Je ne doute pas que vous serez intéressés par la lecture de notre rapport, que nos échanges auront d'ailleurs enrichi. Mais vous serez aussi déconcertés, car il ne répondra pas à la plupart de vos questions. Il faut rappeler notre mission. Il ne s'agissait pas pour nous de traiter en historiens ou en philosophes de la validité des controverses sur l'histoire. Nous ne sommes pas davantage chargés par l'Union africaine de faire un rapport sur l'avenir de l'Afrique, et sur toutes les politiques qu'il faudrait y mener. Quand nos interlocuteurs africains nous disent que l'Afrique est une, nous prenons note de ce qui nous est dit, qui traduit une ambition, une volonté, même si la réalité est plus nuancée.
Notre mission était de suggérer les mesures qui permettraient que la France cesse de perdre du terrain sur le plan économique – il ne s'agit pas d'aide, ce n'est pas un rapport caritatif – dans des pays qui étaient liés à elle depuis longtemps, et n'en gagne ailleurs alors que d'autres puissances concurrentes, nombreuses, y sont présentes et ne s'embarrassent pas des questions théoriques. On sait que, même si elles ne sont pas homogènes, des évolutions considérables se produiront dans une Afrique en mouvement ; il serait désastreux que la France n'y participe pas pleinement.
La plupart des Africains, nos malheureux amis sahéliens exceptés qui en ont absolument besoin, ne demandent plus tellement d'aide au développement. En dépit de la place que celle-ci a occupée pendant très longtemps dans le débat politique français – en fait on s'intéressait beaucoup plus à "l'aide" qu'au développement, car elle était la réponse à un remords –, on n'a jamais pu démontrer qu'elle garantisse à elle seule le développement. Mais ce débat historique et politique est, pour nous, dépassé. Vous constaterez ainsi, à la lecture du rapport que nous parlons très peu de l'Europe, parce qu'il ne nous a pas été demandé de repenser les politiques publiques et donc leur articulation EuropeEtats membres qui est un autre sujet. Je partage ce qui a été dit sur la nécessité de réorienter et de mieux identifier l'origine de cette aide européenne, mais ce n'était pas davantage le sujet dont nous devions traiter. Disons-le : nous parlons affaires, entreprises, investissements. Il nous revient de définir comment faire pour que les entreprises françaises soient présentes en Afrique, qu'elles ne se reposent plus sur des rentes périmées, et qu'elles redeviennent compétitives, quel que soit l'environnement linguistique. Sur ce dernier point, je rappelle que j'avais lancé, lorsque j'étais ministre, des initiatives visant à la convergence des politiques française, britannique et belge en Afrique. Mais, je le redis, il s'agit cette fois d'enrayer l'effondrement des entreprises françaises dans les zones francophones, et de les rendre plus dynamiques et conquérantes dans les autres. Sans opposition artificielle, les Africains avec lesquels nous nous sommes entretenus sont enchantés par cette approche, car les convulsions franco-françaises sur l'Afrique les ont lassé. Ce qu'ils veulent, ce sont des partenaires français présents, compétitifs, dynamiques, énergiques, sans complexes.
Nous avons pris note de ce qui a été dit, et plusieurs de vos observations pourront améliorer le rapport, et nous vous en remercions.