La réunion

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La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

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Nous recevons M. Bernard Van Goethem, directeur à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne, et de M. Denis Simonin, administrateur au sein de cette même direction générale.

Le droit communautaire joue un rôle essentiel dans le domaine du bien-être animal dans les abattoirs. La place prise par la politique agricole commune dans la construction communautaire a en effet très vite amené les institutions européennes à réglementer le domaine de l'abattage à la fois du point de vue sanitaire mais aussi du point de vue de la souffrance animale, sujet qui intéresse tout particulièrement notre commission d'enquête.

Une directive du Conseil du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort est ainsi venue fixer les règles minimales communes pour la protection des animaux.

Par la suite, en 2008, le traité de Lisbonne a créé l'article 13 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui dispose que « lorsqu'ils formulent et mettent en oeuvre la politique de l'Union dans les domaines de l'agriculture, de la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de l'espace, l'Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux ».

Compte tenu des écarts dans la mise en oeuvre nationale de la directive de 1993, le Conseil a été conduit à adopter un règlement d'application directe, le règlement du Conseil sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort qui constitue aujourd'hui le corpus réglementaire applicable à l'ensemble des États membres.

C'est dans ce cadre que l'Office alimentaire et vétérinaire (OAV) de la Commission européenne, rattaché à la direction générale santé et sécurité alimentaire, conduit chaque année des audits pour garantir l'application des systèmes de contrôle officiel et pour évaluer la conformité aux normes communautaires dans les États membres et dans les pays tiers qui exportent vers 1'Union européenne.

L'OAV a effectué un audit en France du 8 au 17 avril 2015 en vue d'évaluer les contrôles relatifs au bien-être des animaux durant l'abattage et les opérations annexes. Cet audit a donné lieu à la fois à des réunions avec les autorités compétentes et à des visites en abattoirs. Le rapport de cet audit, publié le 7 septembre 2015, ne fait pas état de manquements graves à la réglementation européenne, si ce n'est dans le cadre de l'abattage de volailles. En l'occurrence, même si le sujet n'était pas évoqué directement dans les vidéos diffusées ce matin, la question des volailles est posée. La commission d'enquête l'a intégrée à ses travaux dès l'origine : une table ronde sur le sujet devrait avoir lieu dans les jours qui viennent ainsi qu'une visite inopinée d'un abattoir de volailles.

Comme chacune de nos auditions, celle-ci est publique, ouverte à la presse, et diffusée en direct sur le portail vidéo de l'Assemblée nationale.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relatif aux commissions d'enquête, je vous demande de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Bernard Van Goethem et M. Denis Simonin prêtent successivement serment.)

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Vous avez demandé à la Commission européenne de vous présenter la législation européenne en matière d'abattage des animaux et en particulier en matière de bien-être animal.

Vous avez aussi souhaité connaître les résultats d'un audit réalisé en France en avril 2015 par des experts de la Commission sur les conditions d'abattage et, de façon plus générale, vous nous interrogez sur la situation en Europe s'agissant de cette question.

Avant de présenter ces deux points j'aimerais rappeler succinctement le rôle de la Commission en matière d'application du droit communautaire.

L'application du droit européen relève au premier lieu de la responsabilité des autorités compétentes de chaque État membre. Dans le cadre des règles vétérinaires, et notamment du bien-être animal, la Commission dispose d'un service spécial d'experts, chargé de procéder à des audits dans les États membres : l'Office alimentaire et vétérinaire.

Ces audits visent à contrôler le travail des autorités compétentes. Les experts n'ont pas de capacité juridique pour procéder à des inspections d'établissements. C'est dans ce cadre que l'audit d'avril 2015 a été réalisé en France.

Je vais d'abord vous présenter les grandes lignes de la législation européenne s'appliquant à l'abattage des animaux de boucherie.

Plusieurs textes sont applicables dans ce contexte puisque la législation sur l'abattage des animaux concerne l'hygiène des viandes, le bien-être des animaux, et les contrôles officiels.

Je m'attacherai surtout à présenter les dispositions concernant le bien-être animal qui ont sans doute déjà été évoquées à plusieurs reprises lors de vos auditions précédentes.

Historiquement la première législation européenne sur le bien-être des animaux a porté sur l'abattage : il s'agissait d'une directive datée de 1974, entrées en vigueur en juillet 1975. Je rappelle que dans l'Union européenne, on abat par jour un million d'animaux de boucherie.

Depuis cette époque, la législation européenne sur le bien-être animal s'est étoffée. Elle comprend désormais de nombreux textes. Les normes sur l'abattage ont aussi été étendues en 1993, puis en 2009.

Aujourd'hui, la législation européenne prend en compte les normes internationales de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Cette institution, dont la session générale se tient cette semaine, rue de Prony, à Paris, a élaboré des lignes directrices détaillées sur le bien-être des animaux à l'abattage dès 2005.

La législation actuelle en matière de protection des animaux dans les abattoirs a été adoptée en 2009, mais elle est entrée en vigueur au 1er janvier 2013.

La mise en oeuvre de la protection des animaux est d'abord et avant tout la responsabilité des professionnels. C'est à eux, comme dans le cas de l'hygiène alimentaire, de mettre en oeuvre des procédures appropriées afin de prévenir ou de limiter les risques inhérents à leurs activités. En outre, la législation prévoit une obligation de compétence en matière de bien-être des animaux pour l'entièreté du personnel qui manipulent les animaux dans les abattoirs.

Les abattoirs doivent nommer un responsable chargé du bien-être animal dont la principale tâche est de superviser la mise en oeuvre de la législation auprès du personnel. La législation exige aussi qu'ils procèdent à des contrôlesb représentatifs de l'efficacité de l'étourdissement.

Les autorités compétentes doivent s'assurer d'une bonne diffusion des connaissances techniques et scientifiques, notamment par le développement de guides de bonnes pratiques, et par la mise en place d'un système de formation et de délivrance des certificats de compétence.

Elles doivent aussi vérifier la conformité des établissements aux normes de construction et d'équipement ainsi qu'aux normes opérationnelles.

Elles doivent, par ailleurs, en plus des pouvoirs habituels d'inspection, comme la suspension ou le retrait d'agrément, disposer de pouvoirs permettant de modifier les procédures opératoires de l'abattoir, ralentir ou stopper la chaîne d'abattage, suspendre ou retirer le certificat de compétence.

Outre la législation, la Commission européenne a pris une série d'initiatives pour assister les États membres dans la mise en oeuvre des textes.

Dès 2012, elle a publié une brochure dans toutes les langues officielles de l'Union sur le rôle du responsable bien-être animal dans les abattoirs. Nous pouvons vous en communiquer un exemplaire en français.

