Ils devraient l'être, et ce serait une bonne chose. L'article 20 du règlement prévoit que les autorités des États membres disposent « d'une assistance scientifique indépendante suffisante » qui leur fournit non seulement « des avis scientifiques concernant les guides des bonnes pratiques », mais qui a aussi une responsabilité dans la validation des programmes de formation. Cet organisme – en France, il s'agit de l'ANSES – devrait donc avoir une approche cohérente qui permette l'utilisation des guides de bonnes pratiques dans la formation. Vous avez parfaitement raison, madame la députée de faire le lien entre les deux.
Il n'est pas facile de répondre en quelques mots à la question qui nous a été posée sur la souffrance. C'est une question complexe. En terminologie, la souffrance et le bien-être animal ne se recoupent pas : la première notion a une dimension relativement limitée alors que la seconde est un concept plus positif. Il existe par ailleurs des degrés de souffrance. On peut simplifier en parlant de deux types de souffrance. L'une est physiologique : elle est liée à une atteinte physique de l'organisme qui provoque la douleur. L'autre, liée à une détresse, est psychologique. Elle existe aussi chez l'animal : c'est la peur. Si vous placez un animal d'élevage – ce sont pour la plupart des proies – face à un prédateur, il va exprimer un certain degré de souffrance. De même s'il fait l'objet d'une agression, même si elle est par exemple purement sonore. Il peut exister des souffrances qui ne sont pas des douleurs. Lorsqu'il y a douleur, il y a une souffrance psychologique : s'il est conscient durant l'abattage et la perte de vie, l'animal est angoissé parce qu'il sent qu'il va mourir. La douleur et la souffrance psychologique se combinent.
Comment mesurer cela ? Il existe plusieurs modes de mesures scientifiques. Une très abondante littérature a été publiée sur ces questions. Si cela vous passionne, nous vous transmettrons des références. Il est vrai que l'on part souvent de notre propre perception ; c'est une sorte d'anthropomorphisme conceptuel : nous transposons à l'animal des ressentis qui sont les nôtres. Ce principe de base n'est pas totalement erroné car nous sommes des mammifères. Du point de vue physiologique et évolutif, si nous ne sommes pas complètement des animaux d'élevage, nous en sommes tout de même extrêmement proches – nos dispositifs anatomiques sont très voisins. Nous savons que ce qui est douloureux pour l'homme l'est aussi pour l'animal. L'un et l'autre sont pourvus de terminaisons nerveuses qui stimulent la douleur. Lorsque nous découvrons sur le plan anatomique des parties d'organes plus sensibles que les autres chez l'animal, cela permet de mesurer sa sensibilité. Pour l'étourdissement, l'encéphalogramme est l'étalon en matière de mesure : c'est lui qui permet de garantir à coup sûr s'il y a perte de conscience ou pas. Mais des mesures physiologiques de la douleur peuvent aussi être utilisées : on peut chercher certains corticoïdes dans le sang, la salive ou les expressions urinaires – mais cela donne lieu à des interprétations, et il existe des biais.
Enfin, on peut observer le comportement de l'animal. Les comportements de retrait ou d'évitement constituent des indicateurs de la douleur. Ainsi, on sait que le CO2 est aversif parce que des expériences ont montré que si l'on attire un animal avec de la nourriture dans un espace où se trouve du CO2, il n'y reste pas longtemps ; et s'il a perdu conscience et que l'on répète l'expérience, il n'y revient pas. Il a donc retenu quelque chose de désagréable. On ne fait pas le même constat avec l'utilisation un gaz inerte. Dans la même situation, en azote complet, l'animal n'a pas eu une expérience négative alors qu'au-delà de 40 % de CO2, il a eu une expérience aversive.
Il existe donc au final de nombreuses méthodes de mesures de la douleur et de la souffrance. Elles évoluent en permanence. Nous disposons d'éléments assez nombreux qui peuvent être croisés pour des vérifications. Ils permettent de bien mesurer ces phénomènes.