexte numérique conduit à repenser les modalités de cette intervention ; à ce titre, l'année 2013 sera largement consacrée à la mise en oeuvre des préconisations de la mission confiée en juillet 2012 à M. Pierre Lescure sur « l'acte II de l'exception culturelle » pour réfléchir à l'adaptation des différents outils destinés à protéger cette exception culturelle et la faire fructifier. Les auditions, qui se dérouleront jusqu'à la fin de l'année, sont publiques et font l'objet de comptes rendus sur le site internet du ministère, sous la rubrique « culture-acte2 ». Tous les acteurs seront entendus, parmi lesquels les présidents des commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat, dans la transparence et la diversité. D'autres échanges publics auront lieu au terme de ces auditions, avant que la mission ne me remette ses conclusions en mars prochain. Son périmètre de réflexion recouvre l'ensemble des phénomènes de transition et d'adaptation des mécanismes légaux et économiques ayant permis, depuis des années, de défendre la création – puisque tel est bien l'enjeu de l'exception culturelle.

L'avenir de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet, dite Hadopi, n'est donc qu'une question parmi d'autres. Le niveau de ses moyens financiers a par ailleurs beaucoup agité les médias, mais il était normal que cette institution contribue elle aussi à l'effort budgétaire. Ses crédits diminueront donc en 2013, et les discussions se poursuivent sur leur montant définitif sachant que le projet annuel de performances prévoit pour l'instant 8 millions d'euros. Il faut en effet permettre à la Hadopi d'assurer ses missions – en particulier sur l'évaluation des pratiques –, que je n'entends pas remettre en cause avant les conclusions de la mission Lescure.

Sur l'audiovisuel aussi, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité et de la vérité. L'effort budgétaire s'applique donc également à ce secteur, qui, en 2013, verra sa dotation globale s'établir à 285,4 millions d'euros, en recul de 1,56 % par rapport à 2012. Aucune mission stratégique des organismes n'est cependant remise en cause. L'objectif de retour à l'équilibre des finances publiques a conduit le Gouvernement à prévoir, pour France Télévisions, une dotation inférieure à celle qui figurait dans son contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2011-2015. Ce dernier fera effectivement l'objet d'un avenant qui réévaluera les objectifs du groupe à l'aune de la baisse des ressources publiques, mais aussi publicitaires – puisque le manque à gagner en ce domaine devrait, selon les estimations, atteindre quelque 75 millions d'euros en 2013 –, et ce afin de lui permettre de remplir ses missions, qu'il s'agisse d'aller à la rencontre de tous les publics, de placer la création au coeur de la stratégie d'entreprise, du développement du numérique, de la proximité locale ou de l'accès aux programmes des personnes handicapées.

Les crédits alloués au fonds de soutien à l'expression radiophonique locale se maintiendront à 29 millions d'euros, signe de l'attachement du Gouvernement à la communication sociale de proximité.

À la suite de la fusion de France 24 et de RFI en une entreprise unique, nous avons suivi les recommandations du rapport relatif à l'audiovisuel extérieur de la France (AEF) remis par M. Jean-Paul Cluzel à la fin du mois de juin. Désormais, la spécificité de chacune des deux chaînes est bien affirmée, et le projet de fusion de leurs rédactions abandonné. La procédure de nomination de la nouvelle présidente de l'AEF, Mme Marie-Christine Saragosse, anticipe d'ailleurs sur la future réforme du mode de nomination des responsables de l'audiovisuel public, avec une recommandation du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qu'a suivie le Président de la République.

Selon le rapport Cluzel, les difficultés traversées par France 24 et RFI rendaient indispensable le maintien de la dotation budgétaire de l'AEF au niveau de 2012 ; c'est ce qu'a décidé le Gouvernement, avec une enveloppe de 314,2 millions d'euros, dont 149,4 millions issus des crédits du programme 115, le complément étant apporté par l'ex-redevance. Ces crédits incluent la participation de l'AEF à TV5 Monde, France Télévisions étant à terme amenée à la reprendre. Au total, la participation de France Télévisions au capital de TV5 Monde s'établira probablement à 49 %, ce qui serait un geste fort à l'égard de nos partenaires francophones suisses, belges et canadiens. Un conseil d'administration de cette chaîne se tiendra le 14 novembre prochain pour désigner son futur directeur général.

Quant à Radio France, Arte et l'Institut national de l'audiovisuel (INA), leurs crédits sont quasiment stables, malgré une très légère baisse.

France Télévisions est l'entreprise la plus mise à contribution ; mon choix, de fait, a été d'utiliser sa structure d'entreprise unique pour dégager des synergies, donc des économies, sans entamer pour autant ses objectifs stratégiques. Le Gouvernement a néanmoins pris ses responsabilités en proposant d'augmenter la contribution à l'audiovisuel public – ex-redevance audiovisuelle – de 2 euros en plus de l'inflation, ce qui la porterait à 129 euros, soit un niveau encore bien inférieur à ce qu'elle est en Allemagne et au Royaume-Uni, où elle atteint respectivement 219 et 180 euros. J'ajoute que toutes les exemptions seront maintenues, notamment celle dont bénéficient les personnes âgées à faibles revenus.

Certains députés proposent de réformer l'assiette de cette contribution, qui doit effectivement être une recette pérenne, équitable et moderne pour l'audiovisuel public, et partant un gage de son indépendance. Le Gouvernement a entendu leur message, mais une telle mesure nécessite une réflexion approfondie, en particulier sur son impact. La réflexion budgétaire, à ce stade, ne doit donc pas prendre le pas sur la définition des missions. Reste que le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement se poursuivra, de façon que l'ajustement de France Télévisions s'effectue dans les meilleures conditions économiques et sociales.

Dès le début de l'été, j'avais demandé au président de France Télévisions de préparer de nouvelles propositions sur les missions des différentes chaînes et sur la présence des différents genres de programmes. Les discussions sont en cours ; leur issue déterminera, avant la fin de l'année, l'avenant au COM. Ces discussions permettent de définir des axes d'économies, en matière notamment de coûts de structure, et ce tout en préservant le plus possible les engagements dans la création audiovisuelle et cinématographique. Pour France 3, une meilleure articulation entre l'échelon régional et l'échelon national paraît souhaitable. Enfin, la place des programmes à destination des enfants doit sans doute être plus ambitieuse, d'autant que la filière française de l'animation est remarquable et créative.

Il n'en demeure pas moins, c'est indéniable, que la participation du groupe France Télévisions à l'effort de redressement des comptes publics est à la fois très importante et supérieure à celle qui est demandée aux autres organismes du secteur public, puisque les ressources publiques diminueront de 85 millions d'euros, soit une baisse de 3,4 % par rapport à 2012 – contre 0,3 % en moyenne pour les autres organismes –, sans compter le manque à gagner des ressources publicitaires dont j'ai parlé.

C'est donc dans ce cadre contraint que la réflexion sur les missions va se poursuivre avec l'objectif que soit pleinement rempli le service public au téléspectateur et au citoyen en termes de programmes et d'information.

Quant à la taxe sur les services de télévision, dite TST, je l'évoquerai en répondant à vos questions.

