Commission des affaires européennes

Réunion du 24 novembre 2015 à 17h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 24 novembre 2015

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 17 h 30

I. Audition de M. Thierry Mandon, Secrétaire d'État chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, auprès de la ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, sur le Conseil des ministres « recherche » de l'Union européenne du 1er décembre 2015

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En dépit des circonstances dramatiques, je me réjouis que notre Commission reçoive M. le secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche pour la première fois dans le cadre de la procédure dite de pré-conseil, que nous avons adoptée voici plus d'un an avec l'accord de M. le Premier ministre et de M. le président de l'Assemblée nationale.

La recherche est un enjeu fondamental pour l'avenir de l'Union. Il faut mutualiser davantage les politiques nationales encore trop dispersées afin d'atteindre les objectifs ambitieux de la stratégie Europe 2020. Nous profiterons de votre présence, monsieur le secrétaire d'État, pour évoquer l'actualité de la recherche dans l'Union européenne et l'état d'avancement de l'espace européen de la recherche – qui, dans les circonstances actuelles, prend tout son sens.

Je souhaite également aborder avec vous trois des points de l'ordre du jour du prochain Conseil européen de la recherche, qui se tiendra le 1er décembre. Le premier concerne le projet de conclusions du Conseil sur l'intégrité de la recherche. En effet, le Conseil devra se prononcer sur une charte relative à l'intégrité de la recherche – chercheurs et organismes compris. À mon sens, il est utile que les organismes se saisissent d'un tel sujet compte tenu des récents et – hélas – nombreux scandales qui se sont produits ces dernières semaines. Cette charte permettra-t-elle de mieux protéger les lanceurs d'alerte ? Fournira-t-elle des outils concrets de lutte contre les conflits d'intérêts ? Ce sujet concerne naturellement le Conseil, mais relève aussi des négociations entre États. Sur ces différentes questions, quelle est la position de la France et celle de ses principaux partenaires européens ?

Le deuxième point concerne le projet de conclusions sur l'égalité des genres dans l'espace européen de la recherche. La présidence luxembourgeoise s'est saisie de ce sujet – en particulier celui de la formation des femmes de science – qui nous tient à coeur. De ce point de vue, la France semble, avec l'Espagne et la Suède, à l'avant-garde, même s'il reste beaucoup de chemin à parcourir. Trop peu de jeunes filles choisissent les filières scientifiques et trop peu de femmes scientifiques exercent des postes à responsabilités. J'ai bien compris que les conclusions proposées au Conseil seront peu ambitieuses à cause des réticences de certains États membres : suis-je trop pessimiste ou cette solution a minima est-elle réaliste ? D'autre part, quelles sont les avancées en matière de financements, d'affectation des bourses, d'égalité salariale ? La lutte contre le fameux plafond de verre progresse-t-elle ?

Enfin, notre Commission a soutenu le plan Juncker concernant le fonds européen pour les investissements stratégiques dans le domaine de la recherche, tout en regrettant la relative modicité des moyens qui sont alloués à ce plan visant à soutenir les investissements stratégiques d'intérêt européen, notamment dans le domaine de la recherche et de l'innovation. Or, la création du Fonds européen d'investissement, qui est le bras financier du plan Juncker, s'est traduite par une lourde ponction sur les crédits affectés au programme Horizon 2020, Les protestations – notamment celle de la France et, en particulier, de notre Commission – ont été vives et ont permis de réduire de 2,7 à 2,2 milliards d'euros cette ponction, qui reste toutefois très élevée. Le Conseil précisera-t-il quels financements européens seront prévus en matière de recherche ? Le financement de la recherche fondamentale sera-t-il maintenu ? La France est-elle parvenue à sensibiliser la Commission au fait que ses universités ne peuvent pas contracter de prêts et, de ce fait, ne peuvent pas bénéficier des fonds du plan Juncker ?

Au-delà de l'ordre du jour du prochain Conseil, qu'en est-il plus généralement de la politique européenne de la recherche, des progrès accomplis en vue de créer un espace européen de la recherche et des avancées constatées en matière d'effort de recherche au niveau européen ? Les politiques d'éducation et de recherche doivent prendre leur pleine mesure dans le contexte des politiques migratoires et des politiques de développement. Lors du récent sommet euro-africain de La Vallette, il a ainsi été décidé de renforcer la mobilité des étudiants, des chercheurs et des entrepreneurs entre les deux continents. Pouvez-vous préciser ce point essentiel ?

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Thierry Mandon, secrétaire d'état chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Je vous remercie, Madamela présidente, de m'offrir l'occasion d'échanger avec vous, car ces réunions préalables aux conseils des ministres de l'Union sont très précieuses. Permettez-moi de commencer par dresser la toile de fond : il est vrai que l'Europe doit s'investir concrètement et plus encore qu'auparavant dans les enjeux de recherche. Le plan Juncker prévoit d'ici 2018 de consacrer 315 milliards d'euros au soutien à l'investissement public et privé dans l'Union. Reste à envisager dans quelle mesure ces fonds, en dépit de l'étroitesse des marges de manoeuvre, peuvent contribuer à consolider des infrastructures – numériques, par exemple – de recherche dans les États membres. Plusieurs pistes sont à l'étude.

Ensuite, le programme « Erasmus + » de mobilité des étudiants est essentiel pour réaliser nos objectifs nationaux et européens d'éducation et de formation. En 2020, 20 % des diplômés de l'enseignement supérieur devront avoir effectué une mobilité européenne au cours de leurs études. La France n'a épargné aucun effort pour qu'Erasmus devienne Erasmus + en défendant l'augmentation de 40 % des crédits alloués à ce programme, qui atteignent désormais 16,4 milliards d'euros pour la période 2014-2020, et pour qu'un effort accru soit consacré aux étudiants issus de milieux modestes ou à ceux qui suivent une formation professionnelle. En 2014-2015, ce sont 36 709 étudiants et stagiaires français qui ont pu bénéficier du programme Erasmus – c'est un nombre significatif, dont j'ajoute qu'il concorde parfaitement avec les objectifs de la Stratégie nationale de l'enseignement supérieur, la StraNES.

