Il ne s'agit que d'augmenter une taxe qui existe déjà ! Elle constitue d'ailleurs, pour répondre à M. Rogemont, le financement le plus juste, puisqu'il existe des exemptions, et le plus moderne car son assiette et son niveau peuvent tous deux évoluer. J'ajoute que la proposition du Gouvernement en la matière ne clôt pas la discussion parlementaire.
La redevance est enfin le mode de financement qui garantit le mieux l'indépendance du secteur. Sans vouloir revenir à l'argument qui fâche, nous héritons d'une situation qui, compte tenu de la suppression de la publicité, nous expose aux aléas de la conjoncture budgétaire : c'est exactement ce que nous avions dit en évoquant la fragilisation du système. Au demeurant, le marché publicitaire a lui-même évolué depuis 2009 : l'arrivée de six nouvelles chaînes sur la TNT contribue à sa dilution, sans parler des autres supports, notamment internet. Bref, même un rétablissement de la publicité ne permettrait pas de retrouver le niveau de recettes – 400 millions d'euros par an – d'avant 2009. Le manque à gagner en ce domaine avoisine aujourd'hui les 70 millions ; à l'époque, Patrick Bloche avait d'ailleurs signalé que les prévisions du COM étaient bien trop optimistes. Nous avons donc à affronter la situation en tenant un discours de vérité.
Je n'abandonne aucune des missions de l'audiovisuel public. L'investissement dans la création, en particulier, est non seulement un levier pour le secteur, mais aussi un élément essentiel de l'identité de France Télévisions, grâce auquel le groupe pourra conquérir de nouveaux publics. Certes, il ne s'agira pas, l'an prochain, d'augmenter son investissement en ce domaine, mais de le préserver en faisant preuve d'audace, par exemple dans la fiction, avec des rendez-vous dont le cinéma du jeudi soir sur France 3 a offert un exemple. On peut aussi penser au prime-time consacré à l'histoire des « Malgré-elles », ou encore à la série Ainsi soient-ils sur Arte. Mais de tels succès passent évidemment par une programmation adéquate.
Nous sommes aussi très attachés, bien sûr, à l'accès aux programmes des personnes handicapées ainsi qu'à la mission de proximité de France 3, même s'il reste à savoir comment l'assurer. Le plan de régionalisation proposé par Rémy Pflimlin me semblait aussi risqué que coûteux, pour le service public comme pour les collectivités. On peut imaginer un projet fondé sur la valorisation des atouts de la chaîne que sont, d'une part, les informations locales et, de l'autre, les grands rendez-vous nationaux tels que les séries ou les documentaires.
Une réflexion doit aussi s'engager sur l'identité de certaines chaînes, comme France 4, qui diffuse beaucoup de séries autres que françaises et même européennes. La diversité doit sans doute être plus visible sur France Ô ; à cet égard, le réseau Outre-Mer première offre sans doute une programmation plus pertinente.
Par ailleurs, les mesures d'économies doivent être l'occasion, pour l'audiovisuel public, de traiter la question de la précarité et de l'intermittence, mais aussi de réfléchir, afin d'utiliser au mieux les deniers publics, aux strates d'encadrement, voire aux dépenses techniques de diffusion. L'avenant au COM, qui vous sera présenté dans les meilleurs délais, permettra d'intégrer ces nouveaux éléments.
La taxe sur les distributeurs de services de télévision (TST-D) n'est pas sans rapport avec la « taxe Copé », qui était destinée à compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions. Malgré les critiques dont elle avait fait l'objet, je la défends à Bruxelles au nom de la sécurité du financement de l'audiovisuel public. Vous avez évoqué, monsieur Riester, le projet de Centre national de la musique. De fait, le soutien au secteur de la musique est bien l'une des priorités de mon ministère ; mais je souhaite que le financement soit sûr ; aussi ai-je engagé la réflexion avec l'ensemble des professionnels dès le mois de juillet. La création d'un nouvel établissement public, alors qu'il en existe déjà tant, ne m'apparaît pas la meilleure solution, d'autant que les réserves de Bruxelles fragilisent juridiquement la taxe. Bien que l'ancienne majorité en ait modifié l'assiette l'an dernier, elle est aujourd'hui menacée. Je travaille donc à sa redéfinition car, avant de l'étendre à la musique, il convient la sécuriser pour le cinéma.
Pour l'heure, Bruxelles s'y oppose au motif qu'il n'existe pas de lien entre les diffuseurs – les fournisseurs d'accès à internet, en l'occurrence – et le contenu : nous nous appliquons donc à l'établir. Ma collègue en charge de l'économie numérique a proposé une taxe forfaitaire par abonnement ; pour ma part, je suis favorable à un taux proportionnel au chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès. La discussion est en cours avec les acteurs. La part de marché du cinéma français, rappelons-le car c'est un motif de fierté, ne cesse de progresser, puisqu'elle atteint 40 % en 2012, et ce malgré un léger repli de la fréquentation en salles. Je sais d'ailleurs que votre Commission ne fait pas partie de ceux qui prennent le CNC comme bouc émissaire ; au reste, je l'ai déjà protégé en supprimant l'écrêtement de la TST. Nous ne devons pas avoir une vision malthusienne ou bureaucratique des aides apportées au cinéma français.
Je vous tiendrai informés de la réflexion en cours sur le secteur de la musique. Toutes les pistes restent ouvertes, et les mesures d'urgence nécessaires seront prises. Je suis favorable aux amendements au projet de loi de finances relatifs à un crédit d'impôt pour les entreprises phonographiques ; le Gouvernement vous proposera d'ailleurs d'en étendre l'application aux PME du secteur.