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Le Gouvernement, avez-vous déclaré, a fait le choix de la responsabilité, ce que les élus de la nation que nous sommes peuvent tous comprendre. Le secteur de l'audiovisuel public participera pour le budget de 2013 à l'effort de réduction des déficits publics sans affecter les missions stratégiques des divers organismes qui le composent. Il est vrai, cependant, que France Télévisions est davantage mise à contribution.

Cela s'explique par les marges de manoeuvre plus importantes dont dispose ce groupe, mais aussi par son histoire récente. Dans un titre qui lui est consacré, le journal Libération parle aujourd'hui de « dèche totale ». Cette situation résulte, rappelons-le, de la décision intempestive et peut-être irraisonnée de Nicolas Sarkozy de supprimer la publicité en soirée. Cette mesure, décidée en 2008 et confirmée par la loi du 5 mars 2009, a eu un impact nul sur l'audience, le contenu et la nature des programmes – la durée des journaux télévisés s'en est même trouvée abrégée –, et son financement s'avère une catastrophe budgétaire dont hérite la nouvelle majorité. M. Sarkozy et l'ancien Gouvernement s'étaient en effet engagés à compenser la perte de recettes engendrée par la suppression de la publicité par la création de deux taxes, toutes deux remises en cause dans leur principe et leur montant : d'une part, la taxe sur le chiffre d'affaires des chaînes télévisées privées – laquelle a rapporté bien moins que prévu, puisque ces dernières n'ont pas bénéficié de l'aubaine annoncée –, et de l'autre, la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, qui risque d'être déclarée contraire au droit communautaire, puisque la Commission européenne a entamé en janvier 2010 une procédure d'infraction contre la France, suite au recours déposé par les opérateurs concernés.

La baisse des ressources publiques de France Télévisions est d'autant plus ressentie que le budget de 2012 avait été élaboré en fonction d'un COM qui, comme nous l'avions dit, n'était pas à la hauteur des enjeux, et d'une prévision de recettes optimiste, voire insincère.

Michel Boyon, président du CSA, a par ailleurs déclaré que « le problème majeur » de France Télévisions est la chaîne France 3 ; à quoi Rémy Pflimlin a répondu que « la mission […] de proximité » de cette chaîne est « fondamentale » ; de fait, elle seule est en mesure de proposer des informations et des programmes de proximité à l'ensemble de nos concitoyens. Jamais une entreprise privée ne remplira ce rôle.

Quel sera donc l'avenir de cette chaîne ? Deviendra-t-elle une syndication de chaînes régionales ou une chaîne nationale procédant à des décrochages ? Alors qu'elle est réputée être la chaîne préférée des Français, Nicolas Sarkozy l'a réduite à quatre grands pôles – contre sept préconisés à l'époque par la « commission Copé » –, lesquels ne correspondent guère à son identité régionale. Ses difficultés tiennent en définitive à une identité encore mal cernée : la dimension régionale, en particulier, doit-elle se limiter à la diffusion d'un journal d'actualités ? Doit-on au contraire envisager des programmes régionaux ambitieux, dans des créneaux favorables à l'audience ?

Que penser, enfin, du plan social de France Télévisions ? Il est tantôt question de « plan de sauvegarde », tantôt de « départs volontaires ». Au moins 20 % des personnels, rappelons-le, sont en contrats à durée déterminée (CDD) ou en intermittence, et certains d'entre eux sont remerciés après vingt-cinq ans de services. Une telle politique salariale suscite des inquiétudes chez nos concitoyens, d'autant qu'elle s'associe à des recrutements ou des nominations de cadres de plus en plus nombreux.

Quelle politique, dans un cadre budgétaire forcément contraint, le Gouvernement entend-il donc mener dans le respect des téléspectateurs, des salariés du groupe et des missions de service public ?

Pourriez-vous par ailleurs apporter quelques précisions sur la situation de TV5 Monde par rapport à l'AEF ? Je confirme à ce propos que chacun se félicite de la nomination de Mme Marie-Christine Saragosse à la tête de l'AEF.

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La presse affronte un certain nombre de problèmes depuis, non pas cinq ou dix ans – rassurons l'opposition sur ce point –, mais trente ou trente-cinq ans, même s'ils se sont sans doute aggravés au cours des dernières années.

L'organisation du secteur s'est construite en France selon trois systèmes, le système coopératif, la libre entreprise et la régulation. Le premier d'entre eux, qui ne fonctionne plus, est le système coopératif de distribution mis en place en 1945. Il permettait aux « petits » d'être aidés par les « gros », et d'assurer ce faisant une répartition équitable des aides publiques. Or les « gros », aujourd'hui, reviennent à l'idée du deuxième système, celui de la libre entreprise, en arguant des difficultés du secteur. Plusieurs éditeurs ont ainsi joué le jeu des MLP contre Presstalis, quand ils ne revendiquaient pas une complète autonomie. On peut entendre de tels arguments, mais il faut alors se demander si ces éditeurs méritent de recevoir des aides publiques. J'ajoute que le système coopératif s'en est trouvé dérégulé car Presstalis, pour garder certains éditeurs, a baissé ses prix de 10 à 15 %. Les mêmes éditeurs ne peuvent donc invoquer aujourd'hui l'augmentation des prix de 10 % à 15 % comme une preuve de leur contribution au redressement, puisque ces prix ne font alors que revenir à leur niveau d'il y a deux ou trois ans. Tout cela montre que le troisième système, qui repose sur la régulation, n'a donc pas été mené à son terme.

Au regard du nombre de journaux vendus – 5 à 6 % en moins chaque année, et 30 % en dix ans –, on n'a jamais distribué autant d'argent public que cette année, et ce malgré la baisse des dotations budgétaires, puisque celle-ci avoisine les 7 à 8 %. Pendant un an, les aides au journal France soir ont représenté 0,50 euro par exemplaire : cet argent n'aurait-il pas dû aller aux journaux IPG dont on savait qu'ils continueraient de paraître ? Comment comprendre que le groupe Hersant, à travers lequel on espérait sauvegarder la presse normande, ait reçu autant d'aides en pure perte, d'autant que les banques ont elles aussi été mises à contribution ? N'aurait-il pas mieux valu recentrer les aides là où elles étaient plus utiles ?

En aidant à la fois La Poste, le portage et la distribution, l'État aide trois dispositifs concurrents : il faudra bien choisir de privilégier l'une de ces trois aides, ma préférence allant à la distribution car elle participe à l'aménagement du territoire.

La presse de demain ne se résumera pas au support papier : nous aurons donc à mener une réflexion sur la presse en ligne, tant il est vrai qu'un taux de TVA différencié devrait reposer sur le contenu, selon qu'il est citoyen ou non, plutôt que sur le support.

S'agissant de la distribution, peut-on revenir à une fusion des deux coopératives, même si cela prend du temps ? Cette logique est en effet la seule qui offre des perspectives d'économies.

Si certains éditeurs sont pour la libre entreprise, ne faut-il pas envisager un taux de TVA différencié entre, je le répète, une presse « citoyenne » et une presse « consommateurs » ? En somme la justice exige, plus que jamais, des aides inégalitaires.