Les objectifs des politiques européennes d'investissement pour la recherche et l'innovation sont ambitieux, puisqu'ils visent à porter la part de l'investissement en recherche et développement à 3 % du produit intérieur brut de l'Union. Pour mémoire, cette part est actuellement de 2,24 % en France. Si la puissance publique doit accroître ses efforts – la dépense publique de recherche, qui représente 0,8 % du PIB, est relativement stable et comparable à celle de nos voisins, en particulier l'Allemagne –, c'est aussi le cas des entreprises, qui mobilisent des ressources insuffisantes en matière de recherche et développement. Le creusement de l'écart entre l'investissement total que consacre la France à la recherche et celui qu'y consacre l'Allemagne – environ 2,8 % de son PIB – s'explique principalement par la forte progression dans ce pays des dépenses privées de recherche et développement. De ce point de vue, il est très utile que l'Europe, autour du commissaire pour la recherche, la science et l'innovation, M. Carlos Moedas, conduise une politique de recherche cohérente et concertée qui se fonde tout à la fois sur l'excellence scientifique, sur la compétitivité et sur des stratégies de développement de l'innovation.

La France occupe le sixième rang scientifique mondial ; elle est à l'origine de 10 % des publications les plus citées, soit le quatrième rang mondial. En clair, la France est une puissance qui compte dans le monde de la recherche. Nous avons décidé d'insister systématiquement sur l'importance de la recherche dans toutes les instances européennes compétentes comme les conseils européens de la recherche, bien entendu, mais nous voulons aussi défendre auprès du commissaire Moedas une philosophie de l'effort scientifique et des dépenses qui y sont consacrées, autour de deux idées directrices.

Tout d'abord, s'il est vrai que la recherche peut servir à répondre à certains besoins immédiats, la recherche fondamentale est plus que jamais nécessaire. Le développement économique et les grandes aventures industrielles ont pour origine l'innovation de rupture, qui permet d'apporter des réponses nouvelles à des problèmes anciens. Or, l'innovation de rupture naît de l'effort de recherche fondamentale, dans lequel il faut continuer d'investir. Cette idée est peu ou prou partagée en Europe, moyennant quelques nuances.

D'autre part, la science est multiple. Il faut réhabiliter les sciences humaines et sociales dans le plan européen de soutien à l'investissement, y compris en ce qui concerne leurs interactions avec les technologies, et favoriser la multidisciplinarité et la pluridisciplinarité. À cet égard, je me réjouis que l'Europe, en particulier l'équipe du commissaire Moedas, prenne conscience de l'importance des sciences humaines et sociales.

La France a adopté plusieurs agendas stratégiques en cohérence avec les objectifs européens : l'agenda France-Europe 2020, mais aussi la stratégie nationale de la recherche, qui sera présentée publiquement le 14 décembre prochain. Ces outils nous permettent d'aborder plus solidement les discussions européennes. Toutefois, nous devons constater le recul de notre participation aux projets européens au cours des dernières années du 7e programme-cadre de recherche et de développement technologique, le PCRDT. La France contribue au budget de l'Union à hauteur de 16 % ; le retour est insuffisant, eu égard à la qualité de notre communauté de recherche et d'innovation. La France n'occupe que le cinquième rang du nombre de déposants de brevets, et est le troisième bénéficiaire du 7e PCRDT, loin derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni. Or, notre taux moyen de succès aux appels à propositions est de 24 %, soit l'un des plus élevés dans l'Union européenne. En clair, la mobilisation des équipes françaises est insuffisante compte tenu de nos capacités de recherche, en particulier dans certaines disciplines – les sciences humaines et sociales, notamment. Pour l'améliorer, le ministère a mis au point plusieurs outils : il a renforcé des dispositifs d'accompagnement tel que le réseau de points de contact nationaux, mène des campagnes de communication nationale et régionales, a créé un portail consacré à l'accompagnement des porteurs de projets européens, valorise la participation aux projets européens auprès de la communauté scientifique, a créé le trophée des « Étoile de l'Europe » dont la prochaine édition se tiendra le 16 décembre prochain en présence de M. Moedas. En bref, nous déployons des efforts systématiques pour accroître la mobilisation de nos équipes dans les appels à propositions européens. Les résultats sont déjà là : en 2014 et au premier semestre 2015, 11,2 % des financements européens ont été obtenus par des équipes de recherche françaises, soit une performance comparable à la moyenne obtenue sur l'ensemble de la période 2007-2013 couverte par le 7e PCRDT, mais 9,2 % du total des financements demandés ont été obtenus, contre 7,2 % en 2013. Le taux de succès de nos équipes atteint 17,1 % : c'est le taux le plus élevé parmi les dix principaux bénéficiaires du programme-cadre, la moyenne s'élevant à 14,1 %. Autrement dit, nous progressons, et nous progresserons davantage encore si nous nous mobilisons.

Le 19 octobre dernier, nous avons affirmé à Bruxelles notre entière disposition à participer aux réflexions en cours sur l'innovation en Europe et, avec d'autres pays, nous sommes mobilisés pour préserver les crédits de recherche du programme Horizon 2020, dont une part importante – nous avons insisté sur ce point – doit être consacrée à la recherche fondamentale, cependant que le rôle des sciences humaines et sociales doit être revalorisé. En outre, nous avons réaffirmé notre soutien au travail de simplification en cours dans le cadre du programme Horizon 2020 et proposé plusieurs outils qui contribuent à la réflexion européenne en la matière. Nous avons donné notre accord pour participer à un groupe de travail sur le projet de création d'un Conseil européen de l'innovation, défendu par le Commissaire.

