Intervention de Thierry Mandon

Réunion du 24 novembre 2015 à 17h30
Commission des affaires européennes

Thierry Mandon, secrétaire d'état chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Il est vrai qu'il faut mobiliser davantage le monde de la recherche française pour améliorer le retour sur investissements des programmes européens. Nous avons entrepris d'analyser méticuleusement ce phénomène, qui s'explique parfois tout simplement parce que les chercheurs, en sciences humaines par exemple, n'ont pas besoin des sommes proposées et peuvent se contenter de montants bien moindres. Il nous faut donc analyser très en détail les représentations qui se traduisent par cette mobilisation insatisfaisante.

La question linguistique est importante, surtout dans les sciences humaines et sociales, où le français est couramment utilisé. Faut-il rappeler les débats homériques qui se sont tenus ici même en 2013 autour de l'article 2 de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche concernant l'enseignement en anglais ? Le monde étant ce qu'il est, les personnes qui se destinent à la recherche doivent impérativement maîtriser l'anglais.

Pour appuyer nos équipes de recherche, il faut développer des plateformes de soutien dans un paysage qui se structure autour des communautés d'université et d'établissements, les COMUE. Il en existe déjà 25 et chacune d'entre elles doit se doter d'une plateforme de soutien afin d'améliorer la réponse faite aux appels d'offres européens – des expérimentations sont d'ores et déjà en cours en la matière. Nous reviendrons sur cette question le 16 décembre prochain, lors de la journée des « Étoiles de l'Europe ». J'ajoute que l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, l'IGAENR, conduit actuellement avec le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, le SGMAP, une mission d'inspection afin d'éclairer les raisons expliquant les difficultés que nous connaissons en termes de mobilisation des équipes. Elle rendra ses conclusions en décembre. Il va de soi que nous sommes ouverts à toutes les autres propositions.

Les travaux préparatoires à la stratégie nationale de recherche ont tenu compte des propositions formulées dans votre rapport fort utile, madame Linkenheld, en s'attachant notamment à articuler concrètement la stratégie avec le programme Horizon 2020. Quant aux SATT, elles ont un rôle très particulier : elles peuvent investir dans des produits déjà « finis », et peut-être l'étude de marché que vous évoquez est-elle trop en amont du projet pour pouvoir être ainsi financée – mais nous analyserons précisément le cas que vous avez mentionné.

Concernant le programme Erasmus, madame la présidente, je précise que 17 % de son budget sont consacrés aux stages. La France est à la traîne : seuls 5 000 apprentis en ont bénéficié. Nous avons lancé hier un projet pilote entre la France et l'Allemagne qui concernera une cinquantaine d'apprentis afin de développer cette forme d'apprentissage. Le problème tient à la reconnaissance des qualifications professionnelles, et nous nous attachons à le résoudre.

J'insiste sur les conséquences de la réforme de la collecte de la taxe d'apprentissage pour les établissements d'enseignement supérieur et pour le financement de l'apprentissage de niveau 1 et 2. Ce point doit faire l'objet de toute notre vigilance. La StraNES fixe un objectif de 150 000 apprentis dans l'enseignement supérieur – ils sont 140 000 aujourd'hui. Il faut poursuivre notre marche en avant pour développer cette forme d'acquisition des connaissances.

Les entreprises ont plusieurs outils d'incitation à leur disposition pour accroître leur effort de recherche et développement. Surtout, elles doivent mieux comprendre l'univers de la recherche, en particulier la recherche publique et scientifique. Pour ce faire, elles doivent embaucher des docteurs, non pas par amabilité à l'égard de la recherche publique, mais pour deux raisons. Tout d'abord, les docteurs sont les seuls à connaître précisément l'état mondial de la science dans leur domaine. L'innovation consiste à avoir un coup d'avance sur les concurrents ; or, les docteurs maîtrisent précisément les dernières connaissances permettant aux entreprises d'innover, d'accroître leur performance et de renforcer leur effort de recherche et développement. D'autre part, les docteurs maîtrisent parfaitement les outils d'open innovation, ou innovation ouverte, qu'ils pratiquent fréquemment avec des laboratoires du monde entier, que ce soit dans le Michigan, à Shanghai ou ailleurs. Là encore, les entreprises ont beaucoup à y gagner. En clair, pour développer la recherche privée, il faut que les entreprises recrutent davantage de chercheurs formés dans la sphère publique.

Le diagnostic que vous faites en matière de conflits d'intérêts est juste, madame la présidente – et sur ce point comme sur d'autres, M. Moedas est tout à fait ouvert au débat. Il faut être également exigeant pour tous, et non davantage envers la recherche publique qu'envers la sphère privée. Des outils existent pour y parvenir.

L'Europe ne s'est pas encore saisie de la question des lanceurs d'alerte. Cette piste de travail pourra être explorée dans les mois qui viennent.

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