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Comme l'a indiqué Mme la ministre, un certain nombre de missions sont en cours pour évaluer la pertinence des dispositifs de soutien à la librairie. Les auditions que j'ai menées m'ont permis de constater que le système des aides est si complexe, dans ses diverses superpositions, que beaucoup de libraires ne s'y retrouvent sans doute pas, quoi qu'en dise leur syndicat. Il faudrait donc le rationaliser.

Pensez-vous que la loi du 10 août 1981 sur le prix du livre doit être améliorée ? Si oui, selon quelles orientations ?

Afin de répondre à l'offensive commerciale des grands opérateurs de vente en ligne, au premier rang desquels Amazon, les libraires bénéficient d'une possibilité de remise de 5 % ; mais beaucoup ne l'appliquent pas compte tenu de la faiblesse de leurs marges. Si l'on ajoute les possibilités de remise qui existent aussi pour les grands opérateurs, sans oublier l'intégration des frais de port, la situation s'apparente à de la concurrence déloyale pour les libraires.

Les crédits alloués à la Hadopi passeront de 10,3 millions d'euros à 8 millions. Or, pour avoir entendu les responsables de cette autorité, je sais qu'un tel niveau de financement la met en danger. Mais vous nous avez dit, madame la ministre, que des discussions étaient en cours et que des solutions devraient être trouvées.

M. Bruno Parent, dans son rapport sur l'avenir de la librairie, suggère une piste très intéressante pour les librairies indépendantes, avec la facturation de chaque ligne de commande passée grâce au service Dilicom, à raison d'un centime d'euro à la charge du libraire et de deux centimes facturés à l'éditeur. Cette manne pourrait transiter par le Centre national du livre (CNL).

Une telle solution ne pourrait-elle servir de modèle pour le financement de la Hadopi, même si la situation est bien plus complexe ? Il faudra sans doute réfléchir, dans un contexte budgétaire tendu, à d'autres sources de financement que les seuls deniers publics afin d'assurer l'avenir de cette autorité.

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On peut aussi imaginer, selon le système des vases communicants, que les crédits de la Hadopi soient progressivement transférés ailleurs…

Je vais à présent donner la parole aux porte-parole des groupes.

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Sur l'audiovisuel public, madame la ministre, votre chemin est semé d'embûches, compte tenu de l'héritage laissé par la précédente majorité.

L'audiovisuel public est en effet le « mal-aimé » des dix dernières années, victime qu'il fut de décisions pour le moins inappropriées et en tout état de cause précipitées ; de là vient le chaos actuel. Il n'est qu'à rappeler que, dans un environnement pourtant difficile, notamment pour les recettes publicitaires, on a lancé six chaînes sur la télévision numérique terrestre (TNT). Cela déstabilise le secteur privé comme le secteur public de l'audiovisuel.

Par ailleurs, qui présidera le CSA au 1er janvier 2013 ? Et quel est l'avenir à long terme de cette institution ?

Vous avez réaffirmé l'importance de l'audiovisuel public et la nécessité de pérenniser ses moyens. Si l'on considère l'ensemble de la législature, et non le seul budget dont nous débattons, le financement public pourrait-il à terme ne reposer que sur la redevance ? Une telle option pose la question de l'assiette de cette taxe : certains ont proposé d'y intégrer les résidences secondaires ; d'autres, des supports autres que les téléviseurs. Quoi qu'il en soit, l'augmentation de 125 à 129 euros va selon nous dans le bon sens. Je ne doute pas, d'ailleurs, que nos collègues de l'opposition nous rejoindront en se souvenant que nous avions nous-mêmes voté l'augmentation de la redevance proposée par Christian Kert, en 2009, puisque celle-ci n'avait pas évolué depuis sept ou huit ans.

Un effort plus important est demandé à France Télévisions, alors même que ses dépenses de personnels sont plus modérées que dans les autres entreprises de l'audiovisuel public. Ce n'est donc pas sur cette ligne budgétaire que l'on risque de faire des économies, mais dans la partie « dure » de ses missions, à commencer par la création audiovisuelle. En ce domaine, le groupe a investi 420 millions d'euros en 2012 : l'année a peut-être été exceptionnelle, mais le COM prévoyait un investissement de 425 à 450 millions d'euros ; or celui-ci avoisinera plutôt les 350 millions. Cela nous préoccupe d'autant plus que, derrière les programmes de France Télévisions, des emplois sont en jeu.

Il faut s'interroger sur l'identité des chaînes : doit-il y en avoir autant dans le groupe ? Quid de France 3 et de son financement ? Bref, sur quelles bases entendez-vous définir le nouveau COM ?

Enfin, les télévisions locales participeront d'autant mieux à l'expression démocratique qu'elles recevront des financements plus conséquents et si le canal qui leur est attribué ne varie pas sans cesse : qui songerait à diffuser TF1 sur le canal 15 ?

Pour conclure, madame la ministre, je veux vous rappeler la disponibilité des députés SRC pour travailler à vos côtés, et vous témoigner leur soutien pour le présent budget.

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Si notre groupe avait effectivement voté la légère augmentation de la redevance en 2009, c'est d'abord parce que Jean-François Copé avait juré que, lui vivant, celle-ci n'augmenterait pas !

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Je veux vous transmettre un message de sympathie au nom de mon groupe, madame la ministre, car, si vous me passez l'expression, on vous a tout fait ! Après l'abandon de projets importants, voici que l'on vous demande de « tailler » sévèrement dans les crédits de la culture. Comme vous le savez, cela n'était pas arrivé depuis longtemps. On a aussi proposé d'intégrer les oeuvres d'art dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et, comme si cela ne suffisait pas, d'intégrer les résidences secondaires dans celle de la redevance audiovisuelle – on vous a certes épargné les campings, mais c'est à peu près tout…

Sur l'audiovisuel, les discours ne masqueront pas la réalité : les crédits sont en recul de 1,56 %, ce qui ne manquera pas de mettre le secteur en difficulté, comme l'ont souligné les rapporteurs eux-mêmes. L'augmentation de la redevance ne compensera pas le manque à gagner pour France Télévisions, puisque celui-ci est de l'ordre de 160 à 170 millions d'euros. Au reste, la redevance n'a jamais eu pour fonction de compenser les désengagements de l'État. En 2009, nous avions d'ailleurs insisté sur l'indispensable pérennisation du soutien de l'État.

En l'occurrence, j'aurais voté l'indexation de la redevance, mais je ne voterai pas son augmentation supplémentaire de 2 euros, même si l'on peut estimer qu'il vous a fallu un certain courage pour la proposer. En tout état de cause, malgré cette mesure, le déficit de financement de France Télévisions restera de près de 100 millions d'euros, que ne combleront pas les recettes publicitaires dans la mesure où celles-ci, par rapport au COM, seront inférieures d'une quarantaine de millions d'euros en 2012 et sans doute, hélas, de 60 à 70 millions en 2013.