La Commission a aussi mis en place un système de formation du personnel responsable des contrôles officiels avec un module spécifique sur le bien-être à l'abattage. Un module a été développé ultérieurement sous forme d'un apprentissage en ligne qui a connu un succès croissant auprès des inspecteurs.

Parallèlement, la Commission a demandé une série d'avis scientifiques concernant les procédures de contrôle de l'étourdissement dans les abattoirs. L'Autorité européenne de sécurité des aliments a ainsi fourni, en 2013, d'importantes données scientifiques pour permettre aux responsables d'abattoirs de surveiller l'étourdissement des animaux.

Enfin, la Commission prévoit de lancer cette année une étude pour la préparation d'un guide européen de bonnes pratiques sur l'abattage des animaux, document qui devrait être finalisé au cours de l'année prochaine.

L'audit réalisé en France en avril 2015 n'a pas révélé de dysfonctionnements majeurs concernant l'abattage des animaux de boucherie. Encore une fois, cet audit visait l'organisation des contrôles et non la conformité des établissements visités.

L'audit a relevé une série de points positifs. La France dispose d'un soutien scientifique et officiel en matière de bien-être des animaux à l'abattage via l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Elle s'est engagée dans le développement de guides de bonnes pratiques, et depuis 2013, vingt organismes de formation ont été habilités, et plus de 5 000 personnes ont été formées en matière de bien-être animal sur les animaux de boucherie. De plus, les contrôles sont planifiés sur la base d'évaluation des risques, et les plans sont respectés.

L'audit révèle aussi certaines faiblesses. Les services officiels ne vérifiaient pas suffisamment les procédures opératoires normalisées des abattoirs, notamment en matière de surveillance de l'étourdissement. Sur les six opérations d'abattage d'animaux de boucherie observées, les méthodes d'étourdissements étaient correctement appliquées sans reprise de conscience pendant la saignée. Dans un cas seulement, le box de contention pour bovins était inadapté.

Globalement, la situation en France a été jugée satisfaisante pour les animaux de boucherie. Les autorités françaises détectaient les principales non-conformités et des mesures correctives adéquates étaient prises.

L'audit de la France se situait dans le cadre d'une série d'audits, menée entre 2013-2015, sur le bien-être des animaux à l'abattage, qui visait à vérifier la mise en oeuvre du nouveau règlement. Elle a couvert treize États membres représentant plus de 80 % de la production de viande bovine de l'Union. Au regard de cette série, les autorités françaises présentent une performance moyenne avec des faiblesses comparables aux autres États membres sur les points que j'ai déjà évoqués.

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Merci, monsieur le directeur.

Pouvez-vous nous donner la position de la Commission en matière de vidéosurveillance des abattoirs ? Cette pratique existe-t-elle dans d'autres pays de l'Union ?

Lors de nos auditions, nous avons évoqué l'étourdissement des animaux par CO2, en particulier concernant les porcs. Dans quels pays européens cette technique, dont on voit bien qu'elle pose un certain nombre de difficultés, est-elle mise en oeuvre ? D'autres pays utilisent-ils un gaz non aversif pour l'étourdissement ?

Quels sont les pays de l'Union qui disposent de dérogation pour pratiquer des abattages sans étourdissement ?

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Je souhaite également savoir si de nombreux pays européens pratiquent l'abattage rituel, et comment ils font – il semble qu'il puisse parfois y avoir étourdissement préalable, mais que, dans d'autres cas, l'abattage ait lieu sans étourdissement. Dans ma circonscription, un abattoir pratique l'abattage rituel pour 50 % de sa production.

Nous avons déjà beaucoup parlé de formation dans notre commission d'enquête. On nous a dit qu'elles duraient quarante-huit heures. Je ne sais pas ce qui est prévu au niveau européen, mais je trouve que quarante-huit heures, c'est peu !

La vidéosurveillance du poste d'abattage peut-elle être un outil de formation ?

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Monsieur le président, cette commission d'enquête nous aura révélé que vous avez le pouvoir de lire dans les pensées. Vous avez posé la question que William Dumas souhaitait poser, avant de passer à celles que j'avais moi-même préparées…

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Tout à fait ! Je m'associe donc aux questions du président.

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

La Commission européenne n'a pas de position très arrêtée sur la question de la vidéosurveillance. Je ne sais si le procédé a déjà été utilisé dans les abattoirs. Il l'a été, en tout cas, dans certains marchés de bestiaux : après que des « scandales » ont été dénoncés par la presse, des propriétaires avaient installé des caméras afin que les images soient accessibles sur le Web, comme le sont celles de cette audition. Nous n'avons pas, de notre côté, de position sur le sujet.

En ce qui concerne les abattages rituels, la législation actuelle prévoit que les États membres peuvent donner des dérogations concernant certains dispositifs de la réglementation. Le règlement prévoit aussi que les États membres peuvent aller, s'agissant de bien-être animal, plus loin que les prescriptions. Certains ont interdit d'une façon ou d'une autre les abattages rituels sur leur territoire.

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

De mémoire, je ne saurai vous en dresser une liste. Le Danemark est le pays qui a le plus récemment interdit ces abattages particuliers. Cela dit, il n'y avait pas d'abattages rituels dans ce pays…

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Il est plus facile de les interdire dans ces conditions !

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

En effet ! De façon générale, les États membres dont une communauté demande ce genre de viande maintiennent la possibilité de l'abattage rituel, que ce soit pour la consommation intérieure ou l'exportation.

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Denis Simonin, administrateur en charge du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Il serait bon de préciser que la législation ne parle pas d'abattage rituel, mais d'abattage sans étourdissement.

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C'est l'expression que nous essayons d'employer !

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Denis Simonin, administrateur en charge du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Le raccourci est habituel, mais on peut faire du halal avec étourdissement réglementaire, et inversement. Il y a parfois des dérives dans l'interprétation. Il y a une confusion entre l'abattage conforme à une religion et l'abattage sans étourdissement, qui explique que nous ayons parfois du mal à avoir une bonne vision de la situation. Ce n'est pas exactement la même chose, et c'est même parfois très différent.

L'article 26 du règlement européen sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort oblige les États membres à notifier des mesures plus strictes dans le cas d'abattage sans étourdissement. Nous avons reçu des notifications de pays ayant pris des mesures plus restrictives. Les cas de la Suède et de la Finlande sont bien connus : elles autorisent des d'abattages sans étourdissement, ou plutôt sans saignée directe avec, parfois des méthodes d'étourdissement « non approuvées » – l'utilisation, par exemple, de paramètres électriques dont la fonctionnalité n'a pas été démontrée scientifiquement, ou de méthodes qui peuvent peut-être étourdir, mais pas à 100 %. Le règlement définit l'étourdissement en se fondant sur les méthodes autorisées.

