Je veux vous transmettre un message de sympathie au nom de mon groupe, madame la ministre, car, si vous me passez l'expression, on vous a tout fait ! Après l'abandon de projets importants, voici que l'on vous demande de « tailler » sévèrement dans les crédits de la culture. Comme vous le savez, cela n'était pas arrivé depuis longtemps. On a aussi proposé d'intégrer les oeuvres d'art dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et, comme si cela ne suffisait pas, d'intégrer les résidences secondaires dans celle de la redevance audiovisuelle – on vous a certes épargné les campings, mais c'est à peu près tout…
Sur l'audiovisuel, les discours ne masqueront pas la réalité : les crédits sont en recul de 1,56 %, ce qui ne manquera pas de mettre le secteur en difficulté, comme l'ont souligné les rapporteurs eux-mêmes. L'augmentation de la redevance ne compensera pas le manque à gagner pour France Télévisions, puisque celui-ci est de l'ordre de 160 à 170 millions d'euros. Au reste, la redevance n'a jamais eu pour fonction de compenser les désengagements de l'État. En 2009, nous avions d'ailleurs insisté sur l'indispensable pérennisation du soutien de l'État.
En l'occurrence, j'aurais voté l'indexation de la redevance, mais je ne voterai pas son augmentation supplémentaire de 2 euros, même si l'on peut estimer qu'il vous a fallu un certain courage pour la proposer. En tout état de cause, malgré cette mesure, le déficit de financement de France Télévisions restera de près de 100 millions d'euros, que ne combleront pas les recettes publicitaires dans la mesure où celles-ci, par rapport au COM, seront inférieures d'une quarantaine de millions d'euros en 2012 et sans doute, hélas, de 60 à 70 millions en 2013.
On voit mal, dans ces conditions, comment France Télévisions pourrait assurer ses missions « régaliennes ». La création et l'innovation sont pourtant au coeur de l'économie culturelle : 60 % de la production française provient de la commande publique. La remise en cause de cette mission affecterait donc tout le secteur. Il en va de même pour la modernisation de l'information et la stratégie numérique. Entendez-vous encore « dégraisser le mammouth », sachant que France Télévisions a déjà subi de réelles cures d'amincissement ?
La radio numérique terrestre est un sujet complexe, pour lequel, selon un communiqué que vous avez publié début septembre, vous souhaitez prendre du temps, sans toutefois fermer la porte. Votre réflexion a-t-elle avancé depuis ?
S'agissant de la Hadopi, il va quand même être difficile de faire fonctionner cet organisme avec 3 millions d'euros de moins. Vous avez déclaré qu'un budget de 11 millions d'euros pour envoyer des courriels, c'était un peu cher ; reste que ces courriels permettent non seulement de réguler le marché, mais aussi de sanctionner, en d'autres termes de protéger les oeuvres et leurs auteurs. Vos réticences collectives à l'égard de cette institution sont connues : qu'en est-il exactement ? Nous serons attentifs à la réponse que vous ferez à Mme la rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles.
J'estime par ailleurs souhaitable, comme Michel Françaix, de rééquilibrer les aides au portage. Il est anormal, en particulier, que La Poste perçoive des aides nettement supérieures à celles des entreprises du secteur, alors qu'elle distribue quatre fois moins de journaux. Cela dit l'ensemble des aides sont, elles aussi, en diminution sensible. Vous vous souvenez que les États généraux de la presse les avaient fixées à 70 millions d'euros pendant trois ans, au terme desquels nous les avions nous-mêmes baissées à 45 millions. Vous les portez aujourd'hui à 37,6 millions d'euros, soit un niveau tout juste suffisant pour assurer la survie du système. En ce domaine, la contractualisation me semble nécessaire : les professionnels doivent savoir à quoi s'attendre dans les années qui viennent.
Enfin, madame la ministre, vous n'avez pas parlé de l'abandon de l'opération « Mon journal offert » ; elle permettait pourtant à 900 000 jeunes de s'abonner à un journal pendant une année, à l'issue de laquelle 8 % d'entre eux avaient décidé de conserver leur abonnement. Il est d'autant plus dommage d'abandonner ce projet que l'éducation et la jeunesse sont, à vous entendre, des priorités de votre ministère.