On voit mal, dans ces conditions, comment France Télévisions pourrait assurer ses missions « régaliennes ». La création et l'innovation sont pourtant au coeur de l'économie culturelle : 60 % de la production française provient de la commande publique. La remise en cause de cette mission affecterait donc tout le secteur. Il en va de même pour la modernisation de l'information et la stratégie numérique. Entendez-vous encore « dégraisser le mammouth », sachant que France Télévisions a déjà subi de réelles cures d'amincissement ?

La radio numérique terrestre est un sujet complexe, pour lequel, selon un communiqué que vous avez publié début septembre, vous souhaitez prendre du temps, sans toutefois fermer la porte. Votre réflexion a-t-elle avancé depuis ?

S'agissant de la Hadopi, il va quand même être difficile de faire fonctionner cet organisme avec 3 millions d'euros de moins. Vous avez déclaré qu'un budget de 11 millions d'euros pour envoyer des courriels, c'était un peu cher ; reste que ces courriels permettent non seulement de réguler le marché, mais aussi de sanctionner, en d'autres termes de protéger les oeuvres et leurs auteurs. Vos réticences collectives à l'égard de cette institution sont connues : qu'en est-il exactement ? Nous serons attentifs à la réponse que vous ferez à Mme la rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles.

J'estime par ailleurs souhaitable, comme Michel Françaix, de rééquilibrer les aides au portage. Il est anormal, en particulier, que La Poste perçoive des aides nettement supérieures à celles des entreprises du secteur, alors qu'elle distribue quatre fois moins de journaux. Cela dit l'ensemble des aides sont, elles aussi, en diminution sensible. Vous vous souvenez que les États généraux de la presse les avaient fixées à 70 millions d'euros pendant trois ans, au terme desquels nous les avions nous-mêmes baissées à 45 millions. Vous les portez aujourd'hui à 37,6 millions d'euros, soit un niveau tout juste suffisant pour assurer la survie du système. En ce domaine, la contractualisation me semble nécessaire : les professionnels doivent savoir à quoi s'attendre dans les années qui viennent.

Enfin, madame la ministre, vous n'avez pas parlé de l'abandon de l'opération « Mon journal offert » ; elle permettait pourtant à 900 000 jeunes de s'abonner à un journal pendant une année, à l'issue de laquelle 8 % d'entre eux avaient décidé de conserver leur abonnement. Il est d'autant plus dommage d'abandonner ce projet que l'éducation et la jeunesse sont, à vous entendre, des priorités de votre ministère.

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Nous saluons certains choix budgétaires du Gouvernement, à commencer par l'abandon de projets pharaoniques tels que le Centre national de la musique, la Maison de l'histoire de France ou la salle supplémentaire de la Comédie-Française à la Bastille. Nous tenons aussi à vous féliciter pour le maintien des aides à la presse écrite, aux auteurs et aux bibliothèques, même s'il faudra un travail étroit entre les collectivités pour assurer l'accès de la lecture à tous sur l'ensemble du territoire. La révision à la baisse des crédits alloués à la Hadopi mérite aussi d'être saluée : surtout, ne lâchez rien !

D'autres orientations nous semblent en revanche plus discutables. Comment, en particulier, imposer la rigueur budgétaire aux grandes institutions culturelles publiques sans leur offrir un véritable accompagnement dans la redéfinition de leurs missions ? Entre la diminution des ressources publicitaires, le gel de plusieurs millions d'euros de la dotation budgétaire pour 2012 et la diminution annoncée pour 2013, les conditions de la réorganisation de France Télévisions ne sont guère rassurantes. Une telle rigueur contrainte, et de surcroît peu accompagnée, suscite bien des inquiétudes sur l'avenir des rédactions et la précarisation des salariés. Un effort pédagogique me semble indispensable auprès des antennes locales de France 3 si l'on veut éviter de nouvelles grèves, après celle du 21 septembre dernier.

Beaucoup reste également à faire sur le lien entre la culture et le numérique. Le rayonnement culturel français exige que le maximum d'oeuvres soient disponibles en ligne, et ce sous un format libre et réutilisable. Le Centre Pompidou virtuel en offre un triste contre-exemple : son site internet verrouille l'accès aux oeuvres et rend impossibles la copie et la réutilisation des fichiers, c'est-à-dire les données publiques financées par de l'argent public.

Une ligne directrice doit aussi être tracée pour le secteur du livre numérique. Les grands acteurs étrangers, notamment Google, Apple et Amazon, font commerce de « sous-livres » électroniques, en faisant croire à leurs clients qu'ils achètent un vrai livre, alors qu'ils ne détiennent qu'une licence très limitée, qui leur interdit la revente et les lie à un système propriétaire.

Selon nous, le budget pour 2013 ne doit pas être la prolongation d'années de vaches maigres, mais la préfiguration d'une nouvelle vision de la culture : nous comptons vivement sur vous, madame la ministre, pour y parvenir.

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Comme Mme Lagarde, j'estime que la Hadopi ne sera pas en mesure d'assurer ses missions. La question est donc simple : êtes-vous pour ou contre la suppression de cette autorité, madame la ministre ? Plutôt que de l'asphyxier progressivement, mieux vaut dire les choses avec clarté.

La baisse drastique de la dotation budgétaire pour 2013 sera très difficile à gérer pour France Télévisions : si cette baisse avait été programmée sur le long terme, l'entreprise aurait été capable, comme n'importe quelle autre, d'établir un plan pluriannuel. Mme Martinel a laissé entendre qu'il fallait rétablir la publicité après vingt heures…

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Vous avez critiqué la suppression de la publicité après vingt heures. Je pose donc la question très simplement : le Gouvernement est-il favorable à son rétablissement ?

Les observations de Mme Attard sur l'abandon des grands projets me semblent un peu hors de propos. La gauche avait-elle contesté, par exemple, le projet du Grand Louvre ?

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Mme Martinel a seulement rappelé que la suppression de la publicité après vingt heures a privé France Télévisions de 450 millions d'euros de recettes : nous en payons le prix aujourd'hui.

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Je ne tiendrai pas à votre égard, madame la ministre, le discours compassionnel de notre collègue de l'UMP, puisque vous assumez apparemment ce budget que vous avez qualifié de « responsable ».

D'autres choix me semblent possibles : ces budgets contraints, qui résultent de décisions européennes, sont dommageables pour un ministère comme le vôtre, car il contribue à la construction et à l'épanouissement des individus. À ce titre il aurait dû figurer parmi les ministères prioritaires, comme celui de l'éducation.

Je souscris aux analyses de Michel Françaix sur la presse. Je rappelle néanmoins que l'accord conclu pour Presstalis prévoit plus de 1 000 suppressions d'emplois : les salariés continuent donc de se mobiliser pour défendre leur outil de travail, comme ils l'ont encore fait ce matin même au dépôt de Bobigny. On ne sortira pas des difficultés actuelles sans s'interroger sur l'existence de deux messageries, que les éditeurs choisissent selon leurs intérêts. Comment voyez-vous l'avenir du secteur ?

À La Courneuve et au Blanc-Mesnil, deux librairies viennent d'ouvrir : chacun s'en félicite, mais elles doivent lutter au quotidien pour amener de nouveaux lecteurs. Les librairies indépendantes ont besoin d'être soutenues, comme vous l'avez indiqué : quelles sont vos pistes en la matière ?