J'ai également appelé l'attention de M. Moedas sur la participation de nos experts à l'évaluation des projets de recherche proposés aux financements européens. En raison du critère de conflit d'intérêts potentiel, certains chercheurs sont exclus du processus d'expertise, compte tenu de l'organisation de notre appareil de recherche. Lorsqu'une équipe de recherche de l'Université de Marseille, par exemple, dépose un dossier de financement européen et que l'un de ses membres appartient au CNRS, celui-ci ne pourra pas être représenté lors de l'expertise du dossier en question. Nous avons donc proposé plusieurs mesures visant à améliorer ce dispositif très pénalisant pour nos équipes.

J'en viens à l'ordre du jour du prochain Conseil européen de la recherche. Réjouissons-nous en premier lieu du fait que la question de l'égalité des genres y sera abordée – et ce fut obtenu de haute lutte. Les débats très riches qui ont eu lieu à ce sujet ont révélé le fossé qui sépare des États volontaristes comme la France, l'Espagne, l'Allemagne et la Suède, d'autres États plus timorés qui résistent à la fixation d'un quelconque objectif chiffré et à toute contrainte financière – le Danemark, le Royaume-Uni, Chypre, l'Estonie ou encore la Lituanie. Nos échanges ont néanmoins permis d'intégrer au texte qui sera proposé mardi la nécessité d'aborder la question de l'égalité des genres comme un programme de recherche en soi, ainsi que des objectifs quantitatifs – sous forme non pas de quotas, mais de cibles – et, surtout, le principe d'une évaluation régulière et concrète visant à améliorer la situation en Europe. Nous avons également obtenu que les questions de genre soient intégrées au dialogue que nous menons avec les États tiers. On peut certes regretter, comme dans tout compromis, que les États membres n'aient pas choisi d'adopter des conclusions plus ambitieuses en matière de quotas et, surtout, d'égalité salariale – grande absente du texte qui sera présenté au Conseil. Les écarts moyens de rémunération dans l'Union sont de 16 % environ, tous secteurs confondus – et la France ne fait guère mieux, puisque cet écart y est de 15 %. Il nous faudra donc poursuivre sur cette piste de mobilisation dans les mois qui viennent.

Deuxième point à l'ordre du jour : l'intégrité dans la recherche. L'actualité montre qu'il s'agit d'un sujet majeur, particulièrement dans certaines disciplines scientifiques – à l'évidence, des mesures doivent être prises dans le secteur de la biologie, par exemple. Les principaux axes des conclusions sur lesquelles le Conseil se prononcera mardi sont les suivants : tout d'abord, la reconnaissance de l'intégrité comme élément-clé de l'excellence de la recherche et de son impact socio-économique ; ensuite, la reconnaissance des profonds effets négatifs que produisent les manquements à l'intégrité non seulement sur l'économie, mais aussi – c'est essentiel – sur la confiance des citoyens envers le progrès scientifique ; troisièmement, le fait que la responsabilité première des manquements à l'intégrité est imputable aux chercheurs, même si les institutions doivent aussi prendre leur part ; enfin, le développement d'un certain nombre d'actions de prévention et de formation initiale et continue, la promotion de l'échange de bonnes pratiques et la prise en compte du code de conduite en matière de partenariat concernant le fonds social européen, qu'a notamment élaboré la fédération européenne des académies nationales des sciences et des humanités. La Commission présentera un texte rappelant les principes d'intégrité afin de l'adapter au programme Horizon 2020. Le projet de conclusions que présentera la présidence est depuis l'origine assez consensuel – contrairement à la question de l'égalité des genres. Au terme d'un travail intense, nous avons abouti à un bon équilibre concernant les responsabilités en cas de manquement à l'intégrité : la responsabilité première incombe au chercheur mais son institution n'est pas pour autant dégagée de toute responsabilité – ce qui est une condition de progrès. Nombreux sont les établissements de recherche qui ont parallèlement pris des initiatives pour répondre à la forte demande de la communauté scientifique en la matière. Sans doute faudra-t-il créer des outils supplémentaires pour aller plus loin encore au niveau national.

Si la discussion se prolonge – ce sera le cas – sur ces sujets, elle devra tenir compte de trois éléments. Premièrement, il faut conduire une réflexion sur l'évaluation des chercheurs, qui doit privilégier davantage les aspects qualitatifs par rapport aux critères quantitatifs, de sorte que les processus de recrutement et de progression ne se fondent pas seulement sur des indices bibliométriques purement quantitatifs qui incitent certains chercheurs à adopter des stratégies de publications non intègres – qu'il s'agisse de découpe ou de sélection des données. Ensuite, la politique d'open access et d'open data peuvent favoriser l'intégrité de la recherche : si les données sont ouvertes, les contrôles sont plus faciles, ce qui dissuade les éventuels contrevenants de se livrer à des pratiques condamnables. Enfin, il faut mettre au point des dispositifs numériques innovants allant dans le sens d'une politique rigoureuse de conservation des données brutes et de reproductibilité des résultats.

Troisième point à l'ordre du jour du Conseil : la structure consultative de l'espace européen de la recherche. L'idée d'un tel espace est apparue en 2000 ; les travaux menés en 2007 ont conduit au lancement du processus de Ljubljana, six groupes de travail ont été créés et, en juin 2015, le commissaire Moedas a annoncé que la vision de l'espace européen de la recherche était finalisée et qu'il appartenait désormais aux États membres de mettre en oeuvre les mesures nécessaires au niveau national. C'est pourquoi nous serons saisis de l'opinion conclusive adoptée par le comité européen dans le domaine de la recherche, l'ERAC, le 13 octobre 2015 par consensus. Ce document comporte des propositions visant à réviser l'organisation et à clarifier les missions et le périmètre des différents groupes de l'espace européen de la recherche.