Du point de vue légal, l'abattage sans étourdissement se fait donc soit par saignée directe – là, les choses sont claires –, soit en pratiquant un étourdissement avec des paramètres non réglementaires ou des méthodes non autorisées, comme l'utilisation d'une tige non perforante pour les bovins, par exemple : cette méthode dite de concussion n'est pas autorisée en Europe pour les animaux lourds, mais elle est très utilisée dans d'autres pays, comme l'Australie. L'étourdissement peut aussi être effectué avec des paramètres électriques inférieurs à ceux demandés dans la législation.

Le Danemark a été cité. Parmi les notifications récentes, on compte Malte, le Luxembourg, la Slovénie. Mais les choses évoluent sans cesse : les choses ont par exemple évolué en Pologne.

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Denis Simonin, administrateur en charge du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Il faut distinguer l'abattage d'animaux destinés à la consommation humaine et la mise à mort pratiquée dans d'autres contextes, comme la destruction d'animaux en cas de maladies contagieuse. On rencontre trois cas de figure qui sont listés dans l'annexe du règlement.

L'usage du CO2 à haute concentration, au-delà de 40 %, est uniquement autorisé pour l'abattage du porc destiné à la consommation humaine. Dans l'Union européenne, il n'est autorisé pour les autres espèces, comme la volaille, qu'exceptionnellement, en cas d'abattage d'urgence, par exemple en cas de grippe aviaire, comme dans l'épisode récent qu'a connu la France. Pour la volaille, il est possible d'utiliser le CO2, mais avec un protocole en deux phases : on passe d'une phase à faible concentration, moins de 40 %, pendant laquelle l'animal perd conscience, à une phase à forte concentration, jusqu'à 80 ou 90 %. L'animal est alors quasiment mort – après, c'est une affaire d'évaluation. Pour la volaille, on peut aussi utiliser le CO2 en le mélangeant à des gaz inertes, comme l'argon, plus souvent l'azote. Ces derniers protocoles à faible concentration en CO2 sont utilisés dans l'industrie : ils fonctionnent très bien. En revanche, à ma connaissance, il n'en existe pas de similaire pour l'abattage des porcs, même si les recherches ont constaté l'efficacité du procédé. À l'époque de la préparation du règlement, une étude d'impact avait été réalisée sur ce sujet. L'autorité scientifique européenne avait démontré que le CO2 à forte concentration était aversif. Elle préconisait qu'il soit utilisé à faible concentration, et mélangé à des gaz inertes. Mais ces protocoles étaient aussi beaucoup plus lents : deux fois plus lents, si je me souviens correctement des données techniques. La mise en oeuvre d'une telle méthode en abattage industriel de porcs aurait exigé une restructuration assez importante des abattoirs existants. Cela explique sans doute que le procédé n'ait pas été fortement développé – mais il s'agit d'une pure spéculation de ma part.

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Les audits que vous avez effectués portaient-ils plutôt sur les gros abattoirs industriels ou sur les abattoirs de taille plus réduite que l'on trouve dans nos territoires ruraux ?

L'audit a révélé certaines faiblesses françaises, notamment, nous avez-vous dit « en matière de surveillance de l'étourdissement ». J'aimerais que vous alliez plus loin sur ce que vous avez vu, et sur ce que nous pourrions améliorer.

Avez-vous toujours trouvé un matériel adapté dans les abattoirs ? Nous savons, par exemple, que les cages de contention utilisées pour les gros bovins ne peuvent pas servir pour les veaux.

Enfin, l'étourdissement post cut – autrement dit après jugulation – est-il pratiqué dans l'Union européenne ?

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Comment se situe l'abattoir moyen français en termes de taille par rapport à l'abattoir moyen européen ?

Existe-t-il selon vous une corrélation entre les faiblesses des procédés constatés en abattoir au regard du bien-être des animaux et la taille des structures ? Les performances des petits abattoirs en la matière sont-elles moindres ?

Je n'ai pas compris si la méthode utilisée pour l'abattage rituel, consistant à percuter le crâne sans perforation, était autorisée par le règlement européen ou pas. Pouvez-vous préciser ce qu'il en est ?

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Je m'interroge sur la qualité de l'étourdissement. Comment vérifie-t-on si l'étourdissement a été fait dans de bonnes conditions ? Quels critères, quelles méthodes utilise-t-on pour s'en rendre compte ?

Vous nous avez distribué un document dans lequel il est indiqué que l'audit réalisé en France en 2015 avait montré que la situation était globalement satisfaisante, « volailles exclues ». Est-ce à dire que les volailles ne faisaient pas partie du champ d'investigation, ou bien que la situation n'est pas satisfaisante en France en matière d'abattage des volailles ?

L'audit a aussi montré que les autorités françaises étaient en mesure de détecter les principales non-conformités et d'appliquer des mesures coercitives, sauf pour éviter le transport d'animaux inaptes en abattoir. Quelles mesures plus contraignantes pourrions-nous imposer pour mettre fin à ces pratiques ?

S'agissant de l'abattage à la ferme, des expérimentations sont-elles menées en Europe ? Peut-on imaginer des petites structures de proximité pour abattre en petites quantités des animaux de grosse taille ?

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Cette commission d'enquête a été créée après qu'un lanceur d'alerte, l'association militante pro-végétarienne L214, a diffusé des vidéos. Existe-t-il des associations similaires dans les autres États membres et qui auraient les mêmes modes d'action ? Quelles réactions provoquent leurs actions dans les pays de l'Union ?

Quelle est la tendance européenne en matière de consommation de viande ?

Que pensez-vous enfin des abattoirs itinérants ?

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Le service d'inspection de la direction générale santé et sécurité alimentaire réalise deux cents à deux cent cinquante audits par an, principalement dans les États membres, mais également dans les pays tiers qui exportent vers l'Union. Les produits d'origine animale sont inspectés avant d'être autorisés à l'export vers les États membres.

Les audits sont organisés longtemps à l'avance, en coopération étroite avec les autorités compétentes des États membres – le ministère de l'agriculture et sa direction générale de l'alimentation (DGAL) en ce qui concerne la France. Ils consistent, durant une semaine, à mener, sur place, une mission de contrôle de l'autorité compétente. Il n'y a pas d'inspection individuelle des abattoirs comme cela se pratique dans certains pays tiers lorsque les inspecteurs de l'Union visitent les abattoirs un par un avant une autorisation d'exporter vers l'Union : il s'agit de vérifier que l'autorité compétente a bien mis en oeuvre toutes les mesures nécessaires à la vérification de l'application sur le terrain des normes européennes. Autrement dit, c'est un audit de l'auditeur. Bien sûr, nos inspecteurs visitent également des abattoirs sans aviser ces derniers longtemps à l'avance : ils se rendent dans une région et choisissent au dernier moment de visiter telle structure sans qu'il y ait vraiment d'information préalable des propriétaires. Ils l'ont fait en France, en 2015. Il ne s'agit pas d'une vision spécifique ou ponctuelle, mais d'un regard sur un échantillon de ce qui existe dans l'État membre audité.

