Lors de sa réunion du 11 février dernier, la commission des affaires européennes du Sénat, sur le rapport de Jean-Paul Emorine et de moi - même, a adopté une proposition de résolution européenne, qui sera examinée par la commission des finances, ainsi qu'un avis politique – nous en avions déjà adopté un premier en novembre 2014 – sur le plan d'investissement pour l'Europe. Ses grandes lignes ont été présentées par la Commission européenne le 26 novembre et ont été précisées sur le plan technique, en particulier avec l'institution d'un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), le 13 janvier dernier.
Si notre commission a affirmé son soutien de principe à ce plan, elle a aussi noté que des incertitudes subsistaient sur plusieurs points.
Sur ses modalités de financement, notre commission demande que le plan mobilise des ressources additionnelles afin de ne pas compromettre la mise en oeuvre des programmes européens déjà approuvés. Elle déplore également l'insuffisance des crédits publics consacrés au financement du plan et considère que cette situation est une conséquence directe de la modestie du budget européen. Nos collègues ont fait part de leurs réserves sur la crédibilité du ratio de 1 à 15 retenu pour calculer l'effet de levier susceptible de mobiliser 315 milliards d'euros auprès d'investisseurs privés à partir de 21 milliards d'euros de crédits publics, seule une partie étant dans un premier temps mobilisée.
La proposition de résolution que nous avons adoptée regrette que le FEIS exclue a priori tout recours aux subventions pour financer les projets des PME-ETI et du secteur public, alors que certains d'entre eux, notamment les projets d'infrastructures dont le retour sur investissement n'est pas immédiat, pourraient requérir ce type de financement. Selon nous, le fait que le secteur public n'ait pas accès aux garanties du FEIS pourrait restreindre le nombre de projets éligibles et ainsi empêcher le plan d'investissement d'atteindre ses objectifs. De même, nous considérons également que le FEIS doit prendre en compte de manière significative le financement de projets bénéficiant aux PME-ETI et nous souhaitons obtenir des précisions sur la façon dont ce Fonds s'articulera avec les dispositifs existants, en particulier avec le fonds européen d'investissement de la BEI car nous y avons vu l'existence d'effets d'aubaine potentiels.
Notre commission des affaires européennes relève des interrogations persistantes sur l'utilisation des fonds structurels déjà alloués à la politique de cohésion pour financer le plan d'investissement et appelle donc à la préservation de ces crédits dans le contexte actuel. Elle se déclare également en faveur des indications fournies par la communication de la Commission européenne selon laquelle les contributions nationales éventuelles au FEIS ne seront pas prises en compte dans le calcul du déficit public et de la dette publique au titre de l'application du Pacte de stabilité et de croissance, et souhaite que cet engagement soit confirmé. Enfin, en vue de la mise en oeuvre du plan d'investissement, nous estimons que les relations entre la BEI et les banques nationales de développement gagneraient à être précisées et que ces banques devraient être constituées en un véritable réseau européen.
Pour ce qui concerne la gouvernance du FEIS, la commission des affaires européennes s'est montrée sensible au risque de « saupoudrage » des crédits et partage donc la proposition d'une sélection des projets réalisée par un comité d'investissement composé d'experts indépendants pourvu que ceux - ci disposent aussi d'une solide expérience des collectivités territoriales et des politiques sociales. Pour autant, la commission a insisté sur l'importance de la responsabilité de nature démocratique et demande donc que soit bien précisée l'obligation de rendre compte au niveau du comité de pilotage et prend position pour que le Parlement européen et les parlements nationaux puissent exercer un véritable contrôle sur la mise en oeuvre du plan d'investissement et le fonctionnement du FEIS.
Enfin, elle demande des informations complémentaires sur le fonctionnement de la plateforme européenne de conseil en investissement chargée d'apporter une assistance technique aux autorités compétentes des États membres et aux investisseurs publics et privés, en particulier sur son articulation avec les guichets uniques existants et sur son rôle envers les collectivités territoriales et dans l'accompagnement des PME-ETI.