Intervention de Fabien Veyret

Réunion du 29 juin 2016 à 16h30
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Fabien Veyret, responsable du réseau énergie de France Nature Environnement, FNE :

France Nature Environnement rassemble un peu plus de 3 500 associations réparties sur tout le territoire.

Les débats parlementaires sur le projet de loi de transition énergétique ont dégagé un consensus sur l'importance de répondre aux enjeux du bâtiment. Répondre aux enjeux du bâtiment suppose à la fois d'agir sur un gisement d'économies d'énergie, d'améliorer le confort et donc la qualité de vie des personnes, de prévenir les situations de précarité énergétique, mais aussi d'engager les travaux de rénovation.

Au moment de l'adoption de la loi, nous avions reconnu qu'elle comportait des objectifs satisfaisants et des mesures intéressantes, mais nous avions également manifesté une grande vigilance quant à sa mise en oeuvre. Aujourd'hui, nous constatons que les décrets d'application publiés depuis un an ne permettront pas d'atteindre les objectifs fixés dans la loi.

Nous avons le plaisir de faire partie du Conseil supérieur de la construction. Néanmoins, pour que l'aspect efficacité énergétique vive au sein de cette instance, des améliorations devraient être apportées sur le contenu, les supports de présentation, et la représentation au sein de ce conseil.

Le projet de décret relatif au logement décent, prévu à l'article 12, définit des critères qualitatifs de performance énergétique très flous – vitrages en bon état, étanchéité à l'air correct – et peu ambitieux : murs jointifs, carreaux aux fenêtres… Ce texte ne répond en rien aux objectifs de la loi. Pour fixer un critère de performance énergétique, j'ai la naïveté de penser qu'il faut s'exprimer en kilowattheures par mètre carré et par an, critère mesurable et partagé par tous les acteurs.

Nous plaidons de longue date pour la mise à jour de la réglementation thermique (RT) des bâtiments existants ; nous avions d'ailleurs déposé en 2014 avec nos confrères du CLER une plainte auprès de la Commission européenne, estimant que cette réglementation ne correspond pas aux objectifs européens. Certes, cette RT est en cours de révision, mais elle ne répondra pas aux objectifs fixés dans la loi, notamment les rénovations par étapes. Le décret reste dans une vision binaire : les logements rénovés de plus de 1 000 mètres carrés se verront appliquer la RT globale ; en deçà, une réglementation est appliquée élément par élément, ce qui a juste pour effet de structurer l'offre de marché des produits isolants. Ensuite, sont introduites dans cette RT des approches différentes en fonction des zones géographiques, si bien que la majorité du territoire est en deçà des objectifs de la RT 2007. La gestion active est également oubliée dans ce texte. Une des ambitions affichées lors de la Conférence environnementale par Mme la ministre était de retenir les critères européens les plus performants ; or, cet objectif n'est pas non plus respecté, comme le montre la comparaison entre le projet de RT avec les critères européens.

Le décret sur les travaux embarqués nécessite lui-même de réviser la RT élément par élément ; or il a été élaboré sur la base de l'ancienne version de cette RT. Du coup, ce texte était déjà obsolète dès sa publication, puisqu'il s'appuyait sur une étude d'impact qui parle de la rénovation de 50% des maisons individuelles construites entre 1950 et 1975. Nous regrettons de ne pas avoir été entendus avant l'engagement du travail sur le décret.

S'agissant de l'article 13, sur la norme minimale de performance énergétique, le décret élargit un texte applicable précédemment en concernant aussi les maisons individuelles issues du parc de logement social. On n'a pas touché à l'objectif de 330 kilowattheures par mètre carré par an qui existait avant la loi. Là encore, les objectifs de la loi ne sont pas pris en compte dans le décret.

Enfin, sur l'individualisation des frais de chauffage, il est intéressant de donner la possibilité aux foyers de se réapproprier leur consommation d'énergie. Mais nous regrettons qu'aucun critère de solidarité n'ait été intégré dans le décret. En effet, l'individualisation des frais de chauffage pose les questions de la position du logement, de l'état des logements occupés ou vacants qui impactent sur les consommations d'énergie des logements voisins, mais aussi du statut de l'occupant – les foyers en recherche d'emploi qui restent toute la journée à la maison auront des dépenses énergétiques plus importantes, alors qu'ils sont plus vulnérables. Nous regrettons, là encore, de ne pas avoir été entendus sur les critères de solidarité qui auraient dû être introduits dans ce décret.

En conclusion, l'échec annoncé des objectifs fixés par la loi est en passe de devenir une réalité : si les décrets ne répondent pas à ces objectifs, on va continuer à se poser la question de savoir comment rénover le parc construit au lendemain de la Deuxième guerre mondiale.

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