Aucun manquement majeur n'a été détecté en France. Les inspecteurs ont noté dans leur rapport qu'ils ont découvert une cage de contention qui n'était pas aux normes ; le vétérinaire ne s'était pas rendu compte du problème, mais le matériel a immédiatement cessé d'être utilisé.

Le rapport évoque aussi un manque de contrôle des autorités compétentes concernant la vérification de l'étourdissement. Le nouveau règlement responsabilise beaucoup plus fortement les abattoirs. Dans chaque grand abattoir, une personne désignée comme responsable bien-être animal suit des formations spécifiques mises en place par la DGAL, bien plus approfondies que celles qui sont dispensées aux employés qui manipulent le bétail. La petite brochure dont je vous parlais sur le rôle du responsable bien-être animal dans les abattoirs a été fort appréciée par les professionnels. D'après les informations qui remontent à Bruxelles, lorsqu'un responsable bien-être animal est en place dans un établissement – c'est obligatoire dans les gros abattoirs –, la sensibilisation des professionnels à ce problème est bien plus grande.

S'agissant des abattoirs itinérants, des abattoirs à la ferme et des abattoirs de petit village, il faut rappeler, au-delà de la réglementation en matière de bien-être animal, que les règles en matière d'hygiène sont assez strictes. Cependant, toute une série de dérogations peuvent être utilisées par les États membres – c'est ce que nous appelons la flexibilité –, qui leur permettent de déroger à diverses exigences en matière de structure. On peut très bien imaginer, dans des régions reculées de l'Union ou dans celles où l'on abat qu'un porc par jour ou un bovin par semaine, que les autorités compétentes dérogent à des exigences en matière d'hygiène et permettent l'utilisation d'un abattoir au fonctionnement épisodique sans restreindre pour autant la destination de la viande produite au marché national. Cette flexibilité est utilisée davantage par certains États membres que par d'autres.

Enfin, il existe, au niveau européen, de nombreuses organisations très actives en matière de défense du bien-être animal. Nous recevons très fréquemment des vidéos du même style de celles diffusées par L214, qui concernent principalement le transport des animaux.

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Denis Simonin, administrateur en charge du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Le règlement comporte certaines obligations que doivent remplir les autorités compétentes : elles doivent mettre en place des formations, et valider ces dernières par des certificats et des examens indépendants. Le règlement donne des définitions très précises de ce qu'un professionnel doit connaître selon son activité dans l'abattoir – c'est l'annexe IV : correspondance entre les opérations et les matières requises pour l'examen de compétence. Toutefois, du fait des compétences relativement limitées de l'Union européenne en matière d'éducation, nous ne pouvons pas prescrire un cursus spécifique. C'est pour nous un problème récurrent, les questions de formation relevant essentiellement de la compétence nationale. Nous faisons le même constat pour les équivalences de certains diplômes – je suis vétérinaire, mais cela concerne par exemple aussi les médecins. Malgré la convergence de certains domaines de formation, ces sujets restent de la compétence des États membres. En conséquence, le règlement ne peut pas donner de temps minimal pour une formation ni imposer un choix entre formation pratique ou théorique. Cela induit une certaine variabilité – nous avons connu la même situation avec le règlement transport.

L'étourdissement post cut, après saignée, existe au moins sur le papier dans certains États membres. Est-ce pratiqué ? Je n'en sais rien. J'ai vu une vidéo : cela peut se faire, en particulier sur les bovins – cela a un certain sens. Je ne peux pas vous dire si le procédé est vraiment utilisé dans un pays de l'Union. Je ne suis pas certain qu'il soit facilement accepté par les communautés religieuses.

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Denis Simonin, administrateur en charge du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Il faut voir quel compromis est trouvé.

Je vous prie de m'excuser car ne n'ai pas été clair s'agissant de la concussion. L'étourdissement sans pénétration de la boîte crânienne est uniquement autorisé sur des animaux de petite taille. Il est en pratique interdit sur les bovins, mais, dans le cadre d'un abattage sans étourdissement, le procédé peut faire l'objet d'une dérogation, par exemple si une communauté musulmane l'accepte. Juridiquement, il est alors parfaitement possible d'utiliser cette méthode.

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Les abattoirs qui pratiquent l'abattage rituel sans étourdissement demandent à pouvoir utiliser cette technique pour améliorer les conditions de bien-être de l'animal. Je suppose en conséquence que les communautés religieuses l'acceptent.

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Denis Simonin, administrateur en charge du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Le cadre juridique européen permet d'utiliser ce procédé, mais il appartient aux autorités nationales de décider si elles sont d'accord.

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Cela doit faire l'objet d'une dérogation ?

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Denis Simonin, administrateur en charge du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Oui ! Les connaissances scientifiques qui ont servi à établir la liste des méthodes autorisées ne permettent pas d'être certain que l'étourdissement est bien complet et réel. Dans son avis de 2004, l'Autorité européenne de sécurité des aliments considérait que le procédé pouvait être correct, mais qu'elle ne disposait pas d'éléments scientifiques lui assurant qu'il était fiable s'agissant des animaux d'un certain poids.

Cela dit, depuis 2004, les techniques et les connaissances scientifiques ont évolué. Une procédure relativement simplifiée existe pour modifier l'annexe I du règlement qui établit la liste les méthodes d'étourdissement, mais il faut pour la mettre en oeuvre que nous soyons saisis d'une demande, et que le procédé soit évalué par l'autorité scientifique.

Vous nous avez interrogés sur la qualité de l'étourdissement. Nous avons nous-même questionné l'autorité scientifique sur ce sujet puisque le règlement prévoit que les abatteurs effectuent régulièrement des contrôles sur des échantillons d'animaux suffisamment représentatifs, pour vérifier que l'étourdissement fonctionne bien sur la chaîne. Ils doivent décrire la procédure qu'ils adoptent.