Dernier point : l'initiative dite Science for refugees, la science pour les réfugiés, lancée par la Commission européenne le 5 octobre dernier. Elle cible la communauté des scientifiques et des chercheurs qui sont demandeurs d'asile et les établissements d'enseignement supérieur et de recherche qui souhaitent les accueillir. La France a été l'un des premiers États européens à apporter son soutien à cette initiative et à encourager tous les acteurs concernés à y participer. De ce point de vue, nous pensons qu'il ne faut pas seulement cibler les chercheurs et que la Commission doit également étudier les mesures qu'elle peut proposer pour accueillir les étudiants dans le système européen d'enseignement supérieur. Mme Vallaud-Belkacem et moi-même avons informé par écrit les recteurs d'académie que le dispositif d'accueil des populations venant de Syrie, d'Irak et d'Érythrée devait être coordonné par le ministère de l'intérieur au niveau national et par les préfets dans les régions. Nous nous réjouissons que la situation progresse. En outre, la conférence des chefs d'établissements de l'enseignement supérieur a fait part de sa volonté d'accueillir un nombre croissant d'étudiants réfugiés. Il est encore tôt pour dresser un bilan chiffré, mais nous pourrons évaluer l'accueil des étudiants, enseignants et chercheurs réfugiés en début d'année prochaine.

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Lors de votre entretien le 19 octobre dernier avec M. Moedas, vous avez, monsieur le secrétaire d'État, réaffirmé la volonté française de participer pleinement au développement du potentiel de recherche et d'innovation en Europe, de maintenir les crédits de recherche du programme Horizon 2020 et d'en consacrer une part importante à la recherche fondamentale. Cependant, la participation française au programme-cadre européen ne reflète pas la place de la recherche française dans l'Union, et cela se traduit par un important manque à gagner puisque s'agissant du programme-cadre pour la recherche et l'innovation, le taux de retour budgétaire est de l'ordre de 70 %, soit un manque à gagner d'environ 300 millions d'euros par an – c'est-à-dire 70 % des crédits d'intervention de l'Agence nationale de la recherche.

Les sciences humaines et sociales doivent être réhabilitées, dites-vous : certains organismes ont récemment produit des rapports qui jugent la situation très inquiétante. Les résultats de l'appel à projet dit « L'Europe dans un monde qui change », lancé en 2014, sont très préoccupants pour la recherche française en sciences humaines et sociales, de même que les résultats du panel « sciences humaines et sociales » du Conseil européen de la recherche sont globalement insatisfaisants selon Olivier Bouin, directeur du Réseau français des instituts d'études avancées. Et pour cause : il n'y aurait aucun coordinateur français parmi les cinquante-huit projets lauréats du défi Horizon 2020, et les établissements français ne défendent qu'un faible nombre de candidatures en sciences humaines et sociales par rapport aux autres disciplines et aux autres États membres. Quelles solutions peut-on envisager pour que la recherche française en sciences humaines et sociales retrouve des performances satisfaisantes en démontrant sa richesse et sa vitalité ? Le Conseil européen se déroulera dans le contexte dramatique que nous connaissons et qui ne concerne pas seulement la France, mais aussi toute l'Europe ; j'y vois une raison supplémentaire de redonner toute leur place aux sciences humaines et sociales.

Enfin, puisque vous avez évoqué Erasmus +, je précise que 60 % des mobilités européennes concernent des étudiantes et non des étudiants ; c'est après que les choses se gâtent, puisque les salariés qui partent travailler à l'étranger sont à 90 % des hommes. Certes, l'enseignement supérieur et la recherche militent en faveur de l'égalité des sexes, mais le problème – qui leur échappe largement – se pose plus tard, au stade de l'emploi.

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Le rapport sur l'Horizon 2020 que j'ai eu l'honneur de présenter à notre Commission visait tout à la fois à juger si les montants proposés par la Commission européenne étaient suffisants, notamment pour la France, si les priorités étaient pertinentes et si l'ensemble des orientations de ce projet étaient compatibles avec notre propre projet stratégique national. À l'époque, j'avais déjà signalé la faiblesse du taux de retour budgétaire, d'autant plus paradoxale que les chercheurs français ont un taux de succès élevé mais qu'ils ne recourent pas suffisamment aux financements européens. Quel est donc l'état d'avancement de la mission lancée par le Premier ministre sur l'évaluation de la participation française au programme-cadre de recherche et d'innovation ? Les résultats que vous avez indiqués en sont-ils le fruit, ou pouvons-nous en attendre d'autres ?

D'autre part, il existe dans ma circonscription – qui est en quelque sorte au « coeur du réacteur » de la recherche et de l'innovation, puisqu'elle abrite deux universités publiques, plusieurs établissements privés d'enseignement supérieur et de recherche ainsi que des laboratoires publics et privés – un projet largement financé par l'Europe qui, pour progresser, supposait qu'une étude de marché soit conduite, laquelle étude devait être confiée à des chercheurs étrangers – allemands, par exemple – qui sont les meilleurs en ce domaine. Or, nous avons été surpris d'apprendre que le statut des sociétés d'accélération du transfert de technologie, les SATT, leur interdit de financer de telles études de marché dès lors qu'elles sont réalisées par des chercheurs étrangers, fussent-ils les meilleurs : c'est tout de même étonnant s'agissant d'un projet d'envergure européenne.

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À ma connaissance, monsieur le secrétaire d'État, le programme « Erasmus + » s'adresse aussi aux apprentis mais, bien que l'offre existe, la demande demeure insuffisante. Envisage-t-on de mieux faire connaître cette possibilité peut-être encore trop nouvelle pour être toujours saisie ?

