Ce qui nous a été dit donne envie de lire le futur rapport. Nous vous avons entendu souligner la concurrence généralisée à l'oeuvre en Afrique et, pendant que la France ferme ses consulats, la presse turque annonce l'ouverture de 30 ambassades, Turkish Airlines celle d'autant de liaisons aériennes avec l'Afrique, et la Turquie a organisé un sommet de coopération turco-africaine avec la participation d'une trentaine de pays. Il est temps, en effet, de changer notre mode de réflexion, d'en finir avec la repentance, l'aide au développement et les situations de rente pour en venir à un développement économique fondé sur une coopération d'égal à égal avec des nations que l'on respecte en ne les traitant pas comme des pays sous-développés auxquels il faut faire des dons. Pour autant, passer du pessimisme absolu à l'optimisme complet serait une autre idée fausse : non seulement les jeunes Africains n'ont actuellement pas d'emplois mais l'explosion démographique portera à 2,5 milliards le nombre d'habitants d'un continent sans infrastructures et sans davantage d'emplois. Si l'on admet que l'Afrique comptera sous peu 550 millions de jeunes gens âgés de 15 à 25 ans à la recherche d'un emploi et que 10 % d'entre eux le chercheront quelque part sur l'autre rive de la Méditerranée, c'est à l'immigration potentielle de 50 millions de personnes qu'il faut s'attendre, soit l'équivalent de la population d'un grand État européen. Voilà pourquoi nous devons réfléchir autrement.
J'observe par ailleurs que le tropisme militaire a prévalu, et beaucoup trop, au détriment de notre présence économique en Afrique. Il y a certes des problèmes de sécurité, mais le déséquilibre est patent, dans la politique africaine de la France, entre ce qui relève du gendarme et ce qui relève de l'économique, et cela se fait au bénéfice de nos concurrents qui, eux, ne s'embarrassent pas de considérations de défense. D'autre part, notre tropisme vers les anciens pays de l'empire colonial ou d'Afrique occidentale nous a fait ignorer des États qui, tels le Ghana, ont une croissance de 14 % l'an, ou encore la Tanzanie et le Kenya. Je me réjouis de ce que nous venions de redécouvrir le Mozambique.
Enfin, notre collègue Jacques Myard a raison : il faut en finir avec l'époque de la Coloniale et revoir le personnel diplomatique que nous détachons en Afrique au lieu que, comme je l'ai constaté, les plus doués de nos diplomates soient systématiquement dirigés vers Washington, Pékin ou Moscou. Le Quai d'Orsay et Bercy doivent faire de l'Afrique une priorité, et cela doit se traduire dans les affectations.