Nous avons demandé à l'Autorité européenne de sécurité des aliments de nous fournir une sorte de boîte à outils qui puisse être utilisée par les abatteurs. Une série d'opinions scientifiques ont été émises en 2013 pour les grandes espèces de boucherie et de volaille au sujet des principales méthodes de vérification. Les connaissances scientifiques existent donc en ce domaine. Je ne les détaillerai évidemment pas, mais il faut au moins utiliser deux critères, et il y a tout de même des indicateurs. Par exemple, pour les bovins, sur les vidéos diffusées par L214, lorsque l'on voit ce que l'on appelle un « réflexe de redressement » de l'animal, il est clair qu'il est conscient ; il n'y a pas photo. Il y a des indicateurs négatifs et positifs, des réactions qui peuvent être provoquées, mais nous disposons d'une boîte à outils utilisable dans des conditions d'abattage habituelles.

Lorsque la chaîne tourne extrêmement rapidement, on peut réfléchir à des méthodes de détection automatisées, notamment pour l'abattage des porcs. En Allemagne, j'ai vu le cas d'un abattoir de porcs où l'on essayait de trouver un système de détection en stimulant les animaux par un petit jet d'eau avant qu'ils ne passent à l'échaudage – un système de déviation automatisé était prévu en cas de réaction.

Il s'agit d'une nouvelle approche que de nombreux abattoirs n'adoptaient pas jusqu'à aujourd'hui parce qu'ils n'en avaient pas l'obligation. Il y a toute une culture à changer, car les gens ont tendance à appliquer les paramètres sans vérifier qu'ils fonctionnent. Dans la philosophie du nouveau règlement, appliquer les paramètres qui sont dans la législation, c'est bien, mais vérifier qu'ils fonctionnent, c'est mieux… Il y a trop de réglages pratiques sur un chaîne d'abattage, trop de données pour que le contenu de la réglementation fonctionne à tous les coups. Certains éléments doivent être ajustés, il faut introduire des flexibilités.

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Je reviens sur mes « volailles exclues ». L'audit de 2015 a-t-il pris en compte les volailles ?

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Denis Simonin, administrateur en charge du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Le rapport de L'Office alimentaire et vétérinaire précise que : « Les résultats de l'audit fait en France sur l'abattage n'étaient pas pleinement satisfaisants dans la mesure où l'étourdissement des volailles dans les bains électriques ne répondait pas aux exigences du règlement sans que les autorités françaises ne prennent des mesures coercitives. » Nous avons rencontré ce problème dans d'autres États membres – je ne dis pas cela pour excuser les autorités françaises, car il y a clairement un problème de conformité.

Le nouveau règlement est beaucoup plus détaillé sur un certain nombre de points, notamment concernant les paramètres électriques minimaux à respecter pour l'étourdissement des volailles – de nouveaux avis scientifiques ont fait évoluer les choses. Il reste encore des progrès à faire sur ce sujet en France et en Europe. En tout cas, au moment où l'audit a été mené, les mesures nécessaires n'avaient pas été prises.

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Nous avons entendu au cours des auditions qu'il y avait parfois des problèmes d'efficacité du matériel, notamment celui utilisé pour l'étourdissement. Fait-il l'objet d'une normalisation ou d'un agrément avant sa mise sur le marché ? On reproche souvent à l'Union européenne d'édicter des normes ; en la matière, elles seraient sans doute les bienvenues.

Vous avez été interrogé sur l'effet que la taille des abattoirs pouvait avoir sur leur efficacité en termes de bien-être animal. En la matière, quel est l'effet de la spécialisation ? Nous avons visité deux établissements, l'un, spécialisé, l'autre, multi-espèces : c'est assez différent. Quel modèle est le plus répandu en Europe, certains États membres sont-ils davantage « spécialisés » d'autres « multi-espèces » ?

Vous avez évoqué les inspections effectuées dans les établissements d'abattage des pays tiers qui exportent vers l'Union : portent-elles sur le bien-être animal, et sont-elles effectuées sur ce sujet avec d'autant d'acuité que s'agissant des aspects sanitaires ? Nous avons pu constater que la prégnance des réglementations sur la qualité alimentaire des produits était un peu supérieure à celles portant sur le bien-être animal – il est vrai que la préoccupation sanitaire est plus ancienne. Existe-t-il une règle qui permettrait de nous assurer que nous n'importons pas d'animaux abattus dans des conditions que nous n'accepterions pas au sein de l'Union européenne ?

Enfin, vous avez parlé de dérogations, d'adaptations des normes en fonction de la taille, de la cadence, ou de la capacité de certains établissements. Cela peut se comprendre pendant une certaine durée, mais une politique de convergence est-elle menée afin d'uniformiser les règles ? Je ne parle pas uniquement de l'abattage sans étourdissement, mais aussi par exemple de ce que vous nous avez dit à propos des petites structures et des dérogations en matière d'hygiène.

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Monsieur Simonin, je pense que nous pouvons parler d'abattage « rituel » sans complexe. Des sacrificateurs se trouvent dans les abattoirs, et il y a des données culturelles que nous n'avons pas à nier : elles sont là. Beaucoup de nos compatriotes s'alimentent de la sorte, et je n'ai pas à juger si c'est bien ou mal. Je dois en revanche porter un jugement sur la méthode employée pour tuer l'animal, et savoir si elle est plus ou moins douloureuse. Il faut aussi tenir compte des données économiques car si, en France, nous consommons de la viande issue de l'abattage rituel, nous en exportons aussi beaucoup, ce que le législateur ne peut pas ne pas avoir à l'esprit.

Lorsque je vous entendais parler de viande halal avec étourdissement réglementaire, je me disais qu'il n'y a pas véritablement de lignes directrices en la matière au niveau européen : tout semble pouvoir fonctionner par dérogation. Si l'on va jusqu'au bout du raisonnement, il peut y avoir une pratique plus ou moins douloureuse de l'abattage selon les clients et leurs demandes.

Une réflexion est-elle menée sur la normalisation des matériels, qu'ils soient destinés aux petits ou aux grands abattoirs ?

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La question du matériel me préoccupe aussi. L'audit a relevé un cas de box de contention inadapté : comment cela peut-il arriver techniquement ? Un seul cas, c'est déjà un cas de trop !

Dans le document que vous nous avez distribué, il est noté parmi les faiblesses constatées par l'audit mené en France : « Modes d'emploi des équipements insuffisants. » Nous avons cru comprendre que la formation des personnels était assez succincte, si les modes d'emploi sont par ailleurs insuffisants, il n'est pas étonnant que nous assistions de temps en temps à des dérapages, et il ne faut pas en vouloir au personnel des abattoirs.

Puis-je enfin avoir quelques précisions sur ce que vous qualifiez de « guide des bonnes pratiques » ?

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Je précise que je suis député-paysan-éleveur, et que j'ai commencé à tuer les cochons, les veaux et les vaches à l'âge de quatorze ans. J'ai pu observer de nombreuses choses. Les méthodes de tuerie à la ferme, notamment celle du cochon, ont beaucoup évolué.