S'agissant du plan Juncker, l'État et les services publics sont certes mobilisés mais on semble attendre des entreprises qu'elles se mobilisent toutes seules, en quelque sorte. Est-ce vraiment aussi simple ? Les récentes discussions que j'ai eues à Luxembourg avec des responsables de la Banque européenne d'investissement m'incitent à penser le contraire…

Je m'étonne aussi que les questions de conflits d'intérêts suscitent la plus grande vigilance lorsque les experts concernés proviennent de la sphère publique et qu'en revanche, on ne se pose guère de questions lorsqu'ils proviennent du monde de l'entreprise privée. Est-il possible de faire évoluer cette situation ? J'ajoute que certains « experts » privés, qui présentent parfois un risque de conflit d'intérêts, sont souvent mieux protégés que les lanceurs d'alerte, pourtant fort utiles.

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Thierry Mandon, secrétaire d'état chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Il est vrai qu'il faut mobiliser davantage le monde de la recherche française pour améliorer le retour sur investissements des programmes européens. Nous avons entrepris d'analyser méticuleusement ce phénomène, qui s'explique parfois tout simplement parce que les chercheurs, en sciences humaines par exemple, n'ont pas besoin des sommes proposées et peuvent se contenter de montants bien moindres. Il nous faut donc analyser très en détail les représentations qui se traduisent par cette mobilisation insatisfaisante.

La question linguistique est importante, surtout dans les sciences humaines et sociales, où le français est couramment utilisé. Faut-il rappeler les débats homériques qui se sont tenus ici même en 2013 autour de l'article 2 de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche concernant l'enseignement en anglais ? Le monde étant ce qu'il est, les personnes qui se destinent à la recherche doivent impérativement maîtriser l'anglais.

Pour appuyer nos équipes de recherche, il faut développer des plateformes de soutien dans un paysage qui se structure autour des communautés d'université et d'établissements, les COMUE. Il en existe déjà 25 et chacune d'entre elles doit se doter d'une plateforme de soutien afin d'améliorer la réponse faite aux appels d'offres européens – des expérimentations sont d'ores et déjà en cours en la matière. Nous reviendrons sur cette question le 16 décembre prochain, lors de la journée des « Étoiles de l'Europe ». J'ajoute que l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, l'IGAENR, conduit actuellement avec le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, le SGMAP, une mission d'inspection afin d'éclairer les raisons expliquant les difficultés que nous connaissons en termes de mobilisation des équipes. Elle rendra ses conclusions en décembre. Il va de soi que nous sommes ouverts à toutes les autres propositions.

Les travaux préparatoires à la stratégie nationale de recherche ont tenu compte des propositions formulées dans votre rapport fort utile, madame Linkenheld, en s'attachant notamment à articuler concrètement la stratégie avec le programme Horizon 2020. Quant aux SATT, elles ont un rôle très particulier : elles peuvent investir dans des produits déjà « finis », et peut-être l'étude de marché que vous évoquez est-elle trop en amont du projet pour pouvoir être ainsi financée – mais nous analyserons précisément le cas que vous avez mentionné.

Concernant le programme Erasmus, madame la présidente, je précise que 17 % de son budget sont consacrés aux stages. La France est à la traîne : seuls 5 000 apprentis en ont bénéficié. Nous avons lancé hier un projet pilote entre la France et l'Allemagne qui concernera une cinquantaine d'apprentis afin de développer cette forme d'apprentissage. Le problème tient à la reconnaissance des qualifications professionnelles, et nous nous attachons à le résoudre.

J'insiste sur les conséquences de la réforme de la collecte de la taxe d'apprentissage pour les établissements d'enseignement supérieur et pour le financement de l'apprentissage de niveau 1 et 2. Ce point doit faire l'objet de toute notre vigilance. La StraNES fixe un objectif de 150 000 apprentis dans l'enseignement supérieur – ils sont 140 000 aujourd'hui. Il faut poursuivre notre marche en avant pour développer cette forme d'acquisition des connaissances.

Les entreprises ont plusieurs outils d'incitation à leur disposition pour accroître leur effort de recherche et développement. Surtout, elles doivent mieux comprendre l'univers de la recherche, en particulier la recherche publique et scientifique. Pour ce faire, elles doivent embaucher des docteurs, non pas par amabilité à l'égard de la recherche publique, mais pour deux raisons. Tout d'abord, les docteurs sont les seuls à connaître précisément l'état mondial de la science dans leur domaine. L'innovation consiste à avoir un coup d'avance sur les concurrents ; or, les docteurs maîtrisent précisément les dernières connaissances permettant aux entreprises d'innover, d'accroître leur performance et de renforcer leur effort de recherche et développement. D'autre part, les docteurs maîtrisent parfaitement les outils d'open innovation, ou innovation ouverte, qu'ils pratiquent fréquemment avec des laboratoires du monde entier, que ce soit dans le Michigan, à Shanghai ou ailleurs. Là encore, les entreprises ont beaucoup à y gagner. En clair, pour développer la recherche privée, il faut que les entreprises recrutent davantage de chercheurs formés dans la sphère publique.

Le diagnostic que vous faites en matière de conflits d'intérêts est juste, madame la présidente – et sur ce point comme sur d'autres, M. Moedas est tout à fait ouvert au débat. Il faut être également exigeant pour tous, et non davantage envers la recherche publique qu'envers la sphère privée. Des outils existent pour y parvenir.

L'Europe ne s'est pas encore saisie de la question des lanceurs d'alerte. Cette piste de travail pourra être explorée dans les mois qui viennent.

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Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d'État, de nous avoir ainsi éclairés avec précision sur les enjeux du prochain Conseil européen de la recherche et, plus largement, sur les problématiques de la recherche européenne.

Nous vous serons reconnaissants de nous informer par écrit de la manière dont de Conseil du 1er décembre se sera déroulé.

