Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 25 novembre 2015 à 9h00
Commission des affaires européennes

Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes :

Ce n'est pas un problème de pédagogie, c'est un problème citoyen et politique majeur. Cette période de crise et de paradoxe nous appelle à des relectures fondamentales, et pour la représentation nationale, c'est une tâche essentielle. C'est pourquoi je suis frappé de constater l'intérêt que vous portez aux questions européennes en cet instant.

MM. Dominique Lefebvre et Hervé Mariton ont exprimé un même sentiment de responsabilité, avec des termes un peu différents ; je veux clarifier mes propos. Oui, il est logique que la sécurité soit la priorité absolue de la nation en ces temps dramatiques ; oui, le pacte de sécurité voulu par le Président de la République doit s'appliquer. Oui, la Commission européenne le comprend. Mais je n'oppose en rien pacte de stabilité et pacte de sécurité, et je n'ai pas compris les propos du Président de la République comme un tournant de politique économique. Je n'ai pas entendu Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, exprimer autre chose devant l'Eurogroupe. Au contraire, il a assuré que les engagements pris pour 2016 et 2017 seraient tenus.

Comment faut-il donc prendre en compte les nouvelles dispositions exigées par la situation ? Les choses sont claires : la Commission européenne ne demande pas d'économies supplémentaires à la France. Nous savons que des dépenses supplémentaires sont engagées alors que le projet de budget a déjà été déposé et qu'il est en train d'être débattu. Nous prendrons cela en compte de manière particulière, ex post. Je vous donne une réponse technique sans trancher sur le bien-fondé des positions exprimées, qui ne sont d'ailleurs pas si différentes. Les 600 millions d'euros qui sont évoqués représentent 0,015 % du PIB. Cela n'empêchera pas la France de respecter la trajectoire qu'elle s'est fixée pour 2016 et 2017, à condition qu'elle prenne les mesures nécessaires pour 2017. Michel Sapin s'est également engagé sur ce point. Il faut que vous compreniez clairement que la Commission européenne ne demande pas de compenser par d'autres économies les dépenses entraînées par la situation sécuritaire, et il n'est pas de meilleur endroit que cette commission pour le faire savoir.

Monsieur de Courson, nous n'avons pas de problème majeur avec les hypothèses macroéconomiques retenues par la France pour 2016 et 2017 à ce stade. Nos prévisions de croissance sont de 1,1 % pour cette année, de 1,4 % l'an prochain alors que la France prévoit 1,5 %, et de 1,7 % en 2017. Cela veut dire qu'il n'est pas impossible que la France soit en deçà du seuil de 3 % en 2017. Mais comme toujours, notre raisonnement se fait à politique inchangée. Il faut que la politique budgétaire permette ensuite, grâce à des efforts structurels, de faire mieux. C'est ce dont vous aurez à débattre pour 2017.

La croissance potentielle est en effet établie entre 0,8 % et 1 %. Mais je vous signale que la croissance potentielle de l'Union européenne tout entière n'est pas très différente : elle est de l'ordre de 1 %, ou 1,1 %. La France est donc légèrement en deçà, mais l'Europe n'est pas dans une situation de croissance potentielle forte.

Nous avons donc un écart de production, un output gap – la différence entre la croissance effective et la croissance potentielle –, et tout l'enjeu des politiques que nous devons mener consiste à élever le niveau de croissance potentielle. C'est là que la question des cycles économiques doit trouver une réponse, car nous ne pouvons pas nous contenter d'avoir une action sur les déficits nominaux, il faut aussi une action sur les déficits structurels, ce qui passe par une élévation du niveau de croissance.

S'agissant de l'inflation, il n'y a pas de contradiction dans nos prévisions économiques. Nous prévoyons que l'inflation, actuellement nulle, montera progressivement jusqu'à 1,6 % en 2017 sous l'influence de deux facteurs : le prix des matières premières, notamment le pétrole, devrait rester extrêmement faible mais l'inflation-coeur devrait augmenter par l'effet de l'injection massive de liquidités – le quantitative easing de la Banque centrale européenne. Dès lors, l'inflation prévue par le Gouvernement français n'est pas irréaliste au regard de nos propres prévisions.

Monsieur Alauzet, le pacte républicain est de votre responsabilité à tous, cela dit je sais ce que sont une démocratie et une république avec sa majorité, son opposition et ses débats. Je me concentrerai davantage sur votre seconde question, qui rejoint celle de M. Galut, consacrée à la lutte contre l'évasion fiscale.

Je suis commissaire aux affaires économiques et financières, mais aussi à la fiscalité et aux douanes. Dans ce cadre, je participais hier aux débats de la commission spéciale du Parlement européen, la commission « TAXE », qui va poursuivre ses travaux pendant six mois. J'ai pu y développer ce que je vais vous dire plus brièvement : la lutte contre l'évasion fiscale, contre l'érosion fiscale, contre la diminution des bases fiscales et pour la transparence est une cause essentielle pour la Commission européenne.

J'ai fait adopter une directive sur l'échange automatique d'informations sur les rescrits fiscaux qui entrera en vigueur au début de l'année 2017. Cela a été fait en un temps record : sept mois.

Je vais déposer, au début de l'année 2016, une nouvelle approche de l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, en partant de l'assiette commune pour ensuite aller vers la consolidation.

Je promeus le principe de taxation effective, ce qui veut dire que les entreprises doivent payer des impôts là où elles réalisent des profits.

Je défends également le reporting pays par pays, afin que l'on connaisse l'activité des entreprises multinationales à un niveau national et à un niveau consolidé. J'avais déjà traité cette question en tant que ministre des finances lors de l'examen d'une loi sur la régulation du système bancaire qui a d'ailleurs montré quelques vertus depuis – je le découvre lors de mes échanges avec les banques françaises. Il est important de défendre le modèle de banque universelle française, et je suis attentif aux projets à cet égard, mais je sors là du cadre strict de mes fonctions.

M. Cherki me demandait si, pour moi, le reporting pays par pays était public. À titre personnel, je suis favorable à un reporting public.

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