Lorsque l'on parle de maltraitance, on parle de la mise à mort. Quelle est la définition de la maltraitance en termes de souffrances de l'animal mis à mort ? En tant qu'êtres humains, il nous appartient d'analyser la maltraitance à partir d'études scientifiques et d'observations – ce ne sont pas les animaux qui vont faire cette commission d'enquête… Nous réagissons en êtres sensibles dotés d'une forme d'intelligence, mais aussi en êtres sentimentaux. Notre analyse est influencée par ce ressenti. L'animal, de son côté, est un être sensible selon les règles légales et les textes relatifs au bien-être animal, mais la notion de souffrance n'est peut-être pas la même pour les animaux que pour nous. Disposons-nous de résultats d'études qui permettent de bien définir les critères de la maltraitance et de la souffrance ? Comment les mesure-t-on ? Le comportement de l'animal varie suivant la manière dont on le tue : autrefois on tuait les cochons sans les assommer, en saignée directe, sur un banc, ensuite, on les a assommés, maintenant on leur met la tête en bas pour les désensibiliser. Mais d'autres critères entrent en ligne de compte, comme les conséquences sur la viande. J'aimerais y voir plus clair sur les notions de maltraitance et de souffrance.

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Mettons d'abord fin à ce mythe selon lequel l'Union européenne importerait de la viande du monde entier. C'est faux : en plus de la Norvège et de la Suisse, nous n'importons de la viande rouge que depuis dix pays dans le monde parmi lesquels les États-Unis et le Canada, le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, le Botswana, la Namibie, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Pour autoriser des pays tiers à exporter vers l'Union, il y a d'abord des critères de santé animale : nous n'importons pas de viande d'un pays atteint par la fièvre aphteuse. Le respect des normes en matière d'hygiène dans les abattoirs entre ensuite en compte. Enfin, depuis quelques années, bien que cela ne soit pas couvert par l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires, dit accord SPS, de l'Organisation mondiale du commerce, nous avons également imposé aux pays tiers de respecter nos propres normes en termes de bien-être animal lors de l'abattage.

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Tout à fait. Nos inspecteurs visitent les abattoirs et vérifient que les installations sont bien conformes à nos prescriptions.

Par ailleurs, les pays tiers doivent désormais aussi respecter les règlements européens, très stricts, en matière de transport d'animaux. La Cour de Justice de l'Union européenne a rendu, il y a six à huit mois, à Luxembourg, un arrêt qui oblige les transporteurs exportant des animaux vivants vers les pays tiers à se conformer aux normes de bien-être animal dans les transports jusqu'au point d'arrivée.

Monsieur le rapporteur, il est évident que dans l'Union européenne, de plus en plus d'abattoirs se spécialisent. Le plus grand que j'ai visité se trouve au Danemark : on y abat 50 000 porcs par jour. C'est assez impressionnant ! C'est très automatisé : ils utilisent les gaz…

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Les porcs descendent sous terre : c'est assez impressionnant… Que l'on me comprenne bien : l'Union ne pousse pas à la création de grosses structures de cette nature ; elle veut au contraire permettre à des structures locales, de taille plus réduite, de se maintenir sur tout le territoire – on ne peut pas comparer la production de porcs au Danemark avec la production de bovins ou de moutons dans d'autres États membres.

Dans ce but, nous avons prévu toute une série de flexibilités qui permettent d'abattre des animaux dans les coins les plus retirés de l'Union – cela peut être dans les montagnes de France ou au fin fond de la Roumanie – tout en garantissant que l'hygiène est également respectée. L'Union ne fait donc pas le choix des uns au profit des autres.

Des dispositions sont aussi prévues pour permettre au producteur local d'abattre lui-même sa volaille ou ses lapins et de les vendre directement à la ferme. Bien entendu, cette disposition ne vaut pas pour les bovins ou les porcs : il n'est pas question d'abattre à la ferme les produits destinés à la vente. En revanche, dans la réglementation européenne, rien n'empêche un fermier d'abattre lui-même son porc pour la consommation du ménage. Nous essayons de permettre à tous les types de structures de se maintenir, et d'aider ainsi les petits producteurs locaux à vendre leurs produits sur le marché.

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Denis Simonin, administrateur en charge du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Une disposition du règlement oblige les fabricants de matériel d'immobilisation ou d'étourdissement à fournir un mode d'emploi précisant le calibre des animaux concernés, les paramètres à respecter, et, éventuellement, les méthodes permettant de mesurer l'étourdissement. Il s'agit d'une obligation nouvelle qui se met difficilement en place dans la plupart des États membres, comme toutes les mesures nouvelles. Elle vise à pousser les fabricants à réfléchir aux conséquences : ceux qui fabriquent du matériel d'étourdissement ou de contentions n'ont pas nécessairement un intérêt particulier pour la biologie ou la connaissance de l'animal. Historiquement, ce sont plus souvent des spécialistes d'ingénierie. Les plus spécialisés font un bon travail ; mais il arrive que des firmes polyvalentes fournissent des systèmes intégrés. Le règlement doit tous les amener à évoluer.

Le système d'agrément a existé autrefois dans la réglementation française. Un équilibre doit être trouvé entre la lourdeur administrative de la procédure, et l'efficacité recherchée. L'approche réglementaire n'est pas privilégiée aujourd'hui. On préfère, au niveau de la législation européenne, l'approche qui consiste à laisser aux professionnels la responsabilité de leur travail, et à intervenir lorsqu'il y a un problème, plutôt que celle qui conduit à tout bureaucratiser. L'agrément me paraît en conséquence être peu d'actualité, en tout cas dans le cadre de la Commission actuelle.

La France a validé et développé un guide des bonnes pratiques ovines. C'est un très bon exemple de ce type de guide qui donne des outils aux professionnels pour bien appliquer la législation, voire aller au-delà puisque cette dernière ne couvre pas nécessairement toutes les étapes en détail étant donné le nombre de variables. Ces guides donnent la possibilité aux professionnels de définir leurs propres procédures opératoires normalisées de façon à ce qu'ils puissent s'adapter par rapport à leur propre chaîne.

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Ces guides sont-ils utilisés pour la formation de personnels ?

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Denis Simonin, administrateur en charge du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Ils devraient l'être, et ce serait une bonne chose. L'article 20 du règlement prévoit que les autorités des États membres disposent « d'une assistance scientifique indépendante suffisante » qui leur fournit non seulement « des avis scientifiques concernant les guides des bonnes pratiques », mais qui a aussi une responsabilité dans la validation des programmes de formation. Cet organisme – en France, il s'agit de l'ANSES – devrait donc avoir une approche cohérente qui permette l'utilisation des guides de bonnes pratiques dans la formation. Vous avez parfaitement raison, madame la députée de faire le lien entre les deux.