Je me félicite de la non-fusion des rédactions au sein de l'AEF. Quelles sont vos prévisions pour RFI, notamment en termes de moyens ? Cette entreprise a en effet subi plusieurs plans sociaux.

Quant à France Télévisions, l'héritage pèse, certes, mais que fait-on à présent ? L'idée d'intégrer les résidences secondaires dans l'assiette de la redevance a finalement été abandonnée, de même que celle, soutenue par les syndicats, de rétablir la publicité en soirée. Pour ma part je suggérais d'augmenter la redevance, moyennant une prise en compte des ressources. Si l'aide publique va diminuant, quelles sont vos solutions, qu'il s'agisse de la redevance ou de la publicité, pour préserver les missions de France Télévisions, maintenir, comme je le souhaite, les rédactions régionales et nationales de France 3 ainsi que les emplois au sein du groupe ?

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Si l'amour dure trois ans, chers collègues de l'opposition, notre mandat en dure cinq. Les mesures dont nous débattons résultent du choix du Gouvernement de diminuer la dépense publique de 10 milliards d'euros, car nous sommes un peu comme dans un véhicule lancé à grande vitesse et qui voit s'approcher un mur. Ce choix, nous aurions certes préféré que vous le fassiez lorsque vous étiez aux responsabilités.

Le groupe RRDP se réjouit du maintien des aides à la presse écrite, notamment régionale. S'agissant de la distribution, une nouvelle audition de Mme Couderc serait sans doute utile, pour examiner plus en détail le plan de Presstalis en matière d'emplois.

Il faut rappeler, sans esprit polémique, l'héritage laissé dans le domaine de l'audiovisuel : alors que l'on asséchait les recettes du service public, on augmentait celles des télévisions privées, en leur permettant d'augmenter les pauses publicitaires d'une minute.

Notre groupe entend réaffirmer son soutien à l'audiovisuel public, lequel ne se résume ni à ses émissions, ni à l'information : n'oublions pas le secteur la création, dont nous craignons qu'elle soit la première à pâtir de la diminution sensible des dotations publiques. Nous sommes prêts, à cet égard, à faire feu de tout bois, souscrivant par exemple à l'idée d'intégrer les résidences secondaires ou même les ordinateurs – puisque les offres « triple play » se généralisent – dans l'assiette de la redevance. Compte tenu de la nouvelle donne, la suppression de la publicité après vingt heures doit aussi être remise en question, d'autant qu'elle n'empêche pas les programmes du soir de débuter à vingt et une heures.

Le président-directeur général de France Télévisions doit aussi définir les perspectives d'avenir pour France 3 : lorsqu'il fut auditionné par notre Commission, chacun souhaitait que cette chaîne retrouve sa dimension régionale. Il faut enfin s'interroger, dans ce contexte d'économies drastiques, sur la pertinence d'une chaîne comme France 4.

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La presse, le livre et la diffusion ne sont pas des tableaux budgétaires formels, mais un espace de connaissance et un horizon d'attente fort pour nos concitoyens. La question est donc de savoir comment apporter de la vitalité à un secteur qui subit une crise d'une ampleur historique.

Ne nous leurrons pas, et ce point devrait faire consensus, nous héritons d'une situation fortement dégradée, notamment en ce qui concerne la presse. Cela nous oblige à réussir vite et à poser les bases d'une politique de soutien aux médias, à la presse et à l'industrie culturelle, politique qui contribuerait, à moyen terme, à remettre ces secteurs sur les rails. Si les premières décisions répondent à l'urgence, elles nous inciteront à aller plus loin, dans les années à venir, afin d'assurer la survie du système. Permettez-nous à cet égard, madame la ministre, de saluer votre réactivité et votre engagement.

La question est aussi de savoir comment les acteurs pourront continuer à faire vivre l'offre culturelle, la diversité de la presse et l'accès de tous à la culture. Il est essentiel de permettre à nos concitoyens d'accéder à des sources d'informations diversifiées et pluralistes sur l'ensemble du territoire. Il y va non seulement de la liberté de la presse et de son indépendance, mais aussi, plus largement, de la vitalité de notre démocratie.

En matière d'aides à la presse, que celles-ci soient directes ou indirectes, les efforts sont conséquents. La diffusion est un enjeu historique, et la mobilisation de l'État en ce domaine reste forte : au regard du nombre de journaux vendus, elle ne l'a même jamais autant été.

Je me réjouis aussi de voir qu'au-delà des seules logiques comptables, le Gouvernement a préféré un changement, en accompagnant la modernisation sociale de la presse. C'est un domaine où nous avons beaucoup à faire dans les années à venir : nous y veillerons. Plusieurs pistes ont déjà été évoquées ; mais nous restons vigilants sur la situation de Presstalis, comme en témoigne l'aide de 15 millions d'euros apportée par l'État. Sans ces fonds, l'entreprise n'aurait pu éviter le redressement judiciaire. Mais le chemin du retour à bonne fortune est encore long : la négociation avec les partenaires s'annonce difficile, mais elle est nécessaire.

N'oublions pas non plus que la politique de la presse intéresse aussi potentiellement l'aménagement du territoire dans la mesure où, si elle est conduite avec intelligence, elle doit permettre à tous nos concitoyens d'acheter leur journal où qu'ils vivent. Dans de nombreux territoires ruraux, le vendeur de journaux assure même une forme de service public.

Qu'elle concerne le flux ou le stock, la question du portage est également cruciale. Elle se pose différemment, toutefois, en milieu urbain et rural : les contradictions sont nombreuses entre les pratiques ou les opérateurs d'un côté, et les spécificités territoriales de l'autre.

Si nous nous félicitons de vos propositions, nous souhaitons voir une nouvelle politique se mettre en place : cette première pierre de l'édifice ne saurait cacher le long chemin qui reste à parcourir. Il faut changer de cap et remettre les politiques culturelles dans le bon sens, celui qui permettra aux Français d'accéder à l'offre la plus variée, la plus large et la plus intéressante possible. Cela passe par des concertations sans tabous avec l'ensemble des acteurs. Merci, madame la ministre, pour votre travail et ce budget, que nous soutiendrons.

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Je m'associe au message de compréhension adressé par Christian Kert à Mme la ministre. Cela dit, même si elle subit certaines décisions, elle est solidaire du Gouvernement dont elle est membre. Or, force est de constater que le budget de la culture est malmené comme il ne l'a pour ainsi dire jamais été : alors qu'il avait augmenté de 20 % au total en cinq ans, il accusera en 2013 une baisse de 2,3 %, et même de 13 % pour la mission dont nous parlons, soit au total moins 30 % sur trois ans, puisque les reculs annoncés pour 2014 et 2015 se montent respectivement à 1,08 milliard et 960 millions d'euros. Bref, il s'agit d'un budget terrible pour la culture ; à telle enseigne que nous pourrions formuler le voeu, en accord avec nos collègues communistes, que ce ministère devienne prioritaire.

