Intervention de Bernard Van Goethem

Réunion du 25 mai 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne :

Vous avez demandé à la Commission européenne de vous présenter la législation européenne en matière d'abattage des animaux et en particulier en matière de bien-être animal.

Vous avez aussi souhaité connaître les résultats d'un audit réalisé en France en avril 2015 par des experts de la Commission sur les conditions d'abattage et, de façon plus générale, vous nous interrogez sur la situation en Europe s'agissant de cette question.

Avant de présenter ces deux points j'aimerais rappeler succinctement le rôle de la Commission en matière d'application du droit communautaire.

L'application du droit européen relève au premier lieu de la responsabilité des autorités compétentes de chaque État membre. Dans le cadre des règles vétérinaires, et notamment du bien-être animal, la Commission dispose d'un service spécial d'experts, chargé de procéder à des audits dans les États membres : l'Office alimentaire et vétérinaire.

Ces audits visent à contrôler le travail des autorités compétentes. Les experts n'ont pas de capacité juridique pour procéder à des inspections d'établissements. C'est dans ce cadre que l'audit d'avril 2015 a été réalisé en France.

Je vais d'abord vous présenter les grandes lignes de la législation européenne s'appliquant à l'abattage des animaux de boucherie.

Plusieurs textes sont applicables dans ce contexte puisque la législation sur l'abattage des animaux concerne l'hygiène des viandes, le bien-être des animaux, et les contrôles officiels.

Je m'attacherai surtout à présenter les dispositions concernant le bien-être animal qui ont sans doute déjà été évoquées à plusieurs reprises lors de vos auditions précédentes.

Historiquement la première législation européenne sur le bien-être des animaux a porté sur l'abattage : il s'agissait d'une directive datée de 1974, entrées en vigueur en juillet 1975. Je rappelle que dans l'Union européenne, on abat par jour un million d'animaux de boucherie.

Depuis cette époque, la législation européenne sur le bien-être animal s'est étoffée. Elle comprend désormais de nombreux textes. Les normes sur l'abattage ont aussi été étendues en 1993, puis en 2009.

Aujourd'hui, la législation européenne prend en compte les normes internationales de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Cette institution, dont la session générale se tient cette semaine, rue de Prony, à Paris, a élaboré des lignes directrices détaillées sur le bien-être des animaux à l'abattage dès 2005.

La législation actuelle en matière de protection des animaux dans les abattoirs a été adoptée en 2009, mais elle est entrée en vigueur au 1er janvier 2013.

La mise en oeuvre de la protection des animaux est d'abord et avant tout la responsabilité des professionnels. C'est à eux, comme dans le cas de l'hygiène alimentaire, de mettre en oeuvre des procédures appropriées afin de prévenir ou de limiter les risques inhérents à leurs activités. En outre, la législation prévoit une obligation de compétence en matière de bien-être des animaux pour l'entièreté du personnel qui manipulent les animaux dans les abattoirs.

Les abattoirs doivent nommer un responsable chargé du bien-être animal dont la principale tâche est de superviser la mise en oeuvre de la législation auprès du personnel. La législation exige aussi qu'ils procèdent à des contrôlesb représentatifs de l'efficacité de l'étourdissement.

Les autorités compétentes doivent s'assurer d'une bonne diffusion des connaissances techniques et scientifiques, notamment par le développement de guides de bonnes pratiques, et par la mise en place d'un système de formation et de délivrance des certificats de compétence.

Elles doivent aussi vérifier la conformité des établissements aux normes de construction et d'équipement ainsi qu'aux normes opérationnelles.

Elles doivent, par ailleurs, en plus des pouvoirs habituels d'inspection, comme la suspension ou le retrait d'agrément, disposer de pouvoirs permettant de modifier les procédures opératoires de l'abattoir, ralentir ou stopper la chaîne d'abattage, suspendre ou retirer le certificat de compétence.

Outre la législation, la Commission européenne a pris une série d'initiatives pour assister les États membres dans la mise en oeuvre des textes.

Dès 2012, elle a publié une brochure dans toutes les langues officielles de l'Union sur le rôle du responsable bien-être animal dans les abattoirs. Nous pouvons vous en communiquer un exemplaire en français.

La Commission a aussi mis en place un système de formation du personnel responsable des contrôles officiels avec un module spécifique sur le bien-être à l'abattage. Un module a été développé ultérieurement sous forme d'un apprentissage en ligne qui a connu un succès croissant auprès des inspecteurs.

Parallèlement, la Commission a demandé une série d'avis scientifiques concernant les procédures de contrôle de l'étourdissement dans les abattoirs. L'Autorité européenne de sécurité des aliments a ainsi fourni, en 2013, d'importantes données scientifiques pour permettre aux responsables d'abattoirs de surveiller l'étourdissement des animaux.

Enfin, la Commission prévoit de lancer cette année une étude pour la préparation d'un guide européen de bonnes pratiques sur l'abattage des animaux, document qui devrait être finalisé au cours de l'année prochaine.

L'audit réalisé en France en avril 2015 n'a pas révélé de dysfonctionnements majeurs concernant l'abattage des animaux de boucherie. Encore une fois, cet audit visait l'organisation des contrôles et non la conformité des établissements visités.

L'audit a relevé une série de points positifs. La France dispose d'un soutien scientifique et officiel en matière de bien-être des animaux à l'abattage via l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Elle s'est engagée dans le développement de guides de bonnes pratiques, et depuis 2013, vingt organismes de formation ont été habilités, et plus de 5 000 personnes ont été formées en matière de bien-être animal sur les animaux de boucherie. De plus, les contrôles sont planifiés sur la base d'évaluation des risques, et les plans sont respectés.

L'audit révèle aussi certaines faiblesses. Les services officiels ne vérifiaient pas suffisamment les procédures opératoires normalisées des abattoirs, notamment en matière de surveillance de l'étourdissement. Sur les six opérations d'abattage d'animaux de boucherie observées, les méthodes d'étourdissements étaient correctement appliquées sans reprise de conscience pendant la saignée. Dans un cas seulement, le box de contention pour bovins était inadapté.

Globalement, la situation en France a été jugée satisfaisante pour les animaux de boucherie. Les autorités françaises détectaient les principales non-conformités et des mesures correctives adéquates étaient prises.

L'audit de la France se situait dans le cadre d'une série d'audits, menée entre 2013-2015, sur le bien-être des animaux à l'abattage, qui visait à vérifier la mise en oeuvre du nouveau règlement. Elle a couvert treize États membres représentant plus de 80 % de la production de viande bovine de l'Union. Au regard de cette série, les autorités françaises présentent une performance moyenne avec des faiblesses comparables aux autres États membres sur les points que j'ai déjà évoqués.

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