Il n'est pas facile de répondre en quelques mots à la question qui nous a été posée sur la souffrance. C'est une question complexe. En terminologie, la souffrance et le bien-être animal ne se recoupent pas : la première notion a une dimension relativement limitée alors que la seconde est un concept plus positif. Il existe par ailleurs des degrés de souffrance. On peut simplifier en parlant de deux types de souffrance. L'une est physiologique : elle est liée à une atteinte physique de l'organisme qui provoque la douleur. L'autre, liée à une détresse, est psychologique. Elle existe aussi chez l'animal : c'est la peur. Si vous placez un animal d'élevage – ce sont pour la plupart des proies – face à un prédateur, il va exprimer un certain degré de souffrance. De même s'il fait l'objet d'une agression, même si elle est par exemple purement sonore. Il peut exister des souffrances qui ne sont pas des douleurs. Lorsqu'il y a douleur, il y a une souffrance psychologique : s'il est conscient durant l'abattage et la perte de vie, l'animal est angoissé parce qu'il sent qu'il va mourir. La douleur et la souffrance psychologique se combinent.

Comment mesurer cela ? Il existe plusieurs modes de mesures scientifiques. Une très abondante littérature a été publiée sur ces questions. Si cela vous passionne, nous vous transmettrons des références. Il est vrai que l'on part souvent de notre propre perception ; c'est une sorte d'anthropomorphisme conceptuel : nous transposons à l'animal des ressentis qui sont les nôtres. Ce principe de base n'est pas totalement erroné car nous sommes des mammifères. Du point de vue physiologique et évolutif, si nous ne sommes pas complètement des animaux d'élevage, nous en sommes tout de même extrêmement proches – nos dispositifs anatomiques sont très voisins. Nous savons que ce qui est douloureux pour l'homme l'est aussi pour l'animal. L'un et l'autre sont pourvus de terminaisons nerveuses qui stimulent la douleur. Lorsque nous découvrons sur le plan anatomique des parties d'organes plus sensibles que les autres chez l'animal, cela permet de mesurer sa sensibilité. Pour l'étourdissement, l'encéphalogramme est l'étalon en matière de mesure : c'est lui qui permet de garantir à coup sûr s'il y a perte de conscience ou pas. Mais des mesures physiologiques de la douleur peuvent aussi être utilisées : on peut chercher certains corticoïdes dans le sang, la salive ou les expressions urinaires – mais cela donne lieu à des interprétations, et il existe des biais.

Enfin, on peut observer le comportement de l'animal. Les comportements de retrait ou d'évitement constituent des indicateurs de la douleur. Ainsi, on sait que le CO2 est aversif parce que des expériences ont montré que si l'on attire un animal avec de la nourriture dans un espace où se trouve du CO2, il n'y reste pas longtemps ; et s'il a perdu conscience et que l'on répète l'expérience, il n'y revient pas. Il a donc retenu quelque chose de désagréable. On ne fait pas le même constat avec l'utilisation un gaz inerte. Dans la même situation, en azote complet, l'animal n'a pas eu une expérience négative alors qu'au-delà de 40 % de CO2, il a eu une expérience aversive.

Il existe donc au final de nombreuses méthodes de mesures de la douleur et de la souffrance. Elles évoluent en permanence. Nous disposons d'éléments assez nombreux qui peuvent être croisés pour des vérifications. Ils permettent de bien mesurer ces phénomènes.

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Quelle est la réglementation européenne en matière d'abattoirs ambulants ? Dans quels pays de l'Union en trouve-t-on ? Comment se déroulent les contrôles sanitaires dans ces établissements itinérants ? L'Office alimentaire et vétérinaire a-t-il déjà inspecté ce type de structure ?

Quelle est la position de la Commission concernant l'imposition d'un étiquetage systématique des produits alimentaires indiquant le mode d'abattage – avec ou sans étourdissement préalable ? Quels seraient les éventuels obstacles à un tel étiquetage ? Lorsque nous avons posé cette question lors de nos auditions, on nous a renvoyés à la Commission européenne. Vous êtes là, cela tombe bien !

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Les abattoirs ambulants doivent respecter les mêmes dispositions en ce qui concerne les règles d'hygiène que les autres établissements. Toutefois, le règlement bien-être animal prévoit la possibilité d'adopter des dérogations aux exigences de configuration, de constructions et d'équipement pour les abattoirs mobiles.

Aucune dérogation n'a été adoptée au niveau européen, mais en l'attente d'adoption, les États membres peuvent établir des dispositions nationales particulières pour ces abattoirs.

L'utilisation de ces abattoirs pose toutefois des difficultés par exemple pour leur agrément, pour l'apposition de l'estampille sanitaire après l'inspection post mortem, ou pour la mise à disposition d'eau potable. Il faut aussi savoir comment disposer des sous-produits animaux, qui représentent un poids important pour les bovins, ou comment régler les problèmes environnementaux tels que le traitement des effluents.

En l'absence d'obligation légale, la Commission ne dispose pas d'information sur le nombre d'abattoirs mobiles en Europe. Le maillage géographique de ces abattoirs est le reflet de choix économiques et bien sûr d'une adéquation avec une filière de production.

Lors de l'audit effectué, entre 2013 et 2015, dans treize états membres, l'Office alimentaire et vétérinaire n'a pas visité d'abattoir mobile. L'Office a été informé qu'un abattoir itinérant avait été autorisé au Danemark, mais il n'a pas pu le visiter lors de son inspection car il n'était pas utilisé à ce moment-là. En Allemagne, l'Office a appris qu'il existait également un abattoir mobile, mais qu'aucune dérogation au règlement n'avait été demandée. La mission d'audit a visité la structure, mais à un moment où elle ne fonctionnait pas.

Ce sujet a donné lieu à un important débat au moment de l'adhésion de la Finlande et de la Suède qui désiraient disposer d'abattoirs mobiles pour l'abattage des rennes.

La question de l'étiquetage revient très souvent. La Commission a commandé une étude sur l'étiquetage systématique des produits alimentaires avec mention du mode d'abattage. Ses résultats ont été publiés en 2015. Cette étude fait suite à une demande du Parlement européen lors de l'adoption du règlement concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires.

L'information des consommateurs est bien sûr d'une importance cruciale, mais d'autres questions doivent être aussi prises en compte comme les coûts additionnels pour la filière ainsi que les conséquences sur les minorités religieuses.

De plus, plusieurs modalités d'étiquetage peuvent être envisagées et, même dans ce cas, l'étude n'apporte pas de preuve flagrante que l'information serait remarquée ou comprise par les consommateurs, la plupart d'entre eux n'ayant pas une connaissance précise du processus d'abattage.