Quelles missions de France Télévisions envisagez-vous de supprimer, puisqu'une réduction budgétaire aussi brutale n'offre pas d'autre perspective ?

Qu'en est-il de la taxe sur les distributeurs de services de télévision, dite TST-D, qui aurait permis de financer le projet de Centre national de la musique que vous avez abandonné, ainsi que du crédit d'impôt phonographique, dont il n'est pas fait mention dans le projet de loi de finances ?

Enfin, la présidente de la Commission de protection des droits de la Hadopi a déclaré qu'avec une dotation de 9 millions d'euros, cet organisme serait en mesure d'assurer ses missions. Ce niveau de financement est-il celui que vous envisagez ?

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Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir préservé, dans un budget contraint, les financements en faveur du livre et de la lecture publique. Cette dernière relève certes de la compétence des conseils généraux, mais le rôle de l'État est capital pour l'impulsion de la politique sur l'ensemble des territoires et au bénéfice de tous les publics, notamment les jeunes. Quatre-vingts contrats « territoire-lecture » ont été signés à ce jour, pour une durée moyenne de trois ans. Pouvez-vous nous donner des précisions sur leur contenu ? Peut-on en espérer d'autres dans les mois qui viennent ? Par ailleurs, je m'associe aux inquiétudes exprimées à propos de France 3.

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Nous avons tous un peu de compassion pour Mme la ministre. La démonstration est faite, en tout cas, que la culture n'est ni de droite, ni de gauche, puisque, après une augmentation continue pendant plusieurs années, son budget diminuera en 2013. Certes, les temps sont difficiles et Mme la ministre s'est efforcée de trouver des solutions, mais la multiplication des annonces a laissé une impression un peu brouillonne.

Augmenter la redevance de 4 euros rapportera 109 millions d'euros. Le désengagement de l'État vis-à-vis de France Télévisions atteignant 195 millions, le « delta » est donc de 86 millions ; en y ajoutant le manque à gagner publicitaire, ce sont 150 millions qu'il faudra trouver. Vous proposez de revoir le COM : quelles perspectives avez-vous à l'esprit ? Il ne faudrait pas donner le sentiment de faire porter toute la responsabilité sur la direction de France Télévisions : nous aimerions, en tant que parlementaires, partager ces réflexions avec vous.

J'ajoute, pour conclure, que la défense de l'exception culturelle française passe aussi par la défense du budget de la culture.

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Vous avez fait du développement de la lecture l'une de vos priorités. Dans un contexte budgétaire contraint, les moyens consacrés au livre et à la lecture sont globalement préservés. Vous avez aussi insisté sur le développement de la création littéraire et l'équilibre entre les territoires, qu'ils soient urbains ou ruraux.

La lecture publique étant une compétence décentralisée, comment entendez-vous garantir sa qualité et sa cohérence sur tous les territoires, notamment pour les jeunes ? Quels sont les objectifs de la politique nationale que vous avez déclaré vouloir impulser ?

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J'étais très impatient de vous entendre, madame la ministre, sur ce premier budget que présentez. Cependant, l'argument de l'héritage ne fait pas une politique : je pensais que vous en avez conscience, et ne vous cacherai pas ma déception car je n'ai finalement pas perçu votre projet. On ne compte plus, d'ailleurs, les cacophonies et revirements des membres du Gouvernement, sans parler de votre colloque singulier avec le ministre du budget, qui nous conduit parfois à nous demander lequel de vous deux est le ministre de culture et de la communication. Nous considérons, pour notre part, que c'est vous. Mais il faudrait accorder vos violons car, sur à peu près tous les sujets, vous apparaissez en désaccord : ces contradictions diverses au sein du Gouvernement et de la majorité, et entre celle-ci et celui-là, posent vraiment problème.

L'an dernier, alors que vous étiez députée, vous déclariez en Commission des finances que France Télévisions « risque un affaiblissement de ses moyens. Alors que le COM 2011-2015 vient de recevoir un avis favorable, il est remis en question. » En l'occurrence, le stade du risque est dépassé puisque le groupe est confronté à une diminution drastique de ses moyens, de l'ordre de 160 millions par rapport au COM.

Vous avez rappelé la liste des missions de France Télévisions, quitte même à l'allonger. Ma question est donc simple : dès lors que vous réduisez les moyens, quelles sont les missions que vous remettez en cause ? Je ne vois pas, en effet, comment une entreprise pourrait vivre dans une telle instabilité juridique et financière, alors même qu'elle mène une politique de réduction de ses effectifs.

Au sujet des librairies indépendantes, vous évoquez des concertations, des rapports et des groupes de travail. Mais tout cela ne fait pas une politique non plus. Quels sont vos propres projets et vos pistes de réflexion ?

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Des inquiétudes s'expriment sur le terrain à propos de France 3 et de ses personnels. Le temps accordé aux journaux locaux est peu à peu réduit – alors qu'il était de dix minutes jusqu'à mi-2010 –, et leur diffusion à la suite des journaux régionaux rend souvent l'information redondante. Je vous fais confiance pour prendre en compte ces inquiétudes, mais je veux aussi revenir sur les objectifs plus généraux, car l'information dont nous parlons a une valeur de service public pour les territoires. Au-delà d'une modernisation qui peut être souhaitable, à quoi ressemblera France 3 en régions à court et moyen terme ?

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Vous avez annoncé un avenant au COM de France Télévisions : pourriez-vous nous en dire plus à son sujet ? La baisse de 1,56 % des crédits pour 2013 aura sans doute des répercussions sur les personnels de cette entreprise. Certains contrats risquent-ils de ne pas être renouvelés ? Comment envisagez-vous l'avenir des personnels, notamment celui des intermittents du spectacle ?

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Je m'étonne que nos collègues de l'opposition refusent de voter l'augmentation de la redevance tout en dénonçant la situation budgétaire de France Télévisions. Vous ne cessez de nous appeler à plus de sévérité dans la réduction des dépenses, et voici que vous tenez le discours inverse ! Il faut un minimum de cohérence.

L'opération « Mon journal offert », lancée en 2009, visait à réconcilier les jeunes avec la presse en leur offrant la possibilité de recevoir, une fois par semaine, le quotidien de leur choix pendant un an. Elle a d'ailleurs connu un large succès, puisque plus de 300 000 demandes ont été enregistrées, pour 220 000 abonnements disponibles. Comptez-vous renouveler cette opération dans les années à venir ?

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Vous avez vous-même reconnu, madame la ministre, que le budget de votre ministère connaissait une baisse significative ; de fait, on n'a pas senti beaucoup d'ambition dans votre projet culturel. Pourriez-vous préciser la part des crédits déconcentrés au sein de ce budget ? Paris semble en effet avoir la part belle : il ne faut pas oublier les autres territoires.

Vous avez aussi évoqué une sélectivité dans les aides à la presse : sur quels critères la fondez-vous, puisque ceux-ci ne sauraient être, j'imagine, d'ordre idéologique ou politique ?

Enfin, le courage politique exigerait que vous nous disiez franchement si vous entendez supprimer la Hadopi et rétablir la publicité après vingt heures sur les chaînes de l'audiovisuel public.