II. Examen du rapport d'information de MM. Bernard Deflesselles, Jérôme Lambert et Arnaud Leroy, sur les négociations internationales relatives au changement climatique

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Nous présentons ce rapport – qui paraît chaque année à la veille de la COP - pour la huitième année consécutive avec Bernard Deflesselles, et pour la seconde avec Arnaud Leroy. Cette année est particulière, dans la mesure où la Conférence se tient à Paris, mais aussi parce que le niveau d'information et de sensibilisation des uns et des autres est très important, ce qui n'était pas le cas les années précédentes. Il s'agit de la vingt-et-unième COP et il est important que l'Assemblée Nationale montre qu'elle est pleinement investie sur ce sujet.

La COP de Paris doit marquer un point d'étape majeur. La feuille de route fixée à la COP de Durban, réitérée à Lima l'an passé, était claire : tous les pays doivent parvenir en 2015 à un accord applicable à tous, juridiquement contraignant et ambitieux, permettant de respecter l'objectif que s'est fixée la communauté internationale de contenir le réchauffement climatique à +2°C. Cet accord doit entrer en vigueur dès 2020, à l'issue de la seconde période d'engagement du protocole de Kyoto.

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Il est important de rappeler les enjeux de cette COP. La communauté scientifique - à travers le GIEC - depuis maintenant cinq rapports depuis près de vingt ans, alerte les pouvoirs publics sur le danger que le CO2 réchauffe la planète. Le dernier rapport du GIEC est à cet égard très parlant : publié en 2014, il présente trois idées fortes :

- il affirme que 95 % du réchauffement est bien dû à l'activité humaine, tordant ainsi le cou aux climatosceptiques. Les énergies carbonées (pétrole, charbon, gaz), indispensables à la croissance, y tiennent une large part ;

- si nous n'y prenons garde, nous connaitrons des désagréments planétaires – climat, sécurité sanitaire, sécurité alimentaire, déplacement des populations. Nous savons que si nous n'arrivons pas à maintenir la hausse des températures aux alentours de 2°C – idéalement 1,5°C –, les désagréments pour la planète seront énormes ;

- ces désagréments peuvent être quantifiés : selon le GIEC, il s'agirait d'une hausse des températures allant de 4,5°C à 4,8°C. Il s'agit d'un changement d'échelle. Si nous arrivons à limiter la hausse des températures à 1,5 ou 2°C, nous limiterons les dégâts. Par contre, si rien n'est fait, nous iront vers une hausse des 4,5°C et de profondes difficultés. C'est la raison pour laquelle la communauté internationale s'est mobilisée sur le sujet.

La négociation de Paris a plusieurs facettes.

Tout d'abord, comment pouvons-nous « embarquer » la majorité des pays des Nations Unies dans cette aventure ? Il y a déjà eu un précédent avec le Protocole de Kyoto de 1997, mis en oeuvre en 2005, avec 55 pays engagés. Le résultat n'a pas été à la hauteur des espérances, puis la diminution des émissions de CO2 devait être de 5 % entre 2008 et 2012, et que le bilan s'est soldé à + 34 % !

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Beaucoup des pays avaient signé des engagements et se sont retirés du Protocole de Kyoto !

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Cela a été le cas du Canada ou de la Russie par exemple. La première question est donc de savoir comment « embarquer » la quasi-totalité des 195 pays dans un accord international. À Lima et à Durban, on a acté l‘établissement, en langage onusien, des « INDCs » c'est-à-dire les feuilles de route devant être remontées par chaque pays au cours de l'année 2015. Plus de 160 pays ont renvoyé leur feuille de route, représentant 90 % à 92 % des émissions de CO2. De ce point de vue, l'objectif est presque réussi. Le seul problème est qu'il s'agit de déclaratif, il n'y a rien d'impératif et aucun contrôle.

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Et nous sommes loin du compte, loin d'atteindre une augmentation de seulement 2°C lorsqu'on additionne ces feuilles de route.

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En effet, lorsque l'on collationne ces feuilles de route, ce qu'ont fait les Nations Unies début octobre, on se situe davantage autour d'une hausse de 3°C. Il y a d'ailleurs une petite polémique sur ce sujet, dans la mesure où un seul organisme a fait cette évaluation. La hausse des températures serait en réalité plus proche des 3,5°C, ce qui est très loin de la cible de 1,5 à 2°C ; en voici un exemple chiffré :

- en 2000, tous les pays confondus envoyaient 40 Gt (milliards de tonnes) de CO2 dans l'atmosphère ;

- actuellement, ce sont 50 Gt de CO2 qui sont émises ;

- en 2030, ce sera 60 Gt si nous ne faisons rien ;

- avec les INDCs, c'est-à-dire avec toutes les feuilles de route collationnées à ce jour, on arriverait à un peu plus de 56 Gt. Mais cela est très loin de la cible, puisqu'il faudrait émettre 42 Gt pour atteindre l'objectif des 2°C. La cible n'est donc pas du tout atteignable avec les engagements actuels.

L'épuisement de notre quota est un autre exemple parlant : on estime qu'il resterait environ 1 000 milliards de tonnes à l'horizon 2100, et l'on en a consommé déjà une grande partie.

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Tous les gouvernements des Nations Unies (195 pays) ont préparé ces derniers mois la Conférence de Paris. Chacun a fait remonter sa feuille de route et l'on a essayé de bâtir les termes d'un accord. À la veille de l'ouverture de la COP, un moins après la tenue de la pré-COP de Bonn, le document servant de base au futur accord est considéré comme étant très problématique. « Le texte n'est pas celui que j'avais espéré pour le début de la conférence de Paris », a convenu Laurence Tubiana, l'Ambassadrice française chargée des négociations sur le changement climatique. Beaucoup de choses demeurent ainsi à obtenir dans la négociation qui va s'ouvrir, et qui risque de buter sur des points durs.