Actuellement, seuls les oeufs font l'objet d'un l'étiquetage obligatoire en matière de bien-être animal.

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Tous les oeufs achetés sont marqués individuellement avec un chiffre de zéro à trois, mais nous avons constaté que très peu de consommateurs lisaient cette mention ou l'utilisaient. Nous avons reçu et présenté les résultats d'une étude, un « eurobaromètre » que nous avions commandé sur le bien-être animal. Ces données montrent que les gens sont intéressés par des étiquetages liés au bien-être mais que cela ne se répercute jamais au supermarché, lors de l'achat…

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et Mme Françoise Dubois. Ils regardent le prix !

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Ils privilégient en effet le critère du prix.

Au regard des conséquences, nous en sommes restés à la divulgation des résultats de cette étude.

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Le consommateur s'intéresse maintenant un peu plus à ces informations, mais il regarde toujours les prix. Sur ce plan, les différences sont telles qu'elles semblent parfois injustifiées. La Commission serait inspirée de persévérer dans la voie de l'étiquetage tout en ayant une exigence en matière de prix. Ce n'est pas parce que les gens n'achètent pas qu'il faut abandonner.

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Bernard Van Goethem, directeur en charge de la santé et du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

Rien n'empêche les professionnels de mettre en avant un étiquetage relatif au bien-être animal. Cette démarche volontaire est parfaitement possible dans le cadre du schéma certifié privé : il n'y a pas d'interdiction au niveau européen.

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De nombreuses chaînes de la grande distribution, comme Carrefour ou Hypermarché, font maintenant le distinguo entre les oeufs provenant de poules élevées en plein air, et les oeufs provenant de poules élevées en cage…

Je vois que vous vous regardez tous messieurs. Si vous faisiez les courses…

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Nous faisons les courses, madame Alaux !

Monsieur Van Goethem, je me permets d'émettre un petit doute sur vos propos relatifs au désintérêt pour le mode d'abattage. Cette commission parlementaire suscite l'intérêt de nos concitoyens. Nous avons de nombreux témoignages du fait qu'ils ont aujourd'hui pris conscience de ce qui se passe dans les abattoirs. Cela n'a pas été le cas pendant des années, et c'est peut-être le mérite des vidéos diffusées par L214 de nous avoir alertés collectivement.

La question du mode d'abattage, et particulièrement celle de l'abattage sans étourdissement, devient un peu plus prégnante qu'elle ne l'était auparavant. Il faut aussi peut-être s'adapter aux réalités de la société, et au niveau d'exigence de nos concitoyens. Cela ne signifie pas nécessairement que leur choix, au moment de l'achat, sera uniquement guidé par l'étiquetage relatif au bien-être animal ; dans ce contexte de crise, le prix reste le principal facteur de motivation du consommateur. Néanmoins, je crois que tous les membres de cette commission d'enquête ont pu mesurer la prise de conscience en cours sur la question du bien-être animal. Beaucoup de nos concitoyens nous disent : « Nous ne sommes pas végétariens, mais nous voulons savoir comment les animaux sont abattus, et s'ils sont abattus dignement. Si nous ne le savons pas, nous arrêterons de manger de la viande. » La question de l'étiquetage se pose bel et bien.

Parmi les trois vidéos diffusées par L214, certaines provenaient de l'abattoir de Mauléon qui distribuait de la viande pour des grands restaurateurs, pour des circuits courts, et pour des circuits bio ! Vous pensez bien que ceux qui achetaient cette viande étaient loin d'imaginer la façon dont les animaux étaient torturés dans cet abattoir.

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Denis Simonin, administrateur en charge du bien-être animal à la direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne

S'agissant de la perception des consommateurs, il y a une dimension de l'étiquetage relatif à l'abattage que je souhaite mettre en avant. Plusieurs études sur les problèmes de consommation et de bien-être animal montrent que, si les consommateurs peuvent être sensibles à l'information – c'est le cas, par exemple, de celle portant sur les oeufs, qui a induit des modifications de comportement –, il existe des zones où le bien-être animal n'est pas négociable. C'est typiquement le cas de l'abattage.

En clair, les gens ne veulent pas savoir. Il est désagréable de manger de la viande en pensant qu'il y a un animal derrière. C'est humain : je ne leur jette pas la pierre. En tant que vétérinaire, et avec mon expérience professionnelle, mon rapport à la viande n'est pas celui-là, mais nombreux sont ceux qui ne sont pas nécessairement à l'aise avec l'idée que derrière la viande, il puisse y avoir un animal. Si l'on mettait en avant une information sur ce sujet, elle ne serait ni nécessairement recherchée ni aisément acceptée.

Par ailleurs, monsieur le président, puisque vous citiez l'une des vidéos diffusées par L214, je rappelle que ce qu'elle montre est tout simplement illégal. Cela n'a rien à voir avec un problème d'étiquetage. S'il y avait eu étiquetage, il n'y aurait eu aucune différence. Nous avons de toute façon affaire à des gens qui fraudent : ils ne vont pas l'annoncer sur une étiquette ! Et nous n'allons pas préciser par étiquetage que tel abattoir fait un bon travail ou que tel autre le fait mal. Dans l'esprit des consommateurs, il n'y a pas de choix à faire, ce n'est pas négociable : tous veulent que les animaux qu'ils mangent soient bien abattus. C'est en tout cas la perception que j'ai eue en discutant avec les associations. Elles considèrent qu'il n'y a pas un bon et un mauvais abattage. On doit faire ça bien ; un point c'est tout, et la législation doit garantir qu'il en sera ainsi.

Le choix d'un étiquetage différentiel, selon qu'il y a ou non étourdissement, nous fait entrer dans un autre débat sur l'acceptation ou pas du fait qu'il existe un autre type de valeurs et un autre type de méthode. À mon avis, nous avons alors davantage affaire à un sujet de société qu'à une problématique liée au bien-être animal. Nous sommes plus dans la politique. C'est, à mon sens, la raison pour laquelle l'étude que nous avons menée a montré que le consommateur n'était pas nécessairement à la recherche d'informations sur ce point de vue précis. L'étiquetage obligatoire crée un gradient entre les différentes normes relatives au bien-être. Or à mon sens, aujourd'hui, le consommateur ne veut pas de gradient : lorsqu'il mange de la viande, il estime que les choses doivent être bien faites, basta ! C'est un peu l'impression que j'ai eue en travaillant avec les consultants responsables de l'étude.

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Messieurs, nous vous remercions pour votre présence et pour l'ensemble de vos réponses.

La séance est levée à dix-huit heures.