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Je souhaite vous faire part, sans la condescendance ironique de nos collègues de l'opposition, de mon réel soutien, comme devraient le faire ceux qu'anime l'esprit de responsabilité collective. Le vrai courage politique est en effet de s'attaquer aux déficits publics. J'ajoute que, lors des législatures précédentes, les collectivités que nous gérons ont maintenu une activité culturelle sur les territoires : nous n'avons donc aucune leçon à recevoir.

S'agissant du livre et des industries culturelles, vous avez, madame la ministre, sanctuarisé l'action publique sur les territoires : cela mérite d'être souligné. Je salue également le rétablissement de la TVA à 5,5 % sur le livre : cette mesure constitue une bouffée d'air pour le secteur à l'heure des tournants technologiques et de la concurrence d'un géant américain qu'il n'est pas besoin de nommer. Certaines orientations se dégagent-elles des auditions déjà menées par la mission Lescure ? Envisagez-vous également d'autres pistes de financement pour le CNL que la taxe sur les appareils de reproduction et d'impression ? L'essor des nouvelles technologies rend en effet incertaine la pérennité de ce financement.

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Je souhaite exprimer à mon tour la préoccupation dont certains de mes collègues se sont fait l'écho au sujet des librairies indépendantes, dont l'équilibre économique est des plus fragiles, alors que leur utilité intellectuelle, sociale et territoriale est essentielle.

La situation du livre et de la lecture est paradoxale. Alors que les territoires font preuve d'inventivité et que se multiplient les actions locales et les initiatives – telles que la mise en place, par l'ancien Gouvernement, du label de librairie indépendante de référence ou des contrats de territoire –, et alors même que l'appétence pour la lecture semble aller croissant, les librairies demeurent des maillons très fragiles, surtout en milieu rural. Quelles actions spécifiques envisagez-vous pour soutenir la politique du livre et de la lecture, qui est à mes yeux la mère des politiques culturelles ?

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Les crédits dévolus à la politique du livre sont maintenus. Cependant, les critères d'attribution des contrats « territoire-lecture » tiendront-ils compte de la nécessaire ouverture des bibliothèques à l'ensemble des pratiques artistiques ? Quid de l'articulation de la bibliothèque et de la lecture avec les politiques éducatives, sociales et d'insertion ? La lecture doit en effet s'inscrire dans une politique globale de mixité sociale, afin de favoriser l'accès aux livres de tous, notamment des jeunes et des publics éloignés ou empêchés.

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Marcel Rogemont souhaitait aussi exprimer son souci pour le livre.

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Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de l'attachement que vous portez à la culture, en particulier à ce pilier de la politique culturelle qu'est le secteur du livre, dont le budget est par conséquent préservé. Nous veillons, d'une part, à ce que la réflexion sur l'évolution du cadre législatif lié à la transition numérique se fasse dans de bonnes conditions, et, de l'autre, à l'efficacité du soutien aux librairies indépendantes. Je participerai demain à la signature d'un nouveau contrat « territoire-lecture » à Chevilly-Larue, et réaffirmerai à cette occasion la nécessité, pour l'État, d'encourager les initiatives des collectivités, la politique du livre étant essentielle, je le répète, à l'aménagement du territoire, qu'il s'agisse de lien social ou d'éducation. Le livre est aussi, souvent, la porte d'entrée à tous les horizons culturels ; c'est pourquoi les bibliothèques et médiathèques sont évidemment des maillons essentiels.

Dès mon entrée en fonction, j'ai installé des groupes de travail, qui réfléchissent à des solutions concrètes sur des sujets tels que l'accès aux marchés publics pour les librairies indépendantes. Un état des lieux de toutes les aides existantes, madame Lagarde, sera donc établi afin d'améliorer leur efficacité : en ce domaine, il faut éviter le saupoudrage. M. Serge Kancel, inspecteur général de l'IGAC, prépare un rapport sur le sujet. Je souhaite aussi que soient analysées les raisons de l'échec de « 1001libraires.com » : les librairies indépendantes doivent se positionner sur le marché de la vente en ligne, car la concurrence du site Amazon est pour elles une menace à court terme, à laquelle il faut répondre avant la réforme de la TVA au niveau européen en 2015.

La fiscalité numérique est l'une des solutions pour la préservation de l'exception culturelle : Pierre Collin et Nicolas Colin, à qui le Gouvernement a confié un rapport, réfléchissent aux moyens de faire contribuer les grandes entreprises de vente en ligne ou les sites agrégateurs de contenus au financement de la création, puisque celle-ci a toujours été financée, en aval, par les réseaux distributeurs.

Quant à la Hadopi, elle doit être en mesure d'assurer sa mission. La dotation initialement prévue se monte à 8 millions d'euros, mais le chiffre de 9 millions vient d'être évoqué dans les discussions. Néanmoins, jusqu'à présent, la Haute autorité ne m'a pas transmis les éléments suffisants pour évaluer ses besoins réels. Quant à son avenir, le Gouvernement s'appuiera sur les conclusions de la mission Lescure, attendues au printemps de 2013, pour en décider. Quoi qu'il en soit, cet organisme doit participer, comme les autres, à l'effort de redressement des finances publiques. Ce défi a d'ailleurs été accepté avec un réel sens des responsabilités par tous les acteurs de la culture, à l'instar du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui contribuera à cet effort par un prélèvement sur son fonds de roulement.

J'ai néanmoins veillé à la préservation des missions fondamentales du secteur culturel, notamment dans son lien avec la citoyenneté, ainsi qu'à la valorisation de l'éducation artistique et au renforcement de l'égalité des territoires, la politique culturelle de ces dernières années ayant été marquée, monsieur Riester, par une trop forte concentration des projets à Paris. Loin d'être pénalisés, les crédits déconcentrés sont donc maintenus : 46 % du budget de mon ministère iront aux régions.

Je suis favorable à une TVA réduite pour la presse en ligne, monsieur Françaix. Cette question se pose dans le cadre plus général de la réforme des aides à la presse. Dans le contexte de la transition numérique, parmi les outils qu'il me semble important de pouvoir développer, l'idée de créer un droit voisin pour les éditeurs de presse – baptisé un peu hâtivement « lex Google » –, proposée par des éditeurs français, me paraît extrêmement pertinente ; elle semble se concrétiser en Allemagne, et la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) est en train d'y réfléchir. À travers le soutien au secteur de la presse, il s'agit en effet de préserver une liberté démocratique fondamentale.

Dans cette optique, l'État s'est engagé dans la restructuration de Presstalis. La création d'une société commune permettra non seulement de générer des économies structurelles, mais aussi de réorganiser la filière selon vos souhaits, même si cela ne va évidemment pas sans difficultés.

S'agissant du groupe Hersant média (GHM), le journal Paris-Normandie a été cédé à deux professionnels de la presse ; quant au pôle Champagne-Ardenne-Picardie, il fait l'objet de deux offres de reprise. Il faudra attendre l'audience du 30 octobre prochain devant le tribunal de commerce ; mais je reste vigilante, avec la DGMIC, sur les conséquences de ces réorganisations pour l'ensemble des journaux du groupe. Nous avons notamment fait en sorte que le groupe Rossel, qui s'était proposé avant de se désister, revienne dans le jeu, car il est toujours préférable que les titres soient repris par des professionnels du secteur.