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Exceptionnellement cette année, il y a eu trois sessions de négociations à Bonn, au lieu d'une habituellement. Si le document qui sert de base à la COP est de mauvaise facture, il est en effet compliqué de le modifier ensuite. Malheureusement, le texte devant servir de base à l'accord, qui faisait initialement plus de 100 pages et avait été réduit à 20-25 pages, est remonté à 55 pages, dans la mesure où les pays en développement n'étaient pas d'accord, estimant que beaucoup leurs préoccupations ont été rayées du document. Cette base de négociation qui va être très compliquée à amender.

Deuxièmement, la nature de l'accord est très importante. Nous souhaitons que l'accord soit juridiquement contraignant. Si tel n'était pas le cas, cela affaiblira la portée et la robustesse de cet accord. Il s'agit donc de trouver le véhicule de cet accord, qui pourrait prendre la forme d'un traité international, d'un codicille, etc. Or, à moins de trois semaines de la COP21, le Secrétaire d'État des États-Unis américain John Kerry a indiqué que l'accord de Paris « ne sera certainement pas un traité. Il n'y aura pas d'objectifs de réduction [des émissions de gaz à effet de serre] juridiquement contraignants, comme cela avait été le cas à Kyoto ». Le Congrès américain en vent debout contre un accord qui soit juridiquement contraignant ». Il y a d'ailleurs eu un précédent avec Bill Clinton, qui avait signé le Protocole de Kyoto et a ensuite été désavoué par le Congrès. L'Administration Obama, que nous avons rencontrée au mois de février, avait trouvé quelques pistes pour contourner l'accord du Congrès ; mais au vu des récentes déclarations de John Kerry, les choses semblent ne pas avoir évolué en ce sens.... La nature du document va peser dans la robustesse et la crédibilité de l'accord : il ne faut pas qu'il s'agisse d'un texte dépourvu de portée juridique.

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De plus, la communauté internationale s'était engagée à Kyoto avec un accord juridiquement contraignant. Mais s'il n'y a pas de contrôle et de sanctions à la clef, cela est insuffisant.

J'ai le sentiment que, depuis des années, même si la conscience du problème du réchauffement climatique a grandi et s'est généralisée, on n'évolue pas vers un accord qui soit juridiquement contraignant, assorti de contrôles et de sanctions.

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La France a beaucoup travaillé, avec sa diplomatie, sur le sujet, et a acté avec la Chine l'idée d'une clause de révision tous les cinq ans. Si cela est effectif – l'Inde ne veut pas en entendre parler – c'est une bonne chose. Malgré tout, je suis un peu dubitatif. On ne peut pas simplement se satisfaire du codicille, si toutefois on l'obtient. Ce qui compte, c'est d'avoir un organe juridiquement fondé, crédible et indépendant qui puisse contrôler.

Les choses sont donc compliquées, avec

- d'une part une feuille de route purement déclarative des pays ;

- on ne connait pas encore l'outil juridique qui va sortir des négociations ;

- quel que soit cet outil juridique, il n'est pas assorti d'outils de contrôle et de sanctions ;

- et il reste le problème du financement.

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Le problème du financement est d'ailleurs mis en avant par beaucoup de pays afin de ne pas prendre d'engagements, dans le mesure où on leur demande de prendre des engagements sur des niveaux d'émissions futures, sans prendre à leur égard d'engagements – on en est loin – sur le plan des aides financières.

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Des outils financiers avaient été mis en place par les Nations Unies, notamment le « Fast start » il y a quelques années. À la COP de Copenhague en 2009, l'engagement a été pris de débloquer 100 milliards de dollars par an en faveur du climat. Actuellement, le Fonds vert est pourvu de 10 milliards de dollars seulement. Il y a tout de même un point positif : le 5 novembre dernier, le conseil d'administration du Fonds vert a validé la participation du fonds, pour 168 millions de dollars, à huit projets d'atténuation et d'adaptation aux effets du réchauffement climatique au Bangladesh, aux Fidji, au Malawi, aux Maldives, au Pérou, au Sénégal, en Afrique de l'Est et dans la zone Caraïbe. Mais il s'agit d'un tout petit pas…

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Il existe des débats sur ce qu'il convient de compter dans les 100 milliards. L'OCDE considère que les flux financiers entre le Nord et le Sud sont actuellement de l'ordre de 60 milliards de dollars. Certains disent qu'il suffit donc d'ajouter la différence pour atteindre les 100 milliards de dollars. Mais les pays du Sud considèrent que l'aide au développement des pays développés ne rentre pas nécessairement dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. Et certains pays riches ont la tentation de réduire leur facture en considérant l'ensemble des aides au développement qu'ils versent déjà, ce d'autant qu'ils se trouvent eux-mêmes dans des contextes budgétaires difficiles….

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Cette évaluation à 62 milliards par l'OCDE fait tout de même débat. On sait qu'il y a une partie de recyclage de crédits, notamment via les agences de développement des pays : nul ne sait si ces 62 milliards sont effectivement au rendez-vous ! Les pays en développement continuent à dénoncer le fait qu'ils ne reçoivent pas grand-chose et que l'on est loin du compte. Je pense qu'ils ont raison et que nous devons les soutenir de ce point de vue. On nous annonce que la Banque de développement ajouterait 15 milliards de dollars, mais c'est un peu la chasuble qui cache la misère. La perspective d'une révision de l'accord tous les cinq ans est d'ailleurs un peu du même acabit… Nous sommes très dubitatifs.

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La position de l'Union européenne nous semble quant à elle claire, dynamique et positive. Si les promesses des accords de Kyoto en matière d'émissions de CO2 n'ont pas été tenues, ce n'est pas du fait de l'Union européenne, qui, elle, a respecté ses engagements. D'une manière générale, l'Union européenne est en pointe en matière de négociations internationales relatives au changement climatique. Si tous les pays du monde avaient la même conscience et les mêmes engagements, nous n'en serions pas là…

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L'Union européenne a arrêté sa position, en octobre 2014, qui prévoit un objectif contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport au niveau de 1990, un objectif contraignant fixant la part d'énergies renouvelables à 27 % à horizon 2030 et l'amélioration de l'efficacité énergétique d'au moins 27 %.

