La presse affronte un certain nombre de problèmes depuis, non pas cinq ou dix ans – rassurons l'opposition sur ce point –, mais trente ou trente-cinq ans, même s'ils se sont sans doute aggravés au cours des dernières années.
L'organisation du secteur s'est construite en France selon trois systèmes, le système coopératif, la libre entreprise et la régulation. Le premier d'entre eux, qui ne fonctionne plus, est le système coopératif de distribution mis en place en 1945. Il permettait aux « petits » d'être aidés par les « gros », et d'assurer ce faisant une répartition équitable des aides publiques. Or les « gros », aujourd'hui, reviennent à l'idée du deuxième système, celui de la libre entreprise, en arguant des difficultés du secteur. Plusieurs éditeurs ont ainsi joué le jeu des MLP contre Presstalis, quand ils ne revendiquaient pas une complète autonomie. On peut entendre de tels arguments, mais il faut alors se demander si ces éditeurs méritent de recevoir des aides publiques. J'ajoute que le système coopératif s'en est trouvé dérégulé car Presstalis, pour garder certains éditeurs, a baissé ses prix de 10 à 15 %. Les mêmes éditeurs ne peuvent donc invoquer aujourd'hui l'augmentation des prix de 10 % à 15 % comme une preuve de leur contribution au redressement, puisque ces prix ne font alors que revenir à leur niveau d'il y a deux ou trois ans. Tout cela montre que le troisième système, qui repose sur la régulation, n'a donc pas été mené à son terme.
Au regard du nombre de journaux vendus – 5 à 6 % en moins chaque année, et 30 % en dix ans –, on n'a jamais distribué autant d'argent public que cette année, et ce malgré la baisse des dotations budgétaires, puisque celle-ci avoisine les 7 à 8 %. Pendant un an, les aides au journal France soir ont représenté 0,50 euro par exemplaire : cet argent n'aurait-il pas dû aller aux journaux IPG dont on savait qu'ils continueraient de paraître ? Comment comprendre que le groupe Hersant, à travers lequel on espérait sauvegarder la presse normande, ait reçu autant d'aides en pure perte, d'autant que les banques ont elles aussi été mises à contribution ? N'aurait-il pas mieux valu recentrer les aides là où elles étaient plus utiles ?
En aidant à la fois La Poste, le portage et la distribution, l'État aide trois dispositifs concurrents : il faudra bien choisir de privilégier l'une de ces trois aides, ma préférence allant à la distribution car elle participe à l'aménagement du territoire.
La presse de demain ne se résumera pas au support papier : nous aurons donc à mener une réflexion sur la presse en ligne, tant il est vrai qu'un taux de TVA différencié devrait reposer sur le contenu, selon qu'il est citoyen ou non, plutôt que sur le support.
S'agissant de la distribution, peut-on revenir à une fusion des deux coopératives, même si cela prend du temps ? Cette logique est en effet la seule qui offre des perspectives d'économies.
Si certains éditeurs sont pour la libre entreprise, ne faut-il pas envisager un taux de TVA différencié entre, je le répète, une presse « citoyenne » et une presse « consommateurs » ? En somme la justice exige, plus que jamais, des aides inégalitaires.