L'efficacité des aides au portage a été évaluée, monsieur Kert. Avec 37,6 millions d'euros, elles sont, en tout état de cause, bien supérieures à ce qu'elles étaient avant les États généraux de la presse – à savoir 8 millions. J'ajoute que les aides sont complémentaires, monsieur Françaix : le portage fidélise les abonnés, La Poste assure la distribution dans les zones les plus reculées, et le soutien à la vente au numéro est évidemment essentiel. Pour ce qui concerne La Poste, nous ferons le bilan en 2015, date d'expiration de l'accord ; d'ici là, je souhaite que les engagements soient respectés.

L'évaluation de l'opération « Mon journal offert » par l'IGAC a révélé un taux d'abonnement assez faible au terme de l'année écoulée. Nous réfléchissons donc à des politiques plus pertinentes pour la jeunesse, comme l'opération « Kiosque au lycée ». Un nouvel appel à projets a aussi été lancé auprès des éditeurs.

Nous n'allons pas rouvrir le débat des chiffres, monsieur Riester. Mais, comme l'observait Michel Ménard, si M. Kert veut donner plus de moyens à l'audiovisuel public, il doit voter l'augmentation de la redevance au-delà de l'indexation !

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Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Il ne s'agit que d'augmenter une taxe qui existe déjà ! Elle constitue d'ailleurs, pour répondre à M. Rogemont, le financement le plus juste, puisqu'il existe des exemptions, et le plus moderne car son assiette et son niveau peuvent tous deux évoluer. J'ajoute que la proposition du Gouvernement en la matière ne clôt pas la discussion parlementaire.

La redevance est enfin le mode de financement qui garantit le mieux l'indépendance du secteur. Sans vouloir revenir à l'argument qui fâche, nous héritons d'une situation qui, compte tenu de la suppression de la publicité, nous expose aux aléas de la conjoncture budgétaire : c'est exactement ce que nous avions dit en évoquant la fragilisation du système. Au demeurant, le marché publicitaire a lui-même évolué depuis 2009 : l'arrivée de six nouvelles chaînes sur la TNT contribue à sa dilution, sans parler des autres supports, notamment internet. Bref, même un rétablissement de la publicité ne permettrait pas de retrouver le niveau de recettes – 400 millions d'euros par an – d'avant 2009. Le manque à gagner en ce domaine avoisine aujourd'hui les 70 millions ; à l'époque, Patrick Bloche avait d'ailleurs signalé que les prévisions du COM étaient bien trop optimistes. Nous avons donc à affronter la situation en tenant un discours de vérité.

Je n'abandonne aucune des missions de l'audiovisuel public. L'investissement dans la création, en particulier, est non seulement un levier pour le secteur, mais aussi un élément essentiel de l'identité de France Télévisions, grâce auquel le groupe pourra conquérir de nouveaux publics. Certes, il ne s'agira pas, l'an prochain, d'augmenter son investissement en ce domaine, mais de le préserver en faisant preuve d'audace, par exemple dans la fiction, avec des rendez-vous dont le cinéma du jeudi soir sur France 3 a offert un exemple. On peut aussi penser au prime-time consacré à l'histoire des « Malgré-elles », ou encore à la série Ainsi soient-ils sur Arte. Mais de tels succès passent évidemment par une programmation adéquate.

Nous sommes aussi très attachés, bien sûr, à l'accès aux programmes des personnes handicapées ainsi qu'à la mission de proximité de France 3, même s'il reste à savoir comment l'assurer. Le plan de régionalisation proposé par Rémy Pflimlin me semblait aussi risqué que coûteux, pour le service public comme pour les collectivités. On peut imaginer un projet fondé sur la valorisation des atouts de la chaîne que sont, d'une part, les informations locales et, de l'autre, les grands rendez-vous nationaux tels que les séries ou les documentaires.

Une réflexion doit aussi s'engager sur l'identité de certaines chaînes, comme France 4, qui diffuse beaucoup de séries autres que françaises et même européennes. La diversité doit sans doute être plus visible sur France Ô ; à cet égard, le réseau Outre-Mer première offre sans doute une programmation plus pertinente.

Par ailleurs, les mesures d'économies doivent être l'occasion, pour l'audiovisuel public, de traiter la question de la précarité et de l'intermittence, mais aussi de réfléchir, afin d'utiliser au mieux les deniers publics, aux strates d'encadrement, voire aux dépenses techniques de diffusion. L'avenant au COM, qui vous sera présenté dans les meilleurs délais, permettra d'intégrer ces nouveaux éléments.

La taxe sur les distributeurs de services de télévision (TST-D) n'est pas sans rapport avec la « taxe Copé », qui était destinée à compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions. Malgré les critiques dont elle avait fait l'objet, je la défends à Bruxelles au nom de la sécurité du financement de l'audiovisuel public. Vous avez évoqué, monsieur Riester, le projet de Centre national de la musique. De fait, le soutien au secteur de la musique est bien l'une des priorités de mon ministère ; mais je souhaite que le financement soit sûr ; aussi ai-je engagé la réflexion avec l'ensemble des professionnels dès le mois de juillet. La création d'un nouvel établissement public, alors qu'il en existe déjà tant, ne m'apparaît pas la meilleure solution, d'autant que les réserves de Bruxelles fragilisent juridiquement la taxe. Bien que l'ancienne majorité en ait modifié l'assiette l'an dernier, elle est aujourd'hui menacée. Je travaille donc à sa redéfinition car, avant de l'étendre à la musique, il convient la sécuriser pour le cinéma.

Pour l'heure, Bruxelles s'y oppose au motif qu'il n'existe pas de lien entre les diffuseurs – les fournisseurs d'accès à internet, en l'occurrence – et le contenu : nous nous appliquons donc à l'établir. Ma collègue en charge de l'économie numérique a proposé une taxe forfaitaire par abonnement ; pour ma part, je suis favorable à un taux proportionnel au chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès. La discussion est en cours avec les acteurs. La part de marché du cinéma français, rappelons-le car c'est un motif de fierté, ne cesse de progresser, puisqu'elle atteint 40 % en 2012, et ce malgré un léger repli de la fréquentation en salles. Je sais d'ailleurs que votre Commission ne fait pas partie de ceux qui prennent le CNC comme bouc émissaire ; au reste, je l'ai déjà protégé en supprimant l'écrêtement de la TST. Nous ne devons pas avoir une vision malthusienne ou bureaucratique des aides apportées au cinéma français.

Je vous tiendrai informés de la réflexion en cours sur le secteur de la musique. Toutes les pistes restent ouvertes, et les mesures d'urgence nécessaires seront prises. Je suis favorable aux amendements au projet de loi de finances relatifs à un crédit d'impôt pour les entreprises phonographiques ; le Gouvernement vous proposera d'ailleurs d'en étendre l'application aux PME du secteur.

La séance est levée à dix-neuf heures.