Les États-Unis ne se sont quant à eux engagés qu'à réduire de 26 à 28 % leurs émissions de CO2, qui plus est avec 2005 comme année de référence ! L'année de référence de l'Union européenne est 1990. Ramené à aux bases de calcul des 40 % de réduction de l'Union européenne, l'engagement des États-Unis ne revient qu'à une baisse de 10 ou 12 %....

Quant à la Chine, elle a dit prendre l'engagement de stabiliser ses émissions de CO2 en 2030 : cela signifie qu'elle s'autorise à les augmenter jusqu‘à cette date ! Avec 7 tonnes d'émissions par habitant, pour 1,25 milliards d'habitants, nous sommes loin du compte !

Certes, il y a des avancées, des prises de conscience, mais c'est encore très insuffisant.

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La Conférence d'Addis-Abeba sur le financement du développement a été globalement négative. On comprend que les pays en développement ne nous fassent pas confiance et arrivent à la COP21 en étant très remontés, puisqu'on leur a dit que tout ce qui était fait en leur faveur relevait du climat. De plus, ils ont l'impression d'être pris en tenaille entre deux égoïsmes, celui des pays occidentaux, et celui des BRICS. L'accord contraignant sera très difficile à obtenir, et il reste à espérer que le texte final permette d'accélérer dans les cinq années à venir.

Je tiens à souligner que les ONG sont également sorties très déçues de la Conférence d'Addis-Abeba, et sont très remontées par rapport à la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui. Elles seront très attentives à l'accord qui va sortir de la COP21.

L'Union européenne risque quant à elle de rester la « bonne élève » en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

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L'Union européenne est responsable de 12 % des émissions de CO2. Même si elle fait beaucoup d'efforts, il reste 88 % du monde qui lui aussi doit faire beaucoup d'efforts ! Plus on attend, plus les conséquences de l'inaction ou de l'action insuffisante risquent de se faire sentir. Il ne faudrait pas que l'on arrive à de multiples catastrophes climatiques pour que tous les pays se trouvent contraints à agir.

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Je déplore que le fossé entre les pays développés et les pays en développement ne se soit pas comblé. Nous avons perdu notre crédibilité en faisant beaucoup de promesses non tenues, en matière de financement, de transferts de technologies qui ne fonctionnent pas, etc..

Malheureusement, les grandes instances internationales comme le G7 et le G20 se sont réunies en juin s'agissant du G7 et il y a quelques semaines pour le G20, se sont pratiquement désintéressés de la question. Cela, alors même que les économies du G20 contribuent près de 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Ainsi, la déclaration finale du sommet du G20 d'Antalya ne contient pas de nouvel engagement en matière de financement climatique ; on n'y trouve trace d'aucun engagement concernant l'élimination des subventions aux combustibles fossiles et le texte ne dit pas un mot de l'objectif de décarbonisation de l'économie à long terme…

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La COP21 a certes pour objectif de trouver un accord sur le climat. Mais l'enjeu va bien au-delà : c'est celui de l'Humanité sur cette planète, c'est un enjeu de survie de l'Humanité. J'ai l'impression que l'on ne développe pas suffisamment cet enjeu humanitaire et planétaire. Certes, le travail doit se poursuivre, mais il faut aussi l'inscrire dans la durée, dans l'évolution du monde et de la planète.

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Nous partageons tous cette réaction. L'enjeu de l'Humanité n'est pas suffisamment vu par les dirigeants d'une manière générale. Nous allons continuer à nous battre pour une action à long terme.

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Les finances sont une chose, mais il n'y a pas que cela : il faut une volonté politique !

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

l Textes « actés » de manière tacite

Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), et 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d'ajustement à la mondialisation), celle-ci a pris acte tacitement des documents suivants :

Ø BUDGET COMMUNAUTAIRE

- Proposition de virement de crédits n° DEC 352015 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2015 (DEC 352015 – E 10726).

- Proposition de virement de crédits n° DEC 372015 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2015 (DEC 372015 – E 10734).

Ø INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES

- Conseil d'administration de l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes - Nomination de Mme Rita ZEMAITYTE-TACK, membre titulaire lituanien, en remplacement de Mme Vanda JURŠÉNIENÉ, démissionnaire (1358615 – E 10717).

- Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs - Nomination de M. Torben Dam JENSEN, membre titulaire danois, en remplacement de Mme Helle Hjort BENTZ, démissionnaire (1392015 – E 10718).

- Conseil d'administration de l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes - Nomination de Mme Jacqueline PRINS, membre néerlandais, en remplacement de Mme Carlien SCHEELE, démissionnaire (1393515 – E 10719).

- Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs - Nomination de Mme Dorthe ANDERSEN, membre suppléant danois, en remplacement de Mme Karen ROIY, démissionnaire (13921115 – E 10720).

- Décision du Conseil portant nomination d'un suppléant danois du Comité des régions (1403115 – E 10729).

Ø POLITIQUE SOCIALE - TRAVAIL

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (demande de la Finlande – EGF2015005 FIComputer Programming) (COM(2015) 553 final – E 10721).

Accords tacites de la Commission liés au calendrier d'adoption par le Conseil

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Ø ELARGISSEMENT et VOISINAGE

- Décision du Conseil modifiant la décision 2014486PESC relative à la mission de conseil de l'Union européenne sur la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine (EUAM Ukraine) (1367415 – E 10727).

Ø POLITIQUE ETRANGERE ET DE SECURITE COMMUNE (PESC)

- Décision du Conseil à l'appui de la résolution 2235 (2015) du Conseil de sécurité des Nations unies établissant un mécanisme d'enquête conjoint OIAC-ONU chargé d'identifier les auteurs d'attaques à l'arme chimique en République arabe syrienne (1378715 – E 10728).

La séance